SombresRunes
#1
Note de l'auteur

L'histoire qui va suivre se déroule il y a maintes années, durant une période encore inexploitée. Les informations sont romancées et il est fort probable que rien de tout cela ne s'est déroulé durant la véritable histoire du peuple Nain. Cependant, par la magie de la plume, la fiction peut se dévoiler au grand jour et peut-être qu'une once de vérité parcourra ces futures lignes.

Laissons place à la romance :

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#2
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Chapitre Premier : Au commencement

*Clic* *Clac* Les menottes se refermèrent sur ses poignets. Sa peau, abîmée par le frottement incessant du métal contre l'épiderme le brûlait. Ses bras lui pesèrent lorsqu'il attrapa sa pioche, pour suivre les autres mineurs dans les entrailles de la terre. Ils étaient quarante-huit, quarante-huit prisonniers enchaînés à travailler ici, pour la grandeur de la capitale. Tueurs, voleurs et déserteurs, ils avaient été conduits ici, dans la nouvelle mine de Mithril des Grunderson, pour exploiter son précieux minerai.
Lorsque le fouet l'atteignit à l'omoplate, sa vue se brouilla...

...Dix ans auparavant...
...Marché de Karad Zirkomen...


"- Au voleur ! Au voleur !" Criait un nain bedonnant au milieu du marché. Les nains se tournèrent vers celui-ci. Un gamin d'à peine dix ans fendit la foule, une pomme dans la main, un sourire aux lèvres. Des boucles brunes cachaient le visage du garçon. De son visage, seul un sourire intrépide était visible. A la sortie du marché, deux gardes brandirent leurs lances.

"- Halte-là mon garçon ! Rends-toi !
- Attrapez-moi, répondit en riant le garçon, avant de filer vers des étalages d'armes, les gardes de Karad sur les talons.
- Petit effronté ! Nous allons te faire voir ce que récoltent les voleurs ici !"

Mais le garçon filait à toute vitesse, glissant sous les étables, enjambant les sacs et autres caisses, escaladant des barrières, l'une d'elle menant directement dans une sorte de poulailler. Les volatiles, effrayés, réussirent à s'échapper. Profitant du tumultes, le garçon s'engouffra dans une ruelle.

"- Il est là !
- On le tient !
"

Mais quelle ne fut pas leur surprise lorsque, tournant au coin de la ruelle, qui se révéla être une impasse, ils ne repérèrent nulle trace du garnement. Vide. Enfin, pas tout à fait. Un ramassis de sacs, de caisses, de paniers en osier et autres récipients encombrait cette ruelle qui menait aux portes dérobées d'une auberge. Un instant interdit, les gardes se reprirent, indiquant du bout de leur lance le soupirail d'un accès aux égouts. Un enfant aurait pu s'y glisser, mais les gardes durent forcer les barres de fer pour pouvoir passer et encore, le passage de leur bedaine, depuis longtemps gonflée par la bière se révéla des plus ardus.

"- Dans les bas-fonds ! Il a du se rendre dans les bas-fonds, comme toutes les engeances de son espèce." Et le bruit de leur course disparut dans le lointain.

Un rire salua cette prouesse. Le gamin se tenait là-haut, perché sur le toit de l'auberge de la veine de Mithril. Les pieds se balançant dans le vide, il croquait la pomme à pleines dents. Du jus, sucré comme il le fallait, coula le long de son menton, liquide onctueux qu'il essuya d'un revers de la manche. Il était déjà tard. Se relevant, il prit appui sur le parapet puis sauta dans le vide. Du bout des doigts, il attrapa une poutre qui dépassait du mur, puis atterrit sur une caisse. Quelques cabrioles plus tard, il se retrouvait sur le plancher des aurochs, descendu presque aussi prestement qu'il était monté. Sa tunique fut lissée d'un revers de la main et il put sortir de la ruelle comme il était venu.
Ce jeune nain se nommait Evrann. Evrann Gringir, de la maison Hachedacier.
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#3
Chapitre 2 : GrisePatte

Les larmes coulèrent malgré sa volonté. Il ne voulait offrir ce plaisir aux contre-maîtres.

"Relève-toi, sale voleur ! Ramasse ta pioche et creuse. Cria Briseur. Les prisonniers ne se souvenaient plus de l'origine de ce surnom, mais il était une chose sûre, c'est qu'il le méritait. Devant ses yeux, il avait cassé le bras d'un tueur qui refusait de piocher, comme ça, sans effort ni remords.

Deux mois plus tôt...
Dans les Bas-Fonds de la cité naine.


Les bas-fonds... le sale quartier de la capitale. Quelques dizaines de mètres sous la capitale s'étendait un réseau de galeries qui formait une véritable seconde ville, peuplée non seulement de nains mais aussi et surtout de rats, qui atteignaient la taille de petits renards. Leurs yeux brillaient d'une lueur malfaisante lorsque la lumière blafarde d'une torche se reflétait dans leurs yeux. Ivrognes, voleurs et naines de joie arpentaient les ruelles, ces dernières offrant leurs services aux plus offrants dans des maisons closes, interdites à la surface.

"Tu as ce que je voulais", demanda une voix grave à l'intérieur d'une maison miteuse où s'entassaient un ensemble hétéroclite d'armes et armures ?
Sans répondre, GrisePatte sortit de sous sa longue cape en noire une dague magnifiquement ouvragée. Rubis, saphirs et autres pierres précieuses scintillèrent à la lumière de la chandelle posée sur la table. Puis, attrapant la poignée, il fit glisser la lame dans un doux chuintement. Le fil de la lame n'avait aucun défaut et le miroitement ne laissait aucun doute quant à l'utilisation de mithril pour forger une telle œuvre. Des runes, en or, argent et autres métaux décoraient le plat de la lame. Un sourire carnassier défigura la bouche du vieux nain, dévoilant des dents de fer et d'or.
"Magnifique, quel bijou GrisePatte. C'est toujours un plaisir de faire affaire avec toi. Le plus grand voleur de notre temps à n'en pas douter. Vas-y, quel est ton secret ?"
La capuche noire qui dissimulait son visage se baissa et un rire clair résonna, contrastant avec l'allure dangereuse du personnage.
"Mes secrets m'appartiennent. Les voleurs ne répètent pas leurs astuces.
- Ah, si tous les voleurs pouvaient être aussi talentueux que toi ! Voilà ta part ! Mon client a été très généreux. C'est déjà la troisième fois qu'il fait appel à mes services et il est enchanté du résultat. Apparemment, il n'est pas aisé de récupérer un héritage familiale. Mais cela va bientôt se conclure. Il n'a plus qu'un objet de ses ancêtres à récupérer. Et ce ne sera pas chose aisée de l'obtenir."

- Laissez-moi en juger... Le poignard déjà n'était pas aisé à récupérer et voilà qu'il trône au milieu de votre table.

Le vieux nain à la denture très métallique hocha gravement la tête, en caressant d'un geste distrait le pommeau de l'arme. Puis, il glissa une main sous la table et actionnant un mécanisme, il ouvrit un tiroir dissimulé dans le chêne.

"Voilà ce qu'il m'a écrit. L'objet à récupérer est un sceptre, taillé dans une pierre noire, où sont incrustés des morceaux d'obsidienne. Des gravures runiques le couvre intégralement. Il fait cinq mains de long et est orné d'un globe, en obsidienne lui-aussi."
Le voleur écoutait attentivement, buvant les paroles pour les incruster profondément dans sa mémoire. Nul papier ne sortait jamais de cette pièce. Mais le nain continuait sa lecture.

"Le sceptre noir est enfermé dans le coffre de l'école de magie, celui au sous-sol vraisemblablement. Vu la difficulté de la mission, la récompense sera plus importante que jusqu'alors et... il m'oblige à partager la récompense équitablement."
GrisePatte sourit dans l'ombre de sa capuche. Les derniers mots semblèrent écorcher vif le maître voleur. Partager les gains avec un subordonné n'était pas dans ses habitudes. Au mieux donnait-il un tiers de la récompense. En réalité, GrisePatte n'avait que faire de cet argent, mais le simple fait de voir ce nain, dont il ne connaissait pas le véritable nom, seulement un pseudonyme, l'obligeait à ne rien dire.

"L'école de magie... Hum hum... Je sens que notre client est encore moins pur que nous." Les objets dissimulés là-bas possèdent un grand pouvoir, surtout lorsqu'ils sont enfermés dans le coffre runique. Le coffre runique était la salle forte de l'école, dans laquelle les objets les plus empreints de magie étaient stockés, pour éviter qu'ils ne soient mal utilisés. Même le Thain disait-on, n'avait pas dans son propre palais de salle plus sûre. Mais... la sûreté de cette salle avait un gros point faible, à savoir qu'aucun garde ne surveillait jamais la porte. Des objets avaient disparu des entrailles de l'école sans que jamais les professeurs ne s'en doutent. L'inventaire aurait pris trop de temps et remarquer la disparition d'une broche, d'un collier ou d'une bague était quasiment impossible. Peu de voleurs connaissaient la combine, mais quelques uns avaient réussi à soudoyer des professeurs. L'ouverture de la salle n'était possible qu'en prononçant une formule runique, alors même que cinq bagues étaient encastrées aux bons endroits.

"Difficile mission, prononça doucement GrisePatte. J'espère que la paie est conséquente.
- Alors, tu acceptes ?
- Bien sûr... Mais il me faudra du temps pour préparer un tel coup.
- Le client n'est pas pressé, il veut juste qu'une fois le sceptre volé, il le récupère dès le lendemain. Préviens-moi quand tu agiras...
- Que l'ombre vous dissimule.
- Que l'ombre cache tes pas,
récitèrent-ils, habitués aux rituels des voleurs des Bas-fonds.

Il parcourut une dernière fois le papier, en se dirigeant vers la porte, puis, ostensiblement, jeta l'ordre de mission au feu. D'une porte dérobée, il s'esquiva de ce lieu. Un escalier en colimaçon le mena jusque dans le hall d'un bordel. Une naine se dirigea, peu vêtue, vers GrisePatte, mais d'un mouvement de main, il la congédia et sortit. Au détour d'une galerie, il avait disparu.

Deux semaines plus tard...
Quelques minutes avant que le Soleil ne disparaisse...
Sur le toit d'une armurerie.


Karad offrait une protection naturelle contre le climat rude de l'extérieur mais quand le blizzard soufflait sur le Septentrion, la bise glacée s'infiltrait jusque dans les ruelles de la capitale, glaçant les quelques passants. Des lanternes, des torches furent allumées par les patrouilleurs. Mais là-haut, sur les toits, seuls l'ombre et le froid régnaient. Le cliquetis des armures et des chausses en acier s'estompèrent dans le lointain. GrisePatte bougea, silencieux. Il avait planché sur le vol de ce soir depuis deux semaines, ne laissant rien au hasard. Un rat, dressé par une éleveuse des Bas-fonds avait transporté son message succin jusqu'au maître voleur.

« Ce soir, nous allons fêter cela. »

Les patrouilleurs disparurent de son champ de vision. Prenant son élan, il sauta. Ce jour-là, nulle cape m'encombrait ses épaules. Seule une foulard et un bandeau dissimulaient sa tête et retenait ses cheveux. Il avait revêtu une tunique noire, trop petite pour sa carrure et des bottes, dont les semelles, travaillées dans le cuir d'auroch, rendaient ses déplacements silencieux. Une petite bourse accrochée à sa ceinture, deux poignards, un ensemble de crochets et une corde complétaient sa panoplie. Il atterrit deux mètres plus bas, sur le toit d'un autre magasin. Puis il courut. L'école de magie était trois rues plus loin, isolée de tout autre bâtiment. Pendant un bref instant, il ne serait plus abrité par le couvert rassurant des toits, mais devrait courir à découvert. Il avait surveillé quatre nuits d'affilé les abords de l'école, cherchant la faille. Et la faille était comme toujours la relève. Pendant un instant, les gardes, fatigués d'être restés en poste devant l'école grommelleraient quelques mots avec leurs remplaçants, sans faire attention à ce qui se passerait. De l'arrière du bâtiment, GrisePatte sauterait sur la caisse et commencerait son escalade du mur. Les gros blocs de granite grossiers qui constituaient les murs se révélaient être une véritable échelle pour quiconque se montrait assez agile. Et c'était chose rare chez les nains... mais pas chez lui.
Les minutes passèrent. Son cœur, étrangement calme, ne battait pas la chamade. Il devrait être en possession de tous ses moyens pour escalader le mur abrupte jusque l'une des poutres en moins d'une minute. Du coin de l'œil, il entraperçut la relève. Encore cinq pas et les gardes disparaîtraient de son champ de vision.

« Que l'Ombre me dissimule
Que l'Ombre cache mes pas
Voleur, jamais je ne simule
Lorsque je dérobe ici-bas »


Récita-t-il. La complainte du Voleur. Elle comprenait de nombreux couplets, mais c'était celui-là qui résumait la vie des Voleurs. La pointe de la dernière lance disparu derrière la roche plutonique. Un murmure, un souffle simplement accompagnèrent son saut. Puis il passa, entre les halos de deux torches. Les bras en avant, il escalada une caisse. D'un saut bien ajusté,il bondit vers le mur. Trouvant dans le noir des aspérités que personne n'aurait trouvé même en plein jour, il grimpa, telle une araignée. Lorsque la prochaine prise était trop haute, il s'élançait dans le vide pour la saisir. Et bientôt, le contact froid de la pierre laissa place à la rugosité de la poutre.

Trois poutres, puis le soupirail pensa le voleur, alors qu'il franchissait, dans un équilibre instable les différents obstacles. Si chute il y avait, nul doute qu'il se serait rompu le cou. Mais il atteignit le soupirail. Il ne fallait plus faire de bruit, les quelques secondes durant lesquelles les gardes relevés passeraient sous lui. Du bout des doigts, il sortit une lame extrêmement fine et un crochet. En deux temps, trois mouvements, le loquet sauta en silence, permettant au voleur de pénétrer dans ce haut-lieu de la magie. Il avait visité de jour l'école, se faisant passer pour un coursier et avait mémorisé une bonne partie du dédale de couloirs. Grâce à d'autres voleurs, plus âgés, l'accès à la salle souterraine n'était plus un secret. Caché derrière une tapisserie représentant Thuri entouré de runes se trouvait une porte en chêne. La serrure n'avait somme toute rien de particulier et après quelques minutes et un crochet brisé, l'escalier de pierre se dévoila devant lui.

Une étrange lueur éclairait les dernières marches, projetant un halo bleuté. La lumière exhalait d'un saphir de la taille d'un melon. Quatre autres pierres de plus petite taille formaient un trapèze.

Le sceau runique, s'émerveilla le voleur. Ouvrant délicatement la bourse de cuir qui pendait à ses côtés, il fit glisser cinq anneaux. Ces anneaux, inimitables, appartenaient à des professeurs respectés. Mais lors des deux dernières nuits, ces anneaux avaient été dérobés à leur insu. Et malheureusement pour l'école, les vieux sages ne prêtaient guère attention à ces objets qui ne révélaient leur pouvoir qu'au contact des pierres du sceau.

Il posa le premier anneau en murmurant pour chacun d'eux, le nom d'un métal. Fer, Argent, Or, Etain et Mithril. Les anneaux étaient positionnés. Il ferma les yeux et se concentra. Il n'aurait le droit qu'à un seul essaie. Si la formule se révélait fausse, les portes se fermeraient et il serait capturé.

Par Thuri, Seigneur des Runes, Grand Protecteur de notre magie, Toi qui veilles sur notre savoir, Aujourd'hui, ouvre les portes de la connaissance.
Une première série de runes s'illuminèrent et deux lignes, descendant des pierres supérieures s'illuminèrent pour rejoindre le saphir central.

Il posa sa main sur une pierre qui se trouvait quelques pouces en dessous du saphir et continua à psalmodier :

Runes et Fer mènent le peuple Khazad à la victoire,
Par le puissance du Dieu Forgeron
Par la sagesse du Dieu des Runes
Par l'Amour de notre Déesse
Par le sang de nos frères,
Ces objets jadis créés, aujourd'hui enfermés
Seront à nouveau révélés.


Deux autres lignes de runes partirent des dernières pierres pour rejoindre le saphir. Puis, des couronnes concentriques d'écriture apparurent. Les rouages se mirent en branle et bientôt, la pierre immobile dans sa main pu se déplacer. Il la tira vers le haut, comblant l'anneau qui était apparu autour de la gemme bleu. Un déclic fut suivi d'un mouvement global du mur. Reculant d'un pas, il attendit que les portes runiques entament leur rotation. Des lumières éclairèrent petit à petit les murs de la pièce, répandant d'abord un doux halo bleuté, qui se mua en une intense lumière blanche. La pièce était immense. Bien plus grande qu'il ne se l'était imaginé. Chaque objet avait sa place. Bagues, anneaux, colliers, pendentifs remplissaient des loges dans des étagères de pierre, mais une multitude de haches, d'épées et d'armures complétait cette incroyable collection.

"Par Thuri !" siffla le voleur, ébahi. "Si je volais ne serait-ce qu'une fraction de cette réserve, je serais richissime."

Il frôla nombre d'objets, sans réellement les toucher. Perdu au milieu de ce spectacle, l'objet de sa quête s'effaça un instant. Il put contempler son reflet dans une armure polie, il vit des armes comme il n'en avait jamais aperçues. Des armes à quatre lames, deux paires de chaque côté d'un court manche en mithril, d'autres indescriptibles. La quantité d'anneaux était impressionnante. Sous chacune des caches qui abritaient ces minuscules objets, était écrit le résumé de son pouvoir. Il y avait même un anneau capable de rendre son porteur invisible un instant. La tentation était grande, mais jamais ou presque il n'avait volé autre chose que ce qu'on lui demandait. Bien sûr, au démarrage, quelques pièces d'or et coutelas avaient rejoints sa besace, mais cette mauvaise habitude n'avait pas duré. Puis, dans une loge dans le mur il tomba face à lui. Le sceptre avait une place particulière. Planté dans la roche, il semblait absorber la lumière environnante, tant la noirceur du bois et de la pierre contrastaient avec la féerie de ce qui l'entourait. Des runes, finement ciselés, jaillissaient en torsade du globe d'obsidienne et dévalaient le bois en torsades. L'ouvrage, bien que magnifique mit mal à l'aise GrisePatte. Une sensation de noirceur se dégageait de l'objet. Délicatement, il empoigna l'artefact, car il méritait un tel nom. Une poignée avait été aménagée au tiers supérieur et sa main rentra parfaitement dedans. Il respira à nouveau lorsque nulle chose néfaste ne déferla.

Maintenant il devait faire vite. Traversant la salle runique à toute vitesse, il prononça simplement : « Merci » pour causer la fermeture de la pièce. Les anneaux une fois récupérés, la remontée fut rapide et, une minute plus tard, il refermait le soupirail derrière lui, ni vu, ni connu, le sceptre accroché entre ses omoplates pour ne pas gêner sa descente. En trois bonds, il se retrouva au sol. Un coup d'oeil à droite, un coup d'oeil à cause lui dévoilèrent qu'il était seul. Il détala au triple galop.

"Mais..." Grogna-t-il. Ses pieds refusaient de se lever. Une voix inaudible murmurait quelque chose. Une douleur le saisit, douleur qui remonta le long de ses jambes.
"Qu'est ce qu'il m'arrive ?!" Se débattit GrisePatte. "Mes jambes... Non, mes jambes !
- ...Sont lourdes, siffla une voix rauque derrière lui. GrisePatte si je ne m'abuse... Aujourd'hui sera votre dernier vol. Cela ne vous appartient pas."

Le fil aiguisé d'une hache se posa contre sa gorge, tandis qu'une seconde main dégrafait le sceptre de son dos. N'osant tourner la tête à cause de l'arme brandit sur sa gorge, GrisePatte ne put qu'apercevoir un bras tatoué de runes. Il tenta à nouveau de dégager son pied, mais ils étaient enfermés dans une gangue de pierre.

"Il est ici ! Cria le mage derrière lui. De nombreux nains, armées de haches, apparurent aux coins des différentes ruelles. Des mages les accompagnaient.
- Laissez-moi partir, gronda GrisePatte, j'ai de quoi vous rendre rich..."

Le mot s'éteignit dans sa gorge. La lame s'était enfoncée de quelques millimètres et de l'entaille coulait un mince filet de sang. Des nains le menottèrent tandis que le sortilège libérait peu à peu ses jambes. D'un geste rageur, le plus vieux nain du groupe arracha le morceau de tissu qui dissimulait son visage.

Evrann... Non... ce n'est pas possible...
- Maître...


La main du nain trembla. Il fixait celui qui avait été son élève depuis des années, d'un air ahuri.

"Pourquoi Evrann ? Pourquoi ?"

Mais à ces questions, le voleur ne répondit rien. Il avait la gorge serrée et, détournant la tête, il refusa de regarder celui qui lui avait enseigné le maniement de la hache. Un sac de toile couvrit sa tête, le cachant au regard des passants... Ses armes lui furent retirées, ainsi que la bourse contenant les anneaux.
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#4
Chapitre 3 : L'enfer est bien sous terre

Galerie principale de la mine de la famille Grunderson...

Le fouet lui cingla une deuxième fois le dos avant qu'il ne puisse se mettre sur pied.

"- FaiblePatte, comme aimait le surnommer les contre-maîtres, au boulot ! Si tu continues à ralentir la cadence, c'est le pilori qui t'attend. Et il fait froid dehors. Les corbeaux sont affamés et se feraient une joie de te délester d'un peu de chair."

Ne pas répondre, il ne fallait jamais répondre, sinon les conséquences pouvaient être terribles. GrisePatte avait vu certains prisonniers être fouettés jusqu'au sang pour avoir répliqué. Des rumeurs circulaient d'ailleurs sur Briseur. Lorsqu'un prisonnier ne lui revenait pas, il le prenait à parti et le battait presque à mort. Aucun prisonnier ne devait mourir de la main des gardes et contre-maîtres, par ordre du Thain, mais les blessures graves étaient... tolérées. Des servants de Thuri, versés dans l'art de la guérison prodiguaient des soins à la surface, mais il valait mieux rester dans les profondeurs. On ne remontait que lorsque les jambes ne permettaient plus de descendre et les bras de piocher.

GrisePatte serra ses doigts meurtris d'échardes sur le manche de la pioche et rejoignit son groupe. Trois galeries étaient jusqu'à maintenant creusées. Le minerai abondait dans cette montagne et il fallait toujours descendre pour dénicher les meilleurs filons. De temps à autre, ils tombaient sur des cavités naturelles, résultat de la tectonique des plaques qui avait été à l'origine de la grande chaîne du Relicanth. Les prisonniers travaillaient par groupe de cinq. Ce jour-là GrisePatte était assigné au groupe de tête, chargé de creuser, toujours creuser. C'était un travail de force et sa faible musculature contrastait avec ses autres compagnons. Il s'était lié d'amitié avec un autre nain. Un grand gaillard dans les critères des Khazads. Des mains énormes trônaient au bout de bras musculeux. Bras qui avaient causé la mort d'un garde, à mains nues, lors d'une rixe de taverne. Haruk était son nom, mais les mineurs l'appelaient l'Auroch. Quand GrisePatte détachait un cailloux de bonne taille, c'était un véritable rocher qu'arrachait l'Auroch. Mais, malgré leurs différences, c'était ce qui s'approchait le plus d'une amitié qui était née.

" - Alors FaiblePatte, tu te fais encore remarquer ? le taquina Haruk. T'inquiète pas, j'ai avancé ton niveau. Les autres empotés n'avancent de toute manière pas assez vite.
- J'ai ce que tu voulais le gros.
- Gros ? Musclé ! Je suis l'Auroch, pas le cochon-qu'on-égorge. Comment tu as fait ?
- Il suffit de savoir qui veut quoi, d'observer.
- En parlant d'observer... si tu regardes bien, je sens que si on continue à parler, un fouet va te rendre une petite visite.


Ils se turent pour continuer leur terrible besogne lorsque...

Mithril, Mithril ! Cria l'un de leurs compagnons. Sitôt une cloche de bronze résonna. Une cavalcade s'ensuivit, dans un tintement de métal entrecoupé de jurons. Ils arrêtèrent tous de creuser, profitant du répit. Sur leur gauche brillait le précieux métal. Un contre-maître se penchant dessus, même si la nature de la roche ne faisait aucun doute.

"Le filon est là ! Cria-t-il à l'adresse d'un second groupe. Vous, vous continuez à creuser sur quelques pas. Pendant qu'on ramène des rails et le chariot. Après, vous aidez à dégager la roche et vous remontez les débris. Vous ferez une pause en haut, le temps que le groupe d'extraction se ramène. Puis vous vous collez au tri. Compris.
- Compris, chef,
crièrent-ils d'une même voix. Sale con, pensèrent-ils tout autant. Ils reprirent leur tâche ingrate, faisant voler des éclats coupants de roche. Lorsque GrisePatte découvrit sous ses coups le précieux Mithril, il poussa un soupir de soulagement. Pour lui, c'en était fini de creuser pour aujourd'hui. Le minerai était si précieux qu'aucun morceau de roche contenant une once du métal n'était gâché. Un groupe plus spécialisé prenait la place du groupe de tête lorsqu'un nouveau filon était découvert.

Ils remontèrent vers le camp de base, sous la voûte principale. De ce camp de base jaillissait un réseau de voie ferrée impressionnant, qui se propageait dans quatre directions. De grosses cloques boursouflaient leurs mains et d'un commun accord, ils se dirigèrent vers une tente de soin. A quelques pas de la tente, un cri strident les stoppa.

" C'est qui la fillette qui gueule, grogna la Terreur, un nain de leur groupe. Il avait tué une famille entière de nain pour une bête histoire de problème de voisinage. L'un des servants de Thuri leva les yeux vers le psychopathe.
- La galerie est s'est effondrée. Les faîtes n'étaient pas correctement placés. Un rocher de plusieurs tonnes lui a broyé la jambe. On lui coupe. Vous v'nez pourquoi ?
- Pour des onguents, les cloques aux mains, c'est pas l'idéal lorsqu'on creuse.


Les lamentations continuèrent un instant, pendant que le guérisseur fouillait dans une caisse. Il sortit une jarre en terre cuite de la taille d'un bras et, l'un après l'autre, ils passèrent devant lui pour qu'il y verse l'immonde onguent. Vert, nauséabond, il n'en était pas moins d'une remarquable efficacité. Passant devant la tente de ravitaillement, ils réussirent à dégoter une miche de pain et quelques tranches de jambon. Assis un peu à l'écart, Auroch et GrisePatte parlaient à voix basse. Du replis du vêtement crasseux qui l'habillait, le voleur sortit une sorte de brassard en cuir. Une moue satisfaite accueillit cette apparition.

" J'en avais marre des échardes, grommela L'Auroch, en découpant le brassard. Avec ça, j'ai une meilleure prise et je pourrai bouffer sans dégueulasser le pain avec cette mixture dégueu. Tu veux quoi en échange ?
- Rien... Ce que tu fais déjà me suffit."


Ils acquiescèrent à cette simple constatation. Sans Haruk, le voleur aurait depuis longtemps souffert de l'acharnement du Briseur. Mais il abattait le travail d'un nain et demi, ce qui le sauvait.

" Alors, comment t'as fait ?
- Un voleur ne révèle jamais ses secrets...

- Tu l'as pas volé ! T'es con ou quoi ? Si tu te fais prendre, t'es foutu. Déjà qu'ils voulaient te pendre ou te couper les bras pour tes crimes...
- Non, rassure-toi, je l'ai eu de façon légale."


Oui, il avait risqué la mort pour le vol des anneaux et par la connaissance de la formule. Visiblement, le vol du sceptre n'était rien comparé à cela, car il n'avait pas été évoqué du procès. Enfin, procès était un bien grand mot, vu qu'il n'avait pu se défendre. La vie sauve et ses bras, il ne les avait du qu'à l'influence des Hachedacier à Karad. Mais son nom avait été à jamais effacé du mur de sa maison. Il n'était plus le bienvenu, il n'était plus Evrann Gringir de la maison Hachedacier, il n'était plus que GrisePatte, le voleur.

La cloche résonna devant la galerie principale. Les extracteurs étaient arrivés. Ils devaient y retourner. Un contre-maître s'était d'ailleurs déjà tourné vers eux.

"Ouais, ouais, on arrive," grommela l'un des leurs.

Se relever fut difficile. Son dos le tira, lui arrachant une grimace de douleur. Les bras, refroidis, eurent toutes les difficultés du monde à ramasser la pioche. Ils suivirent la voie ferrée, le plus lentement possible, juste à l'allure nécessaire pour se rendre dans les galeries sans écoper de coups de fouet. Une horde d'extracteurs était déjà en place. Les coups étaient plus précis, les morceaux débités de taille assez homogène. Deux chariots les attendaient en bas. Dans l'un d'eux étaient déversées les chutes sans intérêt, qui seraient utilisées pour la construction de tour, de murailles ou de postes de garde, surtout depuis que la Confrérie des Haches avait été fondée. L'autre chariot contenait le minerai de Mithril. Dirigé vers d'autres travailleurs, le métal serait purifié puis envoyé aux forges.
Les chariots furent rapidement chargés et, jusqu'à l'heure de la soupe, ce fut un balais incessant de mineurs. Le filon se révélait particulièrement prolifique. C'est avec un immense soulagement que les prisonniers comme les contre-maîtres et les gardes accueillir les cors qui annonçaient le repas. Les bruits de pioches s'arrêtèrent, les grincements aigus des roues disparurent, remplacés par le tonnerre de centaines de pieds foulant la roche. Chaque galerie avait sa zone où se restaurer. Cela évitait une trop grande concentration de criminels aux mêmes endroits. Ils étaient quarante-huit prisonniers à travailler dans la galerie principale, après la mort de deux des leurs, écrasés par une poutre de chêne. A ces presque cinquante travailleurs se joignaient six contre-maîtres et un directeur de travaux. C'était lui qui donnait l'angle et la direction où creuser en observant l'orientation des minéraux. Il s'était révélé particulièrement doué. Jusque là.
L'équipe de nuit travailla elle aussi, pendant qu'ils profitaient d'une brève nuit de sommeil. Le matin venu, ils allèrent affûter ou réparer leur matériel. Mais, alors qu'ils se dirigeaient vers la galerie, GrisePatte aperçut les contre-maîtres en grande discussion. Le visage de l'un trahissait une certaine appréhension.

"Des voix, des ricanements", réussit-il à entendre. Il ralentit le pas pour saisir d'autres bribes de la conversation lorsque Briseur se tourna vers lui.
"Qu'est-ce tu fous. Vas bosser ! Pas tes affaires sale voleur."

Ne demandant pas son reste, GrisePatte rejoignit ses compagnons quelques mètres devant, pendant que la conversation reprenait mais en sourdine.

"Se passe qu'qu'chose les mecs, glissa-t-il aux quatre autres prisonniers.
- On s'en fout de c'qui s'passe. Nous, on frappe la roche, eux ils réfléchissent.
- Moi j'aime pas ça.
- Arrête de flipper sale couard. Sinon j'te donne une bonne raison d'avoir peur.
- Ta gueule"
grogna l'Auroch, mettant un terme à la conversation.

Les extracteurs s'étaient remis au travail, frappant la roche à répétition. L'équipe de nuit avait bien travaillé. Ils avaient grandement avancé. Malheureusement, des inclusions calcaires laissaient présager du pire. En fait, elles indiquaient l'approche d'une cavité naturelle et si grotte naturelle il y avait, la fin du filon était annoncée. Pas que GrisePatte et ses compères soient réellement intéressés par la présence ou pas de filon, mais s'ils perçaient une nouvelle cavité, il faudrait creuser plus profondément, et retailler la roche pour permettre l'installation de la voie ferrée. Et les ennuis ne feraient que commencer si par malheur une rivière souterraine coulait derrière ces murs.

" Vous avez entendu ! Demanda l'un des extracteurs, soudain interdit.
- Entendu quoi ?
- Non je n'ai rien entendu.
- Si, si, des... rires...
- Qu'est ce que vous faites ? Au travail.
- C'est l'autre qui déconne, il entend des voix.


Les nains s'esclaffèrent. Mais GrisePatte remarqua que le contre-maître, lui, fronçait les sourcils plutôt que de rire. Il savait quelque chose que...
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#5
Chapitre 4 : Au fond du gouffre


Un craquement sinistre sortit GrisePatte de ses pensées. Là-bas, au fond de la galerie, la paroi venait de s'écrouler.

"Ramenez des poutres" hurla le contre-maître, inquiet de se retrouver face à un effondrement de la galerie. Trois nains, massifs et transpirant de sueur coururent vers la faille, portant une lourde poutre, bientôt suivi par deux autres nains qui procédaient de même. A coups de marteau et de pioche, les faîtes furent placés. Puis, des tailleurs agrandirent le trou et de nouveaux troncs de chêne durent amenés pour stabiliser la voûte.

"Le groupe de tête en avant. Voilà des torches. Les extracteurs, finissez votre boulot. Et vous, les deux gardes, accompagnez-les. Hop, on en profite pour ramener des rails et on remonte les chariots ! Plus vite !
- On prend nos pioches, chef ?
- Ouep, on sait jamais, s'il y a quelques pierrailles à faire sauter. Et toi, l'idiot, tu remets ton casque, plus vite que ça,
engueula-t-il un autre prisonnier qui passait par là.

La pioche sur l'épaule, le casque profondément enfoncé, une lanterne dans l'autre, les cinq nains du groupe de tête s'enfoncèrent dans la cavité. Des gouttes tombaient de la voûte invisible donnant naissance à de superbes stalagmites. C'est en silence qu'ils avancèrent dans ce véritable palais où se reflétait la lumière blafarde de leurs lanternes.

HEHO, cria le Tueur.
HEHO HEHO HeHo heho, lui répondit l'écho.

Sacré grotte ! Grommela-t-il... On va devoir dégager pas mal de truc et avec cette pierre qui glisse on va se rompre l'cou.
- Mouais
acquiesça l'Auroch. Va falloir tout déblayer et... écoutez... c'est le murmure d'un ruisseau ou alors je suis un elfe.

Le clapotis était faible mais bel et bien présent. Une petite rivière naturelle devait avoir creusé cet ensemble de galerie. Mais ce n'était pas ce qui maintenait GrisePatte dans cet état de vigilance. Camouflé par le bruissement de l'eau, il avait cru entendre lui aussi un rire sournois. Devenait-il fou ou y avait-il réellement quelque chose dans cette grotte. Pourtant ils semblaient bien seuls au milieu de ce temple géologique.

C'est plutôt beau, soupira le plus petit nain de leur groupe. Dommage qu'on doive tout casser.
Rah, l'autre, il fait sa naine. Aller, on avance, on cherche un chemin et après on laisse les autres décider de la route.


Des bruits métalliques accompagnèrent leur marche. Non seulement, les menottes faisaient un bruit abominable dans ce gouffre lugubre, mais les bottes de fer des gardes résonnaient sur le sol poli par les eaux, rythmant leur avancée, comme l'auraient fait des tambours accompagnant des prisonniers à l'échafaud. Du coin de l'oeil, GrisePatte remarqua le visage crispé des gardes. Il n'était donc pas le seul à ressentir cette atmosphère malfaisante.

"C'est immense, souffla le plus petit nain alors qu'il se tenait en haut d'un promontoire. C'est la fin de cette galerie à mon avis.
- Chut,
siffla GrisePatte. Vous entendez ?
- Quoi ? L'eau ?

- Non ! Chuuut... J'ai cru...
- Des pas.
- Toi aussi tu les as entendus ?
- Je pensais que c'était mon imagination mais si tu les as entendus, c'est impossible.
- Sortez vos pioches... Deux d'entre vous, les moins balèzes, vous brandissez le plus haut possible vos lanternes, les autres, accrochez-les à la ceinture. On fait demi-tour, plus vite que ça. On prend pas de risque, on y va,
commanda l'un des gardes.

Le fer crissa lorsque la lame de sa hache frotta contre son gantelet de métal. La troupe fit demi-tour, en silence, tous les sens en alerte, les yeux parcourant la pénombre, sans réussir à y voir quelque chose. Il avait parcouru une vingtaine de mètres lorsque...

"A terre, cria GrisePatte, à terre !"

Les sept nains se plaquèrent au sol, mais le plus petit, pas assez vite. Des flèches sifflèrent à leurs oreilles et rebondirent sur le sol. Un gargouillis leur apprit que l'un des leurs était touché. A la gorge. Il agonisait.

"On peut rien pour lui, cria un garde, on court jusque la sortie ! Gobelins, Gobelins" commença-t-il à crier. Au pas de course, ils filèrent vers la sortie. La lumière de nombreuses torches illuminait cette dernière. Une tripoté de nains, au moins une vingtaine, avait franchit la porte. Ils étaient...

"Foutus", lâcha le garde de tête amèrement. Des cris de souffrance résonnèrent dans la grotte, mêlés à des ricanements terribles. Les gobelins étaient à la porte et une autre troupe les poursuivait. Il fallait forcer la sortie.

"On fonce, lâchez vos lanternes, frappez avec vos pioches, c'est notre seule chance," cria le garde en sortant une hachette de son dos et l'envoyant directement entre les deux yeux d'un gobelin. Combien de nains tombèrent autour d'eux, il n'aurait su le dire. Il ne voyait que la sortie. La sortie n'était plus qu'à une vingtaine de mètres. L'espoir renaissait. Mais il ne dura qu'un bref instant, car, deux mètres devant lui, il aperçut un énorme gourdin envoyer en l'air le garde, des gouttes de sang éclaboussant tous ceux derrière lui.
Un troll hideux venait de sortir de l'ombre, mené par trois gobelins. Il atteignait presque quinze pieds de haut et, dans sa main droite, qui aurait pu écraser un nain, jaillissait une énorme masse. Ils se dispersèrent pour éviter les coups, bousculant aussi bien gobelins que nains. GrisePatte lâcha sa pioche pour saisir deux épées courbes sur les cadavres de gobelins, puis, apercevant l'Auroch qui écrasait les créatures des profondeurs à coups de pioche, il lui envoya d'un coup de pied la hache du garde écrasé. Un sourire illumina son visage lorsqu'il s'empara de l'arme. Elle voltigea autour de lui tranchant les pauvres gobelins qui n'avaient pu se protéger. Mais ils étaient trop nombreux et deux trolls empêchaient toute retraite. GrisePatte n'était pas de taille à se battre de la même manière que ses compatriotes. Le combat en mêlée n'avait jamais été son fort. Mais, c'est d'une manière furtive qu'il tuait les gobelins, escaladant le stalagmites, tombant sur les ennemis à l'improviste, de faisant passer pour mort avant de percer de part en part leurs ennemis. Certes, pour dix gobelins tombés, seul un nain semblait s'écrouler, mais ils savaient qu'ils perdraient, submergés par le nombre.
Un hurlement terrifiant fit vibrer la caverne. Le sol trembla et, dans un fracas terrible, l'ouverture s'effondra. La seule issue était close. Ils n'étaient plus que huit à se battre dans les profondeurs de la terre. Du coin de l'oeil, le voleur repéra un gobelin de forte stature, un chef vraisemblablement, qui se dirigeait à pas décidés vers l'Auroch. Le nain était couvert d'écorchures et d'entailles plus profondes. Le sang ruisselait de ses bras, de son torse et, même un genou à terre, il se battait courageusement. Il était sur un léger promontoire et l'allonge de la hache tenait à distance respectueuse les guerriers. Le mauvais angle protégeait le nain des archers. Mais le chef gobelin ne semblait pas avoir peur du nain. Une collection de crâne s'agitait à chacun de ses pas, accrochée à son torse musclé. Il sortit une lame de très belle facture, sûrement dérobée sur le corps d'un elfe puis fila à toute allure sur le nain. Perché sur une stalagtite, GrisePatte attendit le bon moment. Il sauta dans le vide et... quatre énormes doigts le saisir. Un bras puissant le projeta au sol, lui coupant le souffle. Au-dessus de lui se tenait un gobelin, qui tenta de lui planter sa lame entre les deux yeux, mais, grâce aux menottes encore fixées à ses poignets, le coup fut dévié. Il attrapa le premier objet qui lui tomba sous la main, une flèche de gobelin et la planta dans le ventre de son agresseur. Celui-ci tomba sur son corps. Et, avant de perdre connaissance, il put distinguer le chef gobelin qui arrivait sur l'Auroch.

Nargz Gavgo Zhul Telro, prononça le gobelin. De sa lame partit un trait noir qui toucha l'Auroch en pleine poitrine sans qu'il ne puisse le parer. Il s'effondra le visage tordu par la douleur. Ils avaient perdu, ils étaient finis...
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#6
Chapitre 5 : Le culte des huit pattes

Dans les entrailles de la terre...

… Quelque chose l'attrapant. Des courroies lui enserrèrent les poignets. Puis il perdit à nouveau connaissance...
… Il ballottait de gauche à droite. De temps à autre sa tête cognait contre la roche froide. Il était accroché comme on pendait les sangliers à la chasse...

… Une clameur le sortit de son état de torpeur. Allongé contre la pierre froide, il ne voyait presque rien. Des torches illuminaient les alentours et des voix, qu'il mit un moment avant d'identifier comme le dialecte abjecte des gobelins, résonnaient dans l'air. A la limite de son champ de vision, il distinguait les jambes d'un nain. Le silence se fit tout à coup. Une poigne de fer l'attrapa et le souleva par les cheveux. C'était à n'en pas douter un troll. Projeté contre un mur, il fut attaché, bras et jambes écartées contre un mur. Trois autres nains étaient positionnés contre ce mur, dans cette affreuse position. Sur leurs corps à tous les trois, avaient été dessinées d'étranges formes, avec du sang. Cinq autres nains les rejoignirent, dont l'Auroch. A l'endroit où l'avait frappé la magie tribale des gobelins, la chair avait noirci, sûrement infectée par un horrible sortilège. Des vieux gobelins, couverts de symboles, vêtus d'os, de plumes et d'écailles s'approchèrent, psalmodiant des mots incompréhensibles. Puis, du centre s'approcha un gobelin, vêtu d'un simple pagne. Des cicatrices profondes, formant des symboles mystiques couvraient l'intégralité de son corps. Dans ses longs doigts fins se trouvait une dague, dont la lame, en os, gouttait de sang. Il fit un geste et trois gobelins s'approchèrent, portant un œuf gigantesque. Le premier nain fut détaché et mis à genoux devant l'œuf. D'un coup précis et rapide, la dague pénétra dans la gorge de la victime, répandant un flot rouge. Pendant le sacrifice, les autres chamans récitaient, proche de la transe des textes incompréhensibles. Le corps fut jeté dans une fosse et le second nain fut emmené.

Non ! Hurla-t-il. La dague jaillit et lui trancha la mâchoire. Quelle magie pouvait imprégner cette lame pour qu'elle passe à travers l'os sans effort. Devant le nain, l'œuf s'était mis à trembler. Ce n'était pas une coquille, comme l'aurait été un œuf d'oiseau, mais une substance opaque, légèrement translucide. La tête du nain fut collée contre l'œuf. Un immonde gargouillis fut émis par le pauvre diable. Puis ils le mirent sur le dos et déposèrent sur son ventre l'œuf. Le corps du nain fut secoué de tremblements et GrisePatte ferma les yeux. Il était sûr d'avoir vu, une énorme larve dans l'œuf lorsqu'une torche était passé derrière et il ne faisait aucun doute que le nain allait servir de garde-manger à la créature. Et le scénario se répéta. Deux autres nains furent sacrifiés. GrisePatte s'agita. L'Auroch était le prochain sur la liste. Il serra les dents lorsque la dague s'enfonça dans la chair de celui qui avait été son plus proche ami parmi les prisonniers.
Maintenant, c'était son tour. Il allait être dévoré par la larve... Mais tirer sur les liens se révélait inutile. S'il parlait il allait être tranché en deux par la dague. S'il s'agitait, il mourrait tout aussi vite. Mais était-ce pire ?
Le contact visqueux avec l'œuf rendit le nain nauséeux. Une main fut accrochée.

Thuri, aies pitié de moi. Nul ne mérite une telle mort, pria-t-il silencieusement. Un cri. Puis un poids sur son corps. Ses yeux s'ouvrirent, stupéfaits d'apercevoir un gobelin convulser au-dessus de lui. Il avait les jambes et un bras de libre. Un autre tomba à côté de lui. Il fallait saisir sa chance. Alors que de nouvelles flèches se fichaient dans les torses de ses assaillants, le voleur attrapa une côte accrochée au plastron de l'un des gobelins. Une fois brisée, l'os saillant se révéla d'une précieuse aide pour faire sauter l'attache de son poignet. Puis il courut vers le mur où était accrochés les autres nains mais, surgissant de l'ombre, une horde de gobelins lui sauta dessus.

Barzum, lâcha un nain derrière lui. Avant qu'il ne réagisse, une main gantée de fer l'attrapait par l'épaule et le tirait en arrière. Lorsqu'une des créatures grisonnantes saisit le poignet de GrisePatte, il lui enfonça dans le bide la côte brisée. Puis il suivit son libérateur lorsque...

Fais gaffe, saute derrière le parapet.

Une lumière bleue, sur une corniche illumina la voûte et un trait enchanté s'envola dans les airs. Mais, lorsqu'il retomba, ce furent une dizaine de flèches qui apparurent. La pluie de projectiles tomba drue sur les gobelins affolés. Et le nain, qu'il n'avait pu apercevoir réellement continuait sa route, remontant un étroit sentier. Au milieu des cris, il n'avait pas entendu le rocher qu'avait envoyé un des trolls. Le projectile s'écrasa devant lui, le stoppant net dans sa course. Ils allaient être rattrapés. GrisePatte, quelques pas derrière repéra, dans les ténèbres un étroit goulet. L'autre ne pourrait sûrement pas le suivre à moins que...

Lance-moi ta corde. Je sais comment s'en sortir.
Tiens, lui répondit-il simplement, en lançant la corde de chanvre enroulée autour de son épaule. Bien qu'épuisé et blessé, l'adrénaline lui donna des ailes. Bondissant d'un rocher à l'autre, il escalada le goulet. Une main naine apparut devant sa tête. Il la saisit et se retrouva sur la corniche. Ils étaient trois nains perchés là-haut, tous armés d'arcs. Les traits jaillissaient à toute allure pour protéger leur compagnon resté en bas. La corde fut lancée et abandonnant leurs arcs, deux des nains l'attrapèrent. A eux trois, ils réussirent à hisser le nain avant qu'il ne soit trop blessés. Les gobelins coururent à la fois par le goulet et par le chemin.

On s'arrache !

A cet ordre, l'un des nains lança une flèche au dernier d'entre eux équipé encore de son arc. La flèche miroitait d'une lueur étrange, rougeâtre et la pointe, de couleur or lançait des reflets qui ne laissèrent aucun doute quant à la nature magique de l'objet. Un murmure et le trait siffla et s'enflamma. Lorsque la pointe toucha le sol, un souffle balaya la caverne, jetant à terre les gobelins les plus proches de l'explosion. Les autres se retournèrent pour contempler le spectacle. S'ils avaient observé la scène au lieu de fuir à toutes jambes, les cinq nains auraient vu les œufs en feu et les gobelins, affolés, fuirent de tout côté. Et dans le miroitement des flammes, une statue d'une créature, humanoïde, mais aux huit pattes armées de crochets semblait pleurer la mort des œufs. La descendance de la déesse araignée brûlait dans les entrailles de la terre, pendant que les nains remontaient à la surface.

Ils errèrent, abasourdis, dans l'immense caverne étincelante, dissimulant leur pas, ne parlant qu'en cas d'extrême nécessité. GrisePatte les suivait, docilement, se contentant d'obéir. L'horreur de ce qui s'était passé là-bas se faisait à chaque pas d'autant plus réelle ; ce qu'il avait vécu comme un rêve éveillé jusqu'alors se montrait de plus en plus réel. Ces nains avaient été sacrifiés pour un culte chamanique, à une force obscure. De leurs entrailles auraient pu naître des créatures immondes, plus répugnantes que les adeptes du culte obscur.

- On arrive bientôt. Toi, le prisonnier, approche. Montre tes mains, ajouta-t-il lorsque GrisePatte s'exécuta. Voilà qui sera mieux. Et il fit sauter du bout de sa lame les menottes. T'es avec nous, t'es pas libre, mais tu restes pas ici. Si t'es le seul à t'en être sorti, c'est pas pour rien. Les Dieux t'ont donné une nouvelle chance, je ne vais pas la gâcher. C'est quoi ton nom ?
- GrisePatte, souffla le voleur.
- Oublie ce surnom, ta carrière de criminel est révolue. Tu as bien eu un autre nom ?
- Evrann.
- Evrann. Nous nous présenterons plus amplement à l'air libre. Juste, on est de la Confrérie des Haches et on t'emmène dans la chaîne du Relicanth, dans un de nos bastions. Tu te tais, tu fais profil bas et tu nous laisses gérer. D'accord.

- Oui, chef, répondit-il avec automatisme.

Ils sortirent. Des discussions eurent lieu avec les contre-maîtres mais il ne put y assister. Puis il fut emmené jusqu'aux tentes de soin et soigné. La Confrérie lui posa certaines questions à propos des gobelins, du sacrifice et enfin le laissèrent se reposer. Ce n'est que le lendemain qu'ils sortirent. De nouveaux habits, en peaux d'auroch et de loup lui avaient été fournis. Le blizzard le fit pleurer, mais ces larmes étaient si bonnes. Fini l'enfer des profondeurs. Quand avait-il aperçu le soleil pour la dernière fois ? Il n'aurait su le dire. Il ne savait qu'une chose. Il était entré, menottes aux poignets, comme GrisePatte, le voleur et il ressortait aujourd'hui, libre ou presque, comme Evrann, nouvel apprenti de la Confrérie des Haches.
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#7
Chapitre 6 : En pleine nature.

Huit ans plus tard...
Versant Ouest de la pointe sombre...


Le Soleil faisait scintiller les neiges éternelles des sommets du Relicanth. Là-haut, sur les cols, la température avoisinait les zéros degrés mais dans la vallée, le temps plus clément, laissait s'épanouir les plantes. Les bourgeons des chênes, frênes et if s'ouvraient alors que le chant des oiseaux résonnait à nouveau dans la vallée. Le printemps, bel et bien là, annonçait le retour des jours nouveaux. Les animaux sortaient de leurs terriers, les chamois remontaient sur les sommets et les ours sortaient de leur longue hibernation, les femelles accompagnées d'oursons qui pour la première fois apercevaient les rayons solaires. Et là-haut sur les sommets, les gardes de la Confrérie des Haches sortaient de leur torpeur. Durant les longs hivers, ils étaient plus trappeurs que soldats. Peu de voyageurs s'aventuraient dans les cols et les ennemis n'osaient braver les éléments. Alors, ils partaient chasser dans ces paysages blancs et rapportaient lièvres, hermines et renards. Les fourrures seraient vendues aux premiers commerçants ou troquées contre d'autres marchandises que ne fournissait pas la Confrérie aux courageuses sentinelles qui gardaient les sommets.
Sur le flanc ouest de la montagne dite de « la pointe sombre », un poste de surveillance, encore à moitié couvert de neige s'éveillait. La lourde prote glissa sur ses gonds, laissant l'air glacial pénétrer à 'intérieur. Un nain, de marron vêtu, le visage camouflé par une capuche en peau de lièvre et le col relevé de sa tunique en chamois dissimulaient son visage, ne laissant que deux yeux noirs visibles. Dans son dos, un carquois en cuir contenait une trentaine de flèches empennées de plumes d'oie, blanche. Deux couteaux étaient fixés à sa ceinture et un poignard à sa jambe droite. Des bottes fourrées accompagnaient la panoplie du chasseur. Des gants renforcés d'acier couvraient chacune de ses mains et un brassard son avant-bras gauche. De sa main droite, il tenait un arc long en if. Derrière Evrann, venait un nain plus âgé mais pareillement vêtu.
Les dernières congères de neige fondraient en quelques jours et les marchands passeraient ce col d'ici une semaine, mais jusque-là, ils pouvaient partir chasser l'esprit tranquille, deux autres nains seraient suffisants pour assurer la défense du col.

- On descend à la cascade ?
- Pourquoi pas, il y aura peut-être une harde de cerfs. J'en ai aperçu avant-hier. T'as pris des flèches pour les oiseaux ?

- Oui, j'en ai une dizaine, et une vingtaine à pointe de fer.

Le nain plus âgé se prénommait Valmir Morneroche, mais les nains avaient pour habitude de l'appeler Val. Il avait, huit ans auparavant sauvé Evrann d'une mort certaine, dans le sanctuaire de la déesse Araignée. Il était le nain qui avait tiré le trait explosif, mettant en feu les œufs maudits des gobelins. La secte gobeline avait ensuite été traquée pendant des mois dans un dédale toujours plus profond de galeries, mais nul n'en avait réchappé vraisemblablement. Les œufs, une fois ouverts, furent identifiés comme des œufs de Krytchr, ces insectes géants, voraces et dangereux. Certains auraient même pu donner des reines. D'où venait ce culte, ils ne purent le découvrir. Ce qui comptait, c'était que les disciples avaient été éradiqués.
Mais aujourd'hui, les choses s'étaient tassées. Ils faisaient partie de la Confrérie des Haches, dans un poste avancé, à surveiller l'Ingemann de ces hauteurs. Ils avaient repéré un troupeau de caribous la veille au soir près d'un lac dégelé et autant de viande ne pouvait passer sans que les nains n'en prélèvent un morceau. Et s'ils avaient de la chance, deux ou trois canards, voire des oies se poseraient sur cette étendue d'eau.

La descente fut des plus pénibles. La terre, gorgée d'eau s'était muée en boue immonde et les bottes des nains, malgré leurs lourdes semelles, peinaient à accrocher la surface glissante. Plus d'une fois, ils menacèrent de tomber. Dans les arbres, batifolant au milieu des épines des épicéas, des écureuils roux les observaient et semblaient se moquer de l'aspect balourd de ces nains. C'est ainsi que, trempés de sueur, ils atteignirent la cascade. Malheureusement, nul gibier n'était en vue. Pas même un canard. Ils allaient devoir encore plus descendre, jusqu'aux plaines déneigées. Elles se situaient au milieu d'un cirque. Aurochs et reines, et quelques fois orignaux venaient s'y nourrir et se désaltérer à la petite rivière. Seulement, l'étendue plane laissait peu d'abris pour chasser à l'affût. Il fallait ruser et… la réussite n'était pas toujours au rendez-vous.

- Pas sûr qu'on ramène d'la viande p'tit. J'aime pas aller là-bas, on risque de s'péter une jambe à chaque fois. Ou d'se faire empaler par un Auroch.
- Bah, au moins on se dégourdit un peu plus les pattes, ça fait pas d'mal. Je commençais à en avoir marre de rester enfermé dans le chalet.
- Vivement qu'il fasse beau, cette foutue neige m'insupporte.


Fidèle au peuple Khazad, il râlait, toutjours. Lorsqu'il y avait de la neige, il en avait marre, mais, pour peu que le soleil se pointe un peu trop à l'horizon, les « il fait trop chaud » ou « j'vois rien à cause de la lumière » redoublaient. Cela amusait Evrann, qui lui aimait sentir le vent sur son visage, le soleil sur sa peau. A vrai dire, Valmir aussi préférait cent fois vivre à la surface plutôt que dans les entrailles de la terre. Mais il n'allait pas souvent le reconnaître.
La forêt d'épicéas s'arrêta nette sur la paroi rocheuse. Le cirque s'étendait, là, sous leurs yeux. Féérique auraient pu dire les elfes, surtout ceux qui s'était installés dans la forêt. Foutrement impressionnant préféraient s'exclamer les nains qui le voyaient pour la première fois. S'étendant sur quatre mille foulées de nain environ, il jurait avec le reste du paysage, découpé de cols et de pics enneigés. Au centre du cirque coulait une rivière limpide que les nains n'avaient même pas daigné appeler. La rivière du cirque sombre, en référence à la Pointe Sombre, la montagne qui le surplombait, leur suffisait amplement. Le gibier était au rendez-vous, purent-ils voir du premier coup d'œil. Une harde de biches broutaient l'herbe tendre et, plus à l'est, dans une zone marécageuse, des orignaux, plongés dans l'eau jusqu'aux épaules, mangeaient des herbes aquatiques.

Accroche la corde, on descend en rappel, lança Valmir à Evrann. L'un après l'autre, ils sautèrent dans le vide. La confrérie des haches avait aménagé un autre passage, plus commode, pour les marchands qui passaient par la Pointe Sombre, mais le trajet était beaucoup plus long et mené à une zone peu giboyeuse. Alors, ils avaient installés un réseau d'échelles de cordes, d'échelles plus solides, pour descendre dans la « plaine ». Dans des caches, des arcs et flèches ainsi que des dagues et de l'amadou étaient entreposées, au cas où un groupe de nains étaient pris dans le blizzard.

- Viens, suis moi, souffla Evrann à son mentor lorsqu'il atteignit le sol. En descendant, j'ai repéré une...
- Sérieusement, comment tu fais… T'es descendu aussi vite, voire plus que moi et t'as eu le temps de faire du repérage et ce, sans te rompre le cou. J'pige pas. Moi j'ai pas pu décoller les yeux d'mes pieds.
- Moins fort, je t'apprendrai peut-être un jour à pas avoir peur du vide.
- J'ai pas…
Sa phrase fut coupée par le poing relevé de l'ex-voleur. A deux cents pas venait d'apparaître la proie. Elle ne les avait pas encore repérés mais s'ils continuaient à parler, elle ne tarderait pas à partir. Ils s'accroupir doucement, avec des mouvements les plus lents possibles puis, sans bruit, ils avancèrent vers un buisson de houx.

Petit à petit, telle la lionne qui se prépare à bondir sur sa proie, ils s'approchèrent de la biche. Nulle brindille ne se brisa sous leurs pieds, nulle feuille ne frémit. Et puis, en même temps, ils décochèrent leurs flèches. Une flèche perfora la poitrine de la bête, l'autre le cou. Alors qu'elle détalait, gravement blessée, une deuxième salve la fit chuter. Ils coururent vers l'animal pour abréger ses souffrances et protéger la viande. Non seulement, des loups ou des tigres à dents de sabre pouvaient rôder dans les environs, mais surtout les premières mouches étaient sorties de leur léthargie et la chair chaude allait immanquablement les attirer. Valmir alluma un feu avec son briquet en silex pendant qu'Evrann ouvrait la gorge de la bête avec son long couteau de chasseur. Puis, au niveau de l'entaille, il ouvrit sur toute la longueur la peau de l'animal. D'un geste précis et rapide, il ouvrit et vida l'abdomen. Puis, aidé de Valmir, l'animal fut rapidement dépecé. Morceau de viande par morceau de viande, la bête fut fumée. La majeure partie de la carcasse put ainsi être protégée des insectes, mais, l'avant main, plus charnue, dégagée en dernière dut être abandonnée sur place. Ils avaient de toute manière assez de viandes pour eux et leurs amis et, le va et vient d'ombres dans les herbes hautes indiquait que nulle morceau n'allait être perdu. Une fois les sacs chargés, ils prirent le chemin du retour.

- Qu'est ce que c'est… cria Evrann en pointant quelque chose à l'horizon.
- J'regarde où je pose mes pieds, p'tit, chuis pas un chamoix, grommela le ranger tout en se tournant doucement vers l'horizon.
- On dirait des cavaliers. Ils tracent. Ils viennent de Karad… J'croyais qu'on devait fermer l'col.
- Ouep, par où ils sont passés ces zigotos… Aller, on grouille, j'ai un mauvais pressentiment.


C'est au pas de course, malgré la charge sur leur dos, qu'ils gravirent la montagne. Ils mirent tout de même plus de deux heures et demi à rejoindre leur abris. Ou plutôt, ce qu'il en restait.
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#8
Chapitre 7 : Une piste de sang

Versant Ouest de la Pointe Sombre…
…devant un tas de cendre…


Il ne restait plus que des cendres du chalet, poste de surveillance de la Confrérie. La terre était labourée par le passage de poneys. Et, sur le seuil, gisaient deux corps carbonisés. Ils étaient morts, assassinés. EN découvrant ce macabre spectacle, ils avaient lâchés leurs affaires, pour dégainer arc et épée. Mais c'était inutile. Les cendres bien que fumantes, indiquaient que l'attaque avait dû avoir lieu le matin, sûrement peu après leur départ. L'un des membres de la confrérie tenait encore sa hache double.

- Magie, persifla le Ranger en retournant le cadavre.
- Notre magie, ajouta Evrann. Car cela était bien le cas. La Geomancie, l'art mythique des nains était de manier les forces telluriques et d'ordonner à la terre. Le sol avait été transformé en sable mouvant. Les jambes de leurs amis avaient étaient pétrifiées et la lave avait carbonisé leur abris. Des nains avaient tué d'autres nains… Des maîtres des runes, les sages de leur peuple avaient retourné leurs pouvoirs contre les leurs.

- Ce n'est pas possible. Il faut prévenir le reste de la confrérie !
- Comment ? Les corbeaux sont morts eux aussi, regarde la tour.
- On va devoir y aller à pieds.
- On ne peut pas les laisser partir.
- Qu'est ce que tu veux qu'on fasse ! Ils sont montés et partis depuis trop longtemps. Ils ont tellement d'avance qu'on ne pourra jamais les rattraper !
- Croâ,
croassa un oiseau derrière eux.

Un magnifique corbeau se tenait dans un arbre. Il observait la scène de son regard cynique. Puis il plongea vers le duo.

- Un corbeau de la confrérie, jugea Valmir. Mais pas l'un des nôtres. Regarde, il a un message.
L'écriture était précipitée, presque illisible.

Citation :Renégats nains en fuite. Magiciens. Les arrêter à tout prix. Faire attention. Font route vers l'ouest.
Goltor, apprenti de la confrérie.
Et le sceau était celui de la capitale.

- Trop tard. Le message arrive trop tard, grommela Valmir.
- On renvoie un message à la capitale, on va les suivre. Prenant un bout de charbon, il retourna la missive et écrivit du mieux qu'il put ces quelques lignes.

Citation :Renégats nains passés par Pointe Sombre. Ont brûlé le campement. Deux survivants. Partons à leur poursuite. Chemin de l'ouest à travers cirque.
- Bon, on prend tout ce dont on a besoin, puis on y va. Les armes n'ont pas du trop souffrir et la cache au sous-sol a du être épargnée. Fais gaffe. Moi je vais chercher des vivres. Prends moi un arc long, un lot de flèches barbelées et toutes les fioles de poison que tu peux porter. On part pas chasser, on part venger nos frères. Par Grungar, cela ne se passera pas aussi facilement.

Une étrange lueur anima le regard de Valmir alors qu'il donnait ces ordres. On avait attaqué la Confrérie et il fallait maintenant se venger. Qu'importe le temps que ça prendrait, les enfants de leurs enfants seraient là pour prendre la relève et laver cette infamie.

Une dizaine de minutes plus tard, ils étaient équipés. Du mieux qu'ils purent, ils protégèrent les corps sous des pierres et des débris. D'autres s'occuperaient de les ramener à Karad où l'on procèderait aux rites funéraires. Leur travail à eux, c'était de pister les renégats avant que l'a piste ne disparaissent. Et à ce jeu, ils faisaient partis des meilleurs. Ils connaissaient déjà leur dernière position connue et en coupant à travers la forêt, ils gagneraient du temps. Très peu, n'ayant pas de montures, mais de quoi, peut-être, trouver une piste plus fraîche et plus évidente à suivre.

Ce n'est que lorsque le soleil disparut à l'horizon qu'ils atteignirent la route du cirque. C'était plus un chemin qu'une route. Elle filait vers l'ouest, vers l'Ingemann. De ces villages isolés, seuls quelques trappeurs l'utilisaient pour commercer avec le royaume de Karad Zirkomen. Peut-être pourraient-ils les conseiller sur la route à suivre ?
Dès que la luminosité se fit trop faible pour qu'ils puissent suivre les traces, ils se couchèrent. Dès qu'elle réapparut, ils se levèrent. Ils trouvèrent les traces d'un campement. Là, les traces des poneys s'écartèrent et ils crurent déceler quatre ou peut-être cinq traces différentes. Cinq nains donc. Ils avançaient vite car, le soir venu, ils n'avaient plus repéré d'autres signes d'arrêt. Et les traces commençaient à disparaître.

- Ils s'écartent des chemins habituels constata Valmir, en voyant le changement de direction. Ils s'enfoncent dans l'Ingemann, dans les contrées peu explorées.
- Oui, ils s'enfoncent vers les spectres.


Un frisson leur parcourut l'échine à cette évocation. Des centaines d'années auparavant, un démon avait réussi à créer un portail sur Ecridel et ses hordes avaient failli détruire le monde. Une alliance de fortune s'était créée entre les elfes et les nains pour repousser ce mal mais les deux peuples perdirent des milliers de soldats. Milliers de corps qui avaient dépéris au milieu des dépouilles de démons, dans ce lieu empreint de magie. Il avait fallu des dizaines et des dizaines d'années avant de constater les conséquences de cet affrontement mais, depuis, les voyagèrent pouvaient apercevoir des formes évoluer dans le noir. Des spectres. Et le lieu avait été abandonné, vestige d'une histoire qu'on voulait oublier, mais qu'on ne pouvait effacer.

- J'aime pas ça. Il faut être déterminé pour foncer tête baissée vers cet enfer.
- D'accord… J'aime pas ça non plus. Mais on doit y aller. Vas-y, prend des cailloux et fais un cairn pour leur montrer la direction.


Le petit tas de pierre fut rapidement établi. Ils se remirent en route, mais cette fois, leurs pas se firent plus pesants. Difficile de se diriger vers le lieu de tous les maux, celui qu'utilisaient leurs parents pour les effrayer s'ils ne voulaient pas faire quelque chose. Le moindre bruissement de feuille suffisait à les faire douter. Et la piste disparaissait dans les fourrés. L'espoir cependant revint à l'aube, lorsque, au détour d'un sentier forestier, ils tombèrent nez-à-nez avec le cadavre d'un poney. De puissants crocs avaient lacéré l'encolure de la bête et des coups de griffes, mis à nu son poitrail. Le cavalier avait lui aussi dû être blessé par la bête car un morceau de plaque ensanglantée gisait dans un fourré plus loin. Mais, nulle trace de l'assaillant ni des autres nains. Cependant, avec un membre à pieds, ils ne pouvaient plus aller aussi vite. Surtout avec un blessé. Ils passèrent la nuit dans les arbres, perchés sur une branche pour échapper aux spectres et aux tigres. Et, à travers le feuillage dense, grâce à l'éclat de la Lune, ils crurent distinguer une fumée s'élever à l'horizon.

- Un jour d'avance, tout au plus… Ils ont dû camper plusieurs jours pour soigner leur ami.
- Ou alors, ils sont arrivés à destination. Mais que peuvent-ils bien faire ici ?
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