Jouer avec le feu

[Yvon]

Depuis quand jouer avec le feu était-il si grisant ?

Yvon, se reposant avec ses amis dans un coin du village gobelin d'Esk'tiky, regardait avec langueur de fines flammèches danser sur ses doigts fins. Difficile de détourner l'attention d'une élémentaliste hypnotisée par sa propre magie !

- Eh Yvon, t'as commencé à écrire un chant sur notre dernier exploit, demande Daëkan. Tu pourras peut-être ne pas parler du moment où je me suis fait surprendre par deux araignées traiteusement... mais tu m'écoutes ?

Belles flammes, chaudes flammes, sur quelle musique dansez-vous avec tant d'entrain ? Flammes dangereuses, qui enflent, enflent et commencent à remplir la paume entière de la main d'Yvon. Ses compagnons ne s'inquiètent pas outre mesure de ces démonstrations pyromagiques, Daëkan est juste un peu vexé de se voir ignoré de la sorte.

- Donc tu vois, Novy, c'est pour ça que j'ai décidé de me mettre sérieusement au tir à l'arc ! Il est difficile de se faire remarquer dans ton ombre, avec ta belle épée, ta belle armure, ton beau bouclier, ton beau... enfin bref, dans le rôle du champion étincelant, je ne pouvais pas rivaliser. Mais maintenant, on remarquera Ainu le redoutable archer, qui décoche des flèches terribles, avec une précision légendaire à des distances incroyables !
- Hum je vois très bien Ainu, ça tombe bien que tu prennes ce tournant précisément après qu'on a trouvé un arc formidable dans le repaire de ce troll puant. On y a trouvé la capuche d'Yvon aussi... je ne sais pas si on a bien fait de la lui laisser, elle est encore plus bizzare qu'avant. Yvon, éteins tes flammes, tu vas encore cramer ta cape et cette fois-ci, tu te débrouilleras pour en trouver une autre !

Yvon s'est levée, elle a commencé à danser avec ses flammes : les bras écartées, de grandes colonnes de feu s'élevant de chacune de ses paumes, elle tournoie sur un rythme enflammé, et sa cape de voyage noircit effectivement aux endroits où le feu est le plus proche. Sa nouvelle capuche, en revanche, brille au contact du feu, et éclaire d'une lueur rougeâtre son visage.

- Fini de faire n'importe quoi, fait Anialir, je vais souffler tes bougies avant que tu ne crames tout le village !

La magicienne se lève et incante une bourrasque de vent, qui fonce vers Yvon. Le coup n'est pas dirigé vers la farouche élémentaliste, et le souffle se divise en deux courants d'air, qui viennent assaillir les deux flammes qui émanent de chaque main d'Yvon, sans toucher celle-ci. Ou presque : le bouclier de mana de l'elfe tressaute, et Yvon est bousculée en même temps que ses flammes se dispersent sous l'effet du vent. Avant de mourir, elles se réunissent et forment en l'air un geste obscène à l'adresse d'Anialir.

Le charme est rompu et l'attention d'Yvon revient sur ses compagnons.

- Ce que tu es agaçante, Anialir, est-ce que je t'embête, moi, quand tu t'exerces à lancer tes sorts purement magiques, qui me font des démangeaisons de mana ? Ah... hum oui c'est vrai que je ne me prive pas... bon, n'empêche que là, je ne dérangeais personne !

Yvon suit le regard d'Anialir, qui se pose d'abord sur la cape à moitié calcinée qui recouvre les épaules de l'élémentaliste - la deuxième en même pas trois jours -, puis sur les quelques têtes de gobelins effrayés qui poignaient de leurs huttes. La paille de certains toits était légérement noircie, parfois encore incandescente.

- Admettons. Bon, je crois que cette nouvelle lubie du feu ne me passera qu'en brûlant quelque chose d'un peu plus grand que quelques araignées géantes ! Alors, qu'en dites-vous ? Allons-y !

[Yvon]

Malgré l'empressement de Yvon, ses camarades voulurent d'abord rentrer à Asteras afin d'y faire des commissions et de récupérer de leurs combats. L'excentrique elfe se retrouva toute seule dans le village gobelin, et décida pour passer le temps de jouer un peu avec les petits êtres bleus. Ceux-ci, pourtant, ne durent pas s'amuser beaucoup, toujours frustrés dans leurs tentatives d'attraper l'élémentaliste qui leur lançait des chaînes de feu leur brunissant les écailles de manière inquiétante.

Yvon s'amusait bien, et profita d'être seule pour enfiler l'habit dans lequel elle était le plus à l'aise, c'est à dire aucun, mis à part un pagne qui assure le strict minimum de pudeur. Elle courait dans le village, lançant ses sorts, se cachant dans les maisons des gobelins désemparés. Deux gobelins tombèrent rapidement sous la puissante magie de l'elfe, et un troisième est à l'agonie quand cette dernière reçoit un message urgent des autorités elfiques. Un ordre de mobilisation pour la défense de Nim Duin, assiégée par des races hostiles.

En deux temps trois mouvements, Yvon est prête à répondre à l'appel, et sors du village, poursuivie par des gobelins furieux mais cependant réticents à attaquer cet ennemi trop fort pour eux. À la sortie, un nain, Nyr, surgit des marécages, dégaine une impressionante hache et se rue sur l'elfe. Celle-ci, fatiguée par sa course hors du village et surprise par l'assaut, ne cherche pas à s'enfuir mais adresse cependant au petit barbu un regard féroce, un regard enflammé qui déclenche une étincelle d'hésitation dans les yeux de l'assaillant. Deux coups tombent, mais ils sont maladroits et en grande partie absorbés par le bouclier de mana de la magicienne. Nyr, devant l'inefficacité de ses coups et l'intensité des deux flammes bleues qui le fixent, prends ses jambes à son cou et se dirige vers le village gobelin, où il trouvera des adversaires plus accessibles.

Yvon, agacée par cet assaut en traître, hésite à poursuivre le nain mais continue finalement son chemin vers Nim Duin. Ses frères et soeurs sont assiégés là-bas et ont besoin de son aide. Ce nabot qui a tenté de la blesser attendra son heure, à moins qu'il ne décide après cet épisode de rester cacher dans ses cavernes.

Elle rejoint rapidement un groupe d'elfes en route vers Nim Duin, et entreprend d'enflammer les armes des guerriers. Une bataille féroce s'annonce, peut-être pourra-t-elle apaiser l'ardente flamme qui brûle dans son coeur !