Légendes de mon enfance
#1
Les Nains adorent les légendes. Ces légendes relatant les exploits de grands héros mythiques, ces légendes glorifiant les premiers pas du peuple Khazad, ou contant les exploits d'un groupe de compagnons, bénis des Dieux et promis à une grande destinée. Toutes ces légendes n'étaient pas fondées. C'est d'ailleurs le principe même d'une légende. Mais, vraies ou fausses, elles ne sonnaient pas moins comme des ralliement, des récits de tous connus, appris dès le berceau et flattant la fierté et l'honneur du peuple nain. Car, enjolivées qu'elles étaient, ces légendes -du moins aux yeux des nains- décelaient toutes une part de vérité.

Déformées, inventées, avec des variantes d'un village à l'autre... Peu importe! Rien ne réchauffe plus le coeur d'un Nain que ces légendes. Et Hagnûr Krajnisson n'était pas en reste. Il avait gardé, après tant d'années, un grand livre légué par ses parents. Contes et Légendes du peuple Khazad. Des histoires qu'il connaissait par coeur, qu'on lui racontait alors qu'il ne savait pas encore marcher, des histoires avec lesquelles il avait lui-même appris à lire, qui avaient nourris son cerveau et fait miroiter pour lui même des rêves de grandeur et de destinée exceptionnelle. Aujourd'hui, ce grimoire avait sa place dans la bibliothèque de la Confrérie du Roc. Une Confrérie qu'il n'aurait jamais crée si ces histoires là ne l'avaient pas guidées.

Et, dans les moments difficiles, lorsqu'il souhaitait s'évader un peu de ses responsabilités ou de ses malheurs, lorsqu'il voulait se détendre après une dure expédition, il lui arrivait souvent d'attraper l'ouvrage marqué par le temps pour lire une de ses histoires favorites.
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#2
Chapitre Premier: Ulgorn, le Rempart du Nord

C'était à l'aube des temps, alors que les Nains étaient une race dispersée regroupée dans quelques bourgs, le plus souvent aménagés dans des cavernes. Point de Thaïn à l'époque, ni de Karad Zirkomen, et les Nains reclus dans leurs montagnes pensaient encore être la seule race pensante sur Ecridel. La seule, à l'exception des Orcs, brutales créatures qui, à cet Âge oublié, pullulaient sur toute la surface du continent. Et les montagnes échappaient moins que tout le reste à leur présence bestiale.

Dans le nord des Relicanth vivait une communauté de Nains prospère. Ils étaient plusieurs centaines, vivant dans Rim Talar, un vaste réseau de grotte à moitié naturelles, et dominaient toute une vallée tranquille où rien ni personne ne les menaçait. C'est donc en toute sécurité qu'ils pouvaient pratiquer l'élevage et un semblant d'agriculture qui leur permettait de vivre très confortablement.

Mais toute paix est destinée à se voir brisée. Et une année, un hiver particulièrement terrible s'abattit sur tout Ecridel. Des tempêtes de neiges succédèrent aux tempêtes de neiges, et chacune était plus violente que la précédente. Aux tempêtes succédèrent le gel, si glacial et si brûlant que plusieurs Nains tentant de sortir de Rim Talar périrent totalement glacés. A l'intérieur de leurs cavernes, les Khazads étaient cependant à l'abri, bien chauffés et dotés de suffisamment de nourriture.

Mais des rumeurs de ce confort ne tardèrent pas à s'échapper au delà de la vallée. Plus précisément, dans une grande horde d'Orcs encore plus au Nord. Et il faisait là bas si froid que la nourriture préparée et mise à chauffer sur le feu était gelée le temps d'arriver à la bouche des affamés. Pour Wulash Poing-d'Acier, chef de la horde, il n'y avait qu'une seule option: rejoindre Rim Talar, déloger et exterminer les Nains et s'installer à l'abri. La décision fut vite prise, et les deux mille orcs de la plus grande horde du nord se mit en branle.

Les Nains avaient cependant encore des éclaireurs capable de courir la montagne malgré le froid. L'un d'entre eux prit connaissance de l'avancée de la Horde à temps pour alerter le village. Il n'y avait qu'un obstacle entre les Orcs et les Nains: une crête montagneuse qu'il fallait franchir par l'étroit Col des Deux Loups. La panique s'empara aussitôt des Khazads. A quelques centaines contre deux milles, quel espoir? Et par ce temps, nul part où fuir! Le choix fut fait de s'enfermer dans les souterrains en espérant pouvoir tenir tête à l'ennemi, sans espoir.

Ulgorn n'était pas de cet avis. Il était le plus grand guerrier de Rim Talar, connu pour son habileté avec son grand bouclier rond que lui-même avait forgé dans du mithril, et dans lequel était incrusté un mystérieux cristal. Urgril était le nom de ce merveilleux bouclier. Alors que tous les Nains se terraient dans l'effroi, il prit la parole de sa voix tonitruante.

"Cachez-vous, lâches, puisque tel est votre choix. Mais cela n'est pas digne de notre race. Nous sommes nés de la pierre, nous sommes fait d'acier, et notre Honneur est encore plus fort que cela. Si vous ne vous dressez pas pour vous battre, l'un d'entre nous doit le faire, pour laver l'Honneur de tous les autres."

Et Ulgorn de partir, revêtu de son armure de plate, de sa hache et d'Urgril. Seul, il brava le froid et marcha jusqu'au Col des Deux Loups et là, il attendit les Orcs et son destin. Déjà au loin, il pouvait les voir, l'impressionnante armée, rugissant et faisant trembler le sol sous ses pas, en escaladant la montagne. Wulash Poing-d'Acier était en tête. Rapidement, l'avant garde de la Horde se trouva à distance de parler avec Ulgorn.

"De quel droit votre espèce répugnante vient elle spolier nos terres?" Fit le Nain.
"Dis moi plutôt qui tu es, pauvre fou." Répondit Wulash. "Tu es seul? Seul, contre deux milliers des nôtres? Est-ce là toute l'armée de Rim Talar?
"Un seul du peuple Khazad en vaut bien mille de votre race."
Rétorqua fièrement Ulgorn.
"Un fou, mais un brave fou. Je sais apprécier ça. Voilà ce que je te propose: un combat singulier. Si tu me tues, la Horde se retire. Sinon, le col est à nous."

Le duel commença, Wulash avec son immense masse et Ulgorn avec sa hache. Le chef orc frappa de toutes ses forces son petit adversaire, qui se protégea de son bouclier. Le choc fut d'une si grande violence que Poing-d'Acier tomba en arrière. Le Nain n'eut plus qu'à presser son arme contre le cou de l'orc. Mais la trahison est un art courant chez les orcs, et la parole donnée n'a aucune valeur. Vaincu, Wulash hurla.

"Attaquez!"

Un simple mot, avant que le Nain ne lui tranche le cou. Les Orcs se ruèrent alors sur Ulgorn, mais sur ce col étroit ils ne pouvaient se présenter qu'à trois face à leur adversaire. Celui tua un à un les ennemis qui se présentaient à lui. Son bouclier semblait miraculeusement se trouver partout où les orcs portaient un coup, tandis que la hache du Nain ne ratait presque jamais sa cible. Et les cadavres s'entassèrent et s'entassèrent, si bien que les Orcs devaient se frayer un passage à travers eux.

Le soleil était en train de se coucher lorsque Wulash avait provoqué Ulgorn en duel. Le combat durait encore lorsqu'il se leva. Et le Nain ne fatiguait jamais, car dès que l'épuisement se faisait sentir, de son bouclier émergeait une aura qui lui redonnait toute sa vigueur. Mais la plus puissante magie et le plus puissant guerrier ne peuvent tenir pour toujours, et Ulgorn accusait plusieurs blessures. Un orc lui porta un coup si violent que, lorsque le Nain tenta de parer avec sa hache, celle-ci s'envola dans les airs.

Alors, Ulgorn prit un coup de masse qui lui broya les côtes à travers son armure et tomba à genou. Mais le héros n'avait pas dit son dernier mot. Péniblement, il se releva et, empoignant à deux mains son bouclier Urgril, il frappa le sol de toutes ses forces en hurlant:

"Thuri, père des Nains, en ton nom je me suis battu, en ton nom j'ai lavé l'Honneur des couards de Rim Talar. Pour moi, en récompense de mon geste, renvoi cette engeance là où elle mérite de vivre!"

Et toute la montagne se mit à trembler, et la neige entassée là depuis le début de l'hiver se décrocha du sol et dévala à toute vitesse la pente, entraînant avec elle tous les orcs, et pas un ne survécut à ce jour sanglant.

En haut du col, Ulgorn était mort, le sourire au lèvre, car il savait qu'il avait eu la mort des héros, et qu'il avait trépassé dans l'honneur et la gloire. Et son bouclier, fiché tout droit dans le sol se couvrit d'une couche de pierre, comme si par un quelconque sortilège il avait été pétrifié.



Aujourd'hui encore, on peut voir en plein centre de ce col renommé en l'honneur du héros le bouclier Urgril dans sa carapace de pierre. Nombreux sont les Nains qui ont depuis tentés d'extraire le légendaire artéfact, mais aucun n'a réussi à entailler la pierre. En souvenir de ce jour, le bouclier et sa carapace de pierre sont surnommés le "Rempart du Nord". Mais il est dit qu'un jour, une menace plus grande encore viendra par ce col, et qu'Urgril se délivrera alors de lui-même au guerrier digne de le porter pour faire face et résister vaillamment comme Ulgorn à l'aube des temps.
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