Souvenirs de campagne
#1
La maison de Hagnûr Krajnisson était, comme à l'accoutumée, dans un désordre sans nom. Il était dit que les Nains étaient particulièrement doués concernant l'organisation, mais quiconque rentrait dans cette bâtisse oubliait bien vite cet adage.

Le maître des Runes passa plusieurs heures à tenter de retrouver un vieux grimoire séculaire qu'il avait acheté un an auparavant et qui contenait de précieuses informations sur la géographie du Royaume. Une géographie que Krajnisson se voyait contraint de maîtriser à la perfection afin de pouvoir gérer efficacement son tout nouveau rôle de maître de la Confrérie du Roc. Il ne trouva pas le vénérable tome. En revanche, un petit ouvrage attira son attention.

Hagnûr s'en approcha, l'extirpa de la pile de parchemin qui le couvrait à moitié, et regarda le titre écrit sur la première page: Un journal de campagne. Une vague de nostalgie s'empara alors du Nain. Ce livre, c'était le journal que lui-même avait écrit alors qu'il servait dans l'armée, entre les années 70 et 71! Des souvenirs parmi les plus beaux et les plus marquants de sa vie étaient gravés sur ces pages. Oubliant la Confrérie, la géographie et tout le reste, il commença à feuilleter le livre pour relire les moments les plus marquants de son engagement militaire.



Citation :Année 71; 4ème jour du Mois des Morts
Aujourd'hui, moi, Hagnûr Krajnisson, de la branche cadette de la Maison Pied-de-Feu, commence la rédaction de ces pages. Conformément à la tradition familiale, j'ai signé il y a maintenant deux mois afin de servir un an dans notre glorieuse armée Khazad. J'ai du pour cela marquer une pause dans mes études de magie runique, mais la tradition passe avant les considérations personnelles.

En ce quatrième jour du Mois des Morts, j'ai enfin été convoqué au centre militaire de Karad Zirkomen, afin d'y suivre une formation de base nécessaire avant de partir sillonner le Royaume avec nos troupes. Malheureusement, Gordak, mon ami de l'école de magie, a été affecté à un autre régiment. Tant que nous sommes à la caserne nous pourrons nous voir facilement, mais nous savons tout deux que nos routes se sépareront dès que nous quitterons Karad.

J'ai été affecté à un groupe de vingt nouvelles recrues. La plupart m'ont tout l'air de brutes sans cervelles, cherchant dans l'armée un endroit où évacuer leur bestialité. Les autres ont toutefois l'air beaucoup plus sympathiques, et on rejoint l'armée pour des motifs proche des miens, à savoir le Devoir et la fierté de défendre notre bannière.



13ème jour du Mois des Morts
L'entraînement est toujours aussi intensif. Je bénis mes parents de m'avoir associé à leur travail dans les mines dès mon plus jeune âge, avant que je ne découvre mon affinité pour les Runes et ne me rende à l'école de magie de Karad Zirkomen. Le minage m'a laissé des bras solides, et cela est plus qu'appréciable en ce moment précis. Je tiens bien le rythme, mais si je dois faire un effort dont je ne me serais pas cru capable.

Notre entraîneur semble doué pour cerner ses recrues. Aujourd'hui, même pas deux semaines après le début de l'entraînement, il nous a parlé à chacun en privé pour donner son avis sur nos capacités. A moi, il a dit que je réfléchissais trop et que cela risquait de m'être préjudiciable lors d'un combat. Cependant, voyant ma motivation et mes capacités, il a décrété que cela s'arrangerait avec le temps, et il m'a dit avoir foi dans mes capacités une foi le baptême du feu passé. Il veut que je me mette au maniement du marteau, une arme qui, dit-il, me conviendrait à merveille. J'en doute fort.

Je reste encore très réservé avec mes compagnons de la caserne. Trop, sans doute. Ce monde m'est totalement étranger, et j'ai du mal à m'intégrer tout à fait. Je pense que les liens se resserreront de toute manière bien vite une fois que nous serons partis pour de bon. En attendant, les soldats expérimentés ne manquent pas une occasion de nous en faire baver, mais dans un bon esprit. J'ai hâte d'être en mesure de leur rendre la pareille!



27ème jour du Mois des Morts
J'en ai assez du marteau! Je n'avais jamais imaginé qu'une arme puisse être si peu maniable! Oh, bien sur, un coup bien placé est destructeur... Mais comment bien placer ne serait-ce qu'un seul coup? J'ai besoin de toutes mes forces pour soulever l'arme, puis pour bien viser, mais le temps que je la brandisse mon adversaire a le temps de me contourner et de me frapper plusieurs fois! Je perds patience, mais mon entraîneur me dit de persévérer, que j'avais entre les mains l'une des armes les plus difficiles à maîtriser mais que je ne le regretterais jamais lorsque j'y parviendrais. Je commence plutôt à croire qu'il veut me ridiculiser!

J'ai bien discuté avec Kogran aujourd'hui. Toujours réservé, ce Nain ne discute pas beaucoup, bien qu'il soit arrivé à la caserne en même temps que moi. Nous avons beaucoup de choses en commun: lui rêve d'apprendre les Runes mais sa famille, qui ne compte que des forgerons depuis des générations, a toujours refusé qu'il rentre à l'école de magie. Il a été envoyé dans l'armée pour lui faire passer cette idée de devenir maître des runes. Mauvais calcul de la part de ses parents: je lui ai promis de l'initier à la magie runique. En revanche, je ne croise plus du tout Gordak. Serait-il déjà parti de Karad? Notre départ à nous nous a été annoncé: ce sera le 21 du Mois des Pluies. Nous irons faire nos preuves en renforçant une garnison de Nain assiégée depuis quelques temps par une horde de gobelins.
Hagnûr arrêta là sa lecture. Une larme coulait le long de sa joue. Tout cela lui paraissait si lointain! Refermant son livre, il repartit en quête du grimoire de géographie en se promettant de poursuivre plus tard. Il avait hâte de relire le récit de ses premières batailles!
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