Une promenade de santé
#1
Une fière troupe, cinq camarades unis par les combats, cinq amis dont la récente expédition dans le septentrion des terres elfes avait renforcé la confiance. Cette compagnie avait décidé d'oublier l'air frais des plaines d'Ecridel quelques temps, et de remplir la mission de dératisation qui leur avait été confiée par la garde d'Asteras.

Ils s'enfoncèrent prudemment dans les égouts obscurs et malodorants, se frayant un chemin dans ce dédale sinueux et infesté de rats féroces. Rats qui, par ailleurs, ne constituaient qu'une menace toute relative pour des combattants de cet acabit, protégés par des armures ouvragées et rompus aux sorts les plus puissants.

L'extermination méthodique des rats allait bon train, et les cinq compères avaient réunis bien assez de trophées pour satisfaire la garde et toucher leur dû, cependant une autre affaire les attirait dans les égouts : un réseau soi-disant secret de contrebande, dont même la garde craignait de s'occuper elle-même.

Continuant leur chemin vers les profondeurs des égouts, ils rencontrèrent bientôt des sbires qui guettaient aux abords de la planque. Les brigands furent éliminés rapidement, mais eurent toutefois le temps de donner l'alerte, appelant d'autres acolytes au secours. Les choses se compliquèrent pour nos héros, qui se battirent alors vaillamment et vinrent finalement à bout des gardes, au prix de nombreuses blessures.

Ces quelques estafilades n'allaient cependant pas détourner les cinq forte-têtes de leur objectif. Ils pansèrent sommairement leurs blessures, reprirent leur souffle un instant et partir à l'assaut du quartier général des contrebandiers, où se terrait le chef du réseau.

Mais alors qu'ils avançaient prudemment vers le repaire, ils entendirent derrière eux des éclats de voix et le brouhaha d'une troupe en marche. Une véritable foule sans cohésion venait de pénétrer dans les égouts, et suivait gaiement leurs traces, probablement décidée à contester leurs trophées et leur gloire. Ce boucan alerta immédiatement les contrebandiers, qui sortirent en trombe de leur repaire précisément alors que nos amis s'apprêtaient à y entrer.

Un grand désordre régna alors, les cinq vaillants compagnons se battant contre des contrebandiers aux abois, et la horde d'amateurs qui arrivait, insouciante, et resta bouche bée devant le spectacle de grâce et de maitrise qu'offraient les cinq héros. Les contrebandiers n'étaient cependant pas des adversaires à prendre à la légère, et ce ne fut qu'au terme d'un combat acharné qu'ils furent défaits par les cinq parangons de bravoure, dont un tomba au combat. Parmi la horde d'opportuniste qui se pressait maintenant à l'entrée de la planque des contrebandiers, quelques uns purent décocher des flèches hasardeuses ou des sorts plus spectaculaires que réellement efficaces, et prétendraient assurément par la suite qu'ils avaient participé à la bataille. Certains semblèrent même déçus de constater qu'ils arrivaient trop tard pour tenter de contester le butin.

Nos héros, faisant fi de cette agitation, sortirent tranquillement des égouts, emportant le butin dûment mérité, et transportant leur camarade tombé, afin qu'il puisse être guéri par les prêtres du temple.

Nul doute que cette histoire sera abondamment déformée par les chercheurs de gloire, qui s'empresseraient d'aller montrer un quelconque produit de contrebande et tisseraient dessus des récits héroïques les mettant en scène contre le redoutable chef des contrebandiers (un criminel tristement célèbre qui, grâce à nos héros, ne ferait plus de mal à personne). Et nos compères, trop humbles et bien sûr trop nobles pour s'abaisser à démentir ces ragots, laisseraient les malhonnêtes parler.

Heureusement, la vérité sera transmise car moi, j'y étais, et j'ai vu ces cinq vaillants personnages à l'oeuvre, et j'ai encore une larme qui coule au creux de mon oeil lorsque je repense au fantastique spectacle que ces beaux elfes m'offrirent ce jour là.


Récit anonyme dont le parchemin fut retrouvé, probablement oublié, sur la table de la taverne d'Asteras.
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#2
Daenariel-Syndra jouait aux dés à la taverne avec d'illustres inconnus lorsqu'elle tomba sur le parchemin.

A sa lecture, trois rides de colère vinrent se creuser sur le front de l'elfe, elle tappa du poings sur la table, prête à trancher le premier soulard venu pour se calmer lorsque, stupeur et effarrement, elle prit quinze secondes pour réfléchir.

Elle avait croisé tous les elfes des égouts : aucun membre de l'Elendaë n'aurait raisonnablement écrit cette farandole et les contrebandiers étaient tous morts. Restait donc ce famaux groupe des cinq. Un récit anonyme ? ... Hm.
Mais le peuple haut elfe n'avait pas besoin d'une énième querelle dans ses rangs. Il avait besoin d'inspiration, de héros, d'exemples à suivre, et tant pis si la vérité s'égarait quelque peu en chemin.

Ses mains restèrent suspendues dans les airs alors qu'elle s'apprêtait à déchirer le parchemin. Elle posa finalement celui-ci sur la table, le lissa et en bas de la page elle écrit de sa plus belle plume :


DAENARIEL-SYNDRA
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#3
Assise dans un coin de la taverne, l'elfe remuait de sombres pensées. Rien n'allait vraiment bien. Quelque chose allait vraiment mal. Même sans preuve, la femme le sentait. Elle ressentait le changement à venir dans toutes les parties de son corps. Elle leva les yeux lorsque le tavernier lui apportant son lait chaud au miel et se força à sourire.

Une pile de lettre trônait à sa gauche, elle avait éparpillé du papier froissé sur toute la table, des bouts de plumes usées trainaient entres les feuilles. Voulant poser son bol, elle tassa en pile les feuillets couverts d'écritures quand une page attira le regard. Ce n'était pas son écriture. Une main fluide avait tracé le récit sur du papier de qualité médiocre.

Oubliant un instant ses soucis, elle se plongea dans la lecture de sa trouvaille. Ses sourcils fins se froncèrent violemment, une petite moue pincée se dessina sur sa bouche. L'histoire était plaisante, le nom de l'écrivain était étonnant. Quelque chose n'allait vraiment pas. Qui avait bien pu égarer cela dans l'auberge. Le fait qu'une tête brulée comme Daenariel sache écrire était une bonne surprise en soi. L'histoire était belle, et Fryelund sait que les elfes en manquaient ces derniers temps. Merydwïn n'avait aucune envie de recroiser les Elendaë de si tôt, elle décida de laisser la feuille là où elle l'avait trouvé.
Néanmoins, elle sorti son carnet et copia le récit d'une traite. Cela intéresserait sans doute le bibliothécaire. A défaut, les Arcantistes sauraient en tirer des informations non négligeables.

Puis son regard porta sur la lettre écrite par le centaure. Un petit frisson lui secoua l'échine. Elle n'avait que trop perdu de temps. Son lait refroidi fut avalé d'une traite et elle écrivit prestement une autre lettre à la conseillère. Une lettre qu'elle n'était pas sûre de lui remettre avant d'avoir pu vérifier quelque chose.

Elle aurait aimé se tromper.

Ramassant ses affaires, la mage fila vers l'académie. En route, elle repensa à la beauté empreinte de désespoir qui émanait du récit de la taverne. Il lui arracha un dernier petit sourire.
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#4
On les pensait fourbus, fatigués après leur dernier exploit qui avait mis un terme au réseau de contrebande qui prenait lieu dans les égouts d'Asteras. En voilà qui vont maintenant prendre un repos bien mérité et profiter de leur récompense en amusements quelconques, aurait-on pu penser en voyant la fière troupe se présenter à la Garde d'Asteras et s'y voir remettre une coquette somme et les félicitations du capitaine.

Nenni ! Ce serait une insulte à leur bravoure et à leur sens du devoir de penser que ces cinq intrépides se laisseraient aller au divertissement alors que l'Empire avait encore besoin d'eux. D'eux, et d'eux seuls bien sûr, car ce sont sans aucun doute les aventuriers les plus courageux et les plus habiles qu'Ecridel ait connu depuis longtemps, et les seuls capables de mener à bien les dangereuses missions aux quatres coins de l'Empire.
Le petit groupe, à peine sorti de l'égout et sans même prendre le temps de se reposer, repartit illico là où l'on avait besoin d'eux.

Les Krytchr, comme on le sait, sont de dangereux nuisibles qui se reproduisent à une vitesse phénoménale et deviennent rapidement hors de contrôle si la colonie atteint une taille suffisament grande. Une mission urgente consistait donc à aller détruire au plus vite le terrier Krytchr récemment découvert dans les forêts du Nord de l'Empire. Des petits groupes de rôdeurs s'étaient déjà rendus sur les lieux pour tuer quelques ouvrières, peu dangereuses et facile à piéger, afin de toucher une petite récompense sans trop de risque. Nos héros eux, n'étaient pas intéressés par ces combines peu efficaces pour lutter réellement contre la croissance de la colonie. Allant droit au but, ils entrèrent dans le nid farouchement gardé par les féroces sentinelles Krytchrs, des guerrières immense, à la carapace impénétrable et aux pattes acérées. Ils exterminèrent les parasites avec méthode et sans fléchir, avançant peu à peu dans la tanière obscure.

Alors que la première vague de défense fut anéantie, nos guerriers pensèrent pouvoir profiter d'un instant de répit pour reprendre leur souffle avant d'attaquer la cible de leur opération elle-même : la féroce Reine, qui serait assurément escortée par de nombreuses guerrières. Cependant, sortant de sa cachette, une horde de Krytchrs tapies en embuscade profita de ce moment d'innatention pour foncer sur deux membres vulnérables du groupe. Les malheureux furent massacrés et leurs corps rappatriés pour être réanimés par les prêtres d'Asteras. Les trois compagnons restant, cédant un instant à l'incertitude, tentèrent de s'enfuir de la caverne, mais la route leur fut soudain barrée par une terrible guerrière, qui acheva un mage déjà blessé.

Il ne restait lors plus que deux de nos cinq héros : Novy, une fière guerrière irréductible et prête à en découdre autant qu'il faudrait avec les insectes, et Yvon, une puissant magicienne dont les réserves de magies semblaient infinies. Décidant de faire face à leur destin, les deux camarades stoppèrent leur fuite et firent front, écrasant la Krytchr qui avait tué leur ami, et se préparant pour l'assaut final. La bataille semblait desespérée, mais l'arrivée opportune de plusieurs combattants haut-elfes qui passaient par hasard fit pencher la balance. Les quelques Krytchrs restantes furent balayées rapidement, mais du fond de l'antre, un grondement sinistre rententit et une forme énorme et noir se découpa dans la pénombre.

La Reine Krytchr, haute de plusieurs mètres et à l'abdommen de la taille d'une petite maison, s'avança lentement vers les intrus qui avaient massacré sa progéniture. Novy attira immédiatement l'attention du monstre en s'avançant et en frappant la bête aux pattes. Celle-ci déchaîna sa fureur sur la fière championne, qui esquiva avec aisance les coups destructeurs du monstre. Pendant ce temps, une avalanche de sorts de et de coups tranchants s'abbatait sur l'insecte. Yvon, par une attaque de magie particuliérement puissante, mit un terme au combat, tuant la bête d'une attaque concentrée qui lui fit éclater la boite cranienne. Les autres combattant se relachèrent alors et, s'asseyant par terre, commencèrent à se reposer de cet éprouvant combat. Nos deux amis, eux, bien que fatigués par l'effort, entreprirent de fouiller la carcasse du monstre. Ils y trouvèrent un butin hétéroclyte, trace des festins du monstre, qu'ils partagèrent généreusement avec les inconnus qui les avaient aidés, n'oubliant pas de garder une part pour leurs trois camarades tombés.

Encore une fois, cette modeste compagnie de cinq héros seulement a fait parler d'elle. Ces exploits sont un exemple pour nous tous, et alimenterons nos chansons pendant de nombreux siècles encore !

Histoire racontée par un ménestrel à la cour d'Asteras et qui fit de grands émules dans tous l'Empire
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#5
Quoi, mon oeil brille ? Comment, mon regard s'illumine ? D'une façon que vous connaissez bien ?! Fichtre, mon effet est gâché ! Je suis en effet émue, et mon coeur palpite, car je m'apprête, vous l'avez deviné bien sûr, à vous chanter un nouvel exploit de ces aventuriers intrépides qui se font appeler les Disciples de Belindel. Encore une fois, ils nous montrent que malgré le danger sinistre qui plane sur notre monde, la force et le courage triomphent toujours dans l'adversité. Notre poème prend place dans l'antichambre du repaire d'un mage nécromancien, où une terrible créature monte la garde... mais je ne vous gâte pas le suspense plus que ça :

Près d'un village en ruines, au milieu d'une plaine
Dans une antre obscure, notre enquête nous mène.
C'est ici, paraît-il, qu'est caché l'ennemi
Qui ravive ces craintes qu'on pensait évanouies.
Un mage diabolique exilé par les siens
S'essaie à une magie qui ne respecte rien.
Il tente d'invoquer des démons sans pitié
Et par des sortilèges à ses ordr's les plier ;
D'utiliser ces monstres à des desseins obscurs,
Il faut donc l'empêcher : voilà une chose de sûre !

L'empereur ordonn' donc et on lui obéit
Et maints aventuriers, à leur chef se rallient
Tous se dirigent, qu'ils soient mages ou guerriers
Vers la sinistre grotte où le mage est terré.
Après quelques pas dans l'obscurité croissante
Les éclaireurs rencontrent une gueule béante !
Un horrible animal, mi-lion et mi-scorpion
Émet un rugissement digne d'une explosion.
La débandade menace et la peur grandit
Dans les rangs effrayés vite on se ressaisit
Pas question de fuir : il faut combattre la bête
Car tous sont décidés à accomplir la quête.
Les guerriers frappent et les mages accablent la chose
De puissants sortilèges sans lui laisser de pause,
Mais l'effort semble vain : la bête est vigoureuse
Son cuir de lion et sa carapace écailleuse
Ni les coups ni les sorts ne semblent l'entamer,
Tandis que ses crocs ouvrent de béantes plaies
Faisant fi des armures, impossibles à parer.
La bataille pour beaucoup semblait désespérée
Lorsque d'un pas tranquille deux légendes arrivèrent
Novy et Yvon, geste brave, regard fier,
À la troupe en déroute vinrent porter leur secours.
Novy se rue sur la bêt' - hardie comme toujours,
Yvon prépare un sort, qu'elle envoie dans la tête
Et pour la premièr' fois fait vaciller la bête.
Sans doute apeuré par ce mana trop puissant,
Le monstre essaie de fuir... on l'achève facilement.

Une fois encore, nos héroïnes montrent
Qu'on est plus à l'abri avec elles que contre ;
Et l'on fête leur exploit ! Novy dit pourtant :
"Coupez court à cela, le devoir nous attend".


Excusez mes larmes, cependant je ne peux les retenir en pensant à ces deux héroïnes, qui, même en l'absence de leurs compagnions, accomplissent des exploits tonitruants. Qui, là où tout le monde échoue, réusissent avec une facilité déconcertante. Et surtout, qui savent rester humbles malgré tout, ne pas se laisser emporter par la liesse qui les entoure et restent concentrées sur leur devoir même en pleine gloire.
Nulle doute que cette compagnie va encore continuer longtemps à nous alimenter en chansons héroïques que nous pourrons chanter avec fierté partout dans l'Empire.

Ménestrelle connue pour la véracité de ses récits et le timbre envoûtant de sa voix, lors d'une veillée à la taverne de Tilador Erdana.
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