[RP] Longue vie au Roi !
#23
Selinde s'étira, portant la main devant sa bouche pour couvrir un bâillement qu'elle n'avait su réprimer. Il était encore si tôt que le soleil paressait encore derrière l'horizon. Elle s'était levée avant l'aurore pour œuvrer silencieusement à son office sans que nul ne la dérange. Seule la flammèche malingre d'une bougie à moitié fondue éclairait le parchemin encré d'une écriture fine et féminine.

Elle se redressa sur sa chaise pour porter toute son attention à la relecture. La sorcière ignorait dans combien de mains la missive passerait avant d'atteindre sa véritable destinataire et encore moins, si elle pouvait leur attribuer une quelconque confiance. Il n'est rien de plus sécurisant pour un traitre que la proximité avec sa victime. Ainsi, la prudence lui fit ôter tout aveu de leur précédente rencontre, et n'établir que des banalités solennelles.

Citation :A l'attention de la princesse Elene Volaran,

Votre Altesse Royale,

La Salamandre tenait à vous transmettre ses plus respectueuses salutations en ce jour où le regard du peuple talien peut se tourner avec fierté vers nos frontières, les pupilles illuminées par un espoir retrouvé.

Le Skövendor, jadis symbole de l'humiliation infligée à notre nation par les barbares du Nord, porte aujourd'hui dignement les couleurs du Concordat du Phénix grâce à l'alliance de nos trois guildes. Chacun de ses hommes et de ses femmes ont vaillamment combattu, donnant le meilleur d'eux-mêmes pour l'emporter. Puisse cette victoire militaire réchauffer votre cœur et vous prouver qu'il n'est nulle menace que l'on ne peut vaincre.

Mêmes les armées démoniaques sous les ordres scélérats de l'Amiral Rajaat n'ont su empêcher le retour des elfes, trop longtemps restés captifs dans la forteresse du Jarl Skasgärd, auprès de leurs proches. Hélas, nous avons toutes les raisons d'imaginer que la Dame Infernale Vi'aria se terre, actuellement, au sein même de notre royaume, dans un vieux temple érigé en l'honneur d'Edar le juste. Quelques-uns de ses sbires auraient été aperçus dernièrement dans nos contrées.

Lorsque ces derniers ne seront plus un danger pour les villages environnants, puis-je avoir l'audace d'espérer la faveur d'une audience ?

Puissiez-vous, votre Altesse Royale, croire en ma sincère loyauté.
Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre
Selinde resta un moment songeuse avant de plier soigneusement le papier et de le glisser avec précaution dans un étui de cuir portant le sceau de la Salamandre. Elle trouverait bien un coursier en partance pour Yris, avant de partir affronter une nouvelle fois les forces infernales de Vi'aria.

___

La lettre avait mis du temps à venir à la jeune princesse, et pour cause, la situation du pauvre père avait chuté encore et encore. Chaque minute était une lente agonie pour le régent, si bien que plus d'une fois elle s'était tenue aux côtés du lit, l'avait regardé avec tout l'amour qu'une fille a pour son père, et elle s'était vue plus d'une fois se saisir de son oreiller, prête à tout, mais incapable de le faire. Incapable de le faire alors qu'il la fixait avec ses yeux là, suppliants, larmoyants. Qu'il était risible, le bon Roi Leonard dans sa sueur et sa pisse. Qu'elle se détestait à ce moment-là.

Assise au bout du lit royal, elle lisait sagement les lettres qui lui arrivaient, par ci, par là.
Une seule retenue son attention, bien après l'annonce du mariage de noble dont elle n'avait cure, une lettre signée de la main de Selinde Belzora.
Elle jeta un regard à son père qui se soulevait sans pouvoir se lever, les pieds et les poings liés au tour de lit fait d'un bois solide. Elle attrapa une plume et commença à écrire, avec un certain calme :

Citation :« Dame Belroza,

J'ai eu le cœur heureux quand mon garde m'a appris la nouvelle qui a couru plus vite que votre coursier le plus rapide. Les choses de mon côté n'ont pas beaucoup évolué. Je vous autorise à me rendre visite à la condition que vous vous présentiez seule. Mes conseillers n'aiment pas que je m'entoure de trop de bouches – ils les pensent perfides et moi trop ingénue sans doute.

Je vous féliciterais en personne, mais d'aucun ne doit savoir pour le moment la situation qui règne au palais.

A sous peu, Dame Belzora,

Je crois en vous,

Elene Volaran »
Elle signa de sa plume fine avant d'envoyer un coursier jusqu'à la Taverne porter le courrier frappé du sceau royal.

______

Selinde se tenait devant le palais d'Yris, seule. Même à son frère, son autre elle-même, elle n'avait rien dit de cette missive royale et de son intention de rencontrer une nouvelle fois la princesse Elene Volaran.

Elle réajusta sa broche en forme de Salamandre tout en songeant, non sans une certaine satisfaction, à la promiscuité dont s'était permise la princesse à son égard. Ses écrits laissaient à imaginer dans quelle solitude elle se trouvait, prisonnière d'une situation dont elle ne pouvait que peu de choses.

Quoi qu'il en était, la commandante espérait que ses conseillers trop protecteurs les laisseraient seules quelques minutes au moins. Après avoir combattu les holdars entre Kandrian et les hautes falaises d'Andoras, un détail de leur conversation passée lui était revenu. Elle n'y avait guère apporté beaucoup d'importance sur l'instant, mais à présent, la nécessité d'un éclaircissement s'imposait.

Elle se présenta à la garde chargée de surveiller les portes du château et d'en prévenir toute intrusion. Elle les salua d'un poing fermé sur son coeur.

“Je suis Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre. Son Altesse Royale, Elene Volaran, m'a conviée pour une entrevue avec sa personne.”

________
Quelques jours plus tard, un peu avant la cérémonie de mariage...


“Elle a humilié la Salamandre. Ridiculisé même.”

Selinde n'avait pas bougé lorsque son frère s'était assis à ses côtés, sur l'une des banquettes de l'auberge dans laquelle elle s'était installée pour l'attendre. Elle ne l'avait pas salué, ni même regardé. Elle restait immobile, impassible, à l'image de cette voix dénuée de toute passion qui lui ressemblait si peu.

“Les portes sont restées désespérément fermées, Dione, à croire qu'elle n'avait jamais eu l'intention de me recevoir. Je pensais la princesse différente, mais il n'en est rien. Preuve en est faite aujourd'hui qu'elle est aussi méprisante et dédaigneuse que le reste de sa caste corrompue.

Comment ai-je pu espérer quoique ce soit de la part d'une souveraine, qui par peur d'un mariage, se résigne à abandonner son peuple en pleine tourmente ? Rien n'est à attendre de ceux qui nous gouvernent.”


Elle haussa les épaules, récupérant pour l'occasion sa désinvolture coutumière avant d'attraper le verre d'alcool fort qu'elle avait ignoré jusqu'à présent. Elle le leva vers son frère de façon à trinquer, un sourire malveillant et une lueur incendiaire dans le fond de ses iris.

“A votre chute, Elene Volaran.”
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