[RP] Longue vie au Roi !
#56
Selinde se mordit la lèvre inférieure à l'observation de la notice scientifique. L'initiale en signature était la même que sur celle confiée par la princesse, mais l'écriture était bien différente, comme si quelqu'un avait falsifié, d'une bien piètre manière, l'une d'entre elle. Elle ajouta cette pièce à conviction dans son corsage, où bien d'autres avaient pris place précédemment.

Elle avait pris soin d'arracher quelques pages jugées intéressantes, d'en noter quelques autres et d'esquisser de façon maladroite, les instruments alchimiques et les procédés expérimentaux qu'elle avait devant les yeux. Quant à l'étrange mixture malodorante, elle en avait transvasée un échantillon dans une petite fiole, qu'elle avait pris soin d'entourer dans une manche déchirée de sa chemise. Il n'était pas question qu'elle se brise dans la panique qu'elle n'allait pas tarder de déclencher.

Elle s'approcha des deux bassines d'eau et attrapa le bouteille de ce fameux "Château de Balard". Un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres tant il était ironique de penser que tous les ennuis du roi provenaient d'un mauvais vin, mal fermenté. Elle le reposa sur la table et souleva l'une des bassines pour l'apporter sous la trappe. Elle en fit de même pour la seconde.

Elle jeta un dernier regard au laboratoire pour vérifier qu'aucun détail ne lui avait échappé. Après un temps de réflexion, elle hocha la tête et arracha d'un geste vif sa seconde manche. La sorcière la trempa dans l'eau avant d'en faire un nœud derrière sa nuque. Ce masque improvisé protégerait sa bouche et son nez des fumées toxiques, diminuant drastiquement les brûlures qu'elles pouvaient causer à ses poumons. Pour ses yeux, par contre, elle n'aurait rien, mais elle n'avait guère le choix.

Selinde grimpa lentement l'échelle de corde et s'intéressa à la trappe. Ses charnières métalliques notamment. Il ne serait pas difficile de les faire fondre et de démonter ainsi une à une, les planches qui la maintenaient prisonnière de cette cave. Concentrée sur sa cible, la pyromancienne n'eut aucune difficulté à faire rougeoyer le fer et à le voir se tordre sous l'infernale température qu'elle lui infligeait. Elle veillait à maintenir la chaleur de ses flammes éloignée du bois qu'elle ne voulait pas voir s'embraser. De fines fumées blanches commencèrent à s'envoler vers l'étage.

Malgré l'équilibre instable que lui procuraient les cordes de l'échelle, elle parvint à arracher une première planche. Puis, une seconde jusqu'à ce que seule l'imposante armoire se trouve au-dessus de sa tête. Elle ne pourrait pas la faire basculer depuis ses maigres appuis, mais elle pouvait la réduire en cendre. Il lui suffirait que le feu ronge bien docilement le bois et le papier pour former un trou juste assez grand pour lui permettre de se faufiler.

La pyromancienne prit le temps de moduler sa respiration en une lente succession d'inspirations et d'expirations. Elle posa sa main, déjà incandescente et se concentra intensément. Le brasier qui dormait en elle ne devait pas prendre le dessus. Pas cette fois. Elle avait besoin de dompter le feu avec finesse et subtilité pour l'amener précisément où elle le souhaitait, sans risquer une propagation mortifère. Les flammes s'attaquèrent lentement au meuble, parfois récalcitrantes et peu enclines au musellement que Selinde leur imposa. Plus d'une fois, elles se rebellèrent, mais la sorcière ne céda à aucune de leurs ardentes suppliques.

Lorsqu'elle estima la voie suffisante à sa fuite, elle relâcha son emprise sur les flammes qui se déchainèrent d'un seul coup. Il lui fallait faire vite. Elle se laissa tomber au sol et souleva une bassine pour la jeter de toutes ses forces sur le brasier naissant. Instantanément, une opaque fumée blanche remplaça les flammes. Sans attendre, Selinde en profita pour s'élancer vers la sortie et s'extirper tant bien que mal de sa prison souterraine. Malgré son masque de fortune, elle toussa quelque peu, les yeux piquants et rougis.

A peine posa-t-elle un pied sur le dallage de la bibliothèque du manoir qu'elle entendit les premiers cris : l'odeur et la fumée avaient fait leur office et prévenu les habitants de la demeure. D'un geste incantatoire, elle amplifia la fumée en leur direction et se dirigea en courant vers sa chambre. Elle déchaussa rapidement ses bottes et y mit son masque et attrapa le drap qu'elle mit sur ses épaules pour couvrir sa chemise déchirée.

Avant de sortir de la chambre, elle répéta son rôle. Son visage prit une mine fatiguée, légèrement ahurie d'une jeune femme sortant à peine du sommeil. La fumée avait déjà commencé à envahir l'aile des invités et les cris s'étaient intensifiés. Parfait. Elle ouvrit la porte, faisant mine d'être perdue au milieu de toute cette agitation avant de simuler la peur panique dans cette insupportable fumée. Elle accentua jusqu'à sa toux et sa difficulté à respirer.

Elle osa le mensonge jusqu'à l'appel de détresse dans l'espoir qu'un garde ou un domestique la mènerait à l'abri, comme l'invitée effrayée qu'elle était supposément. Et non la pyromancienne chevronnée qui avait provoqué cet incendie sans feu.
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