"Rappelle-toi..."
#1
Te souviens-tu de ces jours paisibles ?

Citation :La jeune elfe escalada prestement le grand chêne abritant la demeure familiale, pour l'heure presque vide, et s'engouffra à l'intérieur, sans même faire mine de ralentir, se précipitant vers l'un de ses frères.
Celui ci avait à peine remarqué son entrée en trombe, tout préoccupé qu'il était par la tignasse rouge qu'il ne parvenait pas à dompter, malgré ses efforts continuels.


-Encore avec tes cheveux, p'tit frère ?

-Grmph...

Grognement contrarié. Lyss éclata de rire. Son cadet – bien qu'elle en eut encore deux autres plus jeunes – était le seul de la famille à arborer une tignasse aussi flamboyante qu'indomptable là où elle et leurs deux frères puînés avaient au moins la discrétion d'avoir de longues mèches sombres et lisses.
Indomptable, tel était bien le mot. Et l'elfe se serait bien passé d'un tel ornement capillaire, d'autant plus que ce n'était pas le genre de couleur à s'accorder avec les tons verts et bruns de la forêt de Pelethor... A moins de porter une capuche, pour la discrétion, il pouvait repasser... Il se concentra de nouveau sur ses mèches rebelles. En plus d'être rouges, elles avaient aussi la bizarrerie de blanchir au niveau de la nuque, le forçant à les porter long pour masquer cette hétérogénéité capillaire.
Il détestait ses cheveux, et sa sœur le savait bien. Et pourtant ça la faisait toujours rire, de le voir s'acharner ainsi sur sa coiffure. Elle le trouvait attendrissant. Et puis elle, elle les aimait bien, ses cheveux de feu.
Elle s'assit à ses côtés en les lui ébouriffant, sans tenir compte de ses protestations.

-Fait pas cette tête, de toute façon t'y arrives jamais ! Les parents sont partis ?
-Oui, avec nos deux petits frères, ils les emmènent voir notre tante... Ils l'ont dit hier. mais tu n'écoutais pas, comme à ton habitude.
-Les pauvres ! (Elle feignit de ne pas avoir entendu la pique.) Elle va encore les gaver de friandises...
-Comme elle le fait toujours... (Il fit mine d'examiner sa grande sœur d'un œil expert) Et visiblement, ça ne t'as pas trop mal réussit !

Elle accueillit la boutade d'un éclat de rire mi amusé mi scandalisé, lui assénant par la même occasion un coup de poing bien mérité sur l'épaule.

-Et alors, soeurette ? Tu me veux quoi, cette fois ? Lui demanda-t-il lorsqu'il eut finit de rire, frottant son épaule encore endolorie. Il était plutôt de faible constitution, un peu fragile quoi que pas mauviette pour autant.
-Bah, je voulais qu'on aille faire un tour, pour une fois qu'on est un peu tout seuls sans les parents ou les petits frères, ça nous ferait pas de mal, nan ?
-Sans doute...
-Et arrête avec tes ch'veux !!

Il lui répondit par un second grognement contrarié alors qu'ils se levaient et sortaient.

L'après midi débutait à peine lorsqu'ils passèrent à côté des dernières habitations de Mitriath, signalant la sortie de la ville et l'entrée dans la forêt proprement dite. Ils marchèrent un bout de temps, discutant de tout et de rien, croisant parfois des patrouilles, des mercenaires et des voyageurs, et plus rarement, quelques autres citadins occupés à flâner, tout comme eux.

Le crépuscule était proche lorsqu'ils décidèrent de rebrousser chemin. Ils avaient épuisé à peu près tout leurs sujets de conversation et restaient silencieux, appréciant la fraîcheur du soir. Soudain, ils s'arrêtèrent tout les deux, le regard fixé sur un point devant eux, sur la gauche de la route. Le rouquin fit un pas silencieux en avant, intimant à sa sœur de faire de même. Le mouvement qu'il avait vu avait cessé. L'animal devait être encore là, s'il avait fuit, ils auraient entendu sa cavalcade dans les fourrés... Lyss le suivait de près, aussi silencieuse que lui. Ils avancèrent de quelques mètres dans la pénombre avant d'apercevoir l'animal. Un renard, qui les regardait fixement, tenant une de ses patte au dessus du sol, babines retroussées. Lyss lui murmura quelques mots à l'oreille, le renard était blessé, sans quoi il aurait déjà fuit.
Tout deux s'immobilisèrent. L'animal les regarda encore quelques instants et, voyant qu'aucun des deux elfes ne bougeait, commença à reculer en boitillant. Une fois qu'il se fut assez éloigné, il se retourna et clopina le plus vite possible loin d'eux.

Lyss emboîta le pas à son frère lorsqu'il se lança à la poursuite de l'animal. Tout deux se faisaient le plus discret possible. Néanmoins, l'ouïe fine du renard lui permettait de percevoir leur présence et son allure ne faiblissait pas. Même s'il menait bon train, sa blessure ne lui permit pas de semer les elfes qui le traquaient.
Toujours silencieux, ils s'arrêtèrent de nouveau quand le renard disparut derrière un promontoire rocheux au dessus duquel poussait un grand orme. Ils le contournèrent et, plus ou moins cachés derrière une grosse souche, aperçurent une sorte de cavité, une petite grotte formée en partie par les rochers maintenus en place par les racines de l'arbre. Un gros buisson au port tombant laissait pendre ses longues branches souples devant l'entrée, la masquant en grande partie pour tout observateur qui ne serait pas assez attentif... C'est là que le renard – ou plutôt la renarde – avait établit son terrier.
Sentant la présence des deux elfes, elle n'osait y rentrer et ses petits, attirés par la présence de leur mère, pointaient timidement leur museau hors du trou creusé dans la terre, près de l'entrée de la petite grotte.


-Ho, c'est trop mignon ! murmura Lyss à son frère.
-Leur mère est blessée, elle ne peut plus chasser... Ils ne survivront probablement pas...
-Je sais... Tu penses à la même chose que moi ?
-Il faut croire que oui. Reste là, je reviens !

L'elfe aux cheveux flamboyants se leva et s'éloigna du terrier pendant que la renarde le fixait de ses prunelles jaunes.
Il hâta le pas et se mit presque à courir. Il rejoignit la ville rapidement, l'endroit étant situé assez près des premières habitations. Quand il entra chez lui, ses parents et les deux petits frères étaient déjà revenus. Il éluda les réprimandes maternelles, lui lâchant qu'il avait à faire avec Lyss et se saisit discrètement d'un beau morceau de viande fumée volé dans le garde manger familial, qu'il cacha dans un sac avant de repartir avec le tout, sac et viande, plantant là le reste de la famille.
Il rejoignit Lyss le plus vite possible. La nuit était presque tombée mais la renarde était toujours là. L'elfe s'avança vers elle et s'arrêta à distance respectable. Il s'accroupit sur le sol. Lyss le rejoignit et fit de même alors qu'il tendait le morceau de viande à l'animal.
Étonnée mais néanmoins alléchée par le fumet, la renarde hésita tout d'abord. Puis, tiraillée par la faim, elle finit par s'approcher en clopinant et, d'un claquement de gueule, arracha la nourriture des mains de l'elfe. Elle recula et se glissa dans le terrier, sans doute pour manger et allaiter ses petits.
Lyss et son frère se regardèrent, affichant un sourire complice.
En rentrant chez eux, toute la famille les assaillit de questions. Où étaient-ils ? Que faisaient-ils ? Pourquoi être rentrés si tard ? Ils leur suffit de se concerter d'un regard pour savoir qu'ils ne diraient pas la vérité. Aussi mentirent-ils de leur mieux, prétextant qu'ils avaient passé la journée à entraîner Lyss à la magie et que son frère était rentré pour récupérer un livre qu'elle avait oublié.
Bien que leur mère se montra encore un peu sceptique, leur père et leurs deux cadets gobèrent l'histoire d'un bout à l'autre.

Le lendemain soir, ils retournèrent au terrier sous les pierres. La renarde n'était pas encore là. Ils l'attendirent jusqu'à la nuit tombée, mais elle ne vint pas. Inquiets, ils revinrent le lendemain, dès la fin d'après midi. Elle se montra au crépuscule, toujours boitillante. Rassurés, ils recommencèrent la même opération que deux jours plus tôt, offrant à l'animal un repas de viande, mais aussi de petits fruits qu'ils avaient récoltés en chemin.
Plusieurs soirs de suite, ils retrouvèrent la renarde. Au début, elle se montrait méfiante mais, au fil des soirs, elle s'habituait à leur présence et ne les remarquait presque plus. Au dixième jours, les deux elfes furent heureux de constater qu'elle attendait même leur venue. Sa patte allait également de mieux en mieux, et ils avaient bon espoir de voir la renarde reprendre la chasse très bientôt.
Leurs allées et venues semblaient bien étranges aux yeux de leur famille, mais nul n'osait trop les questionner. Leur mère avait également remarqué les disparitions de nourriture, mais Lyss prétendit avoir parfois une petite fringale nocturne depuis quelques temps, expliquant ces disparitions. Son frère confirma ses dires, faisant même mine de penser qu'elle avait prit du poids... Piégée, la pauvre Lyss ne put rien dire pour contredire son frère sous peine de dévoiler le mensonge...
« j'me vengerai ! » lui dit-elle en aparté avant qu'il se mette à rire.

Du côté du terrier, les deux elfes étaient presque entièrement intégrés à la famille des renards. La mère ne les craignait plus vraiment et les laissait presque la caresser, quand aux petits, lorsqu'ils commencèrent à sortir du terrier et à jouer entre eux, ils s'avancèrent derechef vers les deux étrangers lorsqu'ils les virent arriver, ils les flairèrent en tournant autour... D'un jappement, leur mère aurait pu les rappeler, mais elle n'en fit rien, se contentant de surveiller très attentivement les réactions des uns et des autres. Lyss était aux anges alors que son frère taquinait l'un des renardeau de la main. Par jeu, l'animal lui mordilla les doigts. Voyant leur frère agir, les petits décidèrent de l'imiter et se jetèrent sur le bras de l'elfe, qui éclata de rire sous les morsures des petites dents, pas assez acérées pour lui faire grand mal.


-C'est quand même marrant qu'ils nous acceptent comme ça. S'étonna un jour Lyss en caressant un renardeau qui paressait au soleil, allongé sur une pierre. Ils grandissaient plutôt bien. Leur mère avait reprit la chasse et il n'était pas si rare qu'elle laisse les deux elfes seuls avec ses petits sans en éprouver de grande crainte.
-Oui. Mais c'est parce que leur mère veut bien. On l'a aidée, elle nous fait confiance.

Tout les jours ils se retrouvaient au terrier, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. Parfois séparément mais ensemble le plus souvent. La petite caverne de pierre s'était révélée plus spacieuse que prévue et en cas de mauvais temps leur fournissait un bon abri où ils pouvaient rester paisiblement jouer avec les renardeaux. Quelques fois ils faillirent accidentellement vendre la mèche concernant leur secret. Leur plus grande peur, ils la vécurent le jour où ils durent se terrer au fond de la petite grotte, cachée par les lianes du gros buisson, pour ne pas être repéré par un chasseur qui passait, traquant une proie. Leur cœur manqua un battement lorsqu'il passa tout près du terrier dans lequel les petits étaient terrés, mais trop préoccupé par sa traque, il passa son chemin sans rien voir.
Après cet épisode, ils se méfièrent de plus en plus vis à vis de leur cachette secrète. Ils différaient leurs départs, partant à quelques heures d'intervalles et s'assuraient toujours de ne pas être suivis, multipliant parfois les détours d'une façon un peu trop zélée...
Si quelqu'un savait pourquoi ils venaient là, une âme malveillante aurait pu vouloir s'en prendre aux renardeaux. Et puis ils avaient conscience qu'ils étaient des animaux sauvages. Jamais ils ne devaient dépendre d'eux ou d'autres elfes, ils se le jurèrent.

Parfois, ils se disputaient, comme tout frères et sœurs, et toujours, leur lieu de réconciliation était l'arbre aux renards, comme ils l'avaient surnommé. C'est là aussi qu'ils parlaient seuls à seuls de toutes les secrets qu'ils avaient besoin de confier, sous le regard vigilant de la renarde, perchée sur le promontoire rocheux. les secrets de jeunes elfes que leurs parents ne devaient surtout pas savoir... Et Halista seule savait à quel point la vie sentimentale d'un jeune elfe pouvait être mouvementée...
L'automne venu, les renardeaux quittèrent le terrier, maintenant assez grand pour vivre par eux même, mais leur mère continuait à venir voir les deux jeunes elfes.
Maintenant qu'elle n'avait plus de petits à protéger, elle se montrait bien plus curieuse vis à vis d'eux, et même parfois elle jouait avec eux comme elle le faisait avec ses propres enfants. Lorsque la neige recouvrait la forêt de son épais manteau blanc, ils leur arrivaient de passer la soirée dans la petite grotte, tout les trois. La renarde reniflait leurs fourrures censées les préserver du froid d'un air circonspect et les deux elfes la regardaient faire en riant. Une fois, alors qu'elle s'approchait de lui le museau bas, le rouquin ébouriffa subitement les poils de l'animal qui recula vivement, surprit.

-Hé bien, quoi ? Moi aussi je vais voir si tes poils te tiennent chaud, ne me regarde pas comme ça ! »

Lyss éclata de rire, bien vite imitée par son frère tandis que la renarde, rassurée par leur gaieté, reprit son examen minutieux.
L'hiver était-il plus court cette année là ou bien le semblait-il seulement, tant il était égayé par leur amitié avec l'animal, les deux jeunes elfes n'auraient su le dire. Toujours est il que bien vite le printemps revint, et avec lui, une nouvelle portée de renardeaux.

Un soir, Lyss rejoignit son frère, déjà en train de jouer avec eux. Elle avait prit du retard, elle s'était arrêtée pour cueillir des fruits sauvages dans l'intention de les partager avec son frère, mais aussi avec la renarde, qui s'était avérée être une grande gourmande...
Ainsi, elle le trouva là, assis par terre, en train de taquiner trois petites boules de poils rousses. Tout concentré qu'il était, il ne l'avait pas entendue arriver. Ses cheveux avaient bien poussés depuis le temps, il faut dire qu'il s'en souciait moins, depuis qu'ils avaient rencontré la renarde. On voyait même quelques mèches blanches qui livraient bataille aux mèches rouges sur son dos. Elle resta quelques secondes immobiles, un étrange sourire flottant sur son visage.
Son frère sursauta lorsqu'elle se signala enfin...

-Alors ? Ça va, les renards ?
-Hé, tu m'as fait peur, Lyss ! Bien sûr qu'ils vont bien, ça se voit, non ? (un éclair roux lui bondit sur le bras, qu'il chassa d'une féroce chatouille sur le ventre.)
-Hum... Ça valait aussi pour toi... !
-Quoi ?! (il se retourna complètement vers elle, incrédule, alors que deux boules de poils revenait à la charge.) Qu'est ce que tu veux dire ?

Lyss lui répondit par un sourire taquin en s'asseyant à ses côtés. La renarde descendit de son promontoire habituel, intéressée par les fruits qu'amenait la jeune elfe.

-Renard... Ça te va bien, comme surnom...
-Mais... N... Non !

Son sourire s'agrandit encore face aux protestations mal aisées de son frère.
Comme elle le faisait si souvent, elle ébouriffa la crinière rousse et blanche, si semblable à celle des jeunes renards.
Non...
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#2
Les Holdars. Malédiction ? Punition ? Envahisseurs ?
Plus le temps de se questionner, la guerre était là. Asteras ne les soutenait plus, ils étaient seuls, un petit groupe d'elfes. Ils ne pouvaient plus que lutter pour leur survie, maudire ceux qui les avaient abandonnés... Et tenter de se reconstruire, tant bien que mal.
Et Mitriath émergea des cendres de la guerre.

Liska était jeune à l'époque, mais il n'avait pas tout oublié. Il avait eu de la chance. Sa famille avait été épargnée par la Mort jusque là. Son père était revenu vivant, bien que blessé, des combats. Sa mère avait su le protéger du pire, lui, ses frères et sa sœur.
Sa sœur...

Il courait à en perdre haleine dans la forêt. La pluie avait cessé depuis quelques heures mais le terrain restait glissant. Il ne s'en préoccupait pas, tomba une fois, se releva et faillit glisser de nouveau plusieurs fois durant sa course effrénée.
Elle était revenue ! Enfin.
Plusieurs mois - des années peut être ? Il ne savait plus... - s'étaient écoulée depuis qu'il avait vu sa sœur pour la dernière fois. Elle avait terminé son apprentissage de druide, elle lui avait attribué son surnom depuis longtemps. Et puis elle était partie pour un soit disant «voyage initiatique » pour parfaire sa maîtrise de la magie. Elle devait rentrer vite. Mais les semaines, les mois s'étaient écoulés sans que personne n'ait la moindre nouvelle. Et puis un membre de son groupe avait reparu, blessé, hagard. Il n'avait pas pu dire ce qu'il s'était passé, sous le choc. Il n'avait pas reparlé. Plus un mot depuis ce jour. Les prêtresses d'Halista le gardaient au sein de leur temple, espérant peut être qu'il guérisse un jour de son mutisme.

Et aujourd'hui, voilà que Lyss était revenue. Il ne savait pas qui l'avait retrouvé, ni comment, mais il n'en avait cure. Elle était revenue, c'est tout ce qui importait.
Depuis qu'elle était partie, la famille n'était plus pareille... Ses petits frères ne se rendaient pas tous compte de la situation. Mais leurs parents étaient... Différent... Leur mère parlait beaucoup moins, sombrant souvent dans une douce mélancolie, fixant le vide, un étrange sourire aux lèvres. Elle en venait parfois même à oublier ses enfants les plus jeunes, laissant à Renard les soins de la maison. Et leur père avait du mal à supporter ce comportement étrange. Il partait de plus en plus souvent, à l'aube, et ne revenait que le soir sans un mot, pour dormir. Il passait son temps en forêt. Parfois à chasser, parfois à... Peu importe. Elle était revenue, tout allait s'arranger, après tout ! Non ?

Les gardes de la ville qui patrouillaient d'un air morose ne virent qu'une tignasse rousse passer à la vitesse de l'éclair.
Le temple d'Halista était à l'autre bout de la ville. Il devait de dépêcher. Heureusement, le mauvais temps avait dissuadé grand nombre de citadins de sortir de la ville. Personne pour le gêner dans sa course.
Il ne mit que quelques minutes de plus pour rejoindre l'endroit. Il s'arrêta devant l'entrée, hors d'haleine. Il n'attendit pas d'avoir reprit son souffle pour entrer. On l'attendait. Une prêtresse l'attrapa par le bras et lui murmura quelques mots à l'oreille. Il acquiesça d'un signe de tête, trop essoufflé pour parler. Dehors, la pluie n'allait sans doute pas tarder à reprendre de plus belle.

On le conduisit à une petite chambre au fond du temple. De celles où l'ont soigne les grands blessés, ceux qui ne peuvent pas être mit avec les autres. Il voulut entrer mais la prêtresse qui l'avait guidé le retint. Elle eut un instant l'air de vouloir dire quelque chose mais elle hésita, laissant s'installer le silence. Puis elle se reprit et parla.


-Il faut que je vous prévienne...
-Quoi ? S'impatienta-t-il.
-Ne soyez pas surpris si votre sœur ne... Ne comprends pas forcément ce que vous lui dites. C'est assez difficile à entendre mais elle ne se souvient plus de rien.
-De rien ? Comment ça de rien ? Vous voulez dire, elle ne sait pas ce qu'il lui est arrivé ?
-Non, non. C'est bien pire. Elle a tout oublié, toute sa vie. Son amnésie est totale.

Le roux en resta interdit.
Et pourtant le ton de la prêtresse était catégorique. Elle savait ce qu'elle disait. Et lui ne savait que répondre, se contentant de rester planté là, immobile, le visage figé sur un mélange de surprise et d'incompréhension.

Il lui fallut quelques minutes pour prendre pleinement conscience de l'état de sa sœur, de toutes les implications qui en découlaient et quelques autres instants encore pour trouver le courage d'entrer, sachant que la jeune femme à l'intérieur n'avait désormais plus la moindre idée de qui il était...

Elle leva les yeux vers lui lorsqu'il passa la porte, la refermant doucement derrière lui. Assise sur le bord du lit, vêtue tout juste d'une longue chemise de nuit, elle l'observait comme on observe un inconnu. Liska resta là, tournant le dos à la porte, sans oser s'avancer plus, de crainte de l'effrayer.[i]

-Tu... Tu es... Liska? [i]L'interrogea-t-elle timidement.

-Oui, c'est bien ça ! Tu t'en souviens ?
-Non... C'est... On m'a dit que tu viendrais...

Un instant, il avait cru qu'elle s'en était rappelée... Naïf qu'il était... Bien sûr que les prêtresses ou même leurs parents avaient du lui parler de lui avant qu'il n'arrive. Au moins savait-elle qui il était. Il se détendit légèrement, s'avançant vers elle et s'asseyant au bord du lit d'un air nonchalant.

-En tout cas, je suis heureux de te revoir enfin ! C'est le plus important après tout ! Fit-il, essayant tant bien que mal de se persuader de la seconde chose. Alors, tu...
-Tu arrives seulement maintenant ? L'interrompit une autre voix dans le fond de la pièce, près de la petite fenêtre par qui entrait la pâle lueur du jour. C'était sa mère. Il n'avait même pas remarqué sa présence tant elle se tenait immobile près de la fenêtre. Liska fronça les sourcil, appréciant peu le ton sec avec lequel elle s'était adressé à lui.
-Excuse moi, mais j'étais à l'autre bout de la ville, j'ai du la traverser en courant... Et la pluie ne m'a pas aidé à faire vite.
-Mais tu...
-Écoute, on en parlera plus tard. Trancha-t-il. On ne va pas embêter Lyss avec ça, hein ? Fit-il avec un sourire complice pour sa sœur. Celui qu'elle lui rendit était bien plus timide et même un peu triste. Quelques secondes de silence pesant s'écoulèrent durant lesquelles sa mère lança un regard noir de reproches au roux. Lui n'y fit même pas attention, bien décidé à reprendre cette conversation plus tard. Dans l'immédiat, il y avait d'autres choses plus importantes. Lorsqu'elle comprit qu'elle avait perdu la bataille pour cette fois, l'elfe se leva et sorti de la pièce, s'excusant vaguement, laissant le frère et la sœur seuls. Cette dernière lâcha un long soupir quand la porte se referma à nouveau.

-Hé bien ? Ça ne va pas? Interrogea le roux, intrigué par cette soudaine démonstration de contrariété...
-Si, si... C'est juste que... Cette femme... Notre mère, à l'en croire... Depuis qu'elle est là, elle n'a fait presque que pleurer et me prendre dans ses bras. C'était touchant au début mais... C'est devenu pesant et je ne suis pas fâchée qu'elle s'en aille, à vrai dire. Elle s'arrêta un instant avant de s'apercevoir qu'elle n'aurait peut être pas du dire ça. Oh, excuse moi ! Ca n'était pas très fin de ma part... C'est notre mère après tout, je...
-Non, non, ne t'excuse pas ! L'interrompit-il, sentant bien que ses excuses n'étaient pas sincères. Et quelque part, il pouvait le comprendre. Elle a bien changé depuis ton départ, en vérité. Et pleurer est peut être une des rare choses qu'elle sache encore faire correctement. Ajouta-t-il non sans amertume. Contente toi de l'ignorer ! Alors, maintenant que tu es de retour parmi nous, que dirais-tu de visiter la ville ? Proposa-t-il, accrochant un sourire à son visage, bien que sourire fut la dernière chose dont il ait réellement envie...
-Mais les prêtresses ont dit qu'il fallait que je reste ici encore quelques temps...
-Peu importe ce qu'elles disent, rester ici ne t'aidera en rien ! La forêt est magnifique, même par temps de pluie, ça serait dommage de manquer ça, non ? Et nous serons de retour avant la nuit, c'est promis !Lança-t-il d'un air enthousiaste en se levant. Tu as de quoi t'habiller ?
-Oui... On... Enfin, nos parents m'ont apporté ce qu'il fallait. Répondit Lyss, l'air à peu près convaincue par le discours de son frère.

Et elle devait avouer que l'ambiance du temple ne lui plaisait pas vraiment. Peut être que ce grand roux lui était un total inconnu mais il semblait être apte à lui faire changer d'air... Et si il était son frère, elle n'avait aucune raison de ne pas lui faire confiance, après tout. Il sorti, à la fois pour s'assurer que personne ne les retiendrait sur le chemin de la sortie et pour laisser à l'elfe le temps de s'habiller. Elle le rejoignit quelques instant plus tard, fermant la porte avec précautions.

S'inclinant dans une révérence factice, sourire aux lèvres, son frère lui prit la main avant de la guider vers l'extérieur. Ces étranges manières arrachèrent un sourire à Lyss.
Quelques gouttes éparses tombaient encore des feuilles de l'arbre qui abritait le temple mais la pluie n'avait pas encore reprit. Pour l'instant, du moins... Les deux elfes s'arrêtèrent un instant, Liska jeta un coup d'œil au ciel à travers les épaisses frondaisons de la forêt. Il n'en voyait pas assez pour savoir si la pluie allait reprendre ou non mais peu importe. Il se mit en route, sa sœur sur ses talons.

Comme promis, il lui fit faire le tour de la ville, lui contant nombre d'anecdotes sur presque chaque nouvel endroit qu'il lui montrait. Ici, l'arbre royal, on raconte qu'un jour, un voleur malchanceux et avide de richesses avait essayé d'y pénétré en grimpant dans les branches mais les gardes l'ayant repéré, il y était resté coincé plusieurs jours de suite avant de se décider à se rendre. Là, près de ce pont de bois, un embouteillage si important avait eu lieu, un jour, que plus de la moitié des gens désireux de traverser avaient du se jeter à l'eau malgré le froid hivernal ! Et cet arbre étrangement tordu, là bas, certains racontaient qu'il était hanté par un esprit de la forêt. Esprit qui, en réalité, n'était qu'un hibou qui avait simplement effrayé quelques gamins qui passaient par là lors d'une sortie nocturne pas vraiment autorisée par leurs parents...

Lyss semblait apprécier ces histoires et souriait souvent aux plaisanteries de son frère. Elle semblait s'être détendue. Ses réponses étaient moins hésitantes, plus directes. Liska semblait lui aussi soulagé d'un poids. Voir que sa sœur se sentait mieux le rassurait, en vérité. La pluie les surprit vers la fin de l'après midi, et, avant qu'ils n'aient le temps de se trouver un abri, ils étaient déjà trempés jusqu'aux os et ce malgré la relative protection des feuillages déjà trempés de la forêt... Au plus grand étonnement de sa sœur, Liska se dirigea non pas vers le temple mais vers le sud de la ville. Lorsqu'elle lui demanda pourquoi, elle n'eut pour toute réponse qu'un mystérieux sourire. Néanmoins elle le suivit. Ils étaient déjà trempés, de toute façon alors l'être un peu plus longtemps ne changerait pas grand chose.

Lyss ne pouvait pas le savoir mais à aucun moment, même pas quand les trombes d'eau avaient commencé à se déverser sur eux, Liska n'avait eut l'intention de les ramener au temple. Elle le suivit un long moment, le long d'un chemin forestier qu'elle aurait du reconnaître entre milles... Et bien vite, ils arrivèrent à la petite caverne sous l'arbre. Et, au plus grand étonnement de la jeune femme, des petites boules de poils rousses surgirent d'un terrier dans le sol et se précipitèrent vers lui. Même si les renardeaux se montrèrent tout d'abord méfiants envers Lyss, la curiosité l'emporta bien vite et certains, les moins craintifs, vinrent timidement lui mordiller les doigts, par jeu. Et pour la première fois depuis bien longtemps, Liska pu la voir rire à nouveau aux éclats.
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#3
Ils s'abritèrent de la pluie qui semblait vouloir durer jusqu'à la fin des temps sous la grotte, assis côtes à côtes, les renardeaux grimpant sur leurs jambes, se faufilant entre eux à la recherche de quelque chose dont eux seuls connaissaient l'existence. La sœur de Liska semblait vraiment aux anges avec les petits animaux. Et eux aussi semblaient se sentir à l'aise avec elle vu la vitesse à laquelle ils l'avaient 'adoptée', en quelque sorte. Passant une main dans ses cheveux rouges trempés, Liska lui expliqua qu'il était encore un peu tôt pour voir leur mère et que la renarde viendrait sûrement plus tard dans la soirée. Lyss sembla un peu déçue, elle serait déjà retournée au temple et n'aurait pas l'occasion de faire la connaissance avec l'animal...

-Mais si, ne t'en fais pas ! Peut être pas ce soir, mais il y aura bien d'autre occasions ! S'exclama son frère en riant.
-Ha... Sans doute, oui ! Mais dit moi, c'est étrange qu'ils te fassent confiance comme ça. Comment c'est arrivé ? Demanda-t-elle, curieuse d'en savoir plus. Une ombre fugace passa sur le visage de son frère. Pendant quelques instants, il avait presque oublié l'amnésie de sa sœur. C'était comme s'ils étaient revenus plusieurs années en arrière, avant qu'elle ne parte...
-Hé bien, c'est une longue histoire, en vérité. Commença-t-il.

Il aurait aimé qu'elle s'en souvienne... Mais ça n'était pas le cas. Même si ça n'était pas facile d'être le seul à se souvenir de ces moments partagés, il fit de son mieux pour que sa sœur ne ressente pas ce malaise. Il raconta tout ce dont il se souvenait, avec force détails et n'oubliant jamais d'accrocher un sourire sur son visage ou de rire à l'évocation de certaines anecdotes. Lyss faisait de même, s'étonnant parfois de ce qu'ils avaient bien pu faire tout les deux.


-Hé ben, on a fait les quatre cents coups, tout les deux !
-Ho non, au moins deux fois plus ! Fit-il avec un clin d'oeil. Et si je me souviens bien, pas longtemps après, tu as commencé à m'appeler Renard.
-Ha, vraiment ? Comment j'ai pu avoir cette idée ?!
-Tu trouvais que mes cheveux ressemblaient à la fourrure des renardeaux... Expliqua-t-il en haussant les épaules.
-Ça n'est pas totalement faux... Surtout avec cette mèche blanche, là ! Répondit-elle en passant une main dans son dos et lui tirant doucement ladite mèche. La réaction ne se fit pas attendre et il se crispa instantanément. Ho excuse moi ! Je t'ai fait mal ? S'inquiéta-t-elle.
-Non, non, ça va... C'est juste que je déteste qu'on me tire les cheveux, mais tu... "Ne pouvait pas savoir..." voulut-il dire.
-Je ?
-Non, rien... Mais euh... Évite de recommencer, s'il te plaît !
-Oui oui, ne t'en fais pas. C'est promis ! Dit elle en lui souriant. Tu ne m'en veux pas trop ?
-Bien sûr que non ! »

Bien vite, bien trop vite, le soir arriva. La pluie n'avait pas cessé et c'est à contre cœur que les deux elfes sortirent de leur cachette et reprirent la route de Mitriath. Le roux raccompagna sa sœur au temple... Il allait devoir se frotter aux prêtresses du temple à qui il avait enlevé sa sœur, sans autorisation aucune... En espérant qu'elles ne lui arrachent pas les yeux pour ça ! Songea-t-il non sans une petite pointe d'appréhension...
Elles faillirent le faire, d'ailleurs et il du mettre tout son talent de persuasion et sa bonne volonté pour les convaincre qu'il n'avait pas agit si inconsciemment que ça. Mais finalement, ce furent les sourires de sa sœur et l'air épanouit qu'elle affichait qui réussirent à les convaincre et il s'en tira simplement avec un long sermon sur le respect de l'autorité et d'Halista. Ne restait plus qu'à rentrer, en espérant que ses parents soient aussi compréhensifs...
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