Les plus lointains souvenirs...
#1
Partie I : Un retour sans encombre?

Filhamel Dynamdhil Vertefeuille, soldat de la garde royale prend le chemin de retour pour rejoindre sa demeure d'Asteras. C'était un elfe d'un certain âge qui avait su se faire respecter par des décennies de loyaux services. Filhamel était de taille moyenne et doté d'une carrure impressionnante, ses cheveux d'un noir ébène arrivaient à ses solides épaules. Il perdit sa femme quarante ans auparavant, la maladie l'avait emporté. Depuis la vie de Filhamel était morose et régit par une monotone routine, son seul regret fut de n'avoir jamais eut d'enfant du fait de la maladie de sa défunte épouse.

Sur le retour il traversa la forêt d'Alda, toutes ces années de service au sein de la garde royale faisaient qu'il était constamment attentif aux bruits et aux personnes qui l'entouraient. Filhamel était d'un naturel solitaire depuis la mort de sa femme bien aimée. Tout d'un coup il entendit des gémissements sortir des buissons, il s'arrêta net et dégaina sa dague lacé autour de sa cheville. Tout ses sens étaient aux aguets, il se concentra afin de calmer sa respiration haletante et se rapprocha doucement des buissons d'où s'échappaient ces étranges gémissements mêlés à d'autres étranges bruits.

Filhamel écarta doucement les feuilles afin d'apercevoir ce qui s'y trouvait. Il trouva un hideux gobelin s'approchant de deux petits êtres, il tenait entre ses longs doigts le pied d'un jeune enfant inerte, prostré contre un arbre un autre enfant sanglotait. Filhamel s'élança sur le gobelin et finit par enfoncer sa dague en plein dans l'œil de la créature qui s'enfuit en laissant tombé l'enfant qu'il tenait auparavant. L'enfant tomba sans vie sur le sol de la forêt, ses yeux ouverts n'avaient plus aucune lueur de vie, ni d'espoir. Filhamel sentit son cœur se déchirer, depuis plus de quarante ans il n'avait senti pareil douleur, depuis que sa femme s'était éteinte.

Il entendit soudain des sanglots étouffés et sentit une main s'agripper à sa cheville, il fût tellement surpris qu'il recula toujours armé de sa dague, mais il reconnut la petite fille sanglotant prés de l'arbre. Elle ressemblait trait pour trait à l'enfant sans vie, excepté de longs cheveux bleutés, il comprit que son frère perdit la vie en la protégeant du gobelin. De longs filets de larmes glissaient le long de ses petites joues roses. Filhamel s'accroupit près de l'enfant, il hésita un instant tout en la dévisageant, puis il s'exprima :
-Tout ira bien maintenant, je ne te laisserai pas seule ici, dit-il d'une voix chaleureuse et douce.
La petite se tenait encore à la cheville de l'elfe, les larmes coulaient toujours sur ce doux visage enfantin. Filhamel reprit de sa voix grave et chaude :
-Ton frère n'est plus, il s'est vaillamment battu sans doute dans le but de te protéger..

La petite recommença à sangloter de plus belle et Filhamel se sentit coupable d'avoir ainsi sorti cette phrase, il se ressaisit et semblait maintenant mal à l'aise.

-Ne pleures pas je suis là, je te le redis je ne te laisserai pas seule. Calmes toi maintenant. Son ton se voulait calme et rassurant.
-Que fais-tu ici ? Où sont tes parents ?
La petite elfe aux cheveux bleus leva ses yeux d'un vert émeraude vers lui mais aucun mot ne sortit de sa bouche excepté :
-Morts... Morts, comme Aradan..
Elle se releva et alla vers le corps de son frère qu'elle embrassa. Elle s'éloigna de quelques pas et cueilla une magnifique rose, tout en pleurant elle déposa la fleur sur le ventre de son frère.
-Je vais t'aider à lui offrir une sépulture décente, Fryelund l'accueillera et prendra soin de lui au-delà de la mort.

Filhamel creusa un large trou et y déposa le corps du jeune elfe qu'il recouvra de terre. La petite elfe déposa un bouquet de bruyère, puis se dirigea vers Filhamel les yeux remplis de larmes avant de lui prendre la main.
L'elfe robuste compris que la petite ne dirait pas un mot. Il tenait cette petite main fragile et se promit de ne jamais la lâcher.

-Je t'appellerai Eiwaz dorénavant, ce prénom te convient-il ?

La petite adressa un sourire à l'homme en guise d'acquiescement. Main dans la main ils prirent la direction d'Asteras.
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#2
Partie 2 : Une nouvelle vie

Cela faisait maintenant six mois que Filhamel et Eiwaz étaient rentrés à Asteras. Filhamel fit de lourds efforts car avoir un jeune enfant à sa charge était nouveau pour lui. La petite elfe commençait tout juste à reparler. A leur retour d'Asteras elle semblait tout comprendre mais ne disait jamais un mot elle se contentait d'acquiescer ou de faire une drôle de grimace lorsqu'elle désapprouvait.

Filhamel devint un père pour elle, il l'aimait et la chérissait comme sa propre fille. Sa vie prit un tout autre sens le jour où il la découvra dans la forêt d'Alda. Eiwaz apaisait son chagrin, égayait sa vie, il avait un nouveau but maintenant.

Un soir de décembre alors que Filhamel lui contait des histoires fantastiques, elle le regarda posa sa petite main sur le visage de l'elfe à l'allure imposante et dit d'une douce petite voix :

- Tant que nous serons ensemble tout ira bien, je veillerai sur toi comme tu as veillé sur moi.

Filhamel était bouche-bée, pourquoi avait-elle gardé le silence si longtemps ? Etait-ce grâce à lui si elle parlait ainsi ? Des tas de questions se bousculaient en son esprit. Cependant il se contenta de sourire. Eiwaz lui parlerai le moment venu, lorsqu'elle sera prête, il en était sur.


Eiwaz grandit, elle reçut de bons enseignements et des valeurs de la part de ce père adoptif. Il entraina Eiwaz au combat afin qu'elle puisse se défendre et défendre le royaume de son peuple, celui pour lequel il s'était battu toute sa vie. Filhamel ne partageait pas toujours les décisions de son peuple mais son éducation militaire faisait de lui un loyal sujet du roi et ne discutait aucun ordre. Il apprit cet état d'esprit à Eiwaz qui ne contredisait aucune décision mais choisissait seulement d'y prendre part ou non. Elle s'était rapidement montrée douée pour l'arc et appréciait le manier, elle était agile et très réactive, elle savait être discrète et prenait souvent son père par surprise le mettant en fâcheuse posture lors des entraînements.

Cela rappelait à Filhamel des tendres souvenirs, lorsqu'elle était encore une enfant Eiwaz se cachait partout dans la maison dans l'espoir de surprendre son père, Filhamel, qui remarquait une forme derrière les rideaux, ou des petits pieds dépasser de sous une table, faisait mine de rien et continuait son chemin jusqu'à ce que la petite se jette sur lui. Elle disait à son père :

- Un jour je serai aussi forte que toi !


Eiwaz devenait une jeune elfe gracieuse et dotée d'un charme mystérieux. Ses longs cheveux gardaient cette étrange couleur bleuté, ses yeux étaient perçants mais on y lisait un regard doux, apaisant. Cependant elle ne s'était jamais vraiment sentie à l'aise en présence de ses compagnons, elle se savait différente et la plupart le ressentait également. Elle se voulait forte, depuis qu'elle était partie de la forêt d'Alda avec le soldat elle n'avait plus jamais versé une seule larme malgré un regard souvent rempli de souffrance.
Filhamel s'inquiétait de cette solitude, sa fille pouvait se montrer très froide, distante envers les autres, elle contenait sans cesse ses émotions. Eiwaz se voulait toujours souriante, ce qui contrastait régulièrement avec les propos qu'elle tenait envers certains elfes. La jeune fille s'absentait souvent de la maison pendant plusieurs jours sans donner de nouvelles mais Filhamel savait. Oui, il savait qu'elle partait pour la forêt d'Alda se recueillir sur la tombe de son frère. Cependant elle refusait la présence de Filhamel lorsqu'elle s'y rendait, ce dernier ne sachant pas les raisons, se pliait à la vonlonté de la jeune fille.

Cela faisait maintenant plusieurs années que Filhamel s'occupait d'Eiwaz, une nuit d'été elle demanda timidement :

- Père ? Pourquoi m'as-tu nommé Eiwaz ?
- C'est une longue histoire tu sais, nous pourrions y passer toute une nuit
, dit-il gentiment.
- Je t'en prie, raconte moi, répondit-elle avec enthousiasme.
- Et bien, ma défunte femme s'intéressait à la magie des runes, elle trouvait cela fascinant. Elle passait des heures et des heures à lire des ouvrages et surtout a en rechercher de la science naine. Filhamel souriait à l'annonce de ce doux souvenir, mais il se reprit vite. Bientôt elle se fascina pour une rune en particulier. La treizième rune, la « treize de malchance ».
- Mais… Quel est le rapport avec mon prénom ?
demanda-t-elle avec un air d'incompréhension.
- La treizième rune se nomme « Eihwaz » . Eihwaz symbolise le bois d'if, l'arbre sacré. La treizième rune symbolise également les bouleversements, les renversements et les remises en question ; elle symbolise la mort profonde mais aussi les liens entre le monde d'en haut et le monde d'en bas.


La jeune elfe souriait, elle avait toujours pensé que son prénom était quelque chose d'anodin, mais maintenant elle savait que son prénom avait un sens tout particulier, surtout pour son père et cette idée la rendit heureuse. Mais cela annonçait aussi une décision pour elle. Elle s'agenouilla près de Filhamel et annonça d'un air grave :

- Je ne me souviens plus exactement de ce qui s'est passé, j'étais bien trop jeune et ma mémoire semble avoir banni des éléments de cette nuit-là. Cependant il est temps que je te raconte ce dont je me souviens.
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#3
Partie 3 : Les révélations d'un passé

C'était une chaude nuit d'été, de légers courants d'air chaud s'engouffraient dans la pièce principale par les fenêtres entrouvertes. Comme à son habitude Filhamel se trouvait sur un large fauteuil de cuir près de la bibliothèque, Eiwaz était assise sur le tapis un livre étalé devant elle. Filhamel la regardait lorsqu'elle prononça :

- Je ne me souviens plus exactement de ce qui s'est passé, j'étais bien trop jeune et ma mémoire semble avoir banni des éléments de cette nuit-là. Cependant il est temps que je te raconte ce dont je me souviens.

A ce moment l'on entendit le vent traverser la pièce, il fit trembler la flamme des bougies allumées.

- Je vivais près de la forêt d'Alda, notre village était très loin de toutes autres civilisations et jamais un étranger ne s'y présentait. Ma famille et moi vivions dans une petite chaumière à l'orée des bois. Cette année là, l'hiver était rude et beaucoup désertèrent le village pour rejoindre les villes. Une nuit mon frère m'a sorti du lit et m'a entrainé dans la forêt, il y avait de la lumière comme en plein jour et la chaleur brulait mon visage et mes pieds nus. Adaran m'emmena dans un arbre et je m'y endormi. Au petit jour nous avons pris la direction de la maison. On sentait dans la voix de la jeune elfe des trémolos qui trahissait l'angoisse de ces souvenirs.
Il n'y avait plus rien excepté un tas de cendre et des personnes étendus à même le sol. Adaran pleurait et hurlait « Papa ! Maman ! » J'étais terrifiée et ce jusqu'à ce qu'il revienne vers moi. Il me prit la main et m'emmena dans la forêt. Nous partions rejoindre un village voisin, mais le chemin semblait si long et si difficile. Je ne me souviens pas de mon prénom.. Adaran et mes parents utilisaient toujours un surnom affectif. Puis un matin un vil gobelin est apparût. C'est depuis ce jour que je vis auprès de toi.

Filhamel gardait un air calme même si les battements de son cœur s'étaient légèrement accélérés. Il savait qu'un drame avait du se produire pour que deux enfants se retrouvent seuls à errer en forêt. Il prit enfin la parole, comme pour soulager le silence qui sembler ronger Eiwaz.

- Je comprends. Cette année-là, nombres d'attaques d'orcs et de gobelins ont été recensé. Ce village n'a pas résisté, il devait être isolé. Je ne peux qu'être fier de toi, je sais à quel point ces souvenirs sont douloureux pour toi.

Eiwaz se jeta dans les bras de ce père aimant, et au combien sage.


L'année suivante Eiwaz fît de grands progrès dans la manipulation de l'arc et l'art de combattre, elle devenait de plus en plus rapide et habile. Eiwaz était réfléchie, son père lui apprit à garder son calme, analyser la situation et à n'attaquer que lorsque sa vie était en danger.

Eiwaz était mal à l'aise en société, lorsque son père recevait des convives elle était irréprochable malgré son silence qui était souvent pesant pour les invités. Au cours de ses nombreuses rencontres, Filhamel essaya de trouver un futur époux pour Eiwaz, afin qu'elle soit à l'abri du besoin. A chaque rencontre, nul ne doutait de sa bonne éducation et de son charme seulement elle ne montrait aucun signe de prévenance envers son possible époux qui abandonnait devant tant de méfiance, d'indifférence et de réserve de la part de la jeune fille. Elle trouvait tout cela inutile elle n'avait nul besoin d'époux pour vivre et surtout être comblée.

- Pourquoi cherches-tu tellement à me trouver un mari ? Je suis si jeune et cela ne m'intéresse nullement. Ils sont tous si.. formels et sans aucune intelligence. Ils ne savent que vivre qu'auprès de la grande société et ne connaissent rien à la magie des paysages d'Ecridel. Je ne suis pas prête pour tout cela. Excuse mon comportement seulement, faire semblant est au- dessus de mes forces.

A la suite de cette conversation Eiwaz disparut pendant près d'une semaine. . Filhamel abandonna cette quête en comprenant que sa fille ne ferait aucun effort. Et au retour d'Eiwaz ce sujet fût clos.

Depuis une quinzaine d'année, le robuste elfe vivait avec la douce enfant. Cela faisait quelques temps qu'il essayait de parler à sa fille, c'était à son tour de prendre courage afin d'avouer ce qui le rongeait.
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#4
Partie 4 : Une nouvelle fois seule ?

Dans la forêt d'Alda, Eiwaz se sentait loin de tous les problèmes du quotidien. Elle voyait son père se rendre régulièrement au temple de Fryelund, il vieillissait et sa santé se dégradait lentement. La forêt lui redonnait espoir, c'était une des rares choses encore pure sur la terre d'Ecridel. Ici tout était calme, serein, beau et plein d'espoir. La forêt ne s'inquiétait pas des richesses, des conflits et n'était pas régit par de noirs desseins. Elle était pure et sauvage, rien ne lui dictait sa conduite.

L'ombre des arbres centenaires, le bruit du ruisseau tranquille, le chant des animaux sauvages. Ici, la jeune elfe se sentait libre, elle n'avait plus besoin de faire bonne figure face à la noble société elfique, elle était elle-même. Elle appréciait cette douce solitude de temps à autre, c'était un moyen pour elle de se retrouver. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour son père.

Eiwaz avait encore disparu depuis plus de trois jours. Elle semblait savoir avant même que Filhamel ne pût lui dire quoi que ce soit. Il devenait de plus en plus anxieux et les absences répétées de sa fille n'arrangeaient rien.

A l'aube du quatrième jour, Eiwaz entra dans la pièce principale. Elle s'arrêta et fixa Filhamel. Ce dernier posa un livre plein de dorure sur la table près de son fauteuil.

- Cher enfant. Assieds-toi, il est temps de parler. Sa voix était rauque et sa respiration faible.

A ce moment même Eiwaz comprit. Oui, elle comprit tout. Son père était atteint d'un mal incurable.

- Souffres-tu beaucoup ? S'enquit-elle soudainement.

Filhamel acquiesça. Ses lèvres commencèrent à s'entrouvrir lorsqu'elle Eiwaz reprit:

- Ne dis rien. Je le sais. Je le sais depuis le début. Je resterai à tes côtés, je ferai de mon mieux pour empêcher ton corps et ton cœur de sentir la douleur.

Il s'en suivit une longue année où Eiwaz ne quittait la maison uniquement pour des provisions et quérir un prêtre du temple. La nuit tombée, elle se rendait parfois dans les jardins d'Osirwë pour se recueillir et prier le seigneur Fryelund. En effet, Filhamel avait émis le souhait de rester chez lui. Chaque matin l'elfe devenait plus faible. C'est en une tiède matinée d'automne qu'il disparût.
Elle avait tenue sa promesse, elle l'avait accompagnée jusqu'à son dernier souffle sans rien laisser transparaitre excepté de l'amour et une douceur rassurante pour le vieil elfe mourant.

Eiwaz se retrouva à nouveau seule, son cœur était emprisonné dans une cellule pleine de tristesse et d'incompréhension. Elle se promit de ne plus jamais porter autant d'amour à un être, car la perte de cet être cher laisse une blessure béante au cœur que rien ni personne ne peut guérir.
Seulement la peur l'envahissait à l'idée d'une vie sans le soutien et les conseils de son père.
Mais maintenant, elle n'avait plus d'autre choix que de continuer à vivre en suivant les sages enseignements reçus de son père. Une nouvelle vie commençait pour elle.
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