Le Chant du Renouveau
#9

Sa main retenait encore ses cheveux ; quelques mèches paresseuses flottaient au dessus de ses épaules presque nues, comme des fils décousus renforçant l'impression éthérée que l'elfe sans âge pouvait dégager. Elle considéra longuement ceux qui se présentaient, posant son regard dans leurs yeux une longue minute au moins, passée à les scruter sans varier d'un pli de lèvre ou d'un froissement de paupière de son expression pensive et neutre. Le silence s'installait, ce qui ne lui pesait pas le moins du monde. Qu'était une heure dans l'océan d'années de sa vie ? Pas plus que n'était un fragment de feuille pour un chêne centenaire. Mais elle savait bien que la jeunesse était impatiente et labile, qu'elle devait être guidée et qu'en un seul orage, ce chêne pouvait se retrouver foudroyé, réduisant à néant l'ouvrage d'une vie.

Il fallait parler, il fallait comprendre, il fallait bien qu'elle daigne, finalement, se lier à nouveau à des êtres ; elle n'avait pas encore un siècle de veuvage, pourtant. Elle ferma les yeux sur le souvenir d'un visage, d'un sourire, d'une promesse échangée brisée de part et d'autre puis, rouvrant les yeux sur une détermination minérale, elle reprit.


"Je suis Deï, fille des âges anciens et d'un temps aujourd'hui révolu. Longtemps ai-je servi des icônes qui ont guidé le sang et les espoirs de tout un peuple vers la ruine et le déshonneur. Au regard de ma vie, je ne sers la Nature que depuis quelques battements de cœur, mais je les dévoue tout entier. Depuis la guerre, depuis la chute, j'ai embrassé la Nature de toute mon âme et y ai trouvé ce que je vois en chacun de vous."

Elle marqua un temps d'arrêt, détachant chacun de ses mots, pour regarder ostensiblement Naya et son enfant, Tiamath, que les observateurs attentifs pouvaient effectivement lui attribuer, bien qu'elle ressembla surtout à ce père si absent.

"Sagesse."

Elle posa les yeux sur Renard et Aryalis.

"Vivacité."

Enfin, sur Tely'o.

"Prédation."

Elle abaissa les paupières de nouveau, joignant ses mains sur son ventre plat mais fertile. Sa chevelure, de nouveau brassée par la brise, se dénoua et s'échappa en un nuage langoureux.

"Si Nivalis vous fait confiance, je vous accorde toute la mienne. Je sais que vous brûlez d'agir, de répandre la volonté de cette terre qui nous a choisis pour être ses servants, et que nous sentons, tous, en colère. Car elle l'est, oui, certains signes ne trompent pas. La forêt est menacée, mais la foret nous menace, mordant nos mollets pour nous enjoindre à courir. Il est temps de faire, notre peuple a eu assez de printemps pour se lancer dans la chasse. Les ennemis de la force vitale qui est notre mère sont deux fois les nôtres et, eux aussi, ont pu recouvrer une certaine puissance. Notre chemin ne sera pas aisé et j'en remercie la Nature, puisqu'ainsi nous saurons prouver notre valeur."

Elle rouvrit les yeux sur un sourire plus tendre et un regard plus dur.

"Les racines de ces arbres ont soif du sang de leurs ennemis. Les ombres des bois sont l'écrin de fruits de mystère qui ne doivent être pris dévorés par des lèvres étrangères. Il est temps. J'ai voué mon âme à notre Mère, je voue ma vie aux vôtres et mes pas à vos chemins. Nous entendons Sa volonté, il nous faut devenir ses armes. Êtes-vous prêts ?"

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