Une quête commence toujours...
#1

`

Une quête commence toujours par la Chance du Débutant.


Je ne pense pas que j'y arriverais.
Quoi que je fasse, même si j'essaye du mieux que je peux… je n'y arrive pas.

C'est comme si j'essayais de lutter contre une vague immense. Ça n'a pas de sens. Ça n'a aucun intérêt. Je pourrais le faire, c'est vrai, je pourrais continuer, lutter, jusqu'à la fin… mais s'il n'y a pas de fin ? Devrais-je rester là, statique, à m'épuiser bêtement dans l'espoir qu'un jour, un jour seulement, la boucle dans laquelle je me suis empêtrée lâche et me libère ?

J'ai peur. J'ai peur ce soir, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas y arriver ou pire encore, d'échouer, mais d'échouer comme on échouerait sur une plage : tombé dans un endroit pire encore que les profondeurs de la mer, tomber dans un endroit où seule la folie me tiendra compagnie. J'ai peur de ne pas contrôler le pouvoir qui grandit en moi, de le laisser prendre le dessus et de m'étouffer.

J'ai peur que Callisto en profite.
Peur de ne plus exister.



Un petit frisson remonte son échine alors qu'un buisson vrombit. La jeune elfe se redresse, doucement. C'est Crépuscule qui revient avec du bois mort ramassé plus tôt et ravive le feu endormi, au centre du campement de fortune. Depuis leur rencontre, ils ne se sont pas quittés. Plus que ça même, ils ont rencontré une autre elfe au cours de leur route. Kheeva. Kheeva a le visage marqué par des symboles étranges, et elle préfère l'épée à la discussion. Elle est drôle. Mais ce qui est plus drôle encore, c'est que pour une quête initiatique, qui devait être solitaire selon son père, se trouve parsemé d'embûches et de rencontres.

Quand elle est comme ça, allongée, emmitouflée dans sa couverture faite de feuilles, qu'elle sent la mousse et la petite brise qui parcourt la forêt, l'elfe se sent bien. C'est peut-être parce qu'elle est entourée, c'est vrai, mais c'est peut-être aussi tout simplement parce que la peur s'échappe quand elle ne la lit pas sur le visage des autres ? Elle oublie le danger qui court, qui taraude, aussi bien autour d'elle qu'à l'intérieur. Elle sait bien que tôt ou tard, il faudra l'affronter, mais le plus tard sera le mieux, n'est-ce pas ?

« On devrait aller vers l'Est. On devrait y trouver quelque chose à faire. Après tout, il n'y a rien à faire ici. »

Yava se redresse à nouveau, mais cette fois-ci entièrement. Elle quitte son habit de feuille et se relève, comme un roseau flexible, sa tignasse rousse formant sur ses épaules une crinière désordonnée et cavalière : aucunes mèches ne semblent s'entendre avec sa voisine. L'elfe sylvaine pourtant n'y fait pas attention, elle rejoint le feu où Crépuscule et Kheeva parlent.

« Ah ! Tu tombes bien, Yava… On cherchait justement ce que nous allions faire dans les prochains jours. Tu sais, où aller… où chercher… »

La rousse a un petit sourire alors qu'elle s'assoit sur un rondin de bois ramené la veille, et pose ses yeux sur la carte que Crépuscule tient. Il y a un trait, un peu grossier, du voyage qu'ils ont déjà fait. Kheeva pose le bout de son index et montre un chemin qui trace vers le Nord.

« On pourrait commencer par aller au Nord ? On dévierait juste avant Entha'Kaldora, sans se faire remarquer, et… et après je ne sais pas. »
« On peut toujours aller au Nord, et si jamais on entend parler de quoi que ce soit qui nous sommes intéressants, nous nous y rendrons ? »


Crépuscule acquiesce avec un sourire sage alors que Kheeva se lève déjà, rapide, et va ramasser ses armes sur le sol. Yava la suit du regard, curieuse comme un renard. La guerrière est des trois la plus téméraire mais aussi la plus spontanée. Les deux druides ont sans doute pris de la nature sa lenteur et sa sagesse, l'elfe aux cheveux bruns prenant de l'art de la guerre toute l'émotion. Ce n'est cependant pas dérangeant ; c'est ce qui fait tout le charme de la demoiselle, quelque part.

« Si on suit la rivière, on pourra trouver un coin où se baigner. »
« Nos frusques sentent… »
Crépuscule semble chercher son mot.
« Le rat crevé sentirait meilleur. »

Kheeva a un petit rire alors qu'elle s'éloigne déjà, faisant disparaître les traces de leur passage bien qu'il ne fut pas des plus chaotiques. Yava s'étire doucement. Ses yeux couleur olive se lèvent et observent un instant les cieux dégagés. Rien ne présage la guerre et le sang, pourtant tous les elfes connaissent les remous et les affaires qui secouent le royaume. Eux-mêmes, qui pourtant ne sont pas rentrés à Mitriath depuis des jours, n'ignorent pas les enjeux politiques qui se jouent avec les Centaures à l'heure même où ils partent à l'aventure.
S'ils ne s'en soucient pas vraiment, c'est peut-être parce qu'en rien ça ne les intéresse. La jeunesse de leur cœur endort bien souvent la peur d'une guerre, et s'il y a guerre, ils n'auront qu'à fuir alors, comme jadis ils l'ont fait ? La guerre détruit la forêt, et il n'y a rien de pire que cela.

« Tu rêves encore, Yava ? Tu n'es pas réveillée ? »

Kheeva se moque, alors que la rousse sursaute et réalise qu'elle est restée le nez bien haut pendant de longues secondes, pour réfléchir. Elle a un petit sourire d'excuse, attrape sa pioche qu'elle accroche à son sac, le fait glissé sur son dos et reprend la marche.

La route est longue, mais ils n'ont aucun doute là-dessus : tôt ou tard, ils croiseront leur « destin ».


`
Répondre


Atteindre :