Les Loups des Neiges
#1
Chapitre Premier : Chasseur Chassé et Chassé Chasseur.

Chaîne des Relincanth, par une nuit de pleine lune.

Après une longue journée de marche, les pieds enfoncés dans la neige jusqu'au torse, des blocs de glace accrochés aux bottes et un vent glacial qui brûle les yeux sans pitié du matin au soir, Komodo préparait le bivouac avec ses fidèles compagnons de route : Hagnûr Krajnisson, Barnek Mornepierre et Parnel. Ils avaient construit un petit abri de fortune avec des blocs de neige consolidés. Rien de très luxueux mais l'air y était moins frais et ils étaient à l'abri du vent.

Après une longue et pénible journée à avancer dans la neige, à glisser sur des bords gelés de l'Erion, à pester contre les arbres qui se délestaient de leur couverture de neige seulement quand l'un d'eux était en dessous, et à discuter gaiement des projets de leur nouvelle confrérie, les compagnons allumèrent enfin un petit feu avec les branches mortes qu'ils avaient glanées par-ci par là tout au long de la journée. Chacun s'était creusé un confortable fauteuil dans la neige, l'avait recouvert d'une épaisse fourrure avant de s'écrouler dessus et s'enrouler dedans dans un élan de bien-être.

Barnek avait allumé le feu, Komodo y faisait cuire quelques morceaux de viande. Parnel dessinait sur sa carte comme à son habitude. Il aimait y reporter chaque ruisseau, chaque colline, chaque caverne et chaque taverne. Il était toujours de bon conseil pour trouver un lieu de repos. Pendant ce temps Hagnûr tournait ses phrases dans un sens et dans l'autre, cherchant le meilleur moyen d'introduire tel ou tel sujet lors de ses prochaines audiences avec tel ou tel personne bien placée de Karad Zirkomen. Bref, il cherchait ses mots pour d'hypothétiques discutions d'importance, si elle ont un jour lieu, capitale.

"Quel était ce bruit ? ", demanda Komodo.
"Mes borborygmes ! c'est qu'il se fait faim. Et rajoutes un peu de viande sur le feu, tu cherches encore à nous affamer ?" répondit Barnek.

Komodo confia la cuisson à Barnek et rampa hors de l'abri avec deux torches, persuadé que ce qu'il avait entendu n'était pas les bruits des ventres de ses compagnons. Il dû s'éloigner un peu pour ne plus entendre leurs boutades. Il entendit un hurlement au loin. Probablement l'un des innombrables loups des neiges qui peuplent nos montagnes...

"Et ramène nous une tournée ! Et que ça chauffe ! N'oublie pas le dessert surtout ! Une petite glace ? "

Soudain il entendit un bruit à sa gauche. Le crissement caractéristique d'un déplacement dans la neige, un peu plus loin. Plus rien pendant un instant puis un autre bruit à sa droite, un gémissement, et un grognement derrière lui. Il était encerclé. A peine Komodo eut-il le temps de penser à se retourner, qu'il se retrouva le nez dans la neige et la neige dans la bouche. Dans son dos quelque chose tirait avec vigueur sur son meilleur gigot, qui était accroché en bandoulière. Komodo saisit ses torches d'une main et se retourna non sa peine, brandissant ses torches vers la tête du loup des neige qui le regardait, le gigot dans la bouche, les babines retroussées.

"Mais bordel de fourrure mal éduquée tu vas lâcher mon gigot tout de suite ou je t'en colle une !!! Tu sais pas comment c'est de passer une journée avec les autres qui râlent parce qu'ils ont faim toi. Rend moi ça tout de suite ! Tu sais de quels poils je me chauffe ? Des comme toi j'en ai dépecé des dizaines alors c'est pas tes dents bien blanches et bien pointues qui vont me faire peur ! "

Le loup, acculé ou peut-être étonné par tant de vociférations, lâcha le gigot pour mieux grogner en se préparant à mordre. Ne perdant pas un instant, Komodo lui enfonça une torche dans la bouche jusqu'à la garde. Le loup fît demi-tour d'un bond et parti en courant vers le campement...

"Mais si c'est pas malheureux ça ! Je viens de perdre mon meilleur gigot et une torche toute neuve ! Bah vas pas par là bon sang ! Mais t'es fou ! Il y a Parnel ! Il va te découper en deux et ta fourrure sera inutilisable ! Je t'aurai prévenu ! "

Komodo entendit d'autres hurlements et vit des lueurs se rapprocher dans la nuit. Les yeux des loups, éclairés par la torche, projetaient des reflets verts... Ses compagnons bien installés dans leurs fauteuils tardaient à venir.

"Les amis il va falloir se bouger car j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous ! La bonne c'est qu'on risque plus d'avoir froid, la mauvaise c'est que c'est une meute de loup affamés qui va nous réchauffer."

C'est ainsi que Komodo et ses compagnons affrontèrent une meute de loups des neiges pendant que la viande qu'ils avaient patiemment fait cuire disparaissait mystérieusement, probablement dévorée par un loup un peu moins valeureux que les autres...
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#2
Chapitre Deux : Les fourrures volantes.

Après leur chasse au loup, Barnek, Hagnûr et Parnel dépeçaient des loups. Komodo avait déjà fini le sien et découpait une carcasse en morceaux pour faire un peu de viande, au cas où. Komodo avait un peu éparpillé ses affaires pendant la bataille. Il lui fallait tout regrouper avant que la neige ne les fasse disparaitre. Il chercha la fin de son gigot, sa hache, la viande de loup et la fourrure qu'il venait de préparer.

Il rapportait le tout au campement, près du feu qui s'éteignait quand il aperçu, béatement, un morceau de fourrure s'éloigner tout seul. Interloqué il courut après et se jeta dans la neige pour l'attraper quand une vive douleur lui envahit la main.

"C'est quoi ça ? Un Hamster Grüss ? Bordel de fourrure de %£#* tu vas me lâcher oui ?"

Il leva sa main et découvrit un louveteau en âge d'être sevré accroché à son doigt. Ses frères et soeurs sautèrent sur ses bottes. Ils étaient en train de les mâchouiller quand Komodo les envoya valser un peu plus loin. Il regarda celui qui était accroché à son doigt.

"Mais qu'est-ce qu'il fout là celui-là ? Il devrait être avec sa mère... A moins que... Non, je vois... alors il devrait être avec son père... Sa tante ? Sa belle-mère ? Sauf que... vu qu'on a décimé toute la meute... A part mon doigt il n'a plus rien à manger... Un peu comme moi quoi ! "

Komodo regarda le louveteau droit dans les yeux et lui dit :

"Toi tu cesses de me manger tout de suite sinon c'est moi qui vais te manger. Est-ce que c'est toi qui a mangé nos grillades ? "

Bien évidemment le louveteau ne répondit pas. Komodo décrocha délicatement le louveteau de son doigt, en sang. Un peu plus loin ses compagnons s'étaient à nouveau emmitouflé dans leurs fourrures et Hagnûr venait de faire un discours dont Komodo, distrait par les louveteaux, n'avait saisi que les grandes lignes. Bref il était temps de se coucher. Le lendemain ils se lèveraient tôt.

Ne sachant que faire des boules de poils qui piaillaient en mordillant à nouveau ses bottes, n'ayant ni le courage de les laisser mourir de faim ni de les achever, Komodo les mit délicatement au chaud dans une fourrure, en attendant d'avoir le temps d'y réfléchir. En rentrant au campement, il les déposa au chaud dans son sac avec le restant de gigot. Il but gorgée d'alcool bien fort, en versa une autre sur la morsure de son doigt, s'installa confortablement pour la nuit en disant :

"Hagnûr ! Tu devineras jamais ce que j'ai dans mon sac !"

Hagnûr regarda Komodo d'un air circonspect lorsque celui-ci voulu, l'air tout guilleret, lui faire deviner sa trouvaille. Les grognements des louveteaux pouvaient difficilement tromper.

"Par la barbe de Thuri, qu'est ce qu'tu nous fous avec ça! T'crois pas qu'on a rien d'mieux à faire que d's'occuper d'louveteaux stupides? Relâche les tout de suite!"

Mais devant l'air attendrit de Komodo qui regardait ses boules de poil, Krajnisson décida de se montrer plus compréhensif envers son ami.

"Bon, d'accord, tu gardes tes bestioles! Mais dès qu'on est à Karad, tu trouves un endroit ou les parquer vite fait, j'veux pas d'ça chez les Grunderson. Et quand tu t'en occuperas, que c'la ne te prenne pas d'temps par rapport à nos projets."
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#3
Chapitre Trois : Comment se balader tranquillement, ou presque, dans Karad, avec des prédateurs dans son sac à dos.

Les premiers jours de cohabitation entre les louveteaux et Komodo se passèrent plutôt bien. Toutefois l'entente entre le gigot et les louveteaux fût unilatérale, le gigot se sentant rapidement diminué. Pour limiter les morsures, Komodo protégeait ses mains avec une épaisse couche de fourrures, et s'arrangeait pour que les louveteaux n'aient jamais faim.

Pour ne pas les laisser en permanence dans son sac, Komodo avait trouvé un morceau de corde pour les accrocher mais une chaîne serait rapidement nécessaire : de temps en temps ils arrivaient à couper la corde avec leurs dents en s'acharnant bien. Komodo avait trouvé une solution palliative en accrochant 3 cordes sur chaque louveteau. Il s'arrangeait aussi pour faire trainer les louveteaux le plus souvent possible dans les pattes de Barnek et Hagnûr. Il voyait bien le chef et les deux lieutenants de la Confrérie du Roc, siéger chacun avec un loup à leurs pieds. Une créature bien adaptée à notre climat.

En arrivant aux portes de Karad Zirkomen, une grande hésitation envahit Komodo :

" Comment faire pour me promener dans la ville sans m'attirer d'ennui ? Elles font un rafus pas possible ces boules de poils ! Et je dois aller à la corporation Grunderson, je veux pas nous griller ... Je ne vois qu'une solution ; les pétrifier ! C'est risqué à cet âge, mais j'ai pas le choix ? "

Et Komodo pétrifia les loups, avant d'entrer incognito dans Karad, son sac à dos bourré de prédateurs

" Rien à déclarer, dit-il en entrant dans Karad, avec un grand sourire, et plein de fourrures. "

Une fois à Karad, Komodo eu le loisir de régler quelques affaires. Grâce à son idée de pétrifier les louveteaux, tout se passait bien... tout se passait trop bien ... Jusqu'au moment où arriva l'heure du repas des louveteaux. Komodo se mit dans un coin tranquille et déposa son sac à terre pour les nourrir au calme, emmitouflés dans leurs fourrures. Ils étaient encore tout engourdis. Il dissipa leur sort de pétrification et marmonna :

" Allez les fourrures poilues, dégourdissez vous pour le repas. On se dépêche !"

Au bout de quelques minutes, un louveteau commença à remuer, se redressa, tenta de faire 3 pas avant de tomber, Komodo le réchauffa en le frottant énergiquement, mais délicatement. Lorsque les perles de sueur de son front se mirent à se transformer en stalactites le long de la barbe du nain, le louveteau regarda fixement la barbe de Komodo avant de la mordre. Komodo dû prendre sur lui pour ne pas envoyer le louveteau valser jusque chez les elfes. La barbe, c'est sacré.

Il regarda les autres louveteaux ... puis soupira. Leur état ne lui inspirait guère confiance. Une fois le plus téméraire replacé au chaud dans son sac, il se dirigea vers le temple de Thuri, avec les deux autres, bien au chaud, dans ses bras. Amusés, mais inquiets, les prêtres de Thuri tentèrent de les sauver. Mais hélas, trois fois hélas, la Magie de Thuri fonctionne moins bien sur les louveteaux que sur les nains. Après un moment, ils se retournèrent vers Komodo, le regard triste. Il n'y avait plus rien à faire ... Le lendemain Komodo quittait Karad.
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#4
Chapitre Quatre : Se faire la malle, ou se faire mal.

En sortant de Karad, Komodo libéra son louveteau pour qu'il se dégourdisse les membres. Il avait un peu de chemin à parcourir et voulait profiter de ce voyage pour domestiquer un minimum son louveteau. Le louveteau passait ses journées à gambader aux cotés de Komodo et ses nuits emmitouflé dans des fourrures au fond du sac de Komodo. Komodo utilisait les repas pour apprendre des ordres simples au louveteau et l'obliger à se laisser manipuler.

À la nuit tombée, alors que Komodo affrontait la dure et glaciale morsure du froid et tentait vainement de s'endormir, il entendit des mouvement dans son sac. Après maintes efforts, le louveteau parvenait à se libérer et à tomber dans la neige, qui amortit sa chute. Komodo n'eut pas le temps de réagir que le louveteau fraichement libéré se releva maladroitement et commença à s'enfuir d'un pas mal assuré et incertain. La nuit était sans Lune et on n'y voyait pas à deux mètres. Le vent soufflait fort et la neige tombait drue. Bientôt Komodo perdit la trace du louveteau et reporta sa recherche au lendemain.

Au petit matin, il se dirigea vers le nord, car il y avait entendu les hurlements de loups toute la nuit durant. Après une courte marche, Komodo arriva au milieu d'un combat où des nains affrontaient des loups des neiges adultes. Entre les grognements des nains et les vociférations des loups, Komodo entendit un gémissement qu'il reconnût : Son louveteau ! Perdu seul au milieu de cette mêlé ! Komodo eût un grand coup de stress en le voyant si vulnérable, mais bien content de le revoir en vie, malgré cette longue nuit où il était resté égaré et seul dans le froid.

Les loups adultes luttaient pour survivre aux coups de hache et aux carreaux d'arbalète qui pleuvaient sur eux. Il attaquaient vaillamment les nains et mordaient sans hésiter les bras qui passaient à portée de canine. Ils esquivaient comme ils pouvaient la tempête de haches qui s'abattait sur eux. La petite boule de poil remuait au sol ne sachant où aller, quand un guerrier nain le prit pour cible, lui, pauvre louveteau inoffensif et sans défense. Pour s'en sortir, le louveteau ne pouvait que profiter de sa grande agilité, ou gémir pour attendrir son agresseur. Le louveteau évitait sans trop de difficulté les assauts du nain, lorsque Komodo arriva dans la mêlée.

Il interpella le nain :

" Fraan maître nain, je te vois attaquer un vulnérable louveteau orphelin, alors que tes compagnons et toi même risquez de vous faire dépecer par de puissants loups des neiges bien matures ? J'avoue qu'ainsi placé il n'a pas l'air si Orphelin. Mais peux-tu épargner ce louveteau, que je cherche à domestiquer depuis quelques semaines, et nous vaincrons ensemble les adultes, nos véritables ennemis ? Le restant de corde accroché autour de son cou te prouve que je n'affabule point. Ce louveteau n'est une menace pour personne ! "

C'est alors que Lograr se saisit de la maudite corde du Korrigan et poursuivit le pauvre louveteau en hurlant :

" Reviens ici ! petite chiure écervelée ! si tu ne reviens pas ... c'est Gralor qui t'attrapera ! "

Le jeune loup regarda Lograr apeuré, qui en profita pour lui lancer la corde autour du cou.

" Je le tiens !!! "

Lograr apporta le louveteau à Komodo qui l'enfourna dans son sac, une chaîne fermement attachée autour du cou.

Les nains reprirent le combat et bientôt célébrèrent tous ensemble leur victoire, en vidant un tonneau de bière bien fraîche, avant de repartir sur les chemins gelés.
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