25-06-2012, 11:17:59
Chapitre 5 : Le culte des huit pattes
Dans les entrailles de la terre...
… Quelque chose l'attrapant. Des courroies lui enserrèrent les poignets. Puis il perdit à nouveau connaissance...
… Il ballottait de gauche à droite. De temps à autre sa tête cognait contre la roche froide. Il était accroché comme on pendait les sangliers à la chasse...
… Une clameur le sortit de son état de torpeur. Allongé contre la pierre froide, il ne voyait presque rien. Des torches illuminaient les alentours et des voix, qu'il mit un moment avant d'identifier comme le dialecte abjecte des gobelins, résonnaient dans l'air. A la limite de son champ de vision, il distinguait les jambes d'un nain. Le silence se fit tout à coup. Une poigne de fer l'attrapa et le souleva par les cheveux. C'était à n'en pas douter un troll. Projeté contre un mur, il fut attaché, bras et jambes écartées contre un mur. Trois autres nains étaient positionnés contre ce mur, dans cette affreuse position. Sur leurs corps à tous les trois, avaient été dessinées d'étranges formes, avec du sang. Cinq autres nains les rejoignirent, dont l'Auroch. A l'endroit où l'avait frappé la magie tribale des gobelins, la chair avait noirci, sûrement infectée par un horrible sortilège. Des vieux gobelins, couverts de symboles, vêtus d'os, de plumes et d'écailles s'approchèrent, psalmodiant des mots incompréhensibles. Puis, du centre s'approcha un gobelin, vêtu d'un simple pagne. Des cicatrices profondes, formant des symboles mystiques couvraient l'intégralité de son corps. Dans ses longs doigts fins se trouvait une dague, dont la lame, en os, gouttait de sang. Il fit un geste et trois gobelins s'approchèrent, portant un œuf gigantesque. Le premier nain fut détaché et mis à genoux devant l'œuf. D'un coup précis et rapide, la dague pénétra dans la gorge de la victime, répandant un flot rouge. Pendant le sacrifice, les autres chamans récitaient, proche de la transe des textes incompréhensibles. Le corps fut jeté dans une fosse et le second nain fut emmené.
Non ! Hurla-t-il. La dague jaillit et lui trancha la mâchoire. Quelle magie pouvait imprégner cette lame pour qu'elle passe à travers l'os sans effort. Devant le nain, l'œuf s'était mis à trembler. Ce n'était pas une coquille, comme l'aurait été un œuf d'oiseau, mais une substance opaque, légèrement translucide. La tête du nain fut collée contre l'œuf. Un immonde gargouillis fut émis par le pauvre diable. Puis ils le mirent sur le dos et déposèrent sur son ventre l'œuf. Le corps du nain fut secoué de tremblements et GrisePatte ferma les yeux. Il était sûr d'avoir vu, une énorme larve dans l'œuf lorsqu'une torche était passé derrière et il ne faisait aucun doute que le nain allait servir de garde-manger à la créature. Et le scénario se répéta. Deux autres nains furent sacrifiés. GrisePatte s'agita. L'Auroch était le prochain sur la liste. Il serra les dents lorsque la dague s'enfonça dans la chair de celui qui avait été son plus proche ami parmi les prisonniers.
Maintenant, c'était son tour. Il allait être dévoré par la larve... Mais tirer sur les liens se révélait inutile. S'il parlait il allait être tranché en deux par la dague. S'il s'agitait, il mourrait tout aussi vite. Mais était-ce pire ?
Le contact visqueux avec l'œuf rendit le nain nauséeux. Une main fut accrochée.
Thuri, aies pitié de moi. Nul ne mérite une telle mort, pria-t-il silencieusement. Un cri. Puis un poids sur son corps. Ses yeux s'ouvrirent, stupéfaits d'apercevoir un gobelin convulser au-dessus de lui. Il avait les jambes et un bras de libre. Un autre tomba à côté de lui. Il fallait saisir sa chance. Alors que de nouvelles flèches se fichaient dans les torses de ses assaillants, le voleur attrapa une côte accrochée au plastron de l'un des gobelins. Une fois brisée, l'os saillant se révéla d'une précieuse aide pour faire sauter l'attache de son poignet. Puis il courut vers le mur où était accrochés les autres nains mais, surgissant de l'ombre, une horde de gobelins lui sauta dessus.
Barzum, lâcha un nain derrière lui. Avant qu'il ne réagisse, une main gantée de fer l'attrapait par l'épaule et le tirait en arrière. Lorsqu'une des créatures grisonnantes saisit le poignet de GrisePatte, il lui enfonça dans le bide la côte brisée. Puis il suivit son libérateur lorsque...
Fais gaffe, saute derrière le parapet.
Une lumière bleue, sur une corniche illumina la voûte et un trait enchanté s'envola dans les airs. Mais, lorsqu'il retomba, ce furent une dizaine de flèches qui apparurent. La pluie de projectiles tomba drue sur les gobelins affolés. Et le nain, qu'il n'avait pu apercevoir réellement continuait sa route, remontant un étroit sentier. Au milieu des cris, il n'avait pas entendu le rocher qu'avait envoyé un des trolls. Le projectile s'écrasa devant lui, le stoppant net dans sa course. Ils allaient être rattrapés. GrisePatte, quelques pas derrière repéra, dans les ténèbres un étroit goulet. L'autre ne pourrait sûrement pas le suivre à moins que...
Lance-moi ta corde. Je sais comment s'en sortir.
Tiens, lui répondit-il simplement, en lançant la corde de chanvre enroulée autour de son épaule. Bien qu'épuisé et blessé, l'adrénaline lui donna des ailes. Bondissant d'un rocher à l'autre, il escalada le goulet. Une main naine apparut devant sa tête. Il la saisit et se retrouva sur la corniche. Ils étaient trois nains perchés là-haut, tous armés d'arcs. Les traits jaillissaient à toute allure pour protéger leur compagnon resté en bas. La corde fut lancée et abandonnant leurs arcs, deux des nains l'attrapèrent. A eux trois, ils réussirent à hisser le nain avant qu'il ne soit trop blessés. Les gobelins coururent à la fois par le goulet et par le chemin.
On s'arrache !
A cet ordre, l'un des nains lança une flèche au dernier d'entre eux équipé encore de son arc. La flèche miroitait d'une lueur étrange, rougeâtre et la pointe, de couleur or lançait des reflets qui ne laissèrent aucun doute quant à la nature magique de l'objet. Un murmure et le trait siffla et s'enflamma. Lorsque la pointe toucha le sol, un souffle balaya la caverne, jetant à terre les gobelins les plus proches de l'explosion. Les autres se retournèrent pour contempler le spectacle. S'ils avaient observé la scène au lieu de fuir à toutes jambes, les cinq nains auraient vu les œufs en feu et les gobelins, affolés, fuirent de tout côté. Et dans le miroitement des flammes, une statue d'une créature, humanoïde, mais aux huit pattes armées de crochets semblait pleurer la mort des œufs. La descendance de la déesse araignée brûlait dans les entrailles de la terre, pendant que les nains remontaient à la surface.
Ils errèrent, abasourdis, dans l'immense caverne étincelante, dissimulant leur pas, ne parlant qu'en cas d'extrême nécessité. GrisePatte les suivait, docilement, se contentant d'obéir. L'horreur de ce qui s'était passé là-bas se faisait à chaque pas d'autant plus réelle ; ce qu'il avait vécu comme un rêve éveillé jusqu'alors se montrait de plus en plus réel. Ces nains avaient été sacrifiés pour un culte chamanique, à une force obscure. De leurs entrailles auraient pu naître des créatures immondes, plus répugnantes que les adeptes du culte obscur.
- On arrive bientôt. Toi, le prisonnier, approche. Montre tes mains, ajouta-t-il lorsque GrisePatte s'exécuta. Voilà qui sera mieux. Et il fit sauter du bout de sa lame les menottes. T'es avec nous, t'es pas libre, mais tu restes pas ici. Si t'es le seul à t'en être sorti, c'est pas pour rien. Les Dieux t'ont donné une nouvelle chance, je ne vais pas la gâcher. C'est quoi ton nom ?
- GrisePatte, souffla le voleur.
- Oublie ce surnom, ta carrière de criminel est révolue. Tu as bien eu un autre nom ?
- Evrann.
- Evrann. Nous nous présenterons plus amplement à l'air libre. Juste, on est de la Confrérie des Haches et on t'emmène dans la chaîne du Relicanth, dans un de nos bastions. Tu te tais, tu fais profil bas et tu nous laisses gérer. D'accord.
- Oui, chef, répondit-il avec automatisme.
Ils sortirent. Des discussions eurent lieu avec les contre-maîtres mais il ne put y assister. Puis il fut emmené jusqu'aux tentes de soin et soigné. La Confrérie lui posa certaines questions à propos des gobelins, du sacrifice et enfin le laissèrent se reposer. Ce n'est que le lendemain qu'ils sortirent. De nouveaux habits, en peaux d'auroch et de loup lui avaient été fournis. Le blizzard le fit pleurer, mais ces larmes étaient si bonnes. Fini l'enfer des profondeurs. Quand avait-il aperçu le soleil pour la dernière fois ? Il n'aurait su le dire. Il ne savait qu'une chose. Il était entré, menottes aux poignets, comme GrisePatte, le voleur et il ressortait aujourd'hui, libre ou presque, comme Evrann, nouvel apprenti de la Confrérie des Haches.