Un voyage en Ingemann

[Hagnûr Krajnisson]

Le Conseil Kazhad avait-il fait exprès de semer le chemin d'embûche pour former les jeunes nains? Ou bien Grungar jouait-il avec le petit groupe, prenant un malin plaisir à rendre la route dangereuse?

A peine les montagnes traversées et les orcs semés, et les deux groupes de Nains à nouveau réunis pour affronter la forêt, leur dernière étape, qu'une nouvelle menace bien plus sérieuse se manifestait. Les Elfes les avaient repérés. Plus que ça, ils les avaient pris pour cible. Une Elfe sans doute hystérique avait sans doute trouvé amusant de déchaîner ses sortilèges sur le premier Nain qu'elle vit, sans même dire un mot, pas le moindre avertissement, pas la moindre raison.

Tuisto Muspellheim n'avait rien demandé à personne. Son attitude n'était aucunement offensive, il n'avait pas menacé les Elfes. Il ne leur avait même pas adressé la parole, et n'avait pas cherché à le faire, préférant rester loin d'eux. Mais une femelle de cette race sans honneur était sorti de nulle part et l'avait réduit au silence. Tuisto avait été tué pour la simple raison d'être un Nain.

Toute la compagnie fut outrée par ce crime d'autant plus ignoble qu'il ne reposait sur aucune autre raison que la folie meurtrière des grandes oreilles. Hagnûr s'était toujours méfié des habitants d'Asteras, mais ce sombre évènement agit comme un coup de couteau dans ses entrailles. Une insulte. Un forfait ignoble et innommable. Le maître des Runes se jura que le crime ne serait jamais oublié, et ne restera pas impuni. Mais ils n'avaient pas le temps de faire triompher la justice immédiatement.

Les compagnons se rassemblèrent d'urgence, et il fut décidé de ne pas répondre aux exactions de l'Elfe. Il restait un long trajet jusqu'à la Table des Géants, et ils devaient être rentrés au plus vite à Karad, ou le Conseil les attendait. Hagnûr envoya une missive rageuse à la meurtrière, lui enjoignant de préserver le peu d'honneur qu'elle avait et de laisser les Nains à leur voyage. La vengeance viendrait plus tard. Tous les Nains présents le jurèrent.

Attendant une hypothétique réponse de l'Elfe, les Nains montèrent leur campement, plus prudemment que jamais, avec des tours de garde régulier par deux nains en même temps. Ces être pitoyables, méprisables et pathétiques étaient bien capable d'avoir assez peu d'honneur pour attaquer en pleine nuit. C'était donc ça, le Grand Peuple d'Asteras, qui disait vouloir éclairer le monde de ses lumières et affirmait la supériorité de sa civilisation. Un ramassis putride de brigands et d'assassins qui se cachaient derrière un masque d'hypocrisie et de fausse politesse, derrière leurs manières sois-disant élégantes et raffinées.

Hagnûr ne ferma pas l'oeil cette nuit-là. La colère en lui était trop forte pour qu'il trouve le sommeil. Mais il réfléchit. Longuement. Et, le lendemain, alors que les Nains prenaient leur repas du matin avant de repartir en priant pour que les Elfes les laisse en paix, il se lança d'un air grave et solennel, faisant même un effort pour articuler correctement.

"Braglen. L'heure est grave. L'meurtre de Tuisto est plus que la mort d'un proche. C't'une insulte. Une plaie ouverte au plus profond de notre fierté et de notre honneur. J'ai réfléchit cette nuit. Tout ce à quoi c'voyage m'a fait penser. Cette histoire d'sécurité, de ressources, de partage. J'comprends pourquoi le Conseil nous a envoyé ici. Il a fait ça pour qu'on réfléchisse, qu'on se pose l'bonnes questions sur Karad, sur le Royaume et sur not'peuple.

Cette nuit, une idée m'ait venu. Mais je n'peux pas la défendre seul. J'm'adresse à vous maintenant sincèrement. Ce voyage avec vous... Ca faisait longtemps que j'avais pas rencontré de nains si sympathiques et si efficaces en même temps. On s'connait pas depuis très longtemps, mais déjà j'ai l'impression d'pouvoir vous faire confiance. Et puis on a prouvé qu'on formait une très bonne équipe. Alors j'espère vous avoir derrière moi pour ce que j'ai l'intention de faire.

Voilà à quoi mes pensées m'ont amenées. Le Thaïn a une institution chargé de la protection du royaume, la Confrérie des Haches. Il en a une autre pour tout c'qui est minage: la Corporation des Pioches. Mais aucune organisation qui s'occupe spécifiquement du développement économique du royaume. Or, j'crois bien que c'est ça qui n'va pas aujourd'hui. Pour ralentir l'déclin de not'civilisation et retrouver notre grandeur et not'prestige, il faut qu'une organisation s'occupe de tout ça.

Comme personne semble y avoir pensé - ou, dans l'cas contraire, personne n'a eu les co*** de l'faire - eh bien, j'crois bien que j'vais l'faire... J'sais qu'les nains aiment pas la nouveauté et ce sera p'têtre pas évident de réaliser ce projet. Mais j'compte bien faire ma proposition au Thaïn dès notre retour à Karad. Voilà, j'vous ai dit ce que j'avais sur le coeur. J'suis prêt à y aller tout seul, mais rien ne m'ferais plus plaisir que d'voir rien que quelques un d'entre vous approuver l'projet et l'défendre à mes côtés devant le Conseil Khazad."

[Komodo]

Komodo était moins enclin à faire de longs discours, mais réfléchissait longtemps avant de parler. L'Hagnûr n'avait pas tord. Komodo commença par Offrir un bière à ses amis pour les réconforter un peu. Ça change rien à nos mésaventures mais c'est pas désagréable.

"C'est vrai qu'on fait une bonne équipe, mais ce qui me chagrine c'est qu'on a pas réussi à protéger l'un des nôtres. Toi aussi Hagnûr il n'y a pas si longtemps t'as failli y passer. Heureusement que le temple n'étais pas si loin. On y gagne pas à se disperser et à faire des choses chacun de son coté. On pourrait faire plein de trucs bien ensemble, et on s'entend bien. T'iras pas seul parler au Thaïn. Je t'accompagne. J'ai plein de projets en tête qui n'attendent qu'à sortir de terre. Qui d'autre viendra avec nous ?"

[Merc'dhes]

Voila maintenant plusieurs jours que Merc'dhes suivait les traces encore chaudes des nains qu'elles tentaient de rattraper. Mais en vain, ils allaient au moins aussi vite qu'elle sinon plus.

Alors qu'elle commençait à s'énerver, n'aimant pas la situation dans laquelle elle était (elle avait perdu Jah'ine suite à une tempète de neige et elle n'avait toujours pas rattrapé le groupe de nain), elle tomba nez à nez avec un orc ...

Enfin nez à nez ...

Une envie pressante venait de lui tirailler le bas ventre. Par conséquent, comme toute naine sait le faire, elle avait cherché pendant de longues minutes le meilleur endroit pour assouvir son envie. Elle avait fini par trouver un petit bosquet composé principalement de feuillus ... ce qui était quand même beaucoup moins "piquant" que tous les sapins qu'elle avait croisé jusqu'à maintenant.

Prenant une position que seule les femelles savent prendre, elle se soulagea alors ...

...

Sauf qu'elle n'avait pas vu que, dans le bosquet, dormait un énorme orc. Il faut croire que celui-ci n'aima pas la façon qu'eu Merc'dhes de se présenter à lui.

C'est ainsi que, le pentalon encore à moitié sur les cuisses, elle se retrouva à courir pour éviter de finir en casse-croûte.

Bordel à cul! Il pourrait indiquer où il dort celui-là ...

[Komodo]

Après une promenade idyllique dans de nobles montagnes regorgeant de minerais, la traversée de la forêt apparaissait comme triste et monotone. Komodo préféra s'éloigner de ses compagnons en allant un peu vers le nord pour rester près des montagnes le plus longtemps possibles.

Puis le cauchemard commença. Des arbres, de la neige, des arbres, de la neige, des arbres, de la neige et des arbres enneigés. Tous les 10m un arbre s'ébrouait pile sur Komodo, le recouvrant sur 3 fois sa hauteur de blocs de glace. C'était assez frustrant à la longue et il gromela dans sa barbe à moult reprises.

Il recroisa ses compagnons prêt de la table des géants, qui combattaient une nuée de chauve-souris. Ces créaures avaient cruellement lacérés ses compagnons et Komodo sa mis à jouer à "Pierre, Chauve-souris, neige". Bientôt elles ne furent qu'un souvenir, et la table des géants était enfin visible.

Les conversations allaient bon train sur l'avenir de Karad Zirkomen et les grands projets qu'on était en raison d'avoir. Leur retour à la capitale et la concrétisation de leurs projets remplissaient les compagnons de joie. Ils en oubliaient presque les derniers arbres.

[Hagnûr Krajnisson]

Rah, la forêt! Des arbres, des arbres, des arbres, et surprise! Encore des arbres!

"Faut vraiment être un imbécile d'Elfe pour aimer dans d's'endroits pareils!" Marmonna Hagnûr.

Il fallait également ajouter à cela une neige si haute qu'elle atteignait presque le bassin du nain par endroit, et tout un tas de bestioles que l'on pouvait entendre à distance, même si heureusement la plupart ne s'approchèrent pas. La compagnie était toute proche de la Table, tous le savaient. Mais où était elle exactement? C'était une autre histoire... Personne ne savait quel chemin prendre pour y accéder, et l'Ingemann n'avait jamais connu quelque chose qui ressemblait à un chemin. C'est ainsi que les Nains tournèrent en rond des heures et des heures durant, alors qu'ils se trouvaient seulement à quelques lieues de leur objectif.

Pour éviter de perdre patience et de rentrer dans une véritable colère, Hagnûr se concentrait sur son projet. Seul Komodo avait répondu immédiatement en faveur de son idée de Confrérie. Les autres préféraient réfléchir encore un peu. Le maître des runes ne pouvait pas les en blâmer, ce n'était pas un décision à prendre à la légère, et il ne voulait avec lui que des nains motivés et bien conscients de ce qui les attendait.

"La Table! On y est!" Cria Komodo, tirant le Krajnisson de ses pensées.

Elle était là. Dans une vaste clairière, à quelques mètres à peine. Un imposant dolmen face auquel les Nains se sentaient minuscules. S'en approchant dans un silence teinté de respect face à ce lieu qui sentait la magie des temps anciens, ils eurent soudain une vision, comme si ils étaient plongés dans un rêve. Ils virent une terrible bataille face à une créature cauchemardesque, des Nains et des Elfes combattant côte à côte, un Korrigan ricanant...

Puis, plus rien. Le rêve s'estompa, et les Nains se retrouvèrent dans le silence assourdissant de l'Ingemann.

"Mouais, des Nains et des Elfes ensemble... Faudrait montrer ça à c't'criminelle de Daenariel..." Grommela Hagnûr après un moment. "Bon, c'pas tout ça mais j'préfère réfléchir à tout ça au chaud, pas vous? L'Ingemann, j'commence à en avoir ma claque, je m'sentirais mieux à Karad, au pied des montagnes. Préparez-vous à utilisez vos pierres de retour. Et décidez vous pour c'que j'vous ai proposé, parce que j'veux pas être tout seul quand j'ferais ma d'mande au Conseil!"