les signes
#1
Les encens fraichement préparés emplissaient l'air du hall de l'imposant bâtiment, leur forte odeur camphrée étaient habituelles aux abords du temple de Naël, mais pour la première fois, c'était le siège de la guilde Irih Alethéria qui était aux centre de la cérémonie.
Une pluie fine tombait depuis plusieurs jours, et l'épaisse chape de nuages sombres qui masquait le soleil laissait présager un printemps humide et froid. Les réserves de bois finiraient sans doutes par s'avérer utiles, mais Barkant savait que les récoltes seraient gâchées si la pluie ne cessait pas rapidement.
-" Nom d'un sabot, quel temps de crottin ! "

Ayant réuni les ustensiles nécessaires à l'accomplissement de divers rituels sur un grand tapis au centre de la pièce, le jeune chaman ne négligeait aucun détails. Un bol de cuivre empli d'eau bénie des bassins du temple, des encens dont les grains de myrrhe provenaient de la colline sacrée, un cylindre de glaise récoltée depuis la grotte du phénix élémentaire et une lampe d'huile de chardons dorés alimentée par une gemme ardente.
Tout avait été méticuleusement préparé selon les lois séculaires qui permettaient de faire le lien entre le monde du visible et celui, plus subtil, des esprits.
Les transes chamaniques étaient courantes et marquaient généralement les changements de saison, mais le thaumaturge voulait obtenir des réponses précises sur différents événements récents qui avaient douloureusement frappés son peuple. La mort de la grande prêtresse, la fin tragique de l'ancien capitaine de garde, le champion d'Alethéria, le démon forgeron ... Beaucoup de questions qu'il fallait soumettre aux forces élémentaires qui régissaient le monde afin d'obtenir des réponses.

Bien sur, les visions étaient souvent confuses et seuls les grands chamans étaient capables d'en déchiffrer le sens caché. Barkant espérait ardemment que les augures lui permettraient de découvrir la vérité, et même si le rythme de la nature était plutôt le quotidien des druides, il espérait aussi pouvoir prédire la fin de la pluie pour avertir les paysans sur les dates de semences qui seraient inévitablement retardées cette années.

Se couchant sur le flanc au centre du tapis brodé aux symboles de la lune et des quatre éléments majeurs , entouré par ses ustensiles divinatoires, il absorba diverses plantes qui étaient communément connues pour être des 'plantes sorcières', bulbes et feuilles aux capacités vertueuses, elles étaient censés aider à lier contact avec les esprits des environs, dépositaires de la conscience du monde.

L'effet des plantes ne tarda pas à se manifester, et campé dans une position propice à la méditation, Barkant se laissa porter vers le voyage à travers les mondes et les dimensions, à la rencontre des grands esprits élémentaires, en éveil, l'âme ouverte.

[HRP]
la transe a durée près d'un mois.
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#2
Barkant sentit progressivement son esprit quitter son enveloppe physique. La sensation était aujourd'hui bien connue du Chaman, après plusieurs années d'étude de son art, que le Synmens avait consacrées depuis déjà bien des lunes.

Une fois libéré de son propre corps, il chercha à entrer en communion avec les esprits. Un jeu d'enfant pour un Émissaire accompli. Il n'eut pas longtemps à attendre avant de sentir leur contact.

Le Feu d'abord, bien moins violent qu'aux premiers jours, dansant en lui pour l'envelopper de sa chaleur bienfaitrice.
Puis vint la Terre, ferme et implacable, sévère et immuable.
L'Air ensuite. Léger, tourbillonnant.
L'Eau enfin, tel un fleuve rassérénant qui coulait en lui pour emporter ses maux et purifier son âme.

Il était en contact avec les esprits, et les esprits lui parlèrent.

La conversation fut longue, surtout pour le monde des esprits où les informations circulent en quelques secondes.

Le Centaure évoquait son inquiétude et celle des siens.

Mais les esprits semblaient confiants.

Tous étaient conscients des dégâts que faisait la tempête, mais tous avançaient qu'elle était nécessaire. Même le Feu acceptait de ne plus brûler pour que l'Eau et l'Air puissent agir ; pour que l'Eau puisse baigner la Terre pour que la Terre soit baignée par l'Eau.

Cette tempête était la volonté des esprits, et ne durerait pas plus longtemps que nécessaire.

Que ce soit un jour, une semaine, un an ou un siècle, elle finirait par prendre fin. Et la volonté des esprits serait accomplie.

Il n'y avait aucune malice derrière ces pluie diluviennes ; aucune sorcellerie derrière ces vents hurlants ni derrière ces éclairs crépitants.

Même si cette tempête devait prélever son tribut sur la vie, elle le rendrait au centuple. Les fleuves regagneraient leur lit en laissant derrière eux un limon fertile ; les nappes d'eau souterraines se rempliraient ; de nouvelles formes de vie végétales et animales seraient amorcées, pour se développer dans des centaines d'années.

Ce n'était pas la première tempête de cet acabit. Mais les autres avaient précédé l'avènement des peuples doués de raison. Mais ces mêmes peuples ne sont qu'une facette de la vie, et ils doivent comme les autres subir de tels événements pour que d'autres formes puissent un jour exister.

Après ces longues explications, l'Eau demanda au Centaure :


"Tout est-il clair, Émissaire ? Ou nos desseins comportent-ils encore une part d'ombre que tu voudrais nous voir éclaircir ?"
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#3
A bout de force, Barkant réussi à rassembler ses émotions, la présence du monde réel marqua son esprit avec la vigueur d'un fouet ardent et il pu synthétiser les messages recueillis durant son périple mental.
Il rationalisa ses impressions spirituelles, immense patchwork d'énergies diffuses qui le traversaient depuis plusieurs semaines, un jeu de patience insoluble qu'il déméla et qu'il compris.
apres un moment de silence, il répondit d'une pensée claire et vive comme une rivière :

-" Esprits, je porterai votre parole pour que nul ne se méprenne sur votre volonté : voici venu le déluge, la fin du monde connu, l'ensemble des terres seront recouvertes par les larmes de la Déesse pour qu'une nouvelle harmonie puisse avoir lieu, puis, la vie continuera. "

Puis, respectueux, aimant et reconnaissant, l' émissaire des esprits, exténué et abasourdi par le message du monde commença son réveil.
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