Quoth
12-04-2014, 15:30:47
Deux Nocturnes.
La dernière tête tomba. Mollement, certes, mais elle tomba. La gueule à moitié ouverte, le museau recouvert de sang et les yeux déjà vitreux malgré la fin récente, le lynx allait pouvoir retrouver un semblant de paix… enfin, pas vraiment.
Un fin sourire se dessina sur la face cireuse de la Corbic. Un petit semblant de ce qu'elle était vraiment, ou tout simplement la fine appréciation de voir la mort entre ses doigts qui passe et s'évapore comme un fantôme de glas; nul doute en tout cas qu'elle y était pour quelque chose au vu du sang qui parsemait sa peau pâle.
C'était le dernier, oui, mais seulement pour le moment.
Ses doigts s'enfoncèrent lentement dans la gueule du lynx et par la force des choses, de la nature, et de la magie, ils en extirpèrent avec douceur un quelque chose d'informe, semblable à de la fumée claire et bleutée, brillant à peine, une volute délicate semblable à la spirale que forme les fumées d'un feu chamanique.
Quoth pencha la tête sur le côté, d'un air curieux.
Une âme faible… trrrop faible…
Sur l'épaule de la Corbic, le corbeau noir était revenu.
Le plumage soyeux, l'oeil rouge mais vif.
Une âme est une âme. Qu'importe sa qualité, c'est ce que tu vas en faire qui importe.
Tu peux les rendre plus fortes, Quoth… tu sais comment.
Quoth haussa les épaules, d'un air entendu, et finalement sortit de sa besace une petite boîte au bois foncé. La boîte était jolie malgré tout, finement ciselée dans du bois d'ébène, l'écorce noir, le coeur rose et plus tendre qu'aucun homme ne l'aurait juré.
Un travail minutieux, travaillé avec amour et dévotion.
Le bois était parcouru à intervalles réguliers de petites vis noires enfoncées.
On en voyait du dehors que la tête sortant du bois: il n'était pas difficile de voir qu'elles étaient parfaitement symétriques les unes aux autres de chaque côté de la boîte, et qu'elles la fermaient à tout jamais.
Parfaitement scellée, un petit trésor sommeillait à l'intérieur. Son trésor à elle.
La Corbic posa sur le sol la petite boîte, en approchant doucement la main où semblait briller de plus en plus faiblement la fumée céruléenne. En quelques secondes seulement, la volute fut comme aspirée par la boîte ! Les quelques fumées s'infiltrèrent dans le bois, dans un bruit strident qui ressemblait très vaguement à un gémissement de douleur.
Quoth eut un sourire fin et vicieux à la fois.
Tu l'as entendu ?
Les yeux clairs de la Corbic se levèrent sur le Corbeau qui lui faisait désormais face, immense aux plumes sombres. Il était revenu. Revenu, oui… mais pour combien de temps ?
Elle eut un petit sourire, amusé, et ramena contre elle la boîte, avec une certaine tendresse, la rangeant aussitôt.
Je les entends même quand elles sont à l'abrrri… Elles chantent encorrre.
La Corbic se redressa lentement, d'un pas de danse gracile et prudent. Comme une danseuse taciturne et vêtue de noire, les pans de sa robe sombre fondaient son être entier dans les ténèbres. Seuls ressortaient alors son visage et ses bras, ses chevilles fines et fragiles; le teint cireux de cette poupée sans ficelle tranchait avec l'obscurité du reste. C'était un drôle de spectacle au sein de Korri qu'une ombre qui s'élève au milieu des ténèbres.
Le bec du Corbeau passa sur sa joue, si proche qu'elle en sentit l'haleine putride, le souffle chaud. Son regard était insistant. Elle le lui rendit, avec une certaine pudeur.
Je sais ce que je dois fairrre.
Tu n'as pas besoin de tout surrrveiller… Je… Elle fronça les sourcils : Je peux le faire seule.
Le Corbeau eut un semblant de sourire. Même si de par son bec il était difficile d'y voir une déformation de ses zygomatiques, l'éclat de ses yeux rubis ne laissait pas le moindre doute sur son amusement narquois. Il se moquait d'elle. Il en riait.
Et elle le détestait pour ça.
Elle ramassa d'un geste lent sa besace de cuir et la mit sur son épaule.
Son travail, ici, était fini.
Vous aviez prrromis…
Le visage rouge de colère, le regard furieux et les sourcils froncés, la jeune Quoth ne semblait pas d'avis ni d'humeur à essuyer un énième refus de la part du patriarche du Clan de la Loutre. Il semblait que l'air bonhomme du mustélidé l'ait entièrement perdu, évaporer sous la pression des deux saphirs sans pitié de la Corbic.
La nouvelle promue de la Camarilla faisait en effet forte impression auprès des autres, pour de mauvaise raison hélas.
Certes elle était aussi fine et haute perchée que les autres représentants du totem du corvidé, ni plus ni moins à leur image, mais elle avait quelque chose en plus que les autres n'avaient pas.
Une aura.
Aussi sale et traînante qu'une épidémie; aussi corrosive qu'un venin de serpent; et sans doute cent fois plus puante qu'une charogne décomposée laissée en plein soleil une journée au milieu de l'été.
Quoth était diablement dérangeante, et au Clan de la Loutre, on aimait pas vraiment déranger les habitudes et la solide paix qui s'était installée.
La seule guerre qu'ils aimaient se livrer était encore celle de l'argent, du troc, du commerce, et ce n'était que rarement entre les leurs. Ils préféraient de loin arnaqu...faire des affaires avec les hélions qu'avec un autre homme bête.
Fallait il dire que le Klah coûtait cher à être lavé dans les contrées de la jolie Korri ?
Et c'était bien du Klah que l'on parlait dans le cas présent.
Le Clan de la Loutre avait un Klah fragile : on avait promis à Quoth une pierre de mana corrompue récemment en échange de peaux et de denrées rares. Et cette pierre avait disparu des mains des Loutres.
Vous aviez prrrromis cette pierrre.
Il me faut cette maudite pierrrre de mana corrrompue…
Le rongeur jetait des regards paniqués et gênés à la Corbic. Certainement qu'il se rendait compte qu'il n'avait pas eu conscience que la jeune femme avait autant de caractère, même après qu'il fut tant raconté que sans Goupil, elle n'était plus rien…
A croire que le renard avait fait du corbeau quelque chose d'un poil trop gros, d'un poil trop hargneux. Le renard avait fait du corbeau un véritable loup. Ce qui était tragique, c'est le corbeau visiblement y croyait.
La dernière tête tomba. Mollement, certes, mais elle tomba. La gueule à moitié ouverte, le museau recouvert de sang et les yeux déjà vitreux malgré la fin récente, le lynx allait pouvoir retrouver un semblant de paix… enfin, pas vraiment.
Un fin sourire se dessina sur la face cireuse de la Corbic. Un petit semblant de ce qu'elle était vraiment, ou tout simplement la fine appréciation de voir la mort entre ses doigts qui passe et s'évapore comme un fantôme de glas; nul doute en tout cas qu'elle y était pour quelque chose au vu du sang qui parsemait sa peau pâle.
C'était le dernier, oui, mais seulement pour le moment.
Ses doigts s'enfoncèrent lentement dans la gueule du lynx et par la force des choses, de la nature, et de la magie, ils en extirpèrent avec douceur un quelque chose d'informe, semblable à de la fumée claire et bleutée, brillant à peine, une volute délicate semblable à la spirale que forme les fumées d'un feu chamanique.
Quoth pencha la tête sur le côté, d'un air curieux.
Une âme faible… trrrop faible…
Sur l'épaule de la Corbic, le corbeau noir était revenu.
Le plumage soyeux, l'oeil rouge mais vif.
Une âme est une âme. Qu'importe sa qualité, c'est ce que tu vas en faire qui importe.
Tu peux les rendre plus fortes, Quoth… tu sais comment.
Quoth haussa les épaules, d'un air entendu, et finalement sortit de sa besace une petite boîte au bois foncé. La boîte était jolie malgré tout, finement ciselée dans du bois d'ébène, l'écorce noir, le coeur rose et plus tendre qu'aucun homme ne l'aurait juré.
Un travail minutieux, travaillé avec amour et dévotion.
Le bois était parcouru à intervalles réguliers de petites vis noires enfoncées.
On en voyait du dehors que la tête sortant du bois: il n'était pas difficile de voir qu'elles étaient parfaitement symétriques les unes aux autres de chaque côté de la boîte, et qu'elles la fermaient à tout jamais.
Parfaitement scellée, un petit trésor sommeillait à l'intérieur. Son trésor à elle.
La Corbic posa sur le sol la petite boîte, en approchant doucement la main où semblait briller de plus en plus faiblement la fumée céruléenne. En quelques secondes seulement, la volute fut comme aspirée par la boîte ! Les quelques fumées s'infiltrèrent dans le bois, dans un bruit strident qui ressemblait très vaguement à un gémissement de douleur.
Quoth eut un sourire fin et vicieux à la fois.
Tu l'as entendu ?
Les yeux clairs de la Corbic se levèrent sur le Corbeau qui lui faisait désormais face, immense aux plumes sombres. Il était revenu. Revenu, oui… mais pour combien de temps ?
Elle eut un petit sourire, amusé, et ramena contre elle la boîte, avec une certaine tendresse, la rangeant aussitôt.
Je les entends même quand elles sont à l'abrrri… Elles chantent encorrre.
La Corbic se redressa lentement, d'un pas de danse gracile et prudent. Comme une danseuse taciturne et vêtue de noire, les pans de sa robe sombre fondaient son être entier dans les ténèbres. Seuls ressortaient alors son visage et ses bras, ses chevilles fines et fragiles; le teint cireux de cette poupée sans ficelle tranchait avec l'obscurité du reste. C'était un drôle de spectacle au sein de Korri qu'une ombre qui s'élève au milieu des ténèbres.
Le bec du Corbeau passa sur sa joue, si proche qu'elle en sentit l'haleine putride, le souffle chaud. Son regard était insistant. Elle le lui rendit, avec une certaine pudeur.
Je sais ce que je dois fairrre.
Tu n'as pas besoin de tout surrrveiller… Je… Elle fronça les sourcils : Je peux le faire seule.
Le Corbeau eut un semblant de sourire. Même si de par son bec il était difficile d'y voir une déformation de ses zygomatiques, l'éclat de ses yeux rubis ne laissait pas le moindre doute sur son amusement narquois. Il se moquait d'elle. Il en riait.
Et elle le détestait pour ça.
Elle ramassa d'un geste lent sa besace de cuir et la mit sur son épaule.
Son travail, ici, était fini.
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Vous aviez prrromis…
Le visage rouge de colère, le regard furieux et les sourcils froncés, la jeune Quoth ne semblait pas d'avis ni d'humeur à essuyer un énième refus de la part du patriarche du Clan de la Loutre. Il semblait que l'air bonhomme du mustélidé l'ait entièrement perdu, évaporer sous la pression des deux saphirs sans pitié de la Corbic.
La nouvelle promue de la Camarilla faisait en effet forte impression auprès des autres, pour de mauvaise raison hélas.
Certes elle était aussi fine et haute perchée que les autres représentants du totem du corvidé, ni plus ni moins à leur image, mais elle avait quelque chose en plus que les autres n'avaient pas.
Une aura.
Aussi sale et traînante qu'une épidémie; aussi corrosive qu'un venin de serpent; et sans doute cent fois plus puante qu'une charogne décomposée laissée en plein soleil une journée au milieu de l'été.
Quoth était diablement dérangeante, et au Clan de la Loutre, on aimait pas vraiment déranger les habitudes et la solide paix qui s'était installée.
La seule guerre qu'ils aimaient se livrer était encore celle de l'argent, du troc, du commerce, et ce n'était que rarement entre les leurs. Ils préféraient de loin arnaqu...faire des affaires avec les hélions qu'avec un autre homme bête.
Fallait il dire que le Klah coûtait cher à être lavé dans les contrées de la jolie Korri ?
Et c'était bien du Klah que l'on parlait dans le cas présent.
Le Clan de la Loutre avait un Klah fragile : on avait promis à Quoth une pierre de mana corrompue récemment en échange de peaux et de denrées rares. Et cette pierre avait disparu des mains des Loutres.
Vous aviez prrrromis cette pierrre.
Il me faut cette maudite pierrrre de mana corrrompue…
Le rongeur jetait des regards paniqués et gênés à la Corbic. Certainement qu'il se rendait compte qu'il n'avait pas eu conscience que la jeune femme avait autant de caractère, même après qu'il fut tant raconté que sans Goupil, elle n'était plus rien…
A croire que le renard avait fait du corbeau quelque chose d'un poil trop gros, d'un poil trop hargneux. Le renard avait fait du corbeau un véritable loup. Ce qui était tragique, c'est le corbeau visiblement y croyait.