Une bonne nouvelle
#2
Quand elle avait appris que son père tenait à la voir – avec Hemina - à Malefosse, elle savait que ça n'allait pas être une partie de plaisir. En fait, si elle avait pu disparaître à ce moment là, elle l'aurait fait.
Assise dans la diligence, la jeune femme réfléchissait tout en maugréant un peu. L'idée même de revoir Hemina ne la mettait pas en joie, quant à son père... cela faisait plus d'un an qu'ils ne s'étaient pas rencontrés, quand bien même elle était passée à Malefosse plusieurs fois. Elle l'avait évité, à juste raison puisqu'elle le détestait encore. Elle le détestait même encore plus depuis que Lìrulìn avait disparu, et qu'elle avait compris qu'elle ne la reverrait jamais.

« Je ne sais pas ce qu'ils vont annoncer, mais si c'est un second enfant, je jure que je brûle le château. »

Son air était sérieux. Elle avait déjà Victor et Hemina n'était pas encore trop vieille pour faire un second enfant avec Lazzare qui, quoi que vieillissant, rester encore une force de l'âge. Il était tout comme Léonide un homme robuste que le temps taillait petit à petit, sculptant encore plus au fur et à mesure de sa vie.
Lazzare était bien plus beau maintenant, bien plus charismatique. A le voir, on aurait cru que c'était lui le noble de l'histoire, alors même qu'il n'était qu'un simple Nurmeth.

« J'imagine que tu n'as aucune information supplémentaire ? J'aurais au moins pu essayé de me préparer mentalement à ne pas le tuer.... »

La petite peste continuait à déverser son fiel.

La diligence, elle, quittait enfin la route de terre pour les pavés de la ville. Le petit cliquetis des sabots des chevaux indiquèrent aux deux jeunes personnes qu'ils n'étaient plus très loin de leur destination.

Ils n'eurent qu'à attendre quelques minutes supplémentaires pour que la caravane ne s'arrête. Le cocher, un homme sinistre, ouvrit la porte et jeta un regard à l'intérieur. Cendre fut la première à se lever et ne demanda pas d'aide pour descendre. Elle n'était pas encore en présence de son père que déjà son sang semblait bouillir dans ses veines.
Elle jeta un petit regard courroucé à la maison familiale d'Hemina et de Lazzare.

Leur maison à eux, à sa famille à elle, était restée celle de son enfance – celle de Malmont. Un petit manoir sublime. Il était vrai que la demeure de Malmont était moins prestigieuse que celle de Malefosse, mais elle avait un goût authentique – un goût authentique d'amertume.
Cendre jeta un regard à Victor et le suivit en silence alors que deux domestiques attrapaient chacun les bagages plutôt petits des deux taliens. Ils n'avaient pas prévu de s'attarder, chacun ayant ses raisons.

Après avoir passer la porte de la maison de maître, Cendre aperçut Lazzare qui attendait au milieu du couloir, à l'entrée du premier petit salon.
Elle se figea sur place alors même qu'une bonne lui demandait son manteau. Ses doigts se crispèrent. Elle pensa quelques secondes qu'une déflagration allait tout droit sortir de ses lèvres tant sa langue pleine de poison lui brûlait, mais elle n'en fit rien.
Quelques secondes seulement après, elle retirait sagement sa veste et la tendait à la suivante avant d'approcher son père.
Lazzare, lui, était toujours là. Large d'épaule, le regard droit. Il n'avait pas son armure, mais même sans il gardait cette prestance que n'ont que les véritables paladins. Si seulement il avait pu l'être jusque dans son cœur, et pas seulement aux portes de ce dernier.
Cendre eut un sourire crispé. Hemina n'était pas encore là, alors ce n'était pas aussi douloureux que ça ne devait l'être.

« Bonsoir, héros » salua d'un air très solennel Lazzare.
« Bonsoir, Papa » trancha Cendre.

Elle le fixait de ses grands yeux d'or, et il soutenait ce regard. Elle avait changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vu. Elle était plus affirmée, et quoi qu'elle n'avait rien gagné en taille, ses cheveux plus longs et sa tunique la rendaient plus féminines. Il fronça légèrement les sourcils. Sa chère fille n'était plus une enfant mais une sorcière flamboyante aguerrie et reconnue.

« Vous... devriez prendre place, dans le petit salon. Hemina arrive... »

Pour une rare fois, Lazzare était fuyant, presque peureux. Ou peut-être qu'il ménageait simplement la jeune fille ? Cendre suivit Victor dans le petit salon et s'asseya dans le fauteuil où elle s'asseyait toujours, à savoir celui qui en soie verte avait une petite déchirure au pied. C'avait été fait par le chat de Victor dans ses années fougueuses. Depuis, l'animal était horriblement stoïque, à l'image même des gens qui grouillaient dans ce palace.

Elle posa ses mains sur ses genoux et attendit, comme une offrande attends son heure, fière et indomptable à la fois.

« Vous avez fait bon voyage ? »

Lazzare dardait d'un regard insistant Victor, encourageant ce dernier à meubler la conversation, parfaitement conscient que Cendre resterait cette petite poupée de cire désagréable qu'elle était à chaque fois qu'elle venait ici.
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