Le Chant du Renouveau
#16

Revenue au silence, ses yeux suivirent les paroles. Chacun jura, à sa façon, d'une manière qui convenait à sa nature propre, la petite qui croissait dans leurs entrailles. Pensive, elle revint un instant sur le Prédateur. Elle ne s'était pas trompée, non, et elle se laissa aller à sourire alors qu'elle se dit qu'un jour, il faudrait peut-être le tuer avant qu'il ne dévore le troupeau qu'il devait garder. Elle arqua un sourire mesuré à l'égard de Tiamath, ensuite. Quelle mère glaciale faisait-elle. C'était parfaitement volontaire. Elle ne devait pas se tenir sur le chemin entre Halista et sa fille comme un obstacle. Trop d'âmes surestimaient la valeur de l'amour qui pouvait se tisser entre deux êtres, à ses yeux, et oubliaient que le plus beau et le plus solide se devait d'être l'attachement à ses racines profondes, à la terre, à sa vertu et à son peuple.

Un murmure dans les arbres tinta à ses oreilles, pourtant à peine plus prononcé que d'autres. Elle déplia les jambes, se relevant pour d'abord presque s'éloigner du groupe, le traversant entre Aryalis et Tiamath, sans un geste de plus pour sa fille. Son regard était pour les arbres de la cité abritant leurs frères de sang. Elle leva une main à hauteur de son visage, paume vers le bas et poignet souple. Un corbeau vint s'y poser, lourd, massif, puissant. Cherchant pour l'animal quelques parcelles de la viande d'un petit animal dans la besace pendant à son flanc, Deï maculait ses doigts d'une humeur rouge et poisseuse, un regard tendre, presque amoureux posé sur l'oiseau qui dévorait la chair, alors qu'elle faisait volte face pour reprendre envers ses compagnons.


"Nous n'avons pas été appelés, mais nous avons un message à répandre. Ce message, tous ceux ayant yeux, oreilles et cœur peuvent l'entendre, mais beaucoup sont sourds ou feignent de l'être. Nous serons des Hérauts."

Elle rapprocha son bras de son visage et le corbeau coassa, venant frotter son bec noir et luisant, épais comme la lame d'un poignard, contre les lèvres délicates et pâles de l'elfe. Elle sourit d'un beau et véritable sourire, laissant sa main libre courir sur les plumes de l'oiseau qui déployait ses ailes avec bonheur. Elle passa un petit bout de langue rose sur le coin de sa bouche, y effaçant l'ombre du sang qui s'y était déposé.

"Et tout comme nous savons que la Nature est pleine d'une affection cruelle, qu'il est nécessaire de tuer pour vivre, d'arracher pour mieux reprendre sa croissance, de blesser pour guider... Nous serons le Renouveau de notre peuple. Nous ne serons pas aimés, chers amours. Il y en aura sans doute beaucoup pour haïr. Mais pourqu'il y ait les délicats plumages et les élégants pelages, il faut bien des griffes, il faut bien des crocs, c'est ce que nous serons, à présent. A jamais. Jusqu'à ce qu'Elle décide qu'il est temps pour nous de reposer en son sein."

Elle présenta sa paume au corbeau, tenant un morceau de viande au centre. L'oiseau, en le piquant, planta son sec dans la peau tendre de l'elfe diaphane. Le sang, très rouge et très épais, y perla en gouttes paresseuses. Deux petites perles vinrent s'écraser sur l'herbe tendre, qui, étrangement, sembla croître et fleurir presque à vue d'oeil. Incitant son corbeau à venir sur son épaule, elle tendit la main au milieu d'eux, paume vers le ciel.

"Nous serons Sagesse, nous serons Vivacité, nous serons Prédation. Nous serons les Hérauts du Renouveau."

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