Le Chant du Renouveau
#1

Elle ouvrit les yeux.

Ses bras étaient croisés dans son dos, ses mains frôlant l'écorce de l'arbre où elle avait trouvé refuge. Une douce brise agitait ses feuilles, dessinant des motifs différents dans l'ombre à chaque seconde. Mitriath se dressait devant elle, toute entière, fière et jeune malgré les arbres vénérables qui la couvaient. Une cité qui respirait une certaine harmonie au sein de la Nature qui l'avait accueilli, à l'image de ceux qui l'habitaient. Il y avait encore tant à faire ... Pas pour son expansion, sa grandeur, non. Cette peinture était encore inachevée, les éléments mal superposés, la délimitation entre l'original et la refonte encore agressive à l'oeil.

Des bruits de pas la sortirent de sa rêverie. Deux silhouettes féminines se rapprochaient, gagnant à leur tour l'ombre du chêne. La première avait encore cette élégance toute lisse des Hauts Elfes, la blancheur de leur passé encore présente dans sa chevelure et sa peau. La deuxième avait cette même teinte diaphane, mais teintée de cet air farouche, rappelant à l'oeil autant sa beauté que sa dangerosité, à la manière des dryades. Leurs regards n'avaient pas l'ombre d'une interrogation. Elles savaient. Elles savaient pourquoi elles étaient ici, ce dont il serait question. Et quelque part, dans ces airs songeurs, Nivalis sentit qu'elles étaient prêtes, elles aussi.
Elle leur sourit, avec une douceur feinte, en ouvrant finalement les bras pour les intimer d'approcher.

"Deï ... Mon amie, ma protectrice ... Naya ... Ma soeur d'armes ...
Vous savez pourquoi nous sommes ici, non pour parler du passé, mais bien de l'Avenir. Je pense qu'il est plus que temps que les Défenseurs d'Halista se dressent, se relèvent avec arme et bouclier pour défendre ses préceptes, la cause de la Nature. Notre peuple n'est pas décadent, non ... Il est jeune. A voir les siècles écoulés, il n'en est même qu'à ses premières balbutiements. Il ne tient qu'à nous de le guider, nous qui avons été mis les premiers sur la Voie, les Druides, les Prêtresses de la Nature.
Je nous pensais trop faibles, trop peu organisés pour mener une quelconque action d'ampleur ... Mais quand j'aperçois ces guerriers, ces sentinelles, ces mages qui désirent défendre la même cause que nous portons depuis ces dizaines d'années ... Je pense que cela devient possible, à portée de main. C'est à nous de montrer la voie, c'est à nous de forger l'épée qui sera l'arme de Sa Volonté.
Serez-vous avec moi, cette fois encore ?"


Elle ne pensa pas judicieux de détailler davantage sa pensée. Elles connaissaient les impératifs de leurs fonctions, elles savaient où elle voulait en venir. Son regard accrocha le leur, alors qu'elle regagnait son silence, guettant leur réponse.

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#2

Le murmure du vent s'éleva avant le sien et elle releva le visage, présentant son profil à ses deux sœurs de race, l'expression d'abord marmoréenne. Son visage sans marque, sans cicatrice, sans âge, était sculpté avec soin et semblait être destiné à la douceur et au raffinement. Ses yeux, par contre, brisaient cette impression, pesant sur le monde avec l'intensité glacée d'un âge aussi avancé que sévère. Elle paraissait jeune, elle n'était que préservée et, alors qu'elle leva une main pour retenir sa chevelure, rabattit le regard sur Nivalis, ses lèvres acceptant de se parer de l'ombre d'un sourire.

"Mon oiselle.

Comme j'envie cette bonté qui élève tes paroles... Tu vois des êtres prêts à agir, je vois un jeune arbre, prêt à pousser de travers et avoir bientôt un tronc tordu. Il nous faut agir, ô oui, aurons-nous la même foi envers les nôtres ?"

Son sourire s'accentua, découvrant légèrement des petites dents nacrées.

"Il est jeune et non décadent. J'ajouterai, pas encore. Nos mains suffiront à guider la pousse, à tenir éloigné le liseron qui pourrait étouffer ses branches. Elles suffiront. Elles devront suffire. J'ai rarement été aussi pressée d'agir."

Comme pour illustrer étrangement ses propos, elle s'assit aux côtés de son amie, nouant brièvement ses cheveux d'une de leurs mèches, allant poser le regard sur cette femme encore presque inconnue qu'était Naya.

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#3

Naya s'avança, un sourire absent flottant sur ses traits fins, sa peau diaphane brillant presque sous la douce lumière qui transperçait les feuilles. Elle jetait des regards à droite et à gauche, humant l'air avec une satisfaction visible à chaque inspiration. Son calme apparent était contrebalancé par l'intensité de son regard bleu gris et elle écouta son amie lui parler sans faire le moindre signe pour l'interrompre.

Elle fit de même pour Deï, se contentant de l'observer sans un mot, sa main effleurant avec douceur, presque amoureusement, l'écorce de l'arbre contre lequel elle s'était appuyée. Remarquant alors que le regard de ses compagnes était braqué sur elle, elle toussota légèrement et se redressa, prenant la parole d'une voix douce, presque un murmure.


"Il n'y a rien de plus beau que le bruit du bruissement des feuilles sous le vent vous ne trouvez pas ?"

Elle laissa de nouveau quelques secondes s'écouler avant de reprendre, d'un ton tranquille, regardant alternativement Nivalis et Deï.

"Parler d'avenir est une très bonne chose mon amie. Le passé ne doit pas nous étouffer et si tu penses qu'ils sont prêts à avancer, qu'ils nous attendent, je ne vois aucune raison de ne pas abonder dans ton sens. Je serais là pour montrer la Voie avec vous, aider et guider les esprits autant que les cœurs."

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#4

Un sourire doux passa sur ses lèvres, quand Deï la rappelle à ses souvenirs lointains. Elle n'a pas oubliée. Elle ne le pourra sans doute jamais. Son vol était paisible, un vrai baume pour l'âme. Et plus que jamais, elle avait sentie les filaments timides mais tenus qui la reliaient à cette nature sauvage, à ce qu'elles qualifiaient d'Halista. Elle l'avait sauvée, guéries et reconstituées ses fragments brisés de son esprit, animée sa flamme.
Ses paupières se fermèrent, dans une agréable sensation de sérénité, alors qu'elle les écoutait avec attention, sans qu'elles puissent en douter. Et elle ne douta pas non plus de leurs réponses affirmatives. Elles seraient à ses côtés, comme trois Soeurs, trois Druidesses. Elles avaient le Savoir retrouvé et il est maintenant temps de le distribuer. Ses mains se tendirent vers elles pour cueillirent les leurs. Son armure vivante décrit un cercle étrange sur sa poitrine, s'animant lentement et doucement pour lui communiquer son énergie. Elle eut presque l'impression que cet esprit voilé des Tertres souhaitait lui aussi leur témoigner sa présence, comme s'étirant.

"Deï ... Tu n'as pas eu l'occasion de combattre à nos côtés. Je m'en désole, mais cela sera un plaisir que de te les faire découvrir, te présenter à ces elfes qui ont toute ma confiance, ma reconnaissance. Leurs actes ont parlé pour eux-mêmes plus que leurs paroles. Ils viendront. Ils sont en chemin, je les ai appelé, même si certains ne sauront que brièvement de quoi il en retourne. C'est à nous de leur faire entendre le Chant d'Halista, de faire vibrer cette corde en eux qui est déjà bien présente, bien distincte. Je sais déjà, au fond de moi, pour les avoir chacun étudié à leur juste valeur, qu'ils se joindront naturellement à notre cause. Alors d'une simple poignée d'idéalistes, nous deviendrons une force prédatrice à qui seule la Nature pourra faire entendre raison."

Son regard se rouvrit sur Deï dans un sourire d'une étrange sincérité. Elles avaient acceptés, sans vraiment savoir qui les accompagneraient sur ces sentiers tortueux. Elle lui devait des explications.
"Tu connais peu Naya encore, mais c'est une si vieille amie ... Devenue Prêtresse d'Halista. Vous partagez les mêmes valeurs, nous les partageons toutes les trois."
Ses yeux verts sombres se fixèrent tour à tour sur les deux femmes qui l'entouraient. Elles devaient se faire confiance ... Elles savait que le pas ne serait pas difficile à franchir, mais peut-être davantage pour les autres noms qu'elle avait en tête. Elle prit la peine de tous les évoquer, les répertorier sans parler des liens affectifs, car chacune d'elle en avait un plus ou moins tangibles avec les membres de ce groupe qui se constituait à peine.
"Renard et Aryalis sont une force vive sans lesquels nous ne pourrons faire, des sentinelles de la forêt qui sauront ouvrir la voie sans faillir, car autant nous connaissons ce qui nous lie à Halista, autant connaissent-ils les mystères de notre forêt. Tiamath est une mage émérite qui a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais peut déjà tant ... Gardienne de l'Harmonie, elle serait capable de comprendre la magie qui sature notre refuge, de savoir comment la préserver et la chérir. Enfin ... Tely'o fait partie de ces guerriers flamboyants, de ceux qui ne doutent jamais, et sauront défendre une cause au fil de la lame. Il pourra être ... sera le Protecteur de cette fratrie."
Non, elle ne se permit pas de douter de lui. Peut-être était-ce celui qui serait le moins sensible à leur cause, mais sa fidélité était intacte. Elle la savait infinie, de par ces rudes épreuves qu'ils avaient traversés ensemble, en si peu de temps, avec Renard.

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#5
Serre la, au plus fort que tu peux, serre la contre toi. Tu sens sa peau? Tu sens sa douceur? Sa tendresse? Elle était si douce contre ta peau, contre elle, il ne sentait ni douleur, ni peur, ni haine, juste le réconfort paisible. Soudain, l'image se perturbe. Il y a déjà le grognement d'un ours, le coup, déchirant, l'odeur du sang, la douleur, la rage. Où est-elle? Où est son aimé?
Il a mal, il souffre, elle lui manque, chaque seconde sans elle lui semble une éternité, chaque instant sans sa présence est un déchirement, une lame qui tourne et retourne dans la chaire, enlevant à chaque passage un peu plus d'humanité.

L'elfe se réveille, sa main tamponne l'endroit où elle devrait se trouver, vide... Vide est froid. C'est vrai qu'elle n'est plus là, c'est vrai qu'elle n'est pas Elle. Elle est morte. Morte! Ce mot résonne sinistrement dans sa tête, il en vient à en avoir la nausée, peut être est-ce seulement dût au fait qu'il est blessé, il regarde ses bandages, certains sont écarlates, les plaies se sont ré-ouvertes. Encore.

Il s'assoit dans au bord du lit. Calmant sa respiration, la pièce est si calme, si vide. Depuis combien de temps n'a-t-elle pas vu de visiteurs? Tely'o n'en a aucune idée, mais quand il repense à la joie qui vivait dans ces murs, il a envie de vomir. Comment a-t-elle put le quitter? Comment a-t-il put la laisser?
Laissant ces questions en suspends, il entreprit de recommencer à panser ses plaies de façon méthodique, une fois cela fait, il irait rejoindre Nivalis, elle lui avait demandé de venir, quelque chose d'important. C'est étrange comment les fils du destins sont non? Si fins, si invisibles, bougeant en un point pour faire réagir bien plus loin. Le battement d'aile du papillon en forêt qui provoque une tempête à Kazad, c'était à peu près l'idée, quelque chose d'insignifiant entraînait de lourdes conséquences.

Pourquoi lui avait-elle donné rendez-vous, elle était resté assez floue sur les raisons, d'ailleurs, la question ne se posait pas, il la suivrait où qu'elle irait, dut il détruire des empires pour elle, il la protégerait. Il le jurait.

Il arriva enfin au lieu indiquait. Ce qui le frappa dans un premier temps, c'était la plénitude de l'endroit, cette ambiance sereine. Il les détailla toutes de ses grands yeux sombres, fixant chacune d'elle comme s'il tentait de leur arracher leur âme. Son regard se fut cependant plus tendre en attendrissant sur Nivalis, il se força à se mordre l'intérieur de sa joue pour ne pas aller se réfugier contre elle, la serrer contre lui. Il resta cependant figé, il était le seul homme de l'assistance et dépassé toutes les personnes présentes de plus d'une tête. Il était dans l'assemblé le chevalier d'airain, engoncé dans son armure, il dominait largement t en stature et ses lames rangées dans leur fourreau semblait rappeler à tous son office. Il resta sans rien dire et vint se placer derrière Nivalis. Si proche d'elle, il eut envie d'embrasser ce cou, de l'enlacer, de lui murmurer des promesses d'un amour éternel.

Encore une fois, la réalité et son fantasme se mélangeaient, il avait de plus en plus de mal à différentier Nivalis et son amour perdu. Le véritable garde du corps ferma ses yeux un instant, l'espace d'un battement de coeur, il se laissa divaguer avant de reprendre totalement ses esprits.
Rouvrant les yeux, il souffla d'un ton qui se voulait froid :


-Je suis Tely'o, serviteur de Nivalis.

Dès lors il n'ajouta rien, pour le moment. Il n'avait pas grand chose à dire et parler dans le vide, il laissait cette place à Renard. Il croisa ses bras derrière lui, se postant sur ses jambes comme l'aurait fait un garde en faction. Il attendait qu'on lui explique plus en détails, qu'il ait un peu plus d'informations. Enfin, quoi qu'il serait dit, cela n'avait guère d'influence sur son choix. Où elle ira, il irait.
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#6
Elle n'était pas loin, assez pour ne pas entendre les échanges de ses ainées, mais suffisamment proche pour que le vent lui en rapporte quelques bribes. Deï ne l'avait que peu évoqué, pas plus que Nivalis et Naya, avec qui elle avait déjà un peu voyagé, mais elle savait déjà de quoi il était question.

Elle s'avança, alors qu'un souffle lui rapportait son nom en écho, pour venir naturellement trouver sa place auprès de sa mère et enseignante. Et prit la parole alors que le guerrier, qu'elle croyait perdu, se reculait.


"Je suis Tiamath, fille de Deï. La magie est mon chemin, la Nature son réceptacle, et Halista est le Tout qui nous unie à Elle. Je veux apprendre à la connaitre, encore. Je vous suivrai."

Un bref mouvement de recul pour s'effacer, sa main se porta à sa joue, marquée par la balafre laissée par l'Esprit Ours quelques jours plus tôt. Fallait-il qu'elle se distingue ainsi de celle qui l'avait élevée ? Un regard vers Deï, puis Nivalis. Apprendre, oui. Comme la cité, elle était jeune, et le chemin serait long.
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#7
L'endroit était calme, proche de la ville et de toute son agitation, de cette atmosphère particulière qui y régnait, et pourtant, ici, tout était tranquille. Les rayons de soleil jouaient avec les feuillages des arbres séculaires et le vent participait au jeu, agitant doucement les branches. Liska aurait presque pu se croire retourné à l'endroit qu'il venait de quitter. Son arbre sous lequel chaque année une nouvelle famille de renards s'installait. Il avait noué au fil des années une étrange affinité avec ces animaux. Il était resté quelques heures avec les petits de l'année, jouant avec les plus vifs tandis que les paresseux se prélassaient dans un coin. Il se sentait bien, avec eux. Détendu. Et puis il était parti, à regrets comme toujours. Il avait fallu qu'il parte rapidement, pour ne pas arriver trop en retard.

Le rouquin resta quelques instants immobile songeur, contemplant le groupe, de loin. Tely'o et Nivalis étaient les deux seuls qu'il connassait. Le premier se tenant droit et fier derrière la seconde, qui semblait confiante. Les autres, toutes des femmes, lui était inconnues. Enfin, pas vraiment en réalité. Il en avait déjà vues certaines. Il y avait Tiamath, la jeune mage qu'un ours avait attaqué. Parfois il se souvenait de cette frêle petite elfe, blessée, peinant à tenir sur ses jambes mais continuant d'avancer. Et à chaque fois lui revenait un relent amer de culpabilité. Il avait été le plus prompt à réagir à l'appel de Nivalis. Tely'o était tombé devant lui sans même qu'il puisse esquisser un geste. Stupéfaction.
Il en était resté comme paralysé. Et puis il avait entendu la voix de l'elfe, elle leur criait de s'enfuir. Comme un automate obéissant il s'était retourné et avant bondit vers l'avant, le plus loin possible du monstre. Et il avait couru, ignorant ses propres blessures. Vite et loin. Il ne s'était arrêté que lorsqu'il s'était rendu compte qu'il était peut être allé trop loin. Il avait hésité... Faire demi tour ? Rester et attendre..?
Les autres l'avaient de toute façon rejoint peu de temps après. Et Tiamath était blessée. Tout ce qu'il avait pu faire ensuite c'était essayer de la protéger, qu'une bête sauvage attirée par l'odeur du sang ne vienne pas s'en prendre de nouveau à elle.
Mais il s'en voulait. Il aurait peut être du rester et couvrir leur fuite. Prendre les coups à sa place. Il en aurait peut être moins souffert que Tiamath... Ou peut être qu'il aurait suivit Tely'o... Mais au moins la jeune mage n'aurait-elle pas été blessée.

Il secoua rapidement la tête. Il n'était pas temps d'avoir des pensées si sombres. Nivalis les avaient convoqués ici. Il ignorait pourquoi en grande partie, mais il était venu quand même. Il s'avança vers le groupe, d'un pas assuré.

"-Mes hommages mesdemoiselfes. Je suis Renard, enchanté de vous rencontrer. Nivalis, Tely'o. Heureux de vous revoir."

Il s'inclina bien bas, souriant à l'assemblée. Presque que des femmes, mis à part Tely'o et lui.
Il n'avait pas jugé utile de se présenter par son prénom. Si l'une d'entre elle avait eu le loisir d'entendre parler de lui, c'était certainement par ce surnom qui faisait sa fierté.
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#8
La jeune elfe avait elle aussi reçu l'appel de Nivalis, bien mystérieux d'ailleurs, ne disant pas vraiment pourquoi sa présence était requise. Les évènements récents avaient été mouvementés, et ce qu'ils avaient traversé ensemble, alors qu'ils n'étaient que des inconnus, n'aurait su être qualifié pour moins qu'épreuve. Épreuve dont ils étaient tous sortis vivants, bien que de très, très peu. D'ailleurs, les présentations formelles étaient toujours en suspens. Difficile lorsque l'on se bat pour sa vie et celle de la forêt de s'arrêter et de prendre le thé. Elle aurait dû s'étonner que Nivalis sache la retrouver si facilement sans la connaître, mais cela ne la choqua pas. Ce qui doit être advient, tout est lié.

Il ne lui fallut pas plus longtemps, pas plus de réflexion avant de se mettre en route. Avec la curieuse impression d'aller là où était sa place, de suivre le chemin qui la mènerait à grande vitesse à la prochaine croisée des chemins de sa destinée. Elle fit son chemin au gré de la forêt, trottinant presque sans bruit entre les arbres, observant chaque détail tandis qu'elle progressait avec agilité vers le point de rendez-vous. Quand elle courait ainsi, en harmonie avec ce qui l'entourait, elle avait l'impression d'être le vent soufflant dans les arbres, le torrent courant dans son lit.

Une pensée inquiétante afflua pourtant tandis qu'elle ralentissait à l'approche de sa destination : quand les feu follets deviennent frénétiques au point de projeter du feu dans la forêt, au risque de voir les flammes se répandre et briser l'harmonie du domaine d'Halista, c'est que quelque chose ne tourne probablement pas rond.

C'est sans un bruit qu'elle se percha sur une branche basse d'un arbre non loin des autres, ayant soin de rester dissimulée dans les feuillages tout en pouvant elle-même guetter tout son saoul. Elle prit le temps d'observer avec intensité, même si elle n'était pas arrivée au début de la conversation, elle avait tout de même assisté à l'entrée en scène de Tely'o, Tiamath et finalement Renard. Lorsqu'elle se sentit prête elle finit par prendre part à la conversation.


- Et puisque la situation permet finalement d'en venir aux présentations, je suis Aryalis.

Après quoi, pour ne pas les laisser chercher, elle se laissa glisser de son perchoir agilement, embrassant l'arbre comme dans une étreinte, semblant parfaitement à l'aise avec les mouvements qui agitaient toutes ses branches autour d'elle.

Elle s'approcha ensuite en souriant tranquillement, le pas silencieux, le regard scrutant un instant les alentours, avant de se dédier plus particulièrement aux personnes présentent. Cette fois, son visage était libre de ses cheveux, elle n'avait pas caché son œil gauche doré derrière une mèche bien placée. Son regard intense d'or et d'argent pouvait parfois surprendre les gens ou les déconcerter, et la dernière fois qu'elle avait vu certains d'entre eux, ils n'avaient vraiment pas besoin d'une surprise de plus. Ce n'était plus le cas à ce moment-là, pas qu'elle le sache en tous cas. C'est avec une petite révérence et un sourire légèrement amusé (celui-ci à l'attention plus particulière de Nivalis) qu'elle ajouta :


- Sentinelle des forêts et bien plus encore, si Halista le veut.
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#9

Sa main retenait encore ses cheveux ; quelques mèches paresseuses flottaient au dessus de ses épaules presque nues, comme des fils décousus renforçant l'impression éthérée que l'elfe sans âge pouvait dégager. Elle considéra longuement ceux qui se présentaient, posant son regard dans leurs yeux une longue minute au moins, passée à les scruter sans varier d'un pli de lèvre ou d'un froissement de paupière de son expression pensive et neutre. Le silence s'installait, ce qui ne lui pesait pas le moins du monde. Qu'était une heure dans l'océan d'années de sa vie ? Pas plus que n'était un fragment de feuille pour un chêne centenaire. Mais elle savait bien que la jeunesse était impatiente et labile, qu'elle devait être guidée et qu'en un seul orage, ce chêne pouvait se retrouver foudroyé, réduisant à néant l'ouvrage d'une vie.

Il fallait parler, il fallait comprendre, il fallait bien qu'elle daigne, finalement, se lier à nouveau à des êtres ; elle n'avait pas encore un siècle de veuvage, pourtant. Elle ferma les yeux sur le souvenir d'un visage, d'un sourire, d'une promesse échangée brisée de part et d'autre puis, rouvrant les yeux sur une détermination minérale, elle reprit.


"Je suis Deï, fille des âges anciens et d'un temps aujourd'hui révolu. Longtemps ai-je servi des icônes qui ont guidé le sang et les espoirs de tout un peuple vers la ruine et le déshonneur. Au regard de ma vie, je ne sers la Nature que depuis quelques battements de cœur, mais je les dévoue tout entier. Depuis la guerre, depuis la chute, j'ai embrassé la Nature de toute mon âme et y ai trouvé ce que je vois en chacun de vous."

Elle marqua un temps d'arrêt, détachant chacun de ses mots, pour regarder ostensiblement Naya et son enfant, Tiamath, que les observateurs attentifs pouvaient effectivement lui attribuer, bien qu'elle ressembla surtout à ce père si absent.

"Sagesse."

Elle posa les yeux sur Renard et Aryalis.

"Vivacité."

Enfin, sur Tely'o.

"Prédation."

Elle abaissa les paupières de nouveau, joignant ses mains sur son ventre plat mais fertile. Sa chevelure, de nouveau brassée par la brise, se dénoua et s'échappa en un nuage langoureux.

"Si Nivalis vous fait confiance, je vous accorde toute la mienne. Je sais que vous brûlez d'agir, de répandre la volonté de cette terre qui nous a choisis pour être ses servants, et que nous sentons, tous, en colère. Car elle l'est, oui, certains signes ne trompent pas. La forêt est menacée, mais la foret nous menace, mordant nos mollets pour nous enjoindre à courir. Il est temps de faire, notre peuple a eu assez de printemps pour se lancer dans la chasse. Les ennemis de la force vitale qui est notre mère sont deux fois les nôtres et, eux aussi, ont pu recouvrer une certaine puissance. Notre chemin ne sera pas aisé et j'en remercie la Nature, puisqu'ainsi nous saurons prouver notre valeur."

Elle rouvrit les yeux sur un sourire plus tendre et un regard plus dur.

"Les racines de ces arbres ont soif du sang de leurs ennemis. Les ombres des bois sont l'écrin de fruits de mystère qui ne doivent être pris dévorés par des lèvres étrangères. Il est temps. J'ai voué mon âme à notre Mère, je voue ma vie aux vôtres et mes pas à vos chemins. Nous entendons Sa volonté, il nous faut devenir ses armes. Êtes-vous prêts ?"

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#10

Dans un seul mouvement, il s'avancèrent.
Leur position s'affirma aussitôt autour du triangle de druidesses. Tiamath se positionna aux côtés de sa mère, alors que Tely'o se plaçait en garde du corps derrière Nivalis. Renard et Aryalis firent preuve de retenue, en restant face à elles. Les présentations furent de mises, chacun s'exprimant avec une étrange solennité, même Renard, le plus agité d'entre eux. Elle les connaissait tous. Certains avaient à peine effleurés son esprit, comme Aryalis et Tiamath, d'autres encore avaient violentés son présent tel Tely'o et Renard, les dernières, ses soeurs, avaient le goût du passé.

"Je suis Nivalis, un miroir brisé du Passé, celle qui autrefois brandit les armes contre l'envahisseur et périt comme tant d'autres. Je suis la résolution du Présent, protégée et chérie par la Nature, guérie et sauvée par la main d'Halista, celle qui repris son envol, appris à grandir. Je suis une Druide, une Prêtresse d'Halista, celle qui a le devoir de guider notre peuple vers un Avenir meilleur."
Ces paroles pouvaient paraître énigmatiques à certains, et pourtant, elles étaient le reflet exact de sa vie passée et à venir. Sa personne, son âme de plusieurs siècles, alors résumées en quelques phrases. Elle chassa les bribes de sa mémoire qui voilèrent sa conscience un instant de trop, alors que les paroles de Deï résonnaient encore en elle. Sa soeur parlait avec justesse et il lui parut inutile d'affiner sa pensée. Pourtant, elle les avait appelé et ils attendraient que sa voix résonne et soutienne les mêmes propos.

"Certains savent précisément pourquoi je les ai appelés en ces lieux, d'autres n'en ont encore qu'une vague idée. Si vous avez pris la peine de répondre à mon appel, c'est que vous brûlez d'en savoir davantage. C'est que vous prêts à nous écouter, car oui, notre voix à toutes trois est la même.
Nous sommes les Prêtresses d'Halista, les Gardiennes de la Nature, ce que d'autres appelleraient dans des termes plus courants ... Des Druides. Notre existence est ancienne, bien davantage que l'est notre dévotion à la Nature, et nous avons appris par nous-mêmes à la chérir et la respecter. Nous faisons partis des premiers Druides, de ceux qui ont rompus avec leur ancienne existence pour communier avec les esprits, au sein de la Forêt de Pelethor. Nous recherchons l'Harmonie, à tisser et raffermir ces liens fragiles qui nous relient à Halista, à son domaine. Nous sommes les Protecteurs, ceux qui se dressent contre ses opposants, ceux qui enseignent le respect et les vertus de cette nature ancestrale. Nous sommes les Sentinelles, ceux qui veillent à l'équilibre de la Nature, qui écoutent les esprits sans se laisser dominer par leur colère."

Son regard se porta sur les uns et les autres, sans laisser percevoir le doute. Le silence qui s'installa fut de courte durée, avant qu'elle ne reprenne d'une voix forte.
"Nous sommes un ordre ancien, à la source même de notre pouvoir, notre culture. Nous sommes un ordre nouveau, qui se doit de grandir et s'affirmer afin de guider au mieux. Vous avez l'occasion d'être ces guides ..."
Son regard s'arrête plus particulièrement sur Tely'o.
"... Ou d'en être ses défenseurs. Cette occasion, nous vous la donnons. Serez-vous prêt à la saisir ?"
Ses paroles s'achevèrent avec un sourire complice vers Deï, reprenant ses dernières paroles. Elle ouvrit les bras et attendit avec une curieuse sérénité que chacun s'exprime.

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#11

Plusieurs personnes avaient fini par les rejoindre et Naya les observait distraitement, prêtant plus attention à leurs paroles qu'à leur apparence. Le son des hommes n'était peut-être pas aussi plaisante que le bruissement des feuilles mais les voix de leurs futurs compagnons résonnaient agréablement tout autour d'eux.

Après les quelques secondes de silence qui suivirent les paroles de Nivalis, elle s'avança de nouveau, délaissant son arbre et prit la parole d'une voix calme et posée.


"Et bien, il est à mon tour je pense de me présenter, au moins sommairement, c'est la moindre des choses. Après tout, Halista semble nous avoir destinés à prendre la même direction sur le sentier de la vie.
Je m'appelle Naya, j'ai survécu à la guerre grâce à la volonté d'Halista et j'ai depuis lors décidé de vouer ma vie à notre Déesse et à la Nature. Comme l'ont si bien fait remarquer Deï et Nivalis, il est temps de défendre celle qui nous a permis de fouler son sol, de la protéger de tous les moyens possibles et en usant de toute notre volonté.

La confiance est pour moi quelque chose qui se gagne avec difficulté mais au vu du passé que je partage avec mon amie" un bref sourire en direction de Nivalis " je suis prête à passer outre ce principe et à vous l'accorder sans la moindre hésitation. J'espère qu'il en sera de même pour vous et qu'aucun de nous ne sera déçu.
Halista est dans nos cœurs, qu'Elle guide nos esprits pour la servir au mieux. Nous serons prêts."

Un bref hochement de tête et elle recula de nouveau d'un pas, ses mains glissant doucement sur l'écorce de l'arbre qu'elle avait quitté quelques minutes auparavant.

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#12
Les yeux de prédateurs se posèrent sur les nouveaux arrivants. Finalement, Tely'o n'avait rien contre Renard, non, il l'appréciait presque, mais, il voyait en lui une image déformé de son passé, il voyait la joie, il voyait une capacité à vivre. Vivre, il avait oublié ce que c'était, il avait oublié comment on pouvait faire pour rire, il n'était même plus sûr qu'il pourrait un jour en être de nouveau capable.
Non, il ne haïssait en rien cet homme, il se haïssait lui même et malheureusement le "jeune" en était un reflet, une pâle copie, grossière, mais suffisante pour rappeler à la bête son image.

Passant sa langue sur sa canine, Tely'o se mit à fixer Dreï, elle était belle, assurément, mais derrière ce masque de volupté, derrière ces formes qui l'attirait malgré la présence de Nessa, il y avait une laideur, une laideur voilée, dissimulée, couvert sous le suaire pudique de la beauté, c'était la laideur du combat, la laideur d'une femme déterminé, prête à faire couler le sang. Quand elle énonça "prédation" en fixant Tely'o, ce dernier ne put s'empêcher de penser "proie".
Proie, prédateur.
Etait il devenu un monstre? Une bête sauvage, guidé par ses instincts, indomptable? Non, il lui fallait se battre ces pulsions, il lui fallait rester homme, il ne fallait pas qu'il se noie dans cet océan de rage et de violence. Instinctivement, il serra ses poings, il les serrait tellement fort que la jointure de ses phalanges se mirent à blanchir.
Le soldat fermé les yeux, inspirant doucement, lentement, il senti alors ses instincts animaux l'effleurer, il sentit son humanité entrain de se battre contre eux, il entendit son cœur, ce double battements caractéristique.
La bête gagné, fracassant l'humanité, la déchirant avec ses crocs, l'éventrant avec ses griffes. Puis il y eut ce parfum, celui de Nessa. L'homme se releva alors, frappant avec force , chacun de ses coups arrivant à destination. La bête s'enfuit, mais pendant combien de temps?

Ouvrant les yeux il regarda Nivalis qui se tenait face à lui, faisant son discours, c'était son parfum qui le couvrait. Il se laissa bercé dans son mutisme habituel, il choisit de déchirer son silence de quelques mots choisis avec soin :


-Je la saisi.

Le regard azur se perdit sur les autres membres qui n'avaient pas encore juré allégeance.
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#13
Elle se laissait observer avec nonchalance, de toute façon, elle observait elle-même. Un juste retour réciproque des choses.
Elle ne se départait néanmoins pas de son sourire. Les personnes réunies ici lui semblaient former un ensemble disparate au premier abord mais pas incompatibles du tout. N'était-ce pas là tout l'intérêt de se rassembler ? L'avantage d'un groupe d'individus était de se compléter les uns et les autres, en mettant justement à profit les différences de chaque membre de la communauté.

Elle écouta chaque intervention avec attention. Vivacité était, comme l'avait bien remarqué Deï, un terme qui lui correspondait assez bien. Quant à la raison de leur rassemblement… Eh bien, il était indéniable qu'elle y était sensible. Elle n'était pas druide et sensible à la magie comme d'autres des personnes présentes, mais elle faisait partie de la nature et savait y être attentive et s'y intégrer. Lire les signes, observer, écouter, sentir, toucher et même goûter si nécessaire. Elle aimait profondément la Nature, et aimait tout autant en être une part entière.

Elle battit des cils un instant, avant de répondre avec énergie, et un quelque chose affectueux.


- La Nature est ma Grande Mère, Halista en particulier est ma Petite Mère, et la femme qui m'a mise au monde est ma Tendre Mère. Je ne savais pas pourquoi on m'appelait quand je suis venue ici, j'avais seulement le sentiment que j'allais vers l'une de mes croisées des chemins.

Elle leur adressa un sourire chaleureux à chacun, même à ceux qui paraissaient pour l'heure être des personnes relativement distantes, avant de terminer en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille.

- Nous ne nous connaissons pas encore beaucoup, ça viendra avec le temps, mais je suis d'ores et déjà heureuse de prendre ce chemin avec vous. Pour mes mères entre autre, je ne saurais en prendre un autre. Je suis prête !

Elle se tourna alors vers son comparse taxé comme elle d'être la vivacité de ce petit rassemblement avec un sourire et lui fit un petit clin d'œil amusé.

- Je crois que c'est à toi maintenant !
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#14
Vivacité, hein ?

Le rouquin leva les yeux vers les hautes branches des arbres, un sourire songeur flottant sur son visage alors que Nivalis parlait. Halista. Il ne s'était jamais vraiment demandé ce qu'elle était pour lui... Elle était la nature, la forêt les animaux. Elle les protégeait. Et c'était sans doute Elle qui lui avait donné ce qu'il avait. Il n'écoutait déjà plus les paroles de ses compagnons, trop absorbé dans la comtemplation des jeux d'ombre et de lumière au dessus de leurs têtes. Lui, il se sentait bien dans la forêt. Elle était belle et chatoyante, regorgeait de secrets bien cachés et pouvait parfois être dangereuse... Mais pour qui savait l'approvoiser, elle pouvait se montrer bien plus douce, plus aimante. Comme une mère, se surprit-il à penser.

Il sursauta quand Aryalis l'interpella. Il ramena son regard vers les autres, ayant l'étrange sensation de redescendre brusquement sur terre... Il se laissa quelques secondes -juste le temps de se passer une main dans les cheveux- pour essayer de reprendre le fil de la conversation comme s'il avait tout écouté... Au moins avait-il attendu que Nivalis termine avant de sombrer dans ses pensées !


"-Oui... Cette idée me plaît bien. Halista, lorsque j'y repense, m'a aussi donné beaucoup... Je me sens bien dans la forêt, c'est désormais chez moi, quoi que notre peuple ai pu être avant.
Je vous suivrai sans hésiter !"

Il rendit son clin d'oeil à Aryalis.
Halista. C'était peut être bien Elle, en fin de compte, qui l'avait guidé, qui avait fait de lui ce qu'il était. Comme eux tous, probablement.
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#15
'Sagesse'. Deï l'avait-elle réellement désignée ainsi ? Après sa mésaventure récente, elle avait peine à y croire. Mais les circonstances étaient toutes autres, au moins était-elle assez sage pour le reconnaitre. A bien y réfléchir, elle avait dit la voir en elle, pas qu'elle en faisait preuve. Après tout, quoi de plus normal pour une mère que d'attendre de la sagesse de la part d'un enfant qui grandit ? Cela s'appliquait d'ailleurs très certainement autant à elle qu'à la jeune communauté Sylvaine.

Tiamath avait déjà fait plus que se présenter, avant même que ne leur soit exposé à tous ce qui était déjà bien plus qu'un projet. Elle avait dit suivre alors que la question n'était pas encore posée. Sagesse, hmm ? Sans doute manquait-elle de retenue, Deï ne le savait que trop bien.

Elle ferait les efforts nécessaires pour être ce que l'on attendait d'elle, sa voie était là tracée, non sans embuches et zones d'ombre, mais c'était ainsi que la nature, Halista, était faite. Elle s'était déjà exprimée avant ceux qui avaient été conviés comme elle, elle reprit la parole quand tous se furent déclarés prêts.


"Apprendre, comprendre, servir. Pour et par Halista, prête, je le suis."

Son regard se porta d'abord sur Deï, puis sur tous. Non, ce n'était pas seulement devant elle qu'elle souhaitait ainsi se réaffirmer ; au fond d'elle, à les voir tous rassemblés, elle savait que Halista les entendait.
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#16

Revenue au silence, ses yeux suivirent les paroles. Chacun jura, à sa façon, d'une manière qui convenait à sa nature propre, la petite qui croissait dans leurs entrailles. Pensive, elle revint un instant sur le Prédateur. Elle ne s'était pas trompée, non, et elle se laissa aller à sourire alors qu'elle se dit qu'un jour, il faudrait peut-être le tuer avant qu'il ne dévore le troupeau qu'il devait garder. Elle arqua un sourire mesuré à l'égard de Tiamath, ensuite. Quelle mère glaciale faisait-elle. C'était parfaitement volontaire. Elle ne devait pas se tenir sur le chemin entre Halista et sa fille comme un obstacle. Trop d'âmes surestimaient la valeur de l'amour qui pouvait se tisser entre deux êtres, à ses yeux, et oubliaient que le plus beau et le plus solide se devait d'être l'attachement à ses racines profondes, à la terre, à sa vertu et à son peuple.

Un murmure dans les arbres tinta à ses oreilles, pourtant à peine plus prononcé que d'autres. Elle déplia les jambes, se relevant pour d'abord presque s'éloigner du groupe, le traversant entre Aryalis et Tiamath, sans un geste de plus pour sa fille. Son regard était pour les arbres de la cité abritant leurs frères de sang. Elle leva une main à hauteur de son visage, paume vers le bas et poignet souple. Un corbeau vint s'y poser, lourd, massif, puissant. Cherchant pour l'animal quelques parcelles de la viande d'un petit animal dans la besace pendant à son flanc, Deï maculait ses doigts d'une humeur rouge et poisseuse, un regard tendre, presque amoureux posé sur l'oiseau qui dévorait la chair, alors qu'elle faisait volte face pour reprendre envers ses compagnons.


"Nous n'avons pas été appelés, mais nous avons un message à répandre. Ce message, tous ceux ayant yeux, oreilles et cœur peuvent l'entendre, mais beaucoup sont sourds ou feignent de l'être. Nous serons des Hérauts."

Elle rapprocha son bras de son visage et le corbeau coassa, venant frotter son bec noir et luisant, épais comme la lame d'un poignard, contre les lèvres délicates et pâles de l'elfe. Elle sourit d'un beau et véritable sourire, laissant sa main libre courir sur les plumes de l'oiseau qui déployait ses ailes avec bonheur. Elle passa un petit bout de langue rose sur le coin de sa bouche, y effaçant l'ombre du sang qui s'y était déposé.

"Et tout comme nous savons que la Nature est pleine d'une affection cruelle, qu'il est nécessaire de tuer pour vivre, d'arracher pour mieux reprendre sa croissance, de blesser pour guider... Nous serons le Renouveau de notre peuple. Nous ne serons pas aimés, chers amours. Il y en aura sans doute beaucoup pour haïr. Mais pourqu'il y ait les délicats plumages et les élégants pelages, il faut bien des griffes, il faut bien des crocs, c'est ce que nous serons, à présent. A jamais. Jusqu'à ce qu'Elle décide qu'il est temps pour nous de reposer en son sein."

Elle présenta sa paume au corbeau, tenant un morceau de viande au centre. L'oiseau, en le piquant, planta son sec dans la peau tendre de l'elfe diaphane. Le sang, très rouge et très épais, y perla en gouttes paresseuses. Deux petites perles vinrent s'écraser sur l'herbe tendre, qui, étrangement, sembla croître et fleurir presque à vue d'oeil. Incitant son corbeau à venir sur son épaule, elle tendit la main au milieu d'eux, paume vers le ciel.

"Nous serons Sagesse, nous serons Vivacité, nous serons Prédation. Nous serons les Hérauts du Renouveau."

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#17

Leurs réponses furent d'une étonnante limpidité, comme exprimée d'une même voix mais aux tons dissonants. Elle ne s'était pas trompée, et cette pensée lui arracha un sourire. L'Union se révélait déjà forte, le mouvement du changement s'entamerait dans une envolée somptueuse à ses yeux.
Comme répondant à cette vision idyllique, un battement d'ailes déchira le chant du vent, le corbeau trouvant appui et refuge auprès de Deï. Ses pensées se dispersèrent au même moment, alors que lui revenait en mémoire sa forme véritable, des souvenirs bien lointains aux côtés de la Druidesse. Le milan reprendrait son envol, simplement d'une façon différente …

Elle stoppa le cours de ses pensées quand Deï clama ce nom qui les représenterait, Les Hérauts du Renouveau. Peut-être aurait-elle dû donner son avis, exprimer son accord ou non, mais elle ne fit rien de tout ceci. Deï avait sa confiance pour trouver le ton juste, pour trouver les mots. Des messagers, ce serait effectivement leur mission première, et le Renouveau, leur mot d'ordre. Ce mot puissant caractérisait bien leur peuple, et d'autant plus leur fratrie, qui avait décidé de porter haute les couleurs d'Halista, de trancher net avec leur passé.

Elle lui exprima un sourire entendu, avant de se décoller légèrement du tronc de l'arbre.
« Le Renouveau … Si les Holdars sont arrivés en ce monde, sachez que ce ne fut anodin. Ils pillèrent, saccagèrent, massacrèrent les Hauts-Elfes car ces derniers étaient fiers, orgueilleux, et refusèrent de céder à leurs exigences. Les Holdars furent comme un cataclysme, une tempête diluvienne qui purifièrent par le sang et les larmes nos anciens péchés.
Nous sommes les Brüsein, ceux qui revinrent aux sources originelles. Nous pouvons les maudire pour ce qu'ils nous ont pris, mais n'oublions pas qu'ils nous ont ouvert les yeux. Sans bouleversement, pas de renouveau. Si nous sommes en ce jour porteur de cet éclat, c'est qu'une nouvelle ère a débuté. »


Son regard se posa sur chacun d'eux, mais ses yeux sombres paraissaient absents, lointains, comme si Nivalis cherchait à voir à travers eux, au-delà même. Elle y parvint peut-être, car lorsqu'elle émergea de ses pensées, son expression avait quelque chose de nouveau.
« Les Hérauts du Renouveau. Notre emblème sera le papillon, nos couleurs le vert tendre et sombre des feuillages. Nous serons semblables au message de la Nature, nous caresserons les sens, tromperons la vigilance de nos ennemis pour mieux les surprendre. Nous déploierons nos ailes immenses et chatoyantes, représenterons le symbole de l'illusion, la métamorphose, et surtout, de la renaissance. »

Ses doigts s'entrelacèrent, sa tête s'abaissant lentement faisant remuer les plumes retenant sa chevelure acajou. Son expression était paisible, mais concentrée.
« J'avancerais en tête aux côtés de Deï et Naya. Deï sera notre Voix, car personne autant qu'elle n'est capable de trouver le mot juste pour exprimer toutes les complexités de notre tâche. Naya et moi-même seront les Gardiennes d'Halista, celles qui veilleront à ce que sa volonté soit respectée, à ce que la Nature soit entendue. Tiamath sera Gardienne de l'Harmonie, celle qui veillera à ce que les liens magiques qui nous relient à notre environnement restent intacts, inaltérables malgré l'action de nos ennemis.
Renard et Aryalis, vous serez l'avant-garde, les Sentinelles. Vous connaissez mieux que quiconque la forêt de Pelethor, vous serez les premiers à sentir le danger, à en comprendre les nécessités et savoir comment agir dans l'instant. Si nous sommes l'Esprit, vous serez la Lame… Et Tely'o le Bouclier. Personne ne saurait mieux que Tely'o défendre les siens, couvrir leurs arrières et veiller à leur survie. La constance parmi l'imprévisible qui nous attend. »


Elle releva subitement le regard.
« Oui. Nous serons les Hérauts du Renouveau. »

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