[RP] Longue vie au Roi !
#6
Le palais royal s'élevait devant Selinde, l'écrasant de sa majesté. Le bâtiment, comme tant d'autres dans la cité haute, éveillait en elle une palette d'émotions. De la verte envie à la noire rancoeur, en passant par la rouge colère. Mais ce jour-ci, seule l'inquiétude se lisait dans ses prunelles noisettes.

Les immenses portes restaient fermées, à l'image des lèvres du roi qui demeuraient closes pour son peuple depuis tant de mois. Les ruelles en grondaient, parfois d'indignation, souvent de désarroi. Si même leur bien aimé monarque les abandonnait, que leur restait-il ? Pour autant, la jeune pyromancienne n'attendait guère plus de son souverain que ces travers sans cesse observés chez les puissants de naissance.

Néanmoins, la missive de Hameris avait grandement aiguisé sa curiosité. Pas tant par le désistement public du roi, mais par le comportement fuyant de ses proches et suivants. La confusion et la frilosité qu'ils avaient à s'exprimer sur l'affaire évoquaient un malaise politique sans précédent. Comme le journaliste l'avait signalé, ils se taisaient, dissimulant une vérité dérangeante. Bien plus dérangeante que celle d'une maladie vénérienne à son humble avis. Les propos rapportés par Vittorio n'en étaient pas moins intriguant avec cette sombre affaire de Caldras.

Elle soupira. Cela faisait plusieurs heures maintenant qu'elle attendait dans cette rue qui jouxtait le château. Elle savait qu'il finirait par en sortir, qu'il finirait par emprunter cette route pour rentrer auprès de sa femme aimante et de ses quatre fils dévoués. Cet homme, commis de cuisine au palais depuis bien des années, représentait l'infime brèche dans les hautes murailles du palais. Selinde était indéniablement la dernière personne à pouvoir y pénétrer par son entrée principale, mais il existait toujours des portes dérobées pour les petites gens. Pour ces individus invisibles aux yeux de la noblesse qui, pourtant, leur offraient tout l'agrément d'un service irréprochable pour contenter leurs moindres désirs, il existait toujours une seconde porte. Et elle comptait bien l'emprunter.

Le voilà. Elle sourit. Il se dirigeait d'un pas traînant vers elle, exténué par une journée passée devant les fourneaux. Elle porta la main sur son corset pour se rassurer de la présence de ce vieux morceau de papier à moitié calciné, reliquat de son adolescence. S'il se montrait récalcitrant, elle en userait.
Elle en abuserait même.

“Mais… N'est-ce pas ce bon Anven que voici ? J'espère que vous n'avez pas oublié votre petite Selinde à qui vous apportiez quelques miches de pains venant du palais ?”

Bien sûr qu'il se souvenait d'elle. Comment aurait-il pu oublier la fille ainée de la femme à qui il rendait visite chaque semaine depuis plus d'une dizaine d'années dans le dos de sa douce épouse ? Tout sourire, elle commença la conversation par quelques aimables banalités sur sa famille. Son fils ainé se mariait dans un mois, lui dit-il avec entrain. Quant à son petit dernier, il avait été admis comme novice à l'Etoile de Nacre, ajouta-t-il, les yeux emplis de fierté. Elle fit mine de s'enthousiasmer de ces nouvelles dont elle n'avait pourtant cure. Au demeurant, elle éprouvait une réelle sympathie pour cet homme, bien qu'elle n'hésiterait pas une seconde à l'utiliser.

“Voilà qui doit te réjouir au plus haut point ! Pourtant, les cernes sous tes yeux noircissent tout ce bonheur bien amèrement. Tu m'as l'air bien épuisé. Ne me dis pas qu'ils t'exploitent dans les cuisines, tout de même ?”

La pyromancienne savait se montrer faussement compatissante. Elle savait aussi que le commun des gens aimait s'épancher sur leurs malheurs et s'en plaindre dés qu'il trouvait une oreille attentive.
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