Miraak Dal'Vë
#1
Il y a dix ans (1)


Babylios, la perle des sables. Voilà près de quatre siècles, la cité de Babylios se développe au cœur du désert de Salith à l'extrême sud-est du Royaume d'Andoras. La cité, bâtie initialement sur une grande oasis en plein cœur du désert, s'est étendue pour devenir l'une des villes les plus florissantes d'Ecridel.

La capitale du peuple Hélion est reconnaissable entre toutes à son architecture unique. Les bâtiments sont dans leur immense majorité d'une blancheur étincelante, couleur obtenue à l'aide de chaux. Les bâtiments majeurs, au cœur de la ville sont recouverts de dômes, dorés pour la plupart mais d'autres sont colorés de rouges, jaune, bleu ou encore de vert. Cet assemblage de couleur en fait un joyau architectural à part entière et une citée que tous les membres des familles aisées de d'Ecridel se doivent de voir une fois dans leurs vies. Exception faite des ennemis historiques des Hélions évidement.

Toutefois, le peuple Hélion n'est pas connu comme étant un peuple très agressif et n'a pas connu beaucoup de grands affrontements au cours de son histoire. Les plus grands exploits guerriers des Hélions, comptés dans les gestes des bardes, les ont principalement opposés aux centaures pour des raisons religieuses et font pâle figure à côté des récits anciens des guerres opposant Nains, Haut-Elfes, Elfes Sylvains ou même, justement, Centaures.

À la guerre, les Hélions préfèrent des vies passées à étudier les mystères du monde et la philosophie. Et leur peuple en a bien profité. Babylios est aujourd'hui une cité riche, sa grande bibliothèque l'un des centres de concentration des savoirs les plus importants d'Ecridel.

Le cœur de la cité est aussi lumineux que riche, il trouve son origine dans l'installation des premiers Hélion dans le désert de Salith, guidés là par Hélios ou Solaris, selon le nom qu'on lui donne et selon la croyance des Hélions. On trouve au centre de la capitale le palais du Cheikh', le dirigeant puissant et respecté de Babylios, qui fût plusieurs fois étendu de même que ses jardins au prix de la démolition de certains des premiers bâtiments environnants. La grande bibliothèque est voisine du palais et, au nord, se trouve le Grand Temple de Solaris.

Solaris, dieu du soleil, est le dieu principal du culte des Hélions. Mais ils respectent par ailleurs tout le panthéon des dieux humains, qui ont tous leur temple dans l'enceinte de la cité. Bien qu'aucun de ces autres temples ne puisse rivaliser avec le Grand Temple de Solaris que ce soit en taille, en beauté ou en richesse. Le Grand Temple de Solaris à Babylios est le site de vénération du dieu Solaris le plus important de tout Ecridel. Les Hélions qui s'expatrient se doivent de faire des pèlerinages réguliers au Grand Temple au cours de leurs vies.

Autour du cœur de la cité se trouve une autre citée de Babylios. Aux bâtiments de trente pieds de haut recouverts de dômes que l'on découvre dans le centre-ville succèdent des maisons d'un seul étage à toits plats. Toujours recouvertes de chaux initialement, ces modestes habitations perdent bien souvent de leur blancheur en raison des tempêtes de sables qui touchent régulièrement le désert de Salith et la citée elle-même. Le bas peuple, les gens peu favorisés par la naissance, vivent dans ces bas quartiers quand ils ne s'y entassent pas. Parmi les gens du peuple, beaucoup travaillent dans les souks, nombreux entre la ville haute, le cœur de Babylios, et la ville basse, à sa périphérie, où on trouve toutes les marchandises imaginables. Il y a également tous les corps de métiers de l'artisanat auxquels on peut s'attendre. La ville a ainsi bien évidement ses forgerons, avec pour spécialité des lames courbes. Babylios a des armuriers très compétents, qui préfèrent pour la plupart la conception de vêtements légers, le lin étant très recherché à Babylios, et les armuriers les plus riches sont en fait d'avantage des tisserands célèbres que des fabriquant d'armures. Les boutiques de magie ne sont pas rares, les mages Hélions étant assez reconnus pour leurs compétences particulières dans le monde d'Ecridel, manipulant la lumière comme aucuns autres.

A côté de ces commerçants, il arrive souvent que des Hélions partent en exploration dans le désert pour y trouver des richesses à vendre dans les souks qui leur permettront de s'élever dans l'échelle sociale. Mais le désert de Salith est cruel, ou peut-être est-ce Solaris qui met à l'épreuve la bravoure de ses disciples. Toujours est-il que si le désert regorge de richesses telles que des minéraux précieux, rares sont ceux qui parviennent à affronter le soleil de plomb de sa journée et le froid glacial de ses nuits. Et comme si cela ne suffisait pas, de terribles prédateurs n'attendent qu'un instant de faiblesse de la part de ces aventuriers pour leur sauter dessus.

Aujourd'hui, dans cette belle citée de Babylios, c'est jour de fête : la Fête du soleil bat son plein. Pour la fin de l'année, et comme chaque année, les Hélions fêtent le départ du soleil. Et pour le convaincre de revenir un an de plus, la fête se doit d'être fantastique. Des délégations de toutes les races d'Ecridel sont conviées, et présentes cette année là encore. Excepté les centaures qui déclinent l'invitation tous les ans, quand ils ne répondent pas par une provocation au nom de leur déesse de la lune. Même quelques ambassadeurs des Elfes Sylvains, des Tural'Cäl comme ils se désignaient eux même, avaient fait le voyage cette année, ce qui n'est pas toujours le cas. La nuit était déjà tombée depuis plusieurs heures, les jours étant très courts en cette toute fin d'année, et deux jeunes Hélions marchent au cœur des ruelles éclairées par mille lanternes.


« Dis donc, t'es impressionnant avec ces disques de jets. Ce vieux forain avait un de ces regards noirs, t'aurais vu ça ! Tu as littéralement dévalisé son stand ! Ah, ah, ah !
- Bah, j'espère bien qu'avec tout l'entrainement que m'a imposé mon père je peux toucher quelques poteries à neuf ou douze pieds !
- Et puis le faire sous le regard de Sylla ne gâche rien hein ? »

Yal Ben'al rougit un peu. Avec ses yeux bleu et ses cheveux blonds, le jeune homme possède un teins pâle pour un Hélion qui fait bien ressortir le rose sur ses joues. Il porte une tenue de lin assez moulante destinée aux grandes occasions, bleu sombre bordée de dorures et agrémentée de quelques grenats, gemmes assez bon marché qui n'enlèvent rien à la valeur importante de cette tenue d'Hélion noble. Elancé, un pas élégant, il représente l'archétype de la riche noblesse de Babylios.

Son compagnon, qui avait tout comme lui fêté ses seize ans peu de temps auparavant, est un peu plus petit que Yal. Tout comme lui il est nue tête, mais porte ses cheveux longs et attachés en queue de cheval. Fait distinctif, plus rares encore que le blond de Yal, cet Hélion possède une tignasse d'un roux flamboyant. C'est d'ailleurs leurs couleurs de cheveux rares qui les avaient rapprochés, dans leur jeunesse, pendant les cours assommants à la bibliothèque de Babylios. Ce jeune Hélion porte une tunique peu serrée de soie dorée, agrémentée de motifs rouges serpentant sur tout le torse. La soie est une étoffe rare qui n'est pas fabriquée par les artisans de Babylios mais seulement importée et donc réservée à l'élite sociale de la ville.

« Dis donc, t'es de sacré bonne humeur Miraak ! Dit Yal pour changer de sujet en vitesse. Qu'est ce qui te fait sourire comme ça ?
- C'est à la fête du soleil que mes parents se sont rencontrés, il y a vingt ans exactement. On s'est bien amusés toute la journée, mais à la maison c'est un festin qui m'attend ! Même si maman ne sera pas là, le festin, lui…
- Ah oui, c'est vrai. Ta mère est originaire du nord d'Ecridel. D'où la couleur de cheveux d'écureuil dont tu as hérité ! Miraak rit.
- Comme si tu avais déjà vu un écureuil tient !
- Mais oui figure toi ! Mon père en a amené un de ses voyages à travers le royaume d'Andoras quand j'avais huit ans. Et il avait pile la même couleur que tes cheveux !
- Mouais… Tu vas chez Maître Bylorio ? Tu as décidé quelle arme tu vas acheter avec la bourse reçue pour ton anniversaire ?
- Oui j'y vais dès qu'on est passé chez toi. Je vais me prendre un cimeterre béni finalement. Les armes de jet ce n'est vraiment pas marrant, je préfère le contact. Tu sais, ces cimeterres qu'on a vus l'autre jour, qui sont envoyés au temple dès qu'ils sont forgés pour que les prêtres de Solaris bénissent leurs lames ?
- Oui, je vois. Bonne idée de changer de type d'arme, comme ça je pourrai te mettre ta pâtée à l'entrainement !
- Tu vas voir… Tient, on prend le raccourcis par le petit souk ouest ? »

Les deux amis quittèrent la grande voie pavée qui lie directement la porte ouest de Babylios au palais du Cheikh' pour s'engager dans un des souks entourant la ville haute et les séparant de la demeure ancestrale de la famille Dal'Vë.


La famille Dal'Vë est l'un des plus anciennes familles nobles de Babylios. Riche, naturellement, elle a donné au peuple Hélion bon nombre de ses plus grands noms. Il y eu des politiciens comme Kalek Dal'Vë, qui fût grand conseiller du grand père de Thufir Jabbar le Cheikh' actuel. Mais on trouve aussi dans son arbre généalogique des érudits comme Malinar Dal'Vë qui a rédigé un grand nombre des ouvrages peuplant les étagères de l'école de magie de Babylios.

Miraak Dal'Vë est le fils cadet des deux enfants de Galan Dal'Vë et Mira Jolan Dal'Vë. Mira est une Talienne travaillant comme ambassadrice des siens lorsqu'elle a rencontré par Galan, l'héritier de la famille Dal'Vë, lors d'une précédente fête du soleil. Tombés immédiatement amoureux, ils se sont mariés créant un petit scandale à l'époque dans la société assez fermée des riches Hélions. De leur union sont nés Sélène Dal'Vë, nouvelle héritière de la famille, puis Miraak.

Cadet d'une famille riche, Miraak a été éduqué dès son plus jeune âge par les érudits de la grande bibliothèque de Babylios. Sa sœur devant reprendre les affaires familiales, son père le destine à une carrière politicienne en dépit du fait que Miraak se soit vite révélé un peu trop rêveur et idéaliste pour ce type de carrière, ce qui lui créait bien souvent des ennuis.


Les deux jeunes amis traversèrent les étalages de fruits et légumes, déserts évidemment alors que la fête battait son plein et que toutes les victuailles avaient été réquisitionnées pour celle-ci. Le souk ouest était très sombre, presque effrayant en comparaison à l'éclairage qui laissait croire que l'on était en plein jour dans le reste de la ville. Mais les souks n'étant pas vraiment les bâtiments les plus beaux de la ville, les autorités veillaient à les éclairer le moins possible pendant ces évènements. Ce manque d'éclairage ne gênait pas les deux amis, qui connaissaient les lieux comme leur poche. Yal sortit une bourse de l'une des poches de sa tenue et la fit rebondir dans ses mains.

« Au moins cinq cents pièces d'or là-dedans ! Quand mon père me dit de choisir l'arme de mon choix, il ne le fait pas à moitié !
- Tu devrais peut-être parler plus fort ? Remarqua Miraak soudain moins guilleret. Je suis sûr qu'un ou deux des mendiants qui se cachent par-là n'ont pas entendu. Fais un peu attention Yal…
- Bah, qui oserait voler un noble ? Le bas peuple sait ce que sa vie vaut face à des accusations de vol de la part de la noblesse. Allez dépêche-toi un peu peureux ! »

Yal partit d'un coup en courant, riant et sautant par-dessus plusieurs étals. Miraak se lança vite à sa poursuite, mais étant moins agile que son ami il le perdit de vu un instant. S'arrêtant au milieu d'un nouvel étal de matériels agricoles, il s'écria :
« Hé Yal, espèce de gobelin baveux où tu te caches encore ?!
- Ici… Répondit une voix étouffée à quelques pas de lui. Miraak baissa le regard pour trouver Yal affaissé contre un des murs de la maison voisine.
- Qu'est-ce que…
- Attention ! »

Avant que Miraak n'ait pu faire un mouvement, Yal fit voler une étoile de lancer juste à côté de son oreille. Miraak préparait déjà une réplique cinglante envers les mauvaises blagues de son ami, quand il entendit une plainte sourde derrière lui en réponse au lancer et se retourna juste à temps… Pour éviter qu'une dague ne se plante dans son dos. Un homme portant une tenue noire comme la nuit et un turban cachant son visage se tenait là. À la faible lueur des étoiles, Miraak vit que l'étoile de jet de Yal s'était fichée dans son œil droit.

L'agresseur se reprit immédiatement après l'esquive involontaire du jeune homme et retourna sa dague contre lui, mais Miraak parvint à agripper son bras et, en forçant et aidé sans aucun doute par la douleur ressentie par son ennemi suite à sa blessure, lui retourna le bras dans le dos. Miraak vit apparaitre un tatouage représentant une hyène sur le bras de leur agresseur, mais il eut aussitôt le souffle coupé par le coup de coude que ce dernier lui retourna en plein ventre. Le jeune homme relâcha le bras de son adversaire et recula de quelques pas en reprenant son souffle. Son vis-à-vis, lui, fit mine d'hésiter un instant puis se retourna et s'enfuit. Miraak aperçu la bourse de Yal dans sa main gauche, mais préféra se tourner vers son ami plutôt que d'essayer de le poursuivre.

Lorsqu'il se baissa vers lui, Miraak trouva les yeux de Yal fixés sur lui, immobiles. Du sang s'écoulait encore de sa poitrine.

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#2
Il y a dix ans (2)


Il ne fallut qu'un instant au jeune Hélion pour trouver la garde, surveillant de prêt les festivités. Les meurtres dans la nuit n'étant malheureusement pas des faits rares à Babylios, les gardes prirent aussitôt les mesures appropriées. Miraak fût mené devant le capitaine de la garde, Hassan Femarr. C'était un homme dans la force de l'âge, un corps solide sous sa tunique de la garde, il avait les cheveux coupés courts et une barbe fournies poivre et sel. Son regard se fit immédiatement inquisiteur lorsqu'il le porta sur le jeune homme. Après quelques explications, Hassan ordonna à deux gardes d'escorter Miraak dans sa demeure familiale tandis que d'autres gardes recevaient la mission de récupérer le corps et de nettoyer la scène du crime. Il ne fallait pas risquer de déranger les festivités ou de montrer une mauvaise image aux représentants des autres peuples, aussi tout devait être effectué rapidement et discrètement.

« Nous vous attendons dans deux jours à l'aube à la caserne nord pour votre témoignage, nous feront tout ce que nous pourrons pour que ce crime ne reste pas impuni. » Assura Hassan au jeune homme.

Deux jours, pour ne surtout pas gêner les festivités et l'image politique du gouvernement de Babylios. Miraak se laissa mener chez lui un goût amer dans la bouche, mais il n'y avait rien à faire de plus. Son père était encore aux festivités à son arrivée, sa grande sœur déjà couchée. Quant à sa mère, elle avait rejoint les ambassadeurs du peuple Talien et devait les accompagner dans leurs terres pour passer quelques mois avec sa famille. Valid, le maître de maison, responsable des serviteurs de la demeure des Dal'Vë, fit venir de l'eau fraiche du puits pour que Miraak puisse se détendre. Le festin familial ne l'intéressait plus désormais et il ne trouva presque pas le sommeil cette nuit-là.


Le lendemain matin, Babylios était inhabituellement silencieuse. La ville se remettait doucement de la fête de la veille, et seuls quelques rares marchands étaient au rendez-vous sous les tentes de toile multicolores des souks. Les marchands les plus riches restaient à dormir ou à décuver de l'alcool de cactus absorbé la veille, seuls les plus pauvres qui ne pouvaient se passer du gain d'une journée de labeur étalaient leurs marchandises à cette heure matinale. Mais le soleil était au rendez-vous : Solaris avait visiblement décidé d'accorder un an de plus ses lumières à son peuple. La fête du soleil n'avait donc pas été si sombre cette année, pensa amèrement Miraak.

Galan, le père de Miraak, prit l'annonce de la mort du jeune Yal Ben'al comme une leçon pour son fils. « La politique est parfois sanglante, tâche de te servir de cette épreuve pour t'endurcir… Et savoir te montrer plus prudent à l'avenir ! »

La politique de Babylios est peut-être sanglante parfois, mais son ami était mort pour une bourse de pièces d'or, pas parce qu'il s'opposait à un politicien de peu de scrupules. Yal n'avait rien fait pour mériter son sort pensa Miraak, mais il se contenta de hocher la tête.

De profondes cernes sous les yeux, il rejoint en premier lieu ce matin-là la ruelle du drame. Rien ne laissait à penser qu'un jeune noble de Babylios avait expiré là, quelques heures plutôt. Il n'y avait comme témoin de ces faits que quelques traces rouges sur l'une des façades, qui avaient probablement échappé à l'attention des gardes venus nettoyer en pleine nuit.

Le jeune Hélion rejoint ensuite la villa des Ben'al. Située au sud de la ville, c'était une bâtisse plus modeste que sa propre demeure. Un petit jardin de roses avec son puits réservé à la famille présentait bien un signe évident de richesse dans Babylios, mais sinon la maison n'était pas beaucoup plus impressionnante par sa taille que les maisons des quartiers marchands. Miraak fût annoncé par les domestiques et quelques minutes plus tard il était convié au petit-déjeuner familial. Il n'avala que quelques dattes, pour la politesse, et s'efforça de répondre aux questions du père de Yal et de ses quatre sœurs. La mère de Yal était morte en mettant au monde sa dernière fille, plusieurs années auparavant.

Cette obligation passée, Miraak prit congé des Ben'al. Il ne reviendrait peut-être jamais plus dans cette demeure, pensa-t-il. Le jeune homme reprit la direction des souks, qui avaient peu à peu reprit vie. Des camelots vantaient la qualité de leurs poissons fraîchement pêchés dans la rivière Loreline, pourtant à trois jours de marche de Babylios. D'autres leurs alcools de cactus ou encore leurs tissus exotiques. En général, Miraak ne disait pas non à un peu d'alcool avant le déjeuner. Mais sans Yal, le liquide aurait eu un goût de cendre il le savait, aussi continua-t-il son chemin. N'ayant aucune envie de rentrer chez lui et de devoir faire comme si tout allait bien devant son père, qui insisterait probablement même pour qu'il rejoigne ses cours d'ancien Adœlath, le jeune Hélion commença à se promener de ruelles en ruelles à travers les quartiers marchands de Babylios. Il croisa dans les rues Maître Razul, qui lui donnait des cours de maniement à l'épée un jour par semaine, ainsi que quelques condisciples d'études à la grande bibliothèque de Babylios, mais ne s'attarda pas et refusa les propositions d'aller boire un verre dans l'une des tavernes de la ville.

Finalement, le soleil commençant à descendre à l'ouest, Miraak sentit son estomac lui rappeler le peu qu'il avait bien peu mangé depuis la veille. Il décida de s'attabler pour avaler un petit quelque chose tout de même. Il choisit une auberge au hasard, au coin d'une rue, "Au couteau tiré" annonçait la pancarte. Pas franchement rassurant, mais au moins cette auberge ne devait pas avoir trop de problèmes avec les mauvais payeurs pensa-t-il. Il choisit une chaise sur la terrasse et une jeune serveuse vint le voir. Une jolie jeune femme qui devait avoir à peu près son âge, de longs cheveux blonds laissés libres aux vents, des yeux bleus dans lesquels se noyer… Il fallut qu'elle demande trois fois ce qu'il voulait pour que le jeune homme se ressaisisse et commande le plat du jour. La terrasse bordait la route commerçante et Miraak laissa son regard vagabonder en attendant sa commande. On lui servit un ragoût de chameau et un verre d'eau citronnée pour l'accompagner. Le jeune homme donna quelques pièces d'or en pourboire à la jeune serveuse qui le gratifia d'un sourire radieux et, aux anges, il s'attaqua à son repas. Il se demanda vite si en fait de chameau on ne lui avait pas plutôt servis du rat, car la viande était élastique au point qu'il finit par la laisser de côté. Les légumes, issus du commerce avec les Hommes-bêtes alliés des Hélions, étaient bien cuisinés au moins.

Miraak finit son plat. Il pencha sa chaise en équilibre contre un muret derrière lui observa les alentours pendant qu'il digérait. Il passait tout un tas de gens différents dans la ville. Des mendiants habillés de morceaux de lins récupérés çà et là et assemblés ensembles avec plus ou moins de succès aux marchands portant des robes de toutes les couleurs possibles et imaginables. Il vit même passer deux hommes bêtes, un homme à tête de cerf et une femme à tête d'ours, qui se dirigeaient vers le cœur de la cité. Et puis il remarqua soudain quelque chose… Au-dessus du pas de la porte de l'auberge, un petit dessin avait été gravé. Un dessin que Miraak n'oublierai probablement jamais : une hyène semblable à celle tatouée sur le bras de son agresseur de la veille.

Préférant faire preuve de prudence, le jeune homme décida de mettre les voiles sans parler de sa découverte aux employés. Il rentra droit à la demeure des Dal'Vë, arrivant chez lui alors que le soleil commençait déjà à disparaitre derrière les murs d'enceinte de la ville. Après avoir mangé une orange, fruit réservé à la haute société hélion une fois de plus car même la magie des Hommes-bêtes peine à faire pousser des oranges à Babylios, il rejoint son lit. La fatigue le rattrapa finalement, et il sombra presque immédiatement dans le sommeil.


Le lendemain à l'aube, conformément à ses instructions, un serviteur vint réveiller son jeune maître pour son rendez-vous avec le capitaine de la garde. L'esprit encore légèrement embrumé, Miraak partit donc, accompagné par ce même serviteur pour raison de sécurité de si bonne heure, en direction de la caserne nord de Babylios.

Dans la caserne, le jeune Hélion découvrit des gardes déjà occupés à s'entrainer au maniement des armes. Pour la plupart avec des lames courbes, quelques-uns préféraient néanmoins l'usage de masses. Hassan Femarr accueilli Miraak dans son bureau, une pièce au mobilier très simple, et le convia à s'assoir.

« Un peu d'eau fraiche ? Je suis désolé, nous n'avons pas d'alcool ici. Commença Hassan.
- Oui de l'eau ce sera parfait merci, de toute façon je ne bois pas d'alcool de si bonne heure. »

Le capitaine se leva pour poser deux verres sur son bureau et les remplir avec une carafe d'eau. Il s'assit ensuite de l'autre côté du meuble, face au jeune homme.

« Bien. J'aurai besoin de toutes les informations dont vous pourriez vous souvenir à propos de ces tristes évènements d'il y a deux jours. Racontez moi tout je vous prie. »

Miraak passa quelques minutes à raconter les évènements tels qu'il se les souvenait. Il passa rapidement sur l'après-midi festif en compagnie de Yal qui n'avait guère d'intérêt et expliqua comment ils s'étaient engagés dans la rue, non sans discuter de la bourse pleine de son ami. Il décrit ensuite la courte lutte telle qu'il se la souvenait, en évitant toutefois de passer pour trop faiblard bien que son ami lui ait clairement sauvé la vie avec son étoile de jet. Il termina enfin sur le tatouage sur l'avant-bras de l'agresseur, ce qui fit hausser les sourcils d'Hassan remarqua-t-il.

« Bien, avez-vous autre chose à ajouter ? Votre ami avait-il un ennemi qui puisse vouloir sa mort à tout hasard ? Demanda le capitaine.
- Euh… Non je ne pense pas. Miraak compris que le capitaine sous entendait que l'agresseur ait pu être un assassin payé pour son œuvre et ajouta : Je pense que l'appât du gain est seul en cause.
- Une vague idée qui pourrait aider à faire avancer l'enquête peut-être ?
- Eh bien, celui qui nous a attaqués a perdu un œil. Sans doute pourriez-vous questionner les prêtres de Solaris sur les blessures de ce type qu'ils…
- Il est très improbable que ce genre de canaille se soit rendu au temple. Ils ont leurs propres caches où se faire soigner. Mais cette blessure pourrait sans doute l'identifier si nous pouvions découvrir à quel groupe il appartient…
- La hyène ! Hassan s'interrompit pour le regarder.
- J'ai mangé hier dans une auberge dans la rue marchande, à quelques pâtés de maisons du souk où nous avons été attaqués. Et j'ai remarqué quelque chose d'étrange, il y avait une gravure qui…
- Au-dessus du pas de la porte ? Une hyène comme celle tatouée c'est ça ? »

Miraak regarda le capitaine surpris.

« Oui, oui c'est bien ça. Mais Comment ?
- C'est un signe habituel. Les caches d'assassins et de brigands de Babylios fonctionnent toutes avec des signes gravés. Des signes qui indiquent les lieux où trouver amis, refuge ou encore un butin intéressant. Le tout est d'identifier ces signes, ce qu'ils signifient et à quels groupes ils appartiennent. Le capitaine se leva et se tourna vers la fenêtre qui donnait sur la cour d'entrainement de la caserne. Vous avez eu beaucoup de chance, reprit-il. La hyène est bien un symbole connu d'un groupe opérant dans Babylios, mais pas un groupe de simples coupe-jarrets. Ce sont des assassins royaux.
- Des quoi ? Des assassins au service du Cheikh' vous voulez dire ?
- Non. Enfin ça peut arriver. Disons que ce sont des assassins haute-gamme, qui font des contrats au service de gens influents.
- Vous les connaissez et vous les laissez faire ? Vous ne faites rien contre eux ?
- Doucement mon garçon. Ce n'est pas si simple, et non nous n'allons pas rester sans réagir. Un jeune noble a été tué pour sa bourse… Ce n'est visiblement pas un contrat mais un acte crapuleux. Même si le coupable fait vraisemblablement parti d'un groupe d'assassins d'élite, cela change tout. Disperser les Hyènes du désert est impossible, mais négocier pour obtenir un de leurs assassins n'ayant pas sus être discret…

Le capitaine fit une pause, semblant réfléchir. Miraak se tut et attendit.

« Bon. Reprit le capitaine. Je vais te demander de rester un peu à l'écart de la ville pendant quelques jours. Ne te déplace pas seul en ville, et évite au maximum de sortir de chez toi en dehors de tes cours. J'enverrai quelqu'un te tenir au courant de l'avancée de l'enquête occasionnellement.
- J'aimerai être là si vous arrêtez celui qui a fait ça.
- Ce serait sans doute trop dangereux…
- S'il vous plait.
- Soit, j'enverrai quelqu'un te chercher le moment venu. Ne pose pas d'avantage de questions, et évite de parler de notre discussion pour le moment s'il te plait. Il s'agit de ta propre sécurité.
- D… D'accord. Je ne parlerai de rien. »

Le capitaine sourit et donna congé au jeune Hélion. Le serviteur de la maison Dal'Vë qui l'avait accompagné à l'aller l'attendait toujours devant la porte et ils reprirent la route de la maison directement, sans mot dire. Miraak sentait le regard du capitaine sur son dos tandis qu'ils s'éloignaient de la caserne.

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#3
Il y a dix ans (3)

Une semaine passa sans nouvelles de la garde. Puis une autre. Miraak avait peu à peu repris son train de vie habituel, même si l'absence de Yal pesait parfois. Elle avait du bon en cours martiaux, car Yal avait toujours été son partenaire… Et l'avait toujours battu à plate couture. Mais leurs discussions silencieuses aidaient à rendre moins pesantes les longues heures d'études à la bibliothèque, et que dire des instructions religieuses et les prières répétitives que leur imposaient les prêtres de Solaris. Parfois, Miraak enviait presque les gens du bas peuple qui ne recevaient pas toute cette éducation et accompagnaient dès leur jeune âge leurs parents dans leurs métiers, à la pêche, la chasse, dans les souks…

Finalement de bon matin, peu avant l'aube, un garde se présenta devant la demeure des Dal'Vë. Il demanda à voir Miraak puis lui demanda de le suivre, en refusant de répondre aux questions du bon Valid. Le jeune Hélion, vaguement éveillé, suivit le garde sans mot dire. Il remarqua, le soleil commençant à poindre derrières les murs d'enceinte, qu'ils ne prenaient pas le chemin de la caserne. Après un bon quart d'heure de marche, Miraak aperçu un groupe de garde qui les attendait au milieu d'une petite place face au petit temple dédié à Symnea, déesse des assassins. Il reconnut de loin la silhouette imposante du capitaine Hassan Femarr, qui dominait d'une tête la plupart des autres gardes.

« Bonjour Miraak, l'accueillit le capitaine, bien dormi ? Il sourit en regardant les cernes sous les yeux du jeune homme qui ne releva pas. Les maîtres d'enseignements à la grande bibliothèque passaient leur temps à se plaindre que leurs élèves étaient tout le temps endormis.
- Alors que se passe-t-il ? Que voulez-vous capitaine ?
- Direct droit au but hein ? Tu ne reconnais pas ce bâtiment ? Hassan montra du doigt une maison au coin de la rue. »

Miraak ouvrit grand les yeux, il s'agissait de l'auberge "Au couteau tiré". Il n'avait pas remarqué, deux semaines plus tôt, sa proximité avec le temple de Symnea. Son nom s'expliquait mieux tout à coup.
« On fait quoi ? Demanda le jeune Hélion.

- Toi tu te tais et tu nous suis. On entre. Yarik, tu as bien les papiers ? Un des gardes l'accompagnant sorti une liasse de feuilles de sous sa tunique et les montra à son chef. »

Le groupe s'approcha de l'auberge, et ils la contournèrent pour approcher d'une porte à l'opposé de l'entrée principale où s'étaient présenté Miraak pour son déjeuner deux semaines plus tôt. Hassan approcha de la porte et tapa trois coups rapides, puis deux lents. Le groupe attendit une bonne minute dans le silence et la faible luminosité de l'aube naissante, Miraak allait proposer de frapper une nouvelle fois quand la porte s'ouvrit silencieusement, révélant une frêle silhouette et un couloir.

Le petit couloir était éclairé par une torche. Il était poursuivi directement par un escalier qui s'enfonçait sous le niveau de la rue. Miraak fût surpris de reconnaitre, sous une capuche, les yeux bleus de la serveuse qui l'avait servi lors de son déjeuner. Et plus surpris encore lorsque, sans qu'il ait le temps d'esquisser un geste, celle-ci se retrouva derrière le garde le plus proche de la porte appuyant une dague contre sa gorge.

« Du calme. Intervint Hassan de l'arrière du groupe. Il se dirigea vers la serveuse qui n'était visiblement pas que cela. Nous avons des instructions officielles dit-il en présentant un papier. Nous devons voir le dénommé Delad Marek. »

La serveuse tendit une main et Hassan y déposa le papier qu'il lui présentait. Miraak aurait juré voir le symbole de la maison du Cheikh' au bas de la page, mais avec le peu de luminosité ambiante il n'aurait pas pu le jurer. Toujours est-il que la serveuse relâcha son étreinte sur le garde, qui repris sa respiration bruyamment, et leur fit signe d'avancer. Hassan insista pour qu'elle les devance dans le couloir et elle ne protesta pas. Le couloir n'était ni long, ni très sombre après leur marche silencieuse dans la ville. Il était éclairé d'une torche tous les dix pieds maximum. Ils descendirent d'un étage pour se retrouver dans une salle ressemblant à une auberge sous l'auberge. Il y avait un bar et des tables. Ils ne virent personne d'attablé ou derrière le bar : ou il n'y avait personne à cette heure, ou la salle avait été évacuée le temps qu'ils n'y arrivent. Il y avait une bonne dizaine de portes donnant sur cette salle, si des hommes d'armes arrivaient par-là la petite troupe de la garde ne pourrait sans doute rien faire. Miraak sentit de l'eau froide lui couler dans le dos en y pensant.

« Delad ? Interrogea Hassan, Miraak remarqua qu'il avait la main posée sur la poignée de son cimeterre.
- Par ici. » Répondit simplement la serveuse, comme si elle n'avait rien remarqué et sur un ton indiquant qu'il la dérangeait.

Ils franchirent une des portes de la salle pour tomber dans une petite pièce. Il y avait là deux hommes, l'un installé nonchalamment sur une chaise dans le coin de la pièce, dans une posture indiquant clairement « je suis le maître des lieux ». L'autre, debout face à lui dans une posture rigide, porta un regard noir sur la garde à son arrivée. En fait, son regard était bien tout ce que l'on voyait de son visage, caché sous un turban sombre.

« Hassan. Dit simplement, d'un ton grondant, l'homme debout. Encore et toujours toi hein ?
- Ravis de te revoir aussi Valek, lui répondit le capitaine sur un ton qui n'était guère en accord avec ses paroles. Réglons ça vite et bien, je ne pense pas que tu tiennes plus que nous à ce qu'on ne reste ici plus longtemps pas vrai ? »

Le dénommé Valek, si c'était bien son vrai nom, hocha la tête. « Voilà ton homme. » Dit-il en désignant celui qui était assis dans le coin de la pièce. Ce dernier se leva, et le cœur de Miraak fit un bon. Il ne portait qu'une tunique sombre toute simple en lin, son visage dégagé. Son visage était celui d'un hélion comme les autres, un bruns ni beau ni laid, ni gros ni maigre, un homme que l'on croiserait dans la rue sans lui accorder la moindre attention. Mais au milieu de son visage, l'orbite de son œil droit était vide et on distinguait autour, nettement, les cicatrices récentes d'une arme de jet.

Un des gardes posa la main sur l'épaule de Miraak, comme pour lui dire de ne pas bouger. Mais de toute façon, il était trop tétanisé pour faire un mouvement. Valek lança une bourse à Hassan qui l'attrapa d'une main, puis il fit signe à son "collègue" de suivre la garde et le dénommé Delad vint se placer devant un garde qui tendait une corde. Il se laissa lier les mains, et son œil unique passa sur Miraak. Il sourit.


Le voyage de retour se passa sans histoire. Hassan dirigea la marche d'un bon pas en gardant Miraak près de lui, tandis que les autres gardes avançaient en tenant Delad entre eux, l'un des gardes tenant la corde qui le maintenait prisonnier. Une fois de retour dans la rue, Hassan tendit à Miraak la bourse que lui avait jeté le dénommé Valek. Le jeune Hélion reconnu la bourse de Yal. « Fais en ce qui te semble le mieux » dit simplement Hassan. Nous nous reverrons au procès, tu recevras un courrier pour t'indiquer la date et le détail pour témoigner.

Le garde qui l'avait cherché chez lui le matin même raccompagna Miraak chez lui. Un peu plus tard, après avoir pris un petit déjeuner rapide, le jeune homme se rendit à la demeure des Ben'al en compagnie d'un serviteur de sa maison. Il raconta brièvement, avec un minimum de détails, que le tueur de Yal avait été arrêté et proposa au père de celui-ci de lui restituer sa bourse. « Garde-la. C'est ce qu'aurait voulu Yal, fais en bon usage. » Lui répondit celui-ci.

Lorsque Miraak se retourna, en partant, il vit une des sœurs de Yal pleurer dans les bras de son père.


Trois jours plus tard Miraak reçut un courrier signé du sceau du conseiller Olan, conseiller du Cheikh' dédié à la justice. Il le convoquait pour témoigner au procès du dénommé Delad Marek, accusé de meurtre et de vol, une semaine plus tard.


Miraak se présenta au palais du Cheikh' où était prononcé le jugement en présence du grand conseiller de Babylios lui-même. Il témoigna, devant une dizaine de Hélions qui formaient un bel ensemble de longues barbes blanches, de l'agression et du lancer de l'étoile de jet par son ami. Ainsi que de la découverte du tatouage sur le bras droit de l'agresseur. Des gardes relevèrent à ce moment-là la manche de Delad, assis sur un banc devant l'assemblée, à quelques pas à peine de Miraak, pour montrer le tatouage aux sages. Puis on remercia le jeune Hélion et les sages convoquèrent le capitaine de la garde Hassan Delarr à témoigner. Miraak suivit le début des explications du capitaine, puis il quitta la salle alors que ce dernier commençait à parler de ses démarches politiques pour obtenir les autorisations d'enquêter dans tels et tels milieux.

Un jugement pour un simple vol, chez les Hélions, pouvait prendre plusieurs jours.

Une semaine plus tard Miraak fût convoqué une nouvelle fois pour entendre le verdict du procès. En arrivant dans l'entrée du palais, il croisa Delad que des gardes escortaient dans la salle. Une fois encore, Delad lui adressa un grand sourire ce qui déplut beaucoup au jeune Hélion. Mais, pensa-t-il, ce sourire ne tarderait pas à disparaitre. Dans l'assemblée en attente du verdict il vit, de loin, les sœurs et le père de Yal. Il préféra ne pas se joindre à eux, c'était un moment qu'ils ne voudraient sans doute pas partager. Hassan Delarr vint le rejoindre.

« Bonjour Miraak. Lui dit-il doucement, pour respecter la solennité du jugement.
- Bonjour capitaine, comment allez-vous ? Répondit le jeune homme en lui adressant un sourire timide.
- Bien, bien, merci. Je voulais te parler avant l'énoncé du verdict. Voilà, tu étudies la politique de Babylios depuis plusieurs années n'est-ce pas ? Tu es donc conscient du rôle important qu'ont toujours eu, qu'on le veuille ou non, les assassins dans la culture de notre peuple depuis son installation dans le désert de Salith ? »

Miraak hocha la tête, sans vraiment voir où voulait en venir le capitaine.

« Et bien parfois des décisions douloureuses sont à prendre, dans l'intérêt du plus grand nombre. Tu es un garçon intelligent. Tu le comprendras j'en suis sûr. Je dois te laisser, je dois rejoindre la garde de Delad. »

Le capitaine s'éloigna du jeune homme, qui cherchait toujours le sens des paroles d'Hassan. Quelques instants plus tard, les sages entraient dans la salle.

Ils commencèrent un discours pompeux sur l'importance de la justice et de l'équité dans la culture des Hélions. Puis vint la sentence.

«… En conséquence de quoi, compte tenu de la faiblesse des preuves irréfutables et du nombre de témoignages de services rendus par l'accusé, le conseil des sages le déclare à l'unanimité non coupable. »

Miraak sentit une massue s'abattre sur sa tête. Il vit les sœurs de Yal qui pleuraient. Il croisa le regard triste et résigné du capitaine Hassan aux côtés de Delad. Et puis il vit Delad, le regard de son œil clairement dirigé vers lui. Il souriait.

Quelques minutes plus tard, Delad était conduit à travers une petite foule. Certains lui jetaient des regards hostiles, mais la plupart l'arrêtaient pour le féliciter. Un Hélion, visiblement de ceux qui propagent les nouvelles dans la ville, l'interrogea sur son ressenti. Et puis Delad passa devant Miraak, et il choisit de s'arrêter.

Le meurtrier tendit une main à Miraak. « Sans rancune ? » Lui dit-il-il avec, toujours, son éternel sourire.

La suite, Miraak la vit comme s'il était à l'extérieur de son corps. Il saisit la main tendue et répondit :
« Je te dois un beau cadeau, regarde. J'ai utilisé les pièces de la bourse de mon ami pour acheter ce qu'il avait prévu pour cet or, ce magnifique cimeterre béni. »

Puis, d'un mouvement fluide, un mouvement d'école, il dégaina le cimeterre et trancha la gorge de Delad sans lui laisser le temps de réagir.

Il y eut des cris, tandis qu'un flot de sang jaillissait de la gorge de l'assassin et touchait des femmes autour de Delad. Les gardes ne réagirent pas tout de suite. Delad fixa encore un regard exorbité sur Miraak avant de s'effondrer au sol. Quelqu'un saisit Miraak par l'arrière, il sentit qu'on lui joignait les mains. Et puis un coup sur sa tête et tout devint noir.


Lorsqu'il s'éveilla, le jeune Hélion était dans une pièce sombre. Il dut lutter contre un étourdissement soudain et habituer ses yeux à la faible lumière pendant quelques instants avant de s'apercevoir qu'il était dans une petite pièce fermée par une grille d'acier. Un peu de lumière parvenait par une lucarne, trop haute pour qu'il l'atteigne et à peine assez grande pour laisser passer un rat. La majeure partie de la lumière provenait d'une torche devant ce qui était donc, visiblement, une cellule du palais. Il était couché sur un lit somme toute assez confortable en lin, et face à lui, assis sur une chaise et le regardant, il y avait son père Galan Dal'Vë.

« Bonjour mon fils.
- Bonjour père. Miraak s'efforça de s'assoir à son tour sur son lit, se prenant juste légèrement la tête entre les mains. Son père reprit alors, droit au but comme toujours. Un trait de famille.
- C'était la dernière fois que je te nommais ainsi. Pour avoir commis un meurtre en public et dans l'enceinte sacrée du palais...
- Delad était un assassin !
- Il a été jugé non coupable ! Il était donc un citoyen Hélion honorable aux yeux de la justice et ton jugement établi en tant que tel. Il laissa un instant à Miraak le temps d'assimiler ce qu'il venait de lui dire, puis reprit. Compte tenu de la gravité de tes actes, meurtre aggravé par le lieu et avec des témoins parmi les plus prestigieux de Babylios, dont des enfants, nous avons conclus un accord avec le gouvernement.
- Nous ?
- Les Dal'Vë. Malheureusement, il était impossible de te renier directement. Nous sommes donc parvenus à un accord. Nous évitons un procès qui embarrasserait autant les hautes sphères politiques, qui ont laissé un jeune garçon tuer un homme dans leurs quartiers de haute sécurité et en public, que la famille à laquelle appartient le coupable. En échange la sentence est aménagée : tu évites la mort.
- Merci. Ironisa Miraak.
- Attends, ce n'est pas fini. Tu évites la mise à mort à laquelle tu n'aurais sans doute pas échappé avec un procès normal. Mais tu es condamné à passer dix ans en cellules sans pouvoir bénéficier d'aucune amnistie.
- Dix ans !? Mais…
- En outre tu es, maintenant que ce point est réglé, bien évidement renié par la famille Dal'Vë. Le dernier gain que tu auras de notre famille est d'obtenir une cellule des hautes personnalités, donc aménagées selon les standards des chambres du palais. Sur ce, adieu… Miraak.
- Père ! »

Miraak voulut se lever, mais il était encore étourdi et avant qu'il ne l'atteigne, son père était sorti de la cellule qu'un garde referma derrière lui. Il aurait juré entendre son père pleurer, ce qu'il n'avait jamais entendu.

Deux jours plus tard, deux jours passés à se morfondre avec juste du pain et de l'eau pour ses repas, Miraak fût transféré, comme promis, dans une cage dorée à l'étage du palais du Cheikh'. Une pièce somptueuse, avec des dorures partout dans la pièce, un lit à baldaquin molletonné en soie, une bibliothèque très bien fournie en livres, aussi bien romans qu'ouvrages de philosophie. Et des barreaux d'acier aux fenêtres ainsi qu'une porte impossible à ouvrir de l'intérieur.

Dix ans à occuper, pensa-t-il, autant commencer par lire jusqu'à connaitre ces livres sur le bout des doigts. Il prit un livre au hasard dans la bibliothèque de sa chambre. "Le code de Solaris" était intitulé, plein d'enluminures, la première page de l'ouvrage.

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#4
Aujourd'hui

Babylios, la perle des sables. Palais du Cheikh' Thufir Jabbar.

Sur ordre de la garde royale, la porte haute en orme sacré de dix pieds de haut à l'entrée du palais de Babylios s'ouvre. L'homme qui la franchit est un Hélion. Rien d'inhabituel jusque-là, mais cet Hélion s'arrête aussitôt pour profiter de l'instant et respirer à fonds l'air environnant, saturé des odeurs agréables du jardin du cheikh'. Ainsi que pour apprécier le soleil qui vient faire briller ses cheveux cuivrés. Voilà dix ans qu'il n'a plus été directement exposé au chaud soleil du désert de Salith. Dix longues années passées dans une unique pièce avec le même mobilier et la même routine continuelle.

Pendant dix ans, Miraak Dal'Vë a été condamné à rester emprisonné pour avoir commis le plus atroce des crimes : celui d'avoir vengé son ami de ses propres mains, car la politique et le système judiciaire injuste de Babylios voulait épargner son assassin. C'est tout juste si le verdict n'avait pas constitué une reconnaissance des mérites de l'assassin en question.

Miraak avait perdu sa liberté pendant ces longues années, il avait perdu les droits liés à sa noble naissance également. Son père avait été contraint, pour raisons politiques, à le renier publiquement. Il ne l'avait plus revu depuis un sinistre entretien, le jour de son arrestation, lorsque son père lui avait annoncé la sentence. Et jamais il ne le reverrait, car le noble Galan Dal'Vë était mort de "causes inexpliquées" deux ans auparavant. Sélène, la sœur de Miraak qui avait été l'une de ses rares visites régulières, s'était faite la messagère de cette triste nouvelle. La mère de Miraak avait quitté Babylios pour retourner dans sa famille Talienne à la mort de son époux. Quant à sa sœur elle était désormais officiellement dirigeante de la famille Dal'Vë. Elle s'était mariée à un autre noble Hélion et en avait déjà deux fils. Bien qu'elle continue de traiter Miraak comme son frère, Sélène Dal'Vë ne pouvait en aucun cas annuler son bannissement officiel de sa maison noble, obligeant celui-ci à se bâtir une vie nouvelle et indépendante.

C'était bien l'idée qu'il avait développé, au cours de ces longues années de méditation forcée.


Miraak était peut-être sans famille, mais il n'était pas complètement sans moyens. Il avait toujours les biens qui lui avaient été confisqués à son arrestation. Parmi eux des vêtements certes démodés mais dans des tissus de valeur qu'il pourrait monnayer contre une tenue acceptable. Il y avait aussi le cimeterre béni de grande valeur qui lui avait valu ces années de solitude, mais qui était aussi un souvenir précieux d'une amitié sincère, et les quelques pièces d'or restantes de la bourse de Yal Ben'al.

En outre, il avait dans sa jeunesse reçu une solide éducation et passé dix ans à avoir pour principale source d'occupation une bibliothèque pleine à dévorer. Tous les Hélions ne pouvaient pas se targuer de telles compétences. Quant à son physique, il avait veillé à faire tous les exercices que sa "chambre" lui permettait au quotidien. S'il n'avait assurément pas une condition militaire, il se sentait capable d'affronter le monde. Entré en prison en jeune homme, il était désormais un homme fait.

Il commença par rejoindre les souks de la ville, non sans noter les différences architecturales, les nouveaux monuments construits pendant son incarcération. La vie ne l'avait pas attendu pour continuer dans Babylios. Miraak trouva sans mal un tisserand pour échanger sa tenue pleine de broderies fines, mais absolument déplacée sur un Hélion de son âge, contre une tunique serrée de lin. Une tenue simple mais un efficace moyen de se couvrir pour un aventurier de base, et le tisserand pouvait se vanter d'avoir fait une affaire. Il en profita pour se faire indiquer une auberge aux tarifs acceptables pour une bourse modeste à proximité du centre d'entrainement des nouvelles recrues.


Une heure plus tard il avait sa chambre réservée à l'auberge "Du soleil ardent". Nom guère original au cœur du désert de Salith, et qui allait de pair avec une auberge tout ce qu'il y avait de plus ordinaire. Un bon lit aux draps de lin, une armoire et une commode de frêne, une écuelle pour faire un peu de toilette et un puits dans la cour pour la remplir. Il n'avait besoin de rien de plus pour le moment.

Miraak rejoint donc le centre d'entrainement des nouvelles recrues. En d'autre terme un terrain sablonneux où se retrouvaient les Hélions souhaitant être initiés aux armes de la meilleure manière qui soit. Moyennant quelques pièces d'or évidemment. Pour la plupart, les Hélions qu'on y trouvait étaient les aspirants à la garde de Babylios d'où le nom du bâtiment. Mais on y trouvait aussi de nombreux jeunes et moins jeunes qui aspiraient à maîtriser les armes en vue d'embrasser une cause de mercenariat ou encore une vie d'aventures. Miraak était là pour les deux raisons. Il devait réapprendre à manier les armes, déjà qu'il n'était pas si doué avant son emprisonnement, mais il souhaitait aussi rencontrer des aventuriers en devenir pour mettre rapidement ses projets en branle. Il comptait bien donner au peuple de Babylios la justice que la cité méritait vraiment. L'Ordre de Solaris y veillerait.



L'Ordre de Solaris

[Image: bykk.png]

Babylios est une citée célèbre en Ecridel. Le peuple Hélion et elle sont indissociables, elle incarne tous les savoirs, toutes les philosophies et tous les arts dont sont capable les Hélions.

Mais Babylios est aussi connue pour ses intrigues politiques alambiquées et sanglantes. Elle est aussi connue pour ses castes légendaires d'assassins qui règlent les conflits de la façon la plus simple et la plus rapide qui soit, en éliminant celui des belligérants qui a le moins de finances ou d'influence.

La Main Noire, jadis, fût créée pour protéger les arrières du dirigeant de Babylios. Aujourd'hui, les enseignements de la Main Noire ont été diffusés très largement dans Babylios, dispensés à des Hélions qui n'agissent plus au nom du Cheikh' mais en leur noms propres. Et qui tirent bénéfice en toute impunité pour peu que leurs services profitent aux politiques bien placés.

Solaris a guidé ceux qui n'étaient pas encore les Hélions au cœur du Désert de Salith. Il leur a donné un foyer et un nom pour que, comme lui, ils éclairent le monde. Savoir, philosophie et art, voilà comment rayonne le peuple Hélion. Mais de la lumière nait l'obscurité.

Aujourd'hui, L'Ordre de Solaris est instauré pour combattre cette ombre. L'Ordre en appelle à tous les serviteurs de la lumière. Joignez-vous à lui, combattez les ombres qui se cachent dans le rayonnement de Solaris, de Babylios.

L'Ordre de Solaris est un service. Un service rendu aux habitants de Babylios. Celles et ceux qui désirent aide et justice trouveront dans l'Ordre les bras les plus solides, les lames les plus aiguisées, les sorts les plus perfectionnés et les conseils les plus avisés.
Peu importe la richesse des nécessiteux, l'Ordre ne fait pas de distinctions entre Hélions. Les mendiants, les marchands ou les nobles isolés, tous ont droit à la justice de Solaris. L'Ordre n'acceptera que ce qu'on lui donne, il n'exigera rien en échange de son devoir divin. Servir le peuple Hélion c'est servir Solaris, servir Solaris c'est avoir sa bénédiction et cela vaut plus que toutes les richesses d'Ecridel.

A vous qui bafouez la lumière de notre dieu. Sachez que ni la politique, ni l'or, ni aucune cachette ne vous protègera du courroux de L'Ordre de Solaris !


Miraak Dal'Vë, Bouclier de l'Ordre
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#5
Les semaines passent.

Babylios, la perle des sables. Grand Temple de Solaris.

La dague partit en ligne droite, droit vers le cœur. Miraak leva son bouclier pour parer tranquillement la frappe, puis il poussa vers l'avant. Fandor, son adversaire, recula et se prit les pieds dans le tapis pourpre ornant le sol du temple. Il faillit bien s'effondrer, mais parvint à reprendre son équilibre au dernier moment et, d'un saut en arrière, il évita un nouveau coup de bouclier de Miraak.

Se remettant en position, les deux adversaires s'observèrent un instant puis commencèrent à tourner en cercle face à face. Miraak chargea, bouclier en avant une nouvelle fois. Fandor esquiva par sa propre gauche, laissant sa dague voler contre le flanc droit non protégé de son vis-à-vis. La dague et la lame de Miraak s'entrechoquèrent et les deux adversaires reculèrent une fois encore.

A nouveau, se faisant face, ils se mirent à tourner en cercle. Et cette fois ce fût Fandor qui prit les devants. Sa dague fendit l'air droit sur le bouclier de Miraak qui n'eut même pas un mouvement à faire pour parer et lança en réponse une attaque de son épée de bas en haut. Fandor esquiva facilement l'attaque et sa main gauche fila vers une poche de sa tunique, il en sortit une étoile de jet qui lança en un éclair. Miraak n'eut pas le temps de réajuster son bouclier et l'étoile le toucha au bras droit. Cela ne lui causa qu'une éraflure, l'étoile étant émoussée tout comme les autres armes employées, mais elle suffit à le déconcentrer un instant et Fandor était déjà sur lui. Miraak se retrouva plaqué au sol, la pointe de la dague de son adversaire contre sa gorge.

« Trois victoires à deux, je gagne pour aujourd'hui ! Tu nous dois encore une tournée ! Exulta Fandor tandis qu'il tendait la main à Miraak pour l'aider à se relever.
- Un coup de chance, encore une fois. Il sourit, un peu de mauvaise foi ne faisait de mal à personne pas vrai ?
- Coup de chance ou pas, on t'attend à la taverne ce soir. Tu as deux tournées en retard ! Et c'est à ton tour de ranger la pièce ce soir ! Intervint Radoc avant de sortir de la pièce en compagnie de Fandor et Anorith, laissant Miraak seul face à un beau chantier. »


Le rez-de-chaussée du Grand Temple de Solaris était dédié aux fidèles. Il y avait régulièrement des pèlerinages menant au grand temple, que ce soit des Hélions expatriés ou des Taliens fidèles de Solaris. On y amenait des présents de tout Ecridel. Des membres de l'Ordre des Fils de Solaris veillaient au respect des lieux, et des prêtres accueillaient les malades et blessés pour leur procurer gratuitement les soins qu'ils nécessitaient. Miraak et ses nouveaux compagnons avaient rapidement conclut qu'il n'y avait pas de meilleur endroit pour s'entrainer tout en faisant leur publicité pour l'Ordre de Solaris, les lieux étaient plus spacieux que le centre d'entrainement de Babylios et ils avaient là les meilleurs guérisseurs de la ville au besoin.

Les trois Hélions qui venaient de quitter Miraak avaient été les premiers à le rejoindre dans son projet d'Ordre dédié à la justice et au bien-être des habitants de Solaris. Fandor suivait des enseignements en combat furtif, ce que certains appelaient de façon vulgaire "L'art des assassins" dans les autres cultures. Radoc était plus à l'aise un arc à la main. Anorith, enfin, était occupé à étudier les arcanes de la lumière quand Miraak l'avait rencontré à l'école de magie. Il cherchait alors un sorcier pour appuyer ses projets. Anorith n'avait pas été difficile à convaincre.

D'autres Hélions avaient déjà rejoint Miraak dans son projet. Il y avait eu tout d'abord Qalibat Al Azif. Cet Hélion quelque peu étrange s'était avéré être un bretteur fort capable et un musicien exceptionnel. Avec son qanûn, il était un peu devenu l'animateur des soirées du groupe. S'il avait certaines attitudes bizarres, dont sa façon se vêtir d'un assemblage hétéroclite de tissus et de cacher son visage sous un masque de porcelaine, il ne manquait jamais une occasion de donner un coup de main.

Il y avait aussi les Lahad. Les Lahad étaient une famille aisée de Babylios, respectable. Le chef de famille Anwaar et sa femme, peut-être plus chef dans sa famille que son mari, Julanr, s'étaient tous deux portés à la rencontre de Miraak. Ils avaient entendu parler de ses discours appelant à l'action contre la corruption et l'apathie des autorités, qui minait Babylios selon lui. Solaria Lahad leur fille ainée, belle jeune femme initiée aux arts de l'alchimie, s'était proposée à l'enrôlement dans l'ordre elle aussi dès le lendemain. Les motivations de la jeune femme, que sa mère avait visiblement à l'œil, n'était pas forcément très claires. Mais ses parents s'étaient vite avéré êtres des Hélions sur lesquels Miraak sentait qu'il pouvait se reposer.


Alors que Miraak ramassait les armes d'entrainements pour les ranger dans un coin de la pièce que l'Ordre avait pour ainsi dire revendiquée, une prêtresse lui jetait des regards peu amènes. Les règles du temple ne permettaient pas de refuser d'héberger les combattants venus s'y entrainer, et moins encore de refuser de soigner les éraflures qu'ils ne manquaient pas de se faire. Cela n'empêchait pas les prêtres de goûter fort peu l'animation que les membres du groupe faisaient régner dans leurs murs sacrés.
Une voix mélodieuse se fit soudain entendre dans le dos de Miraak.

« Alors voilà ce que fait le chef du groupe d'aventurier dont on parle tant. Il nettoie le temple de Solaris ! »

La femme qui avait parlé ainsi était grande, svelte, de longs cheveux noirs de jais retombaient sur ses épaules pour descendre jusqu'à ses hanches légèrement rebondies. Elle avait un visage d'ange barré d'un sourire qui rendrait béat le plus dévot des prêtres de Solaris. Sa tenue, une robe dans le plus pur style aristocratique de Babylios en soie brodée, mettait en avant sa poitrine généreuse. Sélène avait hérité de toute la beauté de sa mère en ne gardant de son père que la couleur de sa chevelure, tout le contraire de son frère Miraak en somme.

« Alors, commandeur de l'Ordre, auriez-vous quelques minutes à accorder à votre humble sœur pour faire un peu causette ? Reprit-elle, cette fois en pouffant ouvertement.
- Qui donc pourrait refuser l'honneur de votre présence, Dame Dal'Vë ? » Répondit Miraak en faisant une révérence grotesque. Il attrapa un morceau de lin pour s'essuyer la sueur sur le front puis se dirigea vers Sélène.


Ils sortirent ensemble du Grand Temple, sous les regards curieux de certains visiteurs devant ce couple assez mal assorti d'une femme affichant ouvertement sa haute noblesse et d'un homme en simple tunique brune de lin.

« Comment vas ton mari ? Et les enfants ? Interrogea Miraak.
- Ils vont bien. Kalek a enfin réussi à obtenir la propriété d'une exploitation d'argent à l'est de Babylios sur laquelle il lorgnait depuis des mois, et il est parti régler les derniers détails de la mise en place de l'extraction. Falin a commencé à recevoir ses premiers cours à la grande bibliothèque et Risan fait déjà ses premiers pas. Mais tu aurais pu savoir tout cela en passant directement à la maison tu sais ? Tu n'y as toujours pas mis les pieds depuis ta sortie de…
- Oui, je sais. Interrompit son frère. C'est juste que… Ce n'est plus vraiment chez moi.
- Ce sera toujours chez toi.
- Tu sais ce que je veux dire. J'y ai trop de souvenirs, et je n'ai plus le droit de considérer ces souvenirs, cette vie, comme la mienne. Je dois aller de l'avant…
- Mais n'oublies pas que je suis là au besoin. Que nous sommes là. Kalek serait ravis de te rencontrer à l'occasion. Voyant qu'elle n'obtiendrait pas plus d'avancée sur ce sujet pour le moment, Sélène décida d'en aborder un autre. Et alors, ton projet ça avance ? J'ai entendu plusieurs fois parler de ton "Ordre de Solaris" en passant sur le marché.
- Oui. Oui ça prend forme. La cour du Cheikh' a enregistré officiellement la création de notre groupe comme "groupe armé au service de Babylios". Ça reste un titre vide de sens, nous n'appartenons pas à l'armée du Cheikh' pour autant, mais ainsi nous avons une certaine légitimité aux yeux du peuple.
- Les trois hommes que j'ai croisés, guidés par celui portant une robe verte criarde, ils font partis de tes gens ?
- Le côté vestimentaire sera à revoir quand on aura un peu plus de moyens… Mais oui, ce sont certains des volontaires qui ont rejoint le mouvement. »

Sélène et Miraak arrivèrent au bout du chemin menant à la maison Dal'Vë.

« N'hésites pas à passer à la maison quand tu te sentira prêt. Le vieux Valid est toujours à la tête des domestiques et sera sans doute ravis de te voir. Et puis, tu pourras faire la connaissance de tes neveux…
- Oui Sélène, je… J'y réfléchirai.
- Je connais ce regard. Mais je ne suis pas prête à lâcher l'affaire, et tu sais que je suis têtue quand je m'y mets ! Prends soin de toi Miraak.
- Et fais attention à toi Sélène. Les rues pavées sont aussi dangereuses que les bas-fonds de Babylios, à leur manière. »

Avec un sourire à son frère, Sélène reparti en direction de sa demeure laissant son frère seul au milieu de la rue.

« Bon, j'ai du travail en retard. Anwaar m'attends sans doute déjà ! »
Miraak repartit vers les quartiers marchands de Babylios.

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#6
La première expédition (1)

Babylios, la perle des sables. Grande porte est de l'enceinte de la ville.

Le jour se lève sur Babylios quand Miraak franchit enfin la porte est. Face à lui le désert de Salith, la terre la plus chaude d'Ecridel en journée. Du sable, des dunes à perte de vue et dans toutes les directions. Si proche de l'enceinte, il y a bien quelques marchands ayant installés leurs tentes à proximités des murs de la ville, mais ensuite c'est une terre morte qui s'ouvrait devant le Hélion.

Morte ? Pas tant que cela. Le désert de Salith avait sa faune, comme toutes les contrées d'Ecridel. Un garde avait d'ailleurs proposé quelques pièces d'or à l'Ordre de Solaris pour chasser quelques hyènes dans le but de réduire la population de ces nuisibles aux alentours de la cité. Mais les prêtres du Grand Temple de Solaris avaient proposé une mission plus intéressante à Miraak, concernant une menace plus importante pour la sécurité de Babylios. Il y avait eu récemment des évènements étranges, des tempêtes de sable récurrentes et quelques disparitions inexpliquées à l'est de la ville. Et des hérétiques déclarant qu'un envoyé de Solaris était apparu dans le désert.

Le prêtre avait confié une petite enquête à l'Ordre qui, après des recherches harassantes dans la grande bibliothèque de Babylios et l'interrogatoire assez musclé d'un Fils du Soleil, en était arrivé à la conclusion qu'un être semi-légendaire était à l'œuvre : un effrit se cacherait dans les petites montagnes au cœur du Désert de Salith, protégé par des Hélions à moitié fous désignés sous le nom de Derviches. Les prêtres confièrent tout naturellement la mission de les débusquer aux aventuriers volontaires, dont l'Ordre de Solaris faisait bien sûr parti.


C'est donc ainsi que Miraak avait donné rendez-vous à ses nouveaux compagnons à l'aube pour une première expédition dans le désert.

Miraak avait désormais un bon petit groupe sur lequel compter. Fandor, Radoc, Anorith, Qalibat Al Azif et les Lahad. Les trois enfants de Julanr et Anwaar Lahad s'étaient également proposés pour servir les Hélions dans l'Ordre, mais seule l'aînée Solaria était présente ce matin-là. Son jumeau Khalid était partit une semaine plus tôt explorer le désert en solitaire, il était à présent en cours de rétablissement au temple de Solarith après avoir été blessé par un javelot gobelin. Leur petite sœur Chemsa, qui suivait les pas de sa mère, se formait à l'arc dans la partie nord du désert et avait prévenu qu'il lui faudrait un jour ou deux pour rejoindre le groupe.

Un troisième membre de l'Ordre manquait à l'appel, Solassin. C'était un combattant formé à l'art de la dextérité, tout comme Fandor. Il était parti pour une mission de reconnaissance au service de la garde et avait fait savoir qu'il serait bientôt là. Mais Miraak avait jugé qu'il était temps de bouger. Déjà plusieurs mois enfermés dans Babylios, il était temps de tester un peu les aptitudes et le comportement des uns et des autres dans l'action.


Il y avait encore un petit vent d'est lorsque le groupe se mit en marche. Il était agréable, légèrement rafraichissant, mais il ne fallait pas en prendre une habitude. Le vent qui soufflait pendant la nuit tombait rapidement en journée. Qalibat frissonnait étrangement tandis que le groupe s'éloignait des remparts de la ville et s'enfonçait dans le désert, mais les autres semblaient plutôt contents de partir à l'aventure. On devinait aisément un sourire sous le voile qui recouvrait les visages des uns et des autres.

Après quelques heures de marche ils arrivèrent au niveau d'une première petite oasis comme il y en avait régulièrement dans le désert de Salith. Certaines étaient naturelles avec une végétation plus ou moins importante. D'autres avaient été créées récemment à l'aide de la magie des Hommes-bêtes autour de ce qui n'était, jusque-là, que de simples puits creusés par les Hélions pour faciliter l'approvisionnement des caravanes.

Reste que ces petits havres de paix étaient une vraie bénédiction pour tous ceux qui devaient défier le désert. Solaria fût la première arrivée, elle enleva aussitôt son foulard pour laisser aller ses longs cheveux aux vents et plongea la tête la première dans le petit lac. Lorsque les autres membres de l'Ordre arrivèrent à leur tour, elle émergea du plan d'eau pour leur faire signe de la rejoindre, ne faisant visiblement aucune attention à sa robe imbibée d'eau qui moulait ses formes généreuses.

Tandis que le rose montait aux joues de certains, la plupart des compagnons se dépêchèrent de saisir leurs gourdes pour se désaltérer abondamment. Julanr marchait déjà à grand pas vers sa fille, un feu dans le regard qui n'avait rien à voir avec le soleil brûlant du désert, quand Miraak tendit sa main à Solaria pour la tirer hors de l'eau. La jeune femme se laissa aller contre lui avec un peu plus de force que le jeune Hélion n'en avait mis à la tirer, ce qui eut le double effet d'un repli tactique de Miraak et d'un recul circonspect de Julanr. Anwaar, qui observait la scène, jaugeait son chef d'un regard un peu diffèrent de celui qu'il avait eu ces mois passés.

Comme pour briser un silence quelque peu gênant, Fandor fît remarquer qu'il y avait une lueur jaune brillante au fond de l'eau. Après une bonne heure d'efforts combinés du groupe, Miraak finit par émerger à la surface avec un peu de minerai d'or dans une bourse. Pendant ce temps Julanr et Solaria avaient fait cuire au soleil de la viande de chameau et quelques plantes aromatiques qui comblèrent les estomacs de toute la compagnie.


Rassasié, l'Ordre de Solaris reprit sa route vers l'est. Le sommet des montagnes du cœur du désert de Salith commençait à se distinguer à l'horizon quand le groupe entendit des rires caractéristiques. Il y avait des hyènes à proximité. Mais aussi des Hélions qui les chassaient.

En effet, le groupe arriva au beau milieu d'un… Beau désordre. Il y avait là une dizaine de Hélions et moitié moins de hyènes qui couraient autour d'eux. Difficile de juger, de prime abord, qui chassait qui. Mais quelques cadavres de hyènes témoignaient de la capacité au combat des Hélions déjà sur place. L'Ordre n'attendit toutefois pas d'y être prié pour se diriger vers la mêlée. Anorith fût le premier à diriger quelques rayons brûlants en direction d'une hyène. Les rayons ne touchèrent pas leur cible, mais le bal était lancé.

Radoc, Julanr, Anwaar, Solaria et Anorith purent tester leurs nouvelles aptitudes. Depuis la dune où le groupe était arrivé, ils usèrent respectivement de flèches et de sorts pour mettre la pagaille. Les Hélions déjà sur place n'eurent plus qu'à finir le travail… Quand il en restait. Fandor, Qalibat et Miraak, pour leur part, n'eurent pas même l'occasion de dégainer leurs lames. Toutes les hyènes agonisaient avant qu'ils n'arrivent au bas de la dune. A trois contre un, les Hélions étaient un peu trop forts pour la meute.

Désormais les montagnes étaient bel et bien en vue. Et sans donner de pause à leurs compagnons, les trois combattants se remirent en marche. Légèrement vexés ne n'avoir pas eu le temps de montrer ce qu'ils savaient faire.


Si pour vous des montagnes ce sont des sentiers à travers des terres jalonnés d'arbres, épineux pour la plupart, et surmontés de pics enneigés… Et bien vous n'y êtes pas du tout. Les montagnes dans le désert de Salith ce n'est rien d'autre qu'un amas de roche brute et dorée au soleil.

Le soleil disparaissant derrière les rochers, Miraak décida d'établir un camp de base pour passer la nuit aux pieds des montagnes et d'explorer la zone le lendemain matin. Chaque membre du groupe avait transporté de quoi monter sa propre tente. Solaria se fit rappeler à l'ordre par sa mère lorsqu'elle tenta d'installer la sienne à proximité des jeunes combattants du groupe. Elle finit par se laisser convaincre d'aller poser sa couche à distance, à côté de celle de Julanr.

Un faucon porta un message à Miraak « Je pars bientôt pour vous rejoindre ». Solassin ne serait pas encore là le lendemain.

Le groupe dîna dans une ambiance joyeuse, Qalibat retrouvant sa voix et son habilité à manier son qanûn pour animer la soirée. Certains se mirent à faire quelques tours de danse, Julanr étant très demandée, bien que moins que Solaria.


De bon matin, le groupe ensommeillé rassembla ses affaires pour faire route en direction des montagnes. L'Ordre passa plusieurs heures à chercher au milieu des rochers ce qui pouvait bien ressembler à l'antre d'un effrit quand Radoc remarqua quelque chose d'étrange :
« C'est moi ou ce rocher bouge, là-bas ? Dit-il en montrant un espace entre deux rochers, un peu plus haut.
- C'est visiblement un monstre. Mais c'est énorme ! Remarqua Julanr. Un truc gris. Un crâne chauve qui sourit bêtement…
- Heu… Tu as vu un troll ? Demanda Fandor.
- Et qui dit troll… » Anorith fut interrompu par un cri venant de derrière eux.

« ATTENTION ! »

Un javelot passa à un mètre d'Anwaar qui fermait la marche du groupe. Un javelot de piètre qualité, taillé grossièrement dans un frêne et orné d'une pointe de fer taillé. De l'artisanat gobelin, rien dans l'esthétique, pas de fioriture. Mortel et c'est tout ce que lui demandent ces viles créatures que sont les gobelins.

« Tous derrière moi ! » Hurla Miraak, trouvant enfin une occasion de jouer son rôle de bouclier du groupe.

Le Hélion qui les avait avertis, un jeune archer, vint se placer derrière lui avec le reste du groupe tandis qu'un petit groupe de gobelins approchaient, dégringolant un pan de roche. Le gobelin en tête portait un casque de fer brut et gesticulait avec un gros marteau à deux mains.

« C'est un chef tribal. » Remarqua Anwaar, mais Miraak levait déjà son bouclier pour parer le premier assaut.
Le coup du chef gobelin fût tout en puissance, de bas en haut, tout simple… Et efficace. Miraak eu beau lever son bouclier comme il l'avait si souvent répété lors des entrainements, il ne put qu'être repoussé en arrière sous le choc. Et fût complètement démuni quand le chef gobelin lança une nouvelle attaque qui lui enfonça les côtes. Le gobelin qui suivait son chef, armé d'une misérable dague de fer, profita de l'aubaine pour y attaquer à son tour et seul un réflexe de dernière seconde permit à Miraak de dévier un javelot qui allait le percer de part en part. Sévèrement touché, il ne se sentait plus capable de bouger. L'archer qui avait averti le groupe l'agrippa par sa tunique et le tira sèchement en arrière, hors de portée des gobelins, tandis que Qalibat et Fandor passaient en première ligne.

Quelques exclamations se firent entendre, certains des Hélions qui chassaient des hyènes la veille arrivaient en renfort. Les gobelins s'écartèrent pour se regrouper.

Anwaar en profita pour étendre une potion apaisante sur les plaies de Miraak. Ce dernier serra les dents, sentant des larmes lui venir aux yeux, mais la solution fit son effet. Ses blessures commencèrent à cicatriser quelque peu, même s'il faudrait du repos et de l'inactivité pour se remettre vraiment… Et il n'en était pas question pour le moment.


En plus de l'archer qui était arrivé le premier, qui se présenta sous le nom de Damimuse, six aux autres Hélions rejoignirent le groupe pour se mettre en ordre de bataille. Ils se présentèrent rapidement sous les noms d'Ankhe at afram Anacho, Farouk Al Mahjoub, Ali Al-salih, Odeli, Hanish et Ragold, six Hélions visiblement en quêtes d'aventures.

Mais l'heure n'était pas vraiment aux politesses, le chef tribal s'était déjà remis de sa surprise de voir débarquer un tel surnombre d'aventuriers et avançait vers les Hélions. D'autres gobelins approchaient également, de même que le troll qu'il avaient vu au loin. Ce troll, maintenant qu'il était plus prêt, était en fait tenu en laisse par des gobelins qui le dirigeait vers le combat.


Miraak, blessé, hésitait un peu sur la marche à suivre. Mais l'archer qui était arrivé à la rescousse semblait certain qu'ensemble face à lui, ce chef tribal n'avait aucune chance. Les faits démontrèrent qu'il avait raison. Quelques passes d'armes, sorts et flèches plus tard, le chef gobelin s'effondrait mort, achevé par un dernier trait meurtrier décoché par Damimuse avant même d'arriver une nouvelle fois au contact.

Rassérénée par ce succès, la troupe des Hélions se mit à charger les gobelins dans le but d'éclaircir leurs rangs avant que le lourd et lent troll apprivoisé n'entre dans la mêlée. Les gobelins sans chef ne parvinrent pas à résister à la charge des guerriers et assassins, tandis que les lanceurs de javelots gobelins étaient assaillis de rayons enflammés et de flèches. Qalibat fit forte impression en maniant l'épée comme… Un démon sanguinaire. Il frappait sans se soucier du sang qui maculait sa cuirasse étrange et son masque de porcelaine. Lui qui avait semblé si mal à l'aise depuis le départ de la ville, au milieu du désert, semblait soudainement un autre homme.

A trois contre un, les Hélions dominaient allégrement le champ de bataille… Jusqu'à l'arrivée du troll.

Avec ses huit pieds de haut tout en muscle, ce mastodonte avait le mérite d'être impressionnant. Il était armé d'une masse de fer brut toute simple mais qui, maniée avec une telle force, était à n'en pas douter meurtrière. Odeli en fit tout de suite les frais. Emportée par son élan, elle ne fit pas attention au troll qui, dans son dos, abaissa sa masse sur elle. D'un seul coup elle était au sol, inconsciente. Les Hélions se hâtèrent de tirer Odeli en arrière pour pouvoir la transporter au temple de Solaris afin de la faire soigner, puis ils se dispersèrent autour du troll, en prenant garde à rester hors de portée de sa masse.

Le troll était d'une force incroyable, mais ses petits yeux étaient tout sauf perçants. Il parvint ainsi l'exploit de manquer plusieurs séries d'attaques successives, que ce soit sur un combattant au corps à corps entrainé comme Fandor… Ou sur un sorcier habitué à se tenir en retrait et propulsé au premier rang par accident comme Anorith. Pendant ce temps, les autres Hélions parvinrent à se débarrasser des gobelins restant, qui ne parvinrent qu'à mener un second troll apprivoisé sur le flanc droit de l'affrontement. Deuxième troll qui se retrouva pris dans une danse avec Ali et Hanish le tenant écarté du combat principal dans lequel tous les autres Hélions tournaient leurs forces contre la cuirasse imposante du premier troll. Sans succès.

Le troll restait insensible, les flèches se brisant sur ses écailles que les dagues et les lames ne parvenaient pas à percer. Les sorts semblaient amoindris à son contact, et la chaleur des rayons brûlants des sorciers ne faisait visiblement que le chatouiller. Miraak, ayant repris quelques forces et estimant que le groupe de Hélions était trop peu expérimenté pour vaincre pareille créature, proposa de laisser ces colosses dans leurs montagnes.

« Ils sont seuls, sans gobelins pour les guider contre les marchands de passage ou toute autre exaction. Ils ne constituent plus une menace pour Babylios pour le moment. »

Les autres hochèrent la tête. Miraak proposa de conduire l'Ordre vers le sud-est. Quand il les quitta des yeux, la plupart des autres combattants s'éloignaient des trolls pour s'intéresser à d'étranges pierres vertes au milieu des pierres brisées. Damimuse, lui, s'avoua plus intéressé par l'Ordre de Solaris.

« Votre groupe me semble compétent et organisé. Si vous voulez bien de moi, je vous offre les services de mon arc pour vos prochains combats. »

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#7
La première expédition (2)

Ainsi renforcé, l'Ordre se remit en marche dans le désert. Miraak et ses compagnons n'avaient trouvé nulle trace de ces adorateurs d'Effrit dans les montagnes. Soit le Fils du Soleil qu'ils avaient interrogé s'était moqué d'eux, soit ses informations étaient inexactes. Il s'agissait d'explorer un peu plus avant cette zone de désert avant de rentrer en ville.

Le soleil était déjà loin à l'ouest à la fin du combat, aussi l'Ordre monta le camp pour une deuxième nuit dans le désert alors que les montagnes de Salith étaient encore en vue derrière eux. Les Lahad, qui s'étaient occupés des provisions, avaient veillé à emmener plus qu'assez de nourriture. L'Ordre pouvait passer prêt d'un mois dans le désert si besoin, en se rationnant un peu et en espérant un peu de viande issue de la chasse. La viande de hyène est coriace et désagréable, mais elle peut suffire un temps en cas de besoin.

La température tomba très vite ce soir-là, aussi le groupe se dépêcha-t-il de consommer son dîner avant d'aller s'abriter sous les tentes individuelles. Une brusque baisse des températures impliquait bien souvent une tempête de sable qui pouvait se lever sans prévenir, en quelques instants. Le groupe reçut un nouveau message de Solassin.

« Suis arrivé prêts des montagnes mais vous n'étiez plus là. J'ai rejoint un groupe d'aventuriers se faisant appeler "Oussoud Ashams" pour combattre des trolls. »

Chemsa Lahad en revanche n'avait pas fait tant de détours. Alors que le groupe rangeait le matériel pour la nuit elle arriva dans la lumière du feu de camp. La cadette des Lahad était une jeune femme discrète. Si elle ressemblait beaucoup à sa grande sœur pour ce qui est du physique, pour le comportement les deux sœurs ne pouvaient être plus différentes. Chemsa était calme et disciplinée, et elle partageait avec sa mère un grand intérêt pour l'art du tir à l'arc, n'ayant aucune aptitude particulière dans l'usage de la magie. Julanr et Anwaar accueillirent leur fille et l'aidèrent à installer sa tente tandis qu'elle leur racontait son voyage pour les rejoindre. Elle n'avait pas rencontré de difficultés, la route étant dégagée de tous dangers après le passage de l'Ordre et d'autres aventuriers Hélions.

Miraak fût l'un des derniers à quitter le feu de camp avec Solaria, qui avait passé le repas à lui lancer des sourires dès qu'il tournait son regard vers elle... Ce qui arrivait assez souvent. Cette dernière dû toutefois se faire une raison et aller se coucher dans sa tente solitaire quand sa mère l'agrippa par la cape.



Au cœur de la nuit, Miraak se réveilla en sueur. Il crut un instant à un mauvais rêve, mais après un instant il comprit qu'il y avait bel et bien quelque chose de louche. L'air était lourd… Trop lourd pour une nuit dans le désert. Et il entendait… Quelque chose. Comme un sifflement.

Il prit le temps d'enfiler sa tunique à la hâte et, après une courte hésitation, mis son cimeterre à la ceinture avant d'ouvrir la toile de sa tente. Il aperçut d'abord les visages d'Anwaar et Damimuse qui émergeaient de l'ouverture de leurs propres tentes, à moitié réveillés eux aussi, leurs visages éclairés par les braises restantes du feu de camp. Radoc vint ensuite se planter devant la tente de Miraak, déjà debout et habillé de pied en cape. Lorsque son chef se fût mit debout, l'archer désigna un point lumineux qui semblait glisser au-dessus du feu de camp. Une petite lumière isolée.

C'est juste au moment où Anorith rejoignait le petit groupe en contemplation devant la lueur que les évènements s'accélérèrent. Le visage de Solaria émergea à son tour de sa tente tandis que la lueur survolait la tente voisine, celle de sa mère, et une flammèche se détacha de la lumière pour foncer vers la tente de Julanr. La tente s'enflamma aussitôt !

Anwaar bondit vers la tente pour y pénétrer avant que quiconque ne puisse s'interposer. Les autres sortirent leurs armes tandis que la lueur se dirigeait maintenant droit vers eux. Une nouvelle flammèche atteint Radoc au bras qui failli lâcher son arc du fait de la brûlure.

« Aie ! C'est un feu follet du désert ! »

Miraak avança vers la tente de Julanr, désormais entièrement enflammée, pour voir Anwaar en sortir en portant le corps inerte de sa femme. Solaria l'avait déjà rejoint avant l'arrivée de Miraak.

« Elle a besoin de soins du temple. Annonça Anwaar d'une voix légèrement tremblante. Les brûlures ne sont pas très graves, mais elle a inhalé trop de fumée.
- Protège là bien, mais on a besoin de ta magie aussi ! Il faut s'occuper de ce… Truc. »

Miraak se retourna vers le feu follet. Vers les feux follets, car une seconde lueur était maintenant visible au-dessus du groupe. Qalibat et Fandor s'efforçaient de toucher leurs ennemis dès qu'ils passaient à portée de leurs lames, tandis que les archers usaient de leurs flèches, mais cela n'avait pas un grand effet. Solaria fonça vers leurs ennemis, une rage visible sur son visage. Le rayon de lumière qu'elle dirigea sur les feux follets, lui, eu un effet visible. La lueur devint soudainement moins brillante. Elle retourna néanmoins contre son assaillante une nouvelle flammèche qui blessa Solaria au bras droit, avant que Miraak n'arrive à son tour et n'abatte sa lame pour éteindre une fois pour toute la créature.

« On peut les blesser avec des armes, mais ce sont les sorts qui sont le plus efficace… Anwaar, Solaria, Anorith, utilisez vos sorts les plus destructeurs ! » Déjà un troisième feu follet arrivait.



Au petit matin le groupe était bien peu reposé. La plupart avaient les yeux rouges du fait du manque de sommeil, n'ayant pu le retrouver après les évènements de la nuit. Une fois compris que la magie était très efficace contre les feux follets, l'issue du combat n'avait plus fait aucun doute. Néanmoins le groupe avait eu là la preuve de son insouciance, de son manque d'expérience. Pas de tour de veille… C'était une erreur de débutant. Julanr en avait payé le prix. Une caravane de marchands l'avait emportée vers Babylios dans un chariot, sans qu'elle ait repris conscience. Anwaar, Chemsa et Solaria avaient la mine sombre au moment de reprendre la marche.



Ils marchèrent toute la matinée, trouvant quelques arbustes autours d'oasis dont le bois pouvait être exploité. Le projet de fabriquer des arcs de qualité avec le bois trouvé en chemin avait germé dans l'esprit des archers de l'Ordre. Fandor tomba aussi sur un gisement de gemmes étranges qu'il s'empressa de prélever, au cas où elles auraient une quelconque utilité.

Mais alors qu'il commençait tout juste à retrouver une relative quiétude, le groupe eut la mauvaise surprise de tomber sur un campement de bandits du désert. Les bandits du désert ne sont pas de vulgaires bandits comme ceux qui hantent la basse ville de Babylios, ce sont là des combattants expérimentés de toute races qui vivent de larcins ambitieux en pleine nature et ne s'approchent que rarement des villes dans le but d'écouler leurs butins.

Qalibat tombant sur un premier de ces bandits, sans doute un guetteur, s'empressa de dégainer son cimeterre pour croiser le fer et l'attaquer, sans prendre le temps de se mettre en position de combat. Et, preuve du talent bien supérieur de ces bandits en comparaisons des vulgaires gobelins et hyènes auxquels le groupe avait eu à faire jusque-là, cette fois c'est le sang de Qalibat lui-même qui coulait bientôt sur son masque de porcelaine.

Damimuse et Miraak sautèrent sur le bandit, sauvant de justesse la vie de Qalibat qui avait déjà perdu connaissance. Le bandit, plus habitué au combat à distance, ne tint pas longtemps face au groupe entier qui arrivait directement au corps à corps. Mais le raffut avait alerté ses compagnons qui rappliquèrent en nombre.

Miraak tenta d'organiser une ligne de bataille, les combattants les plus en forme composant la ligne avant pour s'exposer aux flèches des bandits tandis que ceux qui avaient besoin de souffler se plaçaient en arrière. Et cela marcha bien pendant un temps. Un autre bandit tomba sous les coups de l'Ordre, puis un autre… Mais un bandit surprit le groupe par le flanc, accompagné d'une hyène qu'il avait visiblement dressé. Exposé sur deux fronts, l'ensemble du groupe marquant des signes de fatigue, le combat s'équilibra.

Un archer bandit mit Solaria hors d'état de nuire. Puis Damimuse, qui s'était trop avancé dans le but d'achever un de leurs adversaires, fût surpris et assommé d'une frappe dans le dos. Khalid Lahad choisit ce moment pour apparaitre au loin, criant qu'il arrivait en renfort… Mais c'était trop tard pour sauver la situation. La hyène et son dresseur agonisants, Miraak y vit une occasion de battre en retraite. Malgré ses blessures il leva son bouclier et s'avança face aux bandits restant, entre l'archer qui leur donnait le plus de mal de mal et le groupe, puis s'exclama :

« Reculez, je vais tenter de les retenir ! Si je parviens à les repousser, profitez-en pour foncer ! Sinon menez nos blessés à l'abri. Morts nous ne protégeons personne ! »

Les autres ne discutèrent pas. Anwaar saisit Solaria, Radoc et Fandor s'occupèrent de soulever Qalibat tandis qu'Anorith défendait déjà le corps inerte de Damimuse. Quelques instants plus tard une flèche passait la garde de Miraak. Puis une autre. Miraak vit comme un trou noir prendre la place du désert dans son champ de vision, il ne senti même pas la troisième flèche.



Lorsqu'il rouvrit les yeux, Miraak reconnu la nef centrale du Grand Temple de Solaris.

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