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Une bonne nouvelle - Hector Di Scudira - 26-01-2017 Elle plia la lettre avec soin, puis prit la cire chaude pour la cacheter avec soin. Elle appuya le sceau des Di Velija sur le liquide rouge et puis se leva de la confortable chaise sur laquelle elle était installée, derrière son bureau. Citation :Ma chère Cendre, mon cher Victor,Il comprenait à présent pourquoi cette lettre était si courte. A l'évidence, elle avait quelque chose à lui dire. Voire son père aussi. D'habitude, elle lui demandait simplement de venir passer quelques jours, sans pour autant donner de date précise. Ou peut-être était-elle si claire parce qu'elle invitait Cendre également ? Il alla retrouver sa sœur pour lui donner. Une bonne nouvelle - Cendre Meneldä - 27-01-2017 Quand elle avait appris que son père tenait à la voir – avec Hemina - à Malefosse, elle savait que ça n'allait pas être une partie de plaisir. En fait, si elle avait pu disparaître à ce moment là, elle l'aurait fait. Assise dans la diligence, la jeune femme réfléchissait tout en maugréant un peu. L'idée même de revoir Hemina ne la mettait pas en joie, quant à son père... cela faisait plus d'un an qu'ils ne s'étaient pas rencontrés, quand bien même elle était passée à Malefosse plusieurs fois. Elle l'avait évité, à juste raison puisqu'elle le détestait encore. Elle le détestait même encore plus depuis que Lìrulìn avait disparu, et qu'elle avait compris qu'elle ne la reverrait jamais. « Je ne sais pas ce qu'ils vont annoncer, mais si c'est un second enfant, je jure que je brûle le château. » Son air était sérieux. Elle avait déjà Victor et Hemina n'était pas encore trop vieille pour faire un second enfant avec Lazzare qui, quoi que vieillissant, rester encore une force de l'âge. Il était tout comme Léonide un homme robuste que le temps taillait petit à petit, sculptant encore plus au fur et à mesure de sa vie. Lazzare était bien plus beau maintenant, bien plus charismatique. A le voir, on aurait cru que c'était lui le noble de l'histoire, alors même qu'il n'était qu'un simple Nurmeth. « J'imagine que tu n'as aucune information supplémentaire ? J'aurais au moins pu essayé de me préparer mentalement à ne pas le tuer.... » La petite peste continuait à déverser son fiel. La diligence, elle, quittait enfin la route de terre pour les pavés de la ville. Le petit cliquetis des sabots des chevaux indiquèrent aux deux jeunes personnes qu'ils n'étaient plus très loin de leur destination. Ils n'eurent qu'à attendre quelques minutes supplémentaires pour que la caravane ne s'arrête. Le cocher, un homme sinistre, ouvrit la porte et jeta un regard à l'intérieur. Cendre fut la première à se lever et ne demanda pas d'aide pour descendre. Elle n'était pas encore en présence de son père que déjà son sang semblait bouillir dans ses veines. Elle jeta un petit regard courroucé à la maison familiale d'Hemina et de Lazzare. Leur maison à eux, à sa famille à elle, était restée celle de son enfance – celle de Malmont. Un petit manoir sublime. Il était vrai que la demeure de Malmont était moins prestigieuse que celle de Malefosse, mais elle avait un goût authentique – un goût authentique d'amertume. Cendre jeta un regard à Victor et le suivit en silence alors que deux domestiques attrapaient chacun les bagages plutôt petits des deux taliens. Ils n'avaient pas prévu de s'attarder, chacun ayant ses raisons. Après avoir passer la porte de la maison de maître, Cendre aperçut Lazzare qui attendait au milieu du couloir, à l'entrée du premier petit salon. Elle se figea sur place alors même qu'une bonne lui demandait son manteau. Ses doigts se crispèrent. Elle pensa quelques secondes qu'une déflagration allait tout droit sortir de ses lèvres tant sa langue pleine de poison lui brûlait, mais elle n'en fit rien. Quelques secondes seulement après, elle retirait sagement sa veste et la tendait à la suivante avant d'approcher son père. Lazzare, lui, était toujours là. Large d'épaule, le regard droit. Il n'avait pas son armure, mais même sans il gardait cette prestance que n'ont que les véritables paladins. Si seulement il avait pu l'être jusque dans son cœur, et pas seulement aux portes de ce dernier. Cendre eut un sourire crispé. Hemina n'était pas encore là, alors ce n'était pas aussi douloureux que ça ne devait l'être. « Bonsoir, héros » salua d'un air très solennel Lazzare. « Bonsoir, Papa » trancha Cendre. Elle le fixait de ses grands yeux d'or, et il soutenait ce regard. Elle avait changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vu. Elle était plus affirmée, et quoi qu'elle n'avait rien gagné en taille, ses cheveux plus longs et sa tunique la rendaient plus féminines. Il fronça légèrement les sourcils. Sa chère fille n'était plus une enfant mais une sorcière flamboyante aguerrie et reconnue. « Vous... devriez prendre place, dans le petit salon. Hemina arrive... » Pour une rare fois, Lazzare était fuyant, presque peureux. Ou peut-être qu'il ménageait simplement la jeune fille ? Cendre suivit Victor dans le petit salon et s'asseya dans le fauteuil où elle s'asseyait toujours, à savoir celui qui en soie verte avait une petite déchirure au pied. C'avait été fait par le chat de Victor dans ses années fougueuses. Depuis, l'animal était horriblement stoïque, à l'image même des gens qui grouillaient dans ce palace. Elle posa ses mains sur ses genoux et attendit, comme une offrande attends son heure, fière et indomptable à la fois. « Vous avez fait bon voyage ? » Lazzare dardait d'un regard insistant Victor, encourageant ce dernier à meubler la conversation, parfaitement conscient que Cendre resterait cette petite poupée de cire désagréable qu'elle était à chaque fois qu'elle venait ici. Une bonne nouvelle - Hector Di Scudira - 27-01-2017 Victor poussa un petit soupir. Il aurait préféré voyager à cheval, trottant tranquillement avec Ablette, galopant parfois au milieu des plaines Taliennes. Mais au lieu de ça, il se retrouvait les fesses posées dans une diligence qui cahotait sur le chemin. Une bonne nouvelle - Cendre Meneldä - 27-01-2017 Musique La jeune femme leva les yeux au ciel. Là, il en faisait un peu trop. La route jusqu'à Malefosse était longue et pénible. Déjà quand elle était toute jeune elle n'aimait pas quitter Malmont pour Malefosse car les pavés étaient encrassés. Depuis les travaux nécessaires avaient été entrepris, mais il lui restait toujours une mauvaise impression de la région. Cendre quitta ses pensées quand Hemina arriva dans le petit salon. Elle était joliment vêtue, comme à l'accoutumée. Elle ne manquait aucune mode chez les mondaines et son port était bien plus racé que celui de ce bon Lazzare. L'homme lui jeta d'ailleurs un regard rassuré, comme si sa présence était une bénédiction. La gorge de Cendre se serra quand Victor se leva et enserra sa mère. Un sourire mécanique et mal à l'aise s'installa sur son minois pâlissant. « Merci Hemina.. Vous êtes.. Votre robe est très seyante également... » Elle le pensait vraiment mais il était vrai que ce n'était pas vraiment dans ses habitudes de se montrer courtoise avec l'amante de son père. Elle s'enfonça un peu plus dans son fauteuil et ses doigts s'enlacèrent. Cendre se pinça les lèvres. Le silence qui s'était installé était lourd, pesant. Il en était presque poisseux. Elle ne se sentait pas mal, mais il y avait là comme une impression de prise au piège. Elle fronça délicatement les sourcils, ce qui lui donnait un air un peu enfantin et bougon. Aucun d'eux ne voulait se lancer. Hemina fixait Lazzare, lui intimant de commencer, mais le paladin était hésitant. Il cherchait sans doute comment aborder la chose. « Je ne suis pas pour » commença Cendre, laissant Lazzare surpris – est-ce qu'elle savait déjà ? « Je n'ai sans doute pas mon mot à dire, comme je n'ai jamais eu mon mot à dire sur ta vie, mon Père, mais je ne l'accepterais pas. Victor est mon seul frère, et ma seule famille. Je n'accepterais pas un second bâtard. » De nouveau, un malaise s'installa. Lazzare ne savait pas s'il devait rire de la méprise ou s'il devait justement pleurer, car de bâtard bientôt il ne serait plus jamais question. Cendre, légèrement agacée par les silences répétés et répétitifs, se leva d'un coup. Ses joues étaient légèrement rougies. « Si c'était juste pour m'annoncer que vous alliez encore avoir un enfant, vous auriez pu vous en passer. Mon avis et ma présence n'étaient en aucun cas requis. » Lazzare inspira profondément et tapa d'un coup sec sur l'accoudoir de bois de son fauteuil, faisant sursauter sa fille aînée. « Si ce n'était que pour ça, nous ne t'aurions pas dérangé Cendre. Maintenant, assis-toi, car la raison de notre convocation est bien plus formelle et … par respect, j'aimerais que tu l'entendes de vive voix. » « Si tu comptes me déshériter, tu peux » recommença la rousse en se rasseyant sur son fauteuil, « je ne voulais déjà pas de ton nom, alors de ton domaine... » « Cendre. Hemina et moi, nous allons nous marier. » La jeune sorcière eut un hoquet de surprise et jeta un regard à Victor, comme pour demander s'il avait bien entendu ce qu'elle venait d'entendre. Elle darda de nouveau son père d'un regard incompris, puis rapidement, comme à son habitude, la colère monta. Elle frappa elle aussi sur l'accoudoir de son fauteuil alors que ses yeux d'or brillaient d'une terrible lueur. Elle allait tous les brûler. « Tu ne peux pas te marier ! Tu es marié à ma mère ! » vociféra la rousse. « Cendre, Cendre... Ça fait un an que ta mère a disparu, un an que Lìrulìn n'a plus montré la moindre trace de vie. J'y ai cru, crois-moi, mais là... je n'y crois plus. » Il la regarda, d'un air sincèrement désolé. « Je n'ai plus le courage d'y croire, pardonne-moi. » La jeune femme fixait Lazzare comme si tout ce qu'elle voyait n'était qu'une violente hallucination, un cauchemar. Oui, pour vrai, tout ceci n'était forcément qu'un cauchemar et elle allait réveiller. Sa mère serait là, auprès de son lit, à lui tamponner doucement le front. Lenwë lui apporterait de petits chocolats fourrés de caramel comme elle aimait tant. Victor n'aurait que quatorze ans et ils s'entendraient comme deux enfants... De petites perles se formèrent au coin des paupières de Cendre. Après la visite à Cyrijäl, elle avait appris que jamais la caravane partie d'Asteras n'était arrivée. On avait plus jamais entendu parler de Lìrulìn depuis plus de trois ans. Peut-être que Lazzare avait raison, peut-être bien que Lìrulìn était morte, mais était-ce trop de demander un tant soit peu de compassion ? Elle leva sa main et essuya rageusement une larme. « Selon la loi talienne, Hemina et moi avons le droit de nous marier » dit-il avec un peu plus d'entrain, jetant un regard à Victor, cherchant pour la première fois un appui dans cette famille qui ne tenait pas debout, qui ne tenait qu'à la force de sa voix et de sa force, « Nous avons attendu cinq-cent-cinquante jours comme le veut la tradition. Hier, la statuette de ta mère - » « De ton épouse » répondit, malade, Cendre. « - a été détruite et j'ai regagné le cœur de ma statuette. Hemina et moi pouvons cette fois échanger nos cœurs et... » « Selon la loi elfe, tu n'aurais jamais du avoir de maîtresse et tu devrais mourir de chagrin si tu n'avais ne serais-ce qu'un tant soit peu aimer ma mère. » Cendre se leva et ses yeux rougies par les pleurs jetèrent un regard circulaire à la pièce. Par quel bout allait-elle commencer ? Quel mur allait brûler le premier ? « Comment oses-tu croire qu'elle est morte ? » Une flamme s'échappa de sa main droite, mais elle la serra si bien que la boule fut contenue dans sa paume sans la brûler. Lazzare se leva, se mettant naturellement devant Hemina, mais la sorcière n'avait pas l'attention de blesser qui que ce soit ici. Non, c'était plutôt l'inverse. Lazzare, encore et encore, égoïste jusqu'au bout, venait de sortir de terre une hache de guerre qu'elle avait cru enterré. Un an plus tard, il lui broyait le cœur. « Pour un paladin, tu n'as aucune – et je dis bien – aucune dignité, aucun honneur. Tu n'es qu'un chien, Lazzare di Scudira, » elle fit deux pas en arrière, vacillant mais se tint droite, avant de jeter un regard à Hemina, pour finalement de nouveau regarder Lazzare avec un regard dégoûté « tu n'es qu'un chien, et tu ne mérites qu'une chienne. » Sur ces derniers mots, et ignorant totalement la réaction de Victor, Cendre sortit en trombe, poussant par là un domestique un peu trop curieux et sortit de la bâtisse. Elle avait déjà fait ce chemin cent fois dans son adolescence. Elle se mit à courir à en perdre haleine, plusieurs longues minutes, et puis au bout d'un moment se laissa tomber. La maison de Malefosse était entourée d'un petit bois où on pratiquait régulièrement la chasse à cours. Elle était magnifique et sauvage. On y trouvait des loups, des cerfs et quelques sangliers. Aujourd'hui, on y trouvait une jeune sorcière à genoux entre deux fourrées, serrant contre elle une main brûlante et brûlée, pleurant toutes les larmes que ce pauvre corps aurait pu contenir, un bruit rauque coulant de sa gorge comme elle semblait s'étouffer tant la douleur était insupportable. Si au moins Lenwë était là, pensa-t-elle en reniflant. Si seulement je n'étais pas venue... Si seulement Lìrulìn... Une bonne nouvelle - Hector Di Scudira - 27-01-2017 Victor esquissa un fin sourire. Il s'en doutait. Si ça n'était pas un enfant, ça ne pouvait être que le mariage. Il y a trop longtemps que Lirulin avait disparu. Une bonne nouvelle - Cendre Meneldä - 27-01-2017 Toute sa vie était en miette. Fallait-il bien le prendre ? Sans doute que n'importe qui en aurait eu assez, mais ce n'était pas le cas de Cendre. La jeune femme avait de nombreuses ressources. Avoir passé son enfance au bord de la mort avait forgé chez elle une certaine combativité. Elle savait qu'une fois la douleur acceptée, elle redeviendrait ce qu'elle avait toujours été, une guerrière virulente, une sorcière sans limite. Son père n'était qu'un pion, et pour que la partie aille de mieux en mieux, elle savait ce qui lui restait à faire. Un petit sanglot ravalé, la sorcière entendit des bruits de pas entre les bosquets. C'était à coup sûr Victor, car Lazzare n'avait jamais pris la peine d'être véritablement à l'écoute de sa fille. Il s'était sentit mis à l'écart à un moment de sa vie où pourtant elle avait eu le plus besoin de lui. Elle inspira profondément pour reprendre son souffle et se mordit la lèvre pour ne pas gémir. « Cendre, je te ramène à Yris. Viens. » « N-Non... » hoqueta-t-elle. Cendre tourna légèrement la tête jusqu'à apercevoir Victor. Quelque chose dans ses yeux avaient changé. « R-reste avec eux. Profite... en.. » Un nouveau sanglot s'étouffa à l'intérieur, mais elle le ravala aussitôt. C'était après tout ce qui s'était passé pendant plus de dix ans, pas vrai ? Son sourire devint sardonique alors que la jeune sorcière se relevait lentement, essuyant de nouveau ses grosses larmes sans succès - ses joues étaient rendues humides et rouges. « Ne viens pas me voir... Ne v-viens pas me voir alors que tu dois être... t-tellement heureux... » Le feu de sa main se mit à grossir soudainement, triplant de volume. Une aura sombre entourait la jeune femme alors qu'elle faisait un pas en arrière. « Tellement … heu-reux... » Une explosion de flamme suivit le crachat du venin de la petite vipère. Un cercle parfait d'herbe fut réduit à un tas de cendre. L'écorce des arbres avait noirci et les feuilles étaient léchées par des flammes qui mourraient aussitôt, évocation éphémère de la colère de Cendre. Elle renifla une nouvelle fois et son souffle se calma. Elle avait certes ce petit air toujours mauvais, mais elle ne pouvait décidément pas laisser passer ça. Ce n'était pas digne d'un paladin. Ce n'était pas digne de son père. Elle le darda du regard le plus dur du monde, mais ce n'était pas à lui qu'elle en voulait : « Tous mes vœux à ta famille. » Cendre serra les dents pour ne pas laisser éclater de nouveau une aura de flamme. Elle tira sur sa robe et fendit les buissons de ronce pour sortir du petit bois de Malefosse. Elle ne tenait en effet pas à rester plus d'une minute ici. Elle allait partir au Nord pour étudier de nouveau avec attention la route qu'avait pris cette petite diligence, et elle révélerait au monde entier de quelle triste façon Cendre Meneldä avait perdu sa mère. Léonide serait là pour l'épauler à n'en pas douter, car lui aussi avait ce terrible avis sur son frère, et Evrard leur cousin. Elle irait dormir cette nuit chez leur tante qui habitait à quelques pâtés de maison d'ici, et elle ne rêverait plus, car il n'y avait plus rien à rêver à part peut-être de Lenwë. Une bonne nouvelle - Hector Di Scudira - 27-01-2017 Elle lui faisait presque de la peine. Petit, il la jalousait d'être la fille légitime, mais vu ce qu'il s'était passé ensuite, il ne la jalousait plus du tout. Et ce soir, oui, il était content, pour lui. Égoïstement. |