Les chroniques de la mère morte
#1
- Et vous me dites que ces problèmes de nausées on commencés alors que vous avez été mordue par un rat géants dans les tunnels à l'orée du bois ? Déshabillez-vous entièrement, je vais vous palper.

Après avoir subi quelques investigations tactiles sporadiques, Gwendolwenn fit remarquer :

- Ce n 'est pas là que j'avais été mordue.
- Ah oui... euh... c'était où ?
- Ici
précisa-elle, montrant son mollet.
- Ah. Mhhh... je ne vois rien... Ma conscience professionnelle me recommande tout de même une inspection intégrale, rassurez-vous ce n'est pas beaucoup plus cher. Vous n'avez pas été blessée au séant ou à la poitrine ? Vous savez, ce sont des parties proéminentes qui en font la première cible des petits bobos. Et ce sont des glandes particulièrement sensibles et sujettes à problèmes.

Après un examen minutieux de sa personne, il lui proposa de remettre ses vêtements et se mit en devoir de rédiger une ordonnance. Après un long moment, il annonça fièrement :

- Je vous ai mis, pour vous simplifier la tâche, un ensemble thérapeutique que vous pourrez vous procurer intégralement au même endroit, cela vous évitera des va et viens inutiles dans Asteras. Je vous ai même mis l'adresse.

Quelques jours plus tard, Gwendolwenn ne se sentait guère mieux, mais était déterminée à finir son entrainement de magie, interrompu a quatre reprises respectivement par un vieux fou, par un Korrigan, par une compagnie de nain assassins, par un serpent de mer géant, par une bulle de mana a effet rebond et par un élémentaire d'air courroucé. Si elle attendait encore, il était certain qu'une nouvelle calamité allait s'abattre sur Ecridel. Elle embrassa son vieux Maître et lui annonça qu'elle était prête. Elle n'eût pas besoin de préciser pour quoi, cela faisait depuis qu'elle était entrée à l'école de magie qu'elle l'assommait quotidiennement avec cette compétence qui permettait d'outrepasser les limites d'un sort, tant en puissance qu'en distance.

Elle s'installa au centre du pentacle pour commencer l'entrainement. Elle eût a peine le temps de prendre la position du demi-lotus qu'elle était déjà prise dans un tourbillon de vent. Mais cet élément était celui qu'elle maîtrisait le mieux, et elle n'eût guère de difficulté pour s'accorder avec l'harmonie de la spirale de vent. Un véritable cyclone avait fini de se former autour d'elle, mais elle restait en son oeil, impassible et concentrée, compensant chaque variation avec sa propre énergie magique. Elle se mit a penser à sa maladie, et tenta de se souvenir si elle avait eu des nausées avant ce terrible rat. Erreur fatale, car elle ne vit pas venir le changement d'élément opéré par le Maître. Elle fut violemment entrainée par le flux d'air mué en eau, commença a virevolter dans la salle, trempée jusqu'aux os. Elle parvint a trouver un premier point de concordance avec le flux juste avant de se retrouver projetée au mur.

Le vieux professeur n'était pas du genre à s'apitoyer d'un élève se fracassant sur une paroie de la salle d'entrainement, et plus il attendait de l'un d'eux plus il était exigent et draconien dans ses exercices. Cette exigence ne fit pas défaut. Le vortex qui présentait encore jusqu'ici une âme synchrone éclata d'un seul coup en une multitude de turbulences incontrôlables, et Gwendolwenn n'évita le mur que pour mieux s'écraser au sol. Mais elle se reprit vite, joignant ses jambes au plus près de son corps et les ceinturant de ses bras, elle se mua en une véritable bulle de magie, sur laquelle le torrent tourmenté glissait sans aucune prise. La bulle remonta sans effort le courant jusqu'au centre du pentacle, pusi s'ouvrit telle une fleur de nénuphar pour dévoiler une Gwendolwenn qui avait repris sa pose de départ. Le torrent s'était transformé en une pluie fine et douce qui montait vers le plafond. Cette douceur ne laissait aucun doute sur la fureur qui allait suivre. Ensevelissement. Elle s'y attendait. Et le Maître voyant que l'effet de surprise ne prendrait pas, misa tout sur la puissance pure. Les gouttes devinrent poussières, la poussière devint gravillon, les gravillons se cristallisèrent en pierres, qui s'agglomérèrent en rochers puis firent bloc. Il semblait à Gwendolwenn que le plafond entier descendait pour l'écraser au sol, mis en mouvement pas quelques géants qui s'amusaient à danser sur le toit de l'école. Cela commençait à devenir critique. Heureusement, Gwendolwenn avait été initiée à certaines arcanes de la Nature par le vieil ermite de la caverne, bien avant qu'elle ne touche aux joies de l'élémentalisme. Un chêne poussait dans les roches. Ses racines fouillaient chaque interstice, chaque fissure et s'y engouffrait. Les ramifications s'était insinuées partout, et lorsque Gwendolwenn donna la première impulsion de tension, des morceaux du mur lui même furent arrachés et broyés avec le reste des rochers engendrés magiquement. Le professeur fut quelque peu surpris de cette réplique, mais cela ne se ressenti en rien dans sa concentration et dans son objectif. En effet cette parade tombait bien mal pour affronter le dernier élément : le hurlement de Gwendolwenn lorsque son essence de chêne prit feu acheva d'émiéter ce qui restait des murs de la salle. Pourtant le Maître de magie avait a peine développé l'énergie d'une chandelle. Cette mollesse dans l'attaque lui permit rapidement changer sa parade et de reprendre sa position. Qu'est ce que cela signifiait ? Elle exclut l'hypothèse de l'apitoiement. Elle savait qu'il l'aurait rôtie comme une dinde plutôt que de montrer une seule marque de commisération lors d'un entraînement. Tentait-il à nouveau de la surprendre. Elle attendit, prête à affronter un lac de lave qui s'ouvrirait sous elle ou un déluge d'huile bouillante. Mais rien ne vient. Et elle se rendit compte du véritable enjeu. Pouvait-on imaginer pire supplice ? Assise sur une bougie éternelle... Il ne fallait plus vaincre le feu... mais le temps. Et elle en perdit toute notion. Attendait-elle depuis une minute ? Depuis une heure ? Depuis un siècle ? La douleur était supportable, et de loin, mais pas l'absence de repères. Elle tint, médita, lutta... et s'effondra.

- Hé bien, Gwen, je t'ai connue plus vaillante.
- Je... je sais, Maître, je suis désolée... mais depuis que j'ai été empoisonnée par un rat géant, je pense avoir été saisie par la malevie. J'ai de fréquentes nausées.


Le regard du maître se fit étrangement tendre.

- Tu aurais dû me le dire, tu ne peux par faire convenablement un entrainement dans ces conditions ! Surtout pas l'accession à la compétence ultime d'élémentaliste !

Elle avait eu tort de s'entêter, et s'en rendait compte. Mais au moins serait-elle la seule élève a pourvoir témoigner du fait que le professeur était malgré tout capable de compassion lors d'un entrainement.

- Vous savez, j'étais voir le médecin du Temple et je prend tout ses remèdes, qui sont nombreux d'ailleurs...

A la demande du professeur de magie, Gwendolwenn lui tendit l'ordonnance. Ses sourcils brousailleux formèrent deux accents circonflexes coiffés de nombreuses rides lorsqu'il vit la liste interminable de

- Tiens, je vais te donner l'adresse d'une connaissance. C'est une rebouteuse.

Il lui lança un sourire en disant :
Je met la réfection des murs sur ta note.

Elle se rendit dans l'heure à l'adresse indiquée. Un quidam lui lança un regard sombre comme elle posait sa main sur la poignée de la porte. Elle ne mit pas longtemps avant de comprendre pourquoi... la rebouteuse était aussi une faiseuse de rêves. Les jeunes elfes qui venaient ici devait avoir autre chose à se reprocher qu'une rencontre avec un rat venimeux.

- C'est 50 pièces d'or pour vous en débarrasser.

La voix éraillée fit sursauter Gwendolwenn.

- de quoi ?
- Du bébé !
La vielle femme regarda Gwenndolwen
- Mais je ne suis pas enceinte, j'ai été mordue par un rat.
- Ha !


Elle sursauta à nouveau au rire monosyllabique de la vieille, qui poursuivit :

- Ma fille, avant même que tu n'entres j'ai senti ton odeur. Je ne me trompe ja-mais. Ca fait...

Elle approcha sa tête de Gwendolwenn et huma encore. A la voir de si près, cette dernière pouvait se demander si ce visage avait vraiment été un jour celui d'une elfe. Mais sa préoccupation était présentement ailleurs. Où était passé sa virginité si la rebouteuse disait vrai ?
...six lunes exactement.

Six lunes. Il y a six lunes elle était... morte.
Le Korrigan ?

[---]

Citation :Le 28-05 à 12h 22m 10s Gwendolwenn a appris une compétence auprès de Professeur de magie Furie des éléments
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#2
Gwendolwenn était lasse. Très lasse. Pourquoi avait-elle accepté cette demande ? N'y avait-il pas assez d'aventuriers aux lames aiguisées et aux corps légers pour rapporter un peu de bois au pêcheur ? D'âme charitables pour combattre les éléments afin d'aider une arpenteuse venue d'ailleurs ?
Pourquoi tout et tout le monde semblait être contre elle ? Ce Ragnar. Elle enrageait qu'il eût voulu garder pour lui le secret de la conflagration. Ryner. La critiquer, elle. Parce qu'elle manquait de persévérance ! Elle qui tentait de l'aider à sauver son amour d'étoile de mana. Dans son état. Que n'avait-elle prit une chambre au Temple, attendant tranquillement les premières contractions en vidant quelques coupelles de fraises.
Oui c'était vrai après tout. Elle manquait de persévérance. Elle était assise dans le marais a s'apitoyer sur son sort. Il fallait qu'elle se lève. Qu'elle continue. Encore. Encore un tout petit peu. Rentrer, prendre un bateau, prendre la sphère d'eau a son gardien, la rendre. Et se reposer, enfin.

Elle se leva péniblement et glissa son sac pesant sur son dos.

Tout semblait se liguer contre elle. Une pluie fine et pénétrante s'était mise à tomber, alourdissant son paquetage et dégoulinant le long de ses cheveux qui venaient se coller devant ses yeux. Elle longeait la cloaque qui lui envoyait ses relents putrides, et manquait souvent de chuter dans les nombreuses flaques que la pluie remplissait et rendait vicieuses. Son bébé avait décidé de faire les cent pas tout en tambourinant de ses poings sous la peau de son ventre, comme s'il avait décidé de sortir maintenant pour visiter la fange.
Il ne manquait plus qu'une créature pleine de griffe et de crocs n'émerge du marais pour parfaire l'harmonie de cette déchéance.

Mais ce fut une autre créature pleine de pics et de crocs qu'elle vit au loin. Aussi discrète qu'une fanfare dans une école de magie, l'armée naine. Elle avait fait tout ce chemin pour les contourner par le sud du petit-marais, et voilà que passant par le nord, les nains l'avaient dépassé et se trouvaient à nouveau entre elle et Asteras.

Elle se demandait ce qui motivait cette guerre, et se dit qu'une fois l'arpenteuse en sûreté et pourvue de sa dernière sphère, il faudrait par curiosité qu'elle aille jeter un oeil a ces fameuses mines. Valaient-elles vraiment la peine qu'on s'entre-tue pour leurs richesses ? Ou à contrario, si elle en regorgeaient, n'était-il pas plus simple de partager pacifiquement les gains, que de les utiliser pour payer les armées que nécessitaient leur défense ?

Pour l'heure elle avait deux choix... Traverser les lignes naines au risque de prendre une hache égarée, ou se coltiner les putrides exhalaisons de cadavres en décomposition du grand marécage du bord de mer mêlée aux miasmes saumâtres des algues échouées...

Le temps pressait. Gwendolwenn fit son choix, et sur un advienne que pourra fataliste, longea le champ de bataille, qui du côté du marais semblait plutôt désert. Désert a une exception près. Un nain, qu'elle avait croisé à l'aller, qui ne l'avait pas importuné, et qui plus est qu'elle connaissait pour l'avoir rencontré lors de l'assemblé des Ombres à Karad. C'était tout simplement le plus grand guerrier d'Ecridel, elfes et nains confondus. Elle s'avança, confiante, évitant de faire montre d'hostilité ou même de méfiance en n'arborant aucune arme, attitude équivoque ni protection magique. Lui aussi s'avança. Il chantonnait en venant vers elle, quelque ritournelle de sa composition :

Ah-hi ah-ho, on va casser de l'elfe...

Mauvais présage. Une fois encore elle se dit qu'elle aurait peut-être mieux fait de conserver son anneau des Bras d'Argent. Elle aurait pu lui rappeler qu'elle était amie des nains. Qu'elle avait été de nombreuses fois a Karad. Que les Compagnons d'Ecridel avaient été sa famille pendant longtemps.

Le sourire aux lèvres, le guerrier franchit les derniers pas qui le séparait d'elle. Allait-il comme la dernière fois passer à côté d'elle ? Son ventre la brûla. Elle regardait la lame ondulée qui l'avait pénétrée. Pourquoi ? Par haine ? Pour l'or ? Par jouissance ? Ce devait être cela... Prenant un plaisir non dissimulé à a remuer son kriss dans l'abdomen de sa victime, il allait, venait. Par quatre fois, avant de se retirer dans un souffle. Mais il ne l'acheva pas. Elle se retourna, tenta de fuir, trainant derrière elle ce qui devait être un intestin, ou peut-être un cordon ombilical. Elle ne savait même pas si l'enfant était encore en elle Elle ne savait même pas s'il était encore vivant. Elle entendit la voix rauque de son agresseur. Peut-être. Ses oreilles bourdonnaient, elle n'était plus très sûre. Ce devait être quelque chose comme « Ronain ! A toi l'honneur. » Ronain. Oui ce devait être cela. Elle avait vu un nain ainsi nommé lors du conseil. Quel honneur... Mais le nain ne parvint pas jusqu'à elle, et n'eût pas le plaisir de lui broyer le crâne de son marteau runique rutilant. Ce fut un trait, tiré par un nain trop lointain pour qu'elle puisse encore le distinguer entre les larmes qui brouillaient ses yeux qui apporta un terme définitif a cette existence prometteuse. Elle ne sentait plus la douleur. Elle eut une dernière pensée affectueuse et émue pour celle qui avait accepté qu'elle la nomme, a celle qui était la cause de tout ceci. Mais elle ne regrettait pas d'avoir tenté de lui apporter son aide.

- Désolée, Asteïryë... J'ai échoué.

Une étoile bleue s'était éteinte.
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#3
- Ma tante, mon oncle, gardez courage malgré l'âpre fatalité
Après les funérailles je ne manquerai de venir vous visiter.


Sur les marches du temple, Sorn avait rencontré les parents de la défunte. Ils étaient par trop chagrinés pour lui expliquer même succinctement les événements, aussi prit-il congé pour aller se renseigner à la source, auprès des religieux.

Il fut conduit auprès d'un prêtre peu avenant qui avait d'abord tenté de le congédier. Mais le trouvère insista et fut encore questionné.

- Quel est votre lien de parenté avec la victime ?

- Un frère donna vie a deux frères, dont l'un d'eux se trouve ici, bien en vie,
Une soeur enfanta d'une unique fille, à l'esprit aussi curieux qu'insoumis
La demoiselle qui gît ici, est je vous l'aurez compris une mienne cousine,
Avec votre permission, je souhaite jeter un dernier regard à cette héroïne.


Le prêtre hésita, tenta de décliner, mais finalement, se disant que c'était certainement la manière la plus rapide de se débarrasser de cet olibrius, acquiesça. Au grand étonnement de Sorn, ce fut le prêtre lui-même et non une prêtresse qui le conduisit au funérarium.
Et il ne semblait pas décidé à le laisser seul pour se recueillir. Il l'autorisa a la regarder ; mais avant qu'il n'eût pu donner pour consigne de ne lever le drap que jusqu'au cou pour laisser apparaître le visage, Sorn tira violemment que tout le corps fut découvert. Il retint un hoquet d'horreur.

- Ma parole, est-ce là une horde de dix-sept dragons affamés
Que ma vaillante cousine a voulu seule affronter ?
Elle semble entièrement vidée de ses effets et de ses organes !
Pouvez-vous m'expliquer pourquoi à la sauver ont échoué les arcanes ?

- Mmm... C'est une horde de nains qui l'a mise à mal.

- Avec cette race pourtant il me semblait, que la demoiselle s'était acoquiné !
Pourquoi l'avoir occis dans ce cas, et surtout pourquoi l'avoir éviscérée ?!
Toute cette affaire me parait suspecte, à commencer par votre présence,
On m'a dit que vous qui aviez endossé les soins , faisant donc fi de toute décence.
Sachez que j'ai passé une grand' part de mon temps auprès de prêtresses,
Desquelles j'ai beaucoup appris, et qui ont ma foi apprécié mes caresses,
Mais peu importe la raison, une chose au moins m'ont enseigné mes frivolités :
Il est une certitude que seules les prêtresses s'occupent de la féminité.
Qui plus est vous êtes reconnus pour ressusciter tous ceux dont l'esprit,
même vaquant sans corps dans l'eden onirique, ont par toute cause perdu la vie.

- Le cas est un peu spécial, mais en tout état de cause ceci est secret, je ne puis rien vous dire de plus, et je vous prie de quitter les lieux, sinon je fais appeler la garde et vous...


Le prêtre, plus habitué à prier qu'à conforter sa constitution, était loin de pouvoir se mesurer physiquement au troubadour, qui s'entrainait journellement pour parfaire ses cabrioles et autres jongleries sur les planches d'estrades improvisées. Qui plus est, Sorn avait l'avantage de la surprise car le saint elfe ne s'attendait nullement à se retrouvé plaqué contre un mur, une lame sur la gorge. Il ne tenta rien et annonça sur le champ :

- hé bien soit puisque vous voulez tout savoir, vous saurez... lorsque vous m'aurez lâché !
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#4
Sorn hésita à le laisser aller, avec l'effet de la surprise, il avait pu avoir l'avantage, mais une fois libre, le prêtre n'aurait aucune difficulté à user de sa puissante magie pour maîtriser le trouvère. Mais comme il fallait bien qu'à un moment ou a un autre il le relâche, il s'exécuta.

Avec le rictus satisfait du vainqueur, le prêtre recula d'un bond, levant les bras. Il incanta, mais aucun sortilège ne vint offenser Sorn. Le prêtre se contenta de quelques sorts défensifs, mais quels sorts ! Il avait sous-estimé la puissance du prêtre, celui-ci aurait pu sans peine l'immobiliser d'une tornade bien ciblée et donner l'alarme. Pourquoi ne l'avait-il pas fait ?

- Vous m'avez donné le bâton pour vous mettre à genoux. Savez-vous qu'un certain Faron Artieliel, un saltimbanque de votre espèce, a été brûlé vif il y a quelques années pour avoir fricoté avec une prêtresse ? Je n'aurais aucun mal a faire avouer celles qui vous ont servi leurs faveurs, elles tiennent bien trop à leur place au Temple pour vouloir sauver votre peau. Et le cas échéant, j'en trouverai même qui avoueraient sans fondement.

Etait-il en train de bluffer ? Il n'avait jamais entendu pareille racontage. Mais de tout temps le clergé avait plus les faveurs du gouvernement que les artistes, ce qui confortait son allégation. Sorn rangea son couteau ridicule en signe de capitulation. Mais le prêtre poursuivi et semblait tout à fait sérieux.

Nous somme à égalité, jouons cartes sur table. Voilà ce qui s'est vraiment passé...

Il raconta comment il était tombé amoureux de la cousine du trouvère dans sa jeunesse, alors qu'il n'était pas encore rentré dans les ordres, qu'il avait été éconduit, et que bien plus tard il l'avait retrouvée sur l'autel de restauration alors que les prêtresses étaient affairées à soigner des brûlures issues d'une aventure qui avait mal tourné. Il avait sauté sur l'occasion pour prendre en charge la poursuite des soins, et une fois qu'elle fut mieux, pour lui administrer une drogue hallucinogène. De leur union, elle était tombée enceinte, ce que personne à sa connaissance ne savait, même pas sa famille, car elle était sans cesse en expédition, et avait voulu garder le secret, ne connaissant pas le père. Lorsqu'à nouveau elle revint au temple, attaquée alors qu'elle passait près du conflit qui opposait elfes et nains pour la possession des mines, il avait dû choisir, la mère ou l'enfant. Il connaissait assez la mère pour savoir que jamais elle ne lui pardonnerait, aussi avait-il choisi de privilégier sa progéniture. Il comptait ainsi, sans risque d'interférences provenant de l'histoire de son passé, garder l'enfant et l'élever. Il y avait un orphelinat dans le temple, il ferait en sorte qu'il y reste. Sorn était abasourdi par l'extravagance de cette histoire, n'y croyait qu'à moitié et restait muet.
Enfin, le prêtre en vint au fait qui l'avait si facilement fait avouer: il avait besoin de Sorn pour appuyer auprès de la famille un changement de projet. Les parents, dont il avait reçu la visite dans la même journée, avaient indiqué que toute sa famille s'était entendue pour la faire embaumer. Il fallait que Sorn les convainc d'abandonner cette idée, et d'opter idéalement pour une crémation, dont la vertu serait d'effacer à jamais toute preuve qui pourrait confondre le prêtre.

Nul doute qu'avec votre verve, vous parviendrez à vanter les mérites d'une telle fin, digne de cette grandes aventurières.
Si l'un de nous trahit le secret, pour moi la disgrâce, peut être la prison, pour vous... le bûcher.
Sommes-nous entendus ?


Il avait fini son interminable monologue. Sorn ne donna pas de réponse, mais au contraire posa une question, abandonnant au passage ses habituelles périphrases.

- Pourrais-je voir l'enfant ?

Le prêtre opina, lui confirma une nouvelle fois qu'il en prendrait grand soin, et lui demanda de le suivre en restant discret.
Sorn avisa les effets de la défunte... une robe bleu, un appui du mage, des bottes de messager, et une cape bleutée, soigneusement pliée. Tous les objets semblaient banaux, hormis cette dernière. Et ce n'était pas que l'étoffe inconnue dont elle était faite qui était le plus marquant, ni les symboles et motifs étranges dont elle était décorée : ce n'était ni de l'elfique, ni des runes, on aurait dit que sur la cape quelques plantes avaient poussées. Ce qui la démarquait réellement était qu'une vibration propre semblait l'animer.
Le prêtre, après avoir recouvert le corps, était sur le point de quitter la pièce. Instant d'hésitation pour le trouvère.
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#5
Comme le prêtre venait de passer le pas de la porte, il se saisit prestement de la cape pliée et la glissa sous son habit. Pour l'heure il la garderai, mais plus tard, il savait déjà a quel héritier la donner.

Ils longèrent un couloir comportant de nombreuses portes. Au bout du corridor, il put lire « Almis Fildor, Grande prêtresse d'Asteras ». De la porte entrouverte, il entrevit le dos de ladite elfe, debout près d'un rosier. Le prêtre, nerveux, fit signe de continuer. Ils empruntèrent un passage voutée à leur droite, puis un escalier. Après avoir grimpé trois étages, le prêtre sortit une clé qu'il glissa dans la serrure d'une lourde porte richement ornée de sculptures. L'endroit était en grand désordre, il y gisait un fourbi d'objets arcaniques ou communs en tout genre. Des parchemins et des livres, des figurines et des poupées, de nombreuses bougies et chandelles, des miroirs, une lunette pour observer le ciel, quelques instruments tranchants et de nombreux autres objets dont Sorn ne pouvait même deviner l'utilité. La poussière et les toiles d'araignées témoignaient du fait que le ménage n'était pas une priorité. Tout cela baignait dans une lueur mauve, issue d'un gros rocher creux au centre de la pièce, et surmonté d'un boule bleue qui flottait au dessus de l'excavation. A y regarder de plus près, le rocher était une géode de cristaux de mana, c'était la première fois qu'il en voyait une de cette taille. En s'approchant, il sentit une douce chaleur provenant de cet aménagement. C'était en fait un berceau de cristaux, et la sphère bleue laissait paraître les contours flous d'un nouveau-né.

- Vous ne pouvez même pas imaginer l'énergie et le prix que me coûte le fait de garder ce mal-né en vie, heureusement elle était presque à terme, dans moins d'une lune je pourrais le confier à la nurserie.

- Il me vient une idée, je pourrais adopter le …

- Jamais !
s'écria le prêtre en commençant à gesticuler de manière menaçante, c'est... mon... sang !

Devant la violence de la réaction, Sorn abdiqua immédiatement, indiquant que ce n'était qu'une idée en l'air, et donna un accord sans condition à la proposition qui lui avait été faite. Les parents changeraient d'avis, il en faisait son affaire, puis plus jamais le prêtre n'entendrait parler de lui.

Le prêtre, calmé, lui indiqua que tout ceci ne serait terminé qu'une fois la mère incinérée, et qu'en attendant il devrait se méfier de ne pas divulguer le secret.
Il le raccompagna jusqu'au rez-de-chaussée, et demanda a une prêtresse de lui indiquer la sortie.



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[Image: geode_cristaux.jpg]
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#6
Sorn errait depuis passablement longtemps. Il avait visité le port, le marché, l'armurerie, tout en évitant soigneusement le temple et ses alentours... tout cela sans succès. Puis il sortit de l'auberge, toujours sans avoir trouvé ce qu'il cherchait. Il prit la direction de la porte sud, se disant qu'il n'y avait d'autre choix que d'aller tenter sa chance à Tildor. Dans une ultime tentative, il s'arrêta en route pour aborder une grosse dame accompagnée de trois jeunes elfes. Mais sa requête n'eût d'autre effet que de lui arracher un grand rire, suivi d'une réponse équivalente a ce qu'il avait déjà entendu :

- C'est l'pire boulot. J'préfère de loin pomponner cinq mioches que d'torcher un chiard. Allez voir du coté d'la nurserie du temple, là-bas vous trouverez des folles.

S'adresser à une nurse du temple était trop risqué. Il laissa s'éloigner la corpulente elfe tout en lui adressant une courbette de remerciement et décida d'aller tenter sa chance en dehors d'Asteras. Mais à peine avait-il fait deux pas qu'une voix féminine derrière lui le fit se retourner.

- Sirial, j'ai entendu que vous cherchiez une nourrice. Allez au premier bâtiment de la rue des Marais, tout à côté de l'auberge, et demandez Lilië, il me semble qu'elle ne garde aucun enfant actuellement, et elle est très compétente et clos son service sous peu.

Suivant les indications, il arriva devant une grande porte cochère largement ouverte, donnant sur une vaste cour intérieur partiellement protégée par un compluvium.
Il vit le dos et la chevelure noire montée en un volumineux chignon d'une jeune elfe occupée a briquer de son balai-brosse un coin de la cour assombri par la toiture intérieure. Malgré l'ombre portée par l'avant-nef, il vit qu'elle portait une robe d'un vert anis qui contrastait avec sa tâche pour le moins salissante.
Il toussota pour attirer son attention. Elle sursauta légèrement de surprise, puis se retournant avec grâce, vint trouver son visiteur. Lorsqu'elle quitta le porche pour entrer dans un rayon de soleil, sa robe satinée, là où elle n'était cachée par son large tablier, pris la couleur d'une prairie aux herbes scintillantes de rosée.

Jamais il n'avait vu pareil attraits. Cette fille était une poésie qu'il aurait aimé composer. Elle portait de curieuses sandales de bois rehaussées de tasseaux, qui lui évitaient de patauger dans l'eau qu'elle jetait sur les pavés. Malgré cela le tablier et le bas de la robe étaient tâchés, particulièrement à la hauteur des genoux. Les mains étaient passablement usées, et laissaient apparaître un lacis d'impuretés indélébile, mais son visage était là pour rappeler qu'elles devaient aussi avoir autrefois un teint de porcelaine incarnadine. Son regard était un ravissement, ses cheveux, charbonnés, pourtant revoyaient un éclat chamarré. Elle était fraicheur et sincérité.

- Je... je...sir... je - ial... je suis So...

- Vous êtes Sorn. Je n'ai raté aucune de vos représentations aux jardins du palais.

Comme elle se mit a sourire, Sorn se liquéfia littéralement. Il ne trouvait les mots pour exprimer a quel point elle lui plaisait. Comment n'avait il pu jamais la remarque, si comme elle le prétendait, elle se rendait à toutes ses exhibitions ? Et comment lui exprimer en quelques mots ce qu'elle lui inspirait ?

- Vous êtes...

- Je suis Lilië. Je suis bonne d'enfants de par mon métier, mais par manque d'engagements, je fais aussi chambrière... Cela est bien moins reluisant que d'être musicien ou poète, je vous le concède...


Il en avait oublié l'objet de sa visite. Il avait en horreur d'être pris au dépourvu, et là c'était le bouquet. Pâle ce matin lorsqu'il avait appris la triste nouvelle, a midi énervé par un prêtre borné, voilà maintenant qu'il n'avait rien a envier a un coquelicot embrasé... Que lui arrivait-il aujourd'hui ?
Comme elle avait baissé les yeux, riante de sa propre allégation, il pu enfin retrouver le fil de sa loquacité, et il n'était plus question de se perdre à nouveau.

- Non point croyez moi, il n'y a aucun sot métier, et c'est tout à votre honneur
de faire en sorte que les enfants grâce à vous trouvent le bonheur.
Et voici effectivement la raison qui m'amène auprès de vous :
J'ai un bébé, qui a grande nécessité d'une efficiente nounou.
Si présentement, vous êtes sans engagement, comme vous l'affirmiez,
je vous fais la proposition de sur le champ vous engager.
Je vous donne pour ce faire et tout le temps qu'il sera nécessaire
au minimum dix pièces d'or de plus que votre actuel salaire.
De surcroît vous n'aurez point a travailler pour un temps incertain
car le bambin n'est pour l'heure pas encore prêt aller au couffin.

- Je ne comprends pas... il n'est pas encore né ? Dans ce cas pourquoi ne serait-ce pas sa mère qui s'en occuperait ?

- Sa mère, qui par ailleurs était ma cousine, s'en est allée un peu tôt,
Les prêtresses n'ont rien pu faire, hormis de leur magie couver le petiot.
Dès lors qu'il sera prêt à le quitter, je vous ferai sur-le-champ mander
Et je vous indiquerai la masure où avec le poupon vous pourrez crécher.

- Je suis sincèrement désolée, toutes mes condoléances ! Puisque vous l'avez appelé petiot, je suppose que c'est un garçon ?

- Vous me prenez de cours, c'est là une information que je n'ai !
Alors, puis-je considérer qu'a son jeune bonheur vous travaillerez ?


En signe de consentement, elle prit la main qu'il lui tendait.
Ce qu'il ressentit à ce moment là lui fit peur, a tel point qu'il décida de rester silencieux.
Une révérence, un sourire et il était parti.

[Image: hr.png]

[Image: lilie.jpg]
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#7
Sorn, satisfait de l'accomplissent de la mission qu'il s'était fixé, était retourné à l'école de magie. Le bénéfice était cependant peu probant, son esprit était plus concentré sur les souvenirs de l'après-midi que sur son instruction magique. De plus, il y avait parmi les jeunes étudiantes qu'il avait laissé ce matin, une autre elfe qui ne manquait pas d'attirer l'attention. Bien que dotée d'une allure féminine et gracile, elle portait une lourde armure de plaques et un heaume non moins massif dont coulait une chevelure couleur d'obscurité, attirail de guerrière qui détonnait parmi les robes vaporeuses des mages. C'était à se demander comment elle portait cet équipement avec tant de grâce sans s'écrouler sous son poids.

Elle semblait quelque peu perdue et s'adressa a un professeur de magie proche pour lui demander où elle se trouvait.

Prenant de court le professeur, Sorn lui indiqua que ceci était une école de magie et, comme il était en plein entrainement de sort de protection éthéré, enchaina par un exercice pratique en lançant sur elle un bouclier de vent, tout en argumentant son action :

- Pour vous qui semblez craindre blessures,
Voilà une modeste et magique armure,
En démonstration de ce que pourrait vous apporter
Cet arcane que vous ne semblez maîtriser.
Je vous encourage vivement a l'étudier,
Afin d'un jour remplacer votre carapace d'acier !
Elle vous donne certes protection appréciable,
Mais il m'est avis qu'il serait bien plus agréable
Autant pour vos mouvements que pour nos yeux
D'arborer quelques vêtements plus licencieux...


La guerrière éclata du rire bourru d'un champion nain en entendant l'insinuation sur ses soi-disantes peurs, mais elle se ressaisit vite et déclara plus sérieusement qu'elle n'avait aucune peur, que c'était pure préférence personnelle que de ne pas porter usuellement des vêtements de tissus, et qu'elle ne porterai pas d'autres habits, surtout en sa présence. La réponse avait été donnée sur un ton suffisant dont il ne chercha pas à savoir si c'était de l'arrogance, de la fierté ou simplement du mépris. Pas plus qu'il ne tenta de la retenir lorsqu'elle se dirigea vers la sortie.

Il y a peu, il l'aurait suivi, il aurait dressé une toile invisible de quelques vers pour retenir ce papillon fuyant, il aurait insisté, mais présentement son esprit était ailleurs, pris dans d'autres crins de jais. Et de plus, une idée lui était venue lorsqu'il avait lancé son sort sur la guerrière : le reflet irisé du mana résiduel de son lancé sur le panache flamboyant du heaume d'Asteras avait été du plus bel effet.
Comment n'y avait-il pas pensé ? Il y avait une raison évidente, il n'avait jamais mis les pieds à l'école de magie et ne s'était jamais intéressé aux arcanes auparavant.
Mêler la narration au sortilèges, user de la magie pour mettre en relief ses récits, voilà son dessein.

Il avait fait envoyer ce qui lui restait dans sa bourse a Lilië, ainsi qu'un mot disant que leur petite affaire verrai son aboutissement dans dans moins d'une lune, mais il n'avait aucune idée comment régler les prochains émoluments.
Il se contentait jusqu'ici de quelques sous, gîtant d'ami en amante, mais maintenant qu'il avait un neveu – ou une nièce – ainsi que sa nourrice a nourrir et à héberger, il lui fallait engranger plus de recettes. Et trouver un toit.

Il se saisit d'autres ouvrages, cherchant comment faire évoluer son traditionnel théâtre d'ombres plates en une réalité lumineuse et multi-dimensionnelle. La voie de l'élémentalisme semblait tout à fait appropriée mais il y avait du pain sur la planche.

Encore une fois, s'il avait pu s'observer, il ne se serait pas reconnu. Il aurait il fut un temps trouvé un stratagème pour courtiser les demoiselles présentes et absentes, et voilà qu'il avait le nez plongé dans des livres, rangeant ceux qui ne lui apportaient rien, en prenant d'autres dans les étagères de la bibliothèque, griffonnant des notes sur un parchemin débordant déjà largement de schémas et de textes.

Après avoir étudié les bases de quelques sorts aux effets aussi spectaculaires qu'inutiles, il s'attaqua à la substance de sa prochaine représentation et à la réalisation d'une plaquette accrochante.

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#8
Sorn s'affala sur la chaise de l'école de magie avec un grand soupir, a moitié mort, au sens propre, ou à moitié en vie pour les observateurs plus optimistes.

Le vieux professeur n'eût pas même le coeur de lui faire des remontrances pour son comportement récent, lorsqu'il l'avait quitté de manière fort malpolie. Il lui conseilla simplement de plutôt s'orienter vers le temple, vu son état, mais le trouvère déclina la proposition et demanda quel était le plus redoutable sort offensif que le sage jugeait à sa portée.

- Décharge statique. Vous n'aurez plus aucune limite a votre pouvoir, avait répondu le professeur en lui tendant un grimoire à la quatrième de couverture arrachée.

Sorn s'installa pour l'étudier, mais il ne parvenait pas à se concentrer. Il repensait à ce sombre épisode. Parti pour ce qui 'espérait devenir un bain de minuit sur la plage en agréable compagnie, il s'était retrouvé broyé dans les bras tentaculaires et visqueux d'une créature dont il ignorait jusqu'ici l'existence. Il y a quelques jours déjà, sa téméraire cousine avait voulu l'embarquer dans une équipée à la recherche d'une soi-disant sphère d'eau. Il se serait retrouvé face à cette chose en plein milieu de l'océan sans pouvoir fuir, quelle galère...
Qu'avaient toutes ces sirènes à vouloir l'attirer vers l'océan ? Définitivement, il était un elfe de terre ferme.
L'apprentissage n'avançait toujours pas. Sorn se remémorait les gausseries de l'élémentaliste sur la plage. Il se consola en se disant qu'une pieuvre avait dû saisir chacun de ses membres et lui arracher un à un, avant que l'élémentaire d'eau ne fasse disparaître cette audacieuse dans un bouillonnement d'acide.
D'autres pensées le harcelèrent. Avait-il quitté le combat trop tôt ? Serait-il dorénavant nommé Sorn-Le-Couard ?
Il avait décampé sans se retourner, mais suffisamment tôt pour le faire sur deux jambes et non les pieds devants. Il n'était pas encore temps qu'un autre chante ses louanges. Il avait encore à faire.
A commencer par apprendre ce satané sort. Il doutait fortement que la pichenette électrique qu'il était en train de s'évertuer à assimiler soit d'un quelconque utilité face à l'abjection aquatique qui avait suivi les pieuvres, ce qui ne l'incitait pas à y mettre du sien.
De plus il avait du travail pour préparer son prochain spectacle et sa mise en scène, il ne pouvait consacrer plus de temps à des futilités comme la protection d'Asteras ou de ses citoyennes.
Quoique, il se devait de protéger son neveu et sa nourrice... et le fond de commerce que représentaient les survivants. Au travail.
Mais rien à faire, ses pensées vaquaient entre la cousine qu'il n'avait pu sauver, le bébé qui était peut-être sur le même chemin, cette abomination en liquéfaction qui avait fait de lui un lièvre, le fil de son spectacle a parachever et cette servante ensorcelante...

- Oh, quittez mon esprit, pensées tyranniques,
Et laissez-moi potasser ce sort amphigourique !


Il avait failli renverser la table en se levant aussi brutalement, et tous les regards étaient tournés vers lui.

- Chut, lui dit autoritairement le professeur, il y a des gens qui travaillent ici !

Sorn quitta la pièce discrètement, puis marchant distraitement sans réussir à semer ses cogitations, finit sa course fortuitement devant le temple.
Il quémanda quelques soins diligents, puis profita de sa présence en ce lieu d'assistance pour farcir de cartons d'invitations les casiers de correspondance du clergé, avant de reprendre la route de l'océan d'un pas ferme et décidé.

Il se le répétait à chaque pas, il n'était pas un lâche. Et l'égoutture dégénérée n'avait qu'à bien se tenir. Il avait tant retrouvé sa confiance en lui qu'il en était à réfléchir comment capturer ce bestion et le faire parader lors de son prochain spectacle... Ce serait jardin comble assuré !
Quelques tourbillons pour l'immobiliser, un coup de lévitation pour le rendre transportable, un sort de réduction, et hop, dans la fiole la bestiole. Sauf qu'il ne connaissait guère que le premier des ces enchantements. Et encore, il ne l'avait jamais pratiqué. Il ne savait même pas si le dernier existait...
Bah, exhiber sa dépouille suffirait. Quelle était déjà la formule magique de cette « décharge dynamique » ?
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#9
Longeant le fleuve, Sorn ne tarda pas à se retrouver face-à-face avec le titanesque dragon d'eau. Car sa morphologie évoquait plus celle d'un serpent, aussi visqueux que démesuré, que celle des élémentaires bipèdes décrits dans les livres.

Nombreux étaient les guerriers et mages présents, qui harcelaient la créature sans relâche. Les avis qui s'échangeaient divergeaient sur la tactique à adopter.

Voyant que le monstre était proche du trépas, Sorn se dit qu'il risquait de plonger dans l'abîme pour se régénérer comme il venait d'entendre qu'il l'avait déjà fait, anéantissant ainsi tous les efforts des combattants. Il fallait lui donner une raison de rester, une proie facile qui le distraie, pendant que dans son dos les champions l'achèverai :

- Allons, bougre de pestilentiel margouillis éphémère
Retourne prestement te réfugier dans les jupons de ta mer !


tout en accompagnant cette invective d'une agitation de sa baguette.

A sa grande satisfaction, Sorn réussit par deux fois à lancer le fameux sort qui devait lui permettre de repousser les limites de son potentiel. Mais par deux fois l'élémentaire parvint a contenir l'attaque dérisoire par la quintessence même de sa structure hautement magique.

Mais finalement sa tactique sembla payante : au lieu de fuir pour récupérer à l'abri des profondeurs, le monstre à l'article de la mort le pris naïvement pour cible et se mit en devoir de se venger de cette chiquenaude.

Sorn s'enroula dans la cape qui constituait sa seul protection, ce qui ne suffit pas à parer entièrement le flux de la vague destructrice qui s'abattait sur lui et son voisinage, mais le laissa bien vivant et conscient. Dès que le rouleau écumeux de la créature fut passé, allant s'écraser vers sa propre fin loin au delà du rivage, presque sous les murs d'Asteras, une question lui vint.

La sphère... où était-elle, maintenant que son gardien s'était vaporisé ? Emporté par l'euphorie de la disparition du danger, il trouva là une manière de triompher sa phobie de l'élément liquide et par la même occasion de rattraper sa déshonorante fuite : aller chercher l'objet convoité. Sorn mit un pied dans l'eau, elle était agréablement tiède. Presque attirante. Etrangement tiède. Il s'immergea et commença a nager vers le large, mais a peine avait il fait quelques brasses qu'il aperçut une nouvelle menace : une pieuvre similaire a celle qui l'avait malmené il y a peu, mais celle-ci semblait bien plus effrayante... peut-être car il se sentait impuissant dans cet océan. N'ayant plus le temps de regagner la berge avant qu'elle ne soit sur lui, il tenta de retenir la bête en créant un vortex devant elle. Peine perdue, lancer un sort sur la terre n'était déjà pas un jeu d'enfant pour le débutant qu'il était, alors balloté par les flots et pris de panique son sort n'eut guère plus d'effet qu'un siphon d'évier.

Sorn, terrorisé par la vue de la pieuvre, revint aussi vite que possible vers la plage. Heureusement pour lui, elle n'eût pas même le temps de lever une tentacule que déjà elle était criblée de flèches provenant du rivage.
Retournant dépité et en piteux état vers Asteras, il vit un elfe ramasser une fraction du blob qui traînait au sol, résidu de l'autodestruction de l'élémentaire dégénéré. Il se remémora qu'il avait eu le même projet, lorsque la confiance et l'entrain étaient encore ses guides. Pour l'heure il se dit que c'était trop dangereux, qu'elle était peut-être empoissonnée, ou pire, qu'au moindre contact avec de l'eau cela pourrait recréer une créature similaire et il passa son chemin. Puis il se ravisa, vida l'eau claire de son outre pour la remplacer par ce qui semblait être du mana liquide. Il tenterai d'en verser dans l'océan... ou alors dans l'étang des jardins du palais durant sa représentation...


[Image: hr.png]

[Image: sornvsdegenere.jpg]
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#10
Auberge d'Asteras. La salle est pleine de monde ce soir-là. Mélange d'odeurs et de sons, agressif pour celui qui n'y est pas habitué. En marchant entre les tables, le jeune elfe est assailli de fumées de diverses origines, herbe à pipe à parfum fort, fin filet d'odeur acide, provenant d'une herbe fumée dans un élément liquide.

Il parcourt du regard les diverses tables, on lui a dit qu'il la trouverait là, mais il n'a pas plus d'indications. L'attendance est assez diverse, troubadours cherchant un public, magiciens débutants reconnaissables à leurs habits de l'académie. L'auberge d'Asteras n'est pas toujours l'endroit où se réunit le fleuron du peuple elfique, un mendiant lui tire d'ailleurs la manche droite.

Que c'est agaçant ! pense le jeune elfe. Il repousse le mendiant, tout en prenant garde de l'autre main que sa bourse de pièces d'or soit toujours bien dans sa poche. L'elfe s'approche du fond de la salle, et dans un repli aperçoit une femme seule, manipulant dans ses mains un jeu de carte. Il s'approche plus.

Assied toi, je t'attendais, dit-elle d'une voix assurée.

Le jeune elfe sursaute. Comment sait-elle qu'il vient pour la voir? Il prit une chaise devant elle, la femme continuant de poser ses cartes une à une sur la table.

Tu cherches conseil, on t'a envoyé me voir. C'est à propos de cette jeune fille que tu viens, n'est-ce pas?

Elle lui montre une carte représentant un valet de cœur, image dont on ne saurait dire si c'est un homme ou une femme. Le jeune homme hoche la tête et devient rouge.

Pour Araknelee, il est si facile de lire dans ces petits nobliaux. Elle l'avait vu entrer et chercher autour, mal à l'aise dans cet endroit. Elle avait parié que c'était encore un elfe dont le seul centre d'intérêt était sa propre personne, et qu'il cherchait de la compagnie pour augmenter encore son amour de soi, par l'amour qu'il pensait avoir pour une autre. Ces jeunes nobliaux étaient tous pareils à Asteras !

En quelques minutes, elle lui conseille des banalités qu'il venait pour entendre, et récupère quelques pièces d'or. Ce n'est pas cher payé, mais c'est ce qui la nourrit … Après le départ du jeune elfe, Araknelee soupire, et appelle de la main le garçon d'auberge. Une absinthe lui ferait le plus grand bien, et ces quelques pièces étaient les bienvenues.
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#11
Sorn était un habitué de l'auberge de la Licorne. Il y avait fait ses débuts autrefois. Il connaissait les périodes lucratives et celles où il n'y avait aucun intérêt à venir chanter. Aujourd'hui faisait partie de la seconde catégorie.

L'achalandage n'était pas très glorieux en cette période d'abondance de monstres à pourfendre, les héros étaient au dehors à courir les quêtes, et seuls restaient au port du comptoir les ivrognes et les néophytes, autant en magie qu'en combat. Mais il n'était pas venu pour cela. Il avait délaissé la taverne il y a bien longtemps pour une clientèle plus aisée, aux jardins d'Osirwë. Cette fois c'était simplement une chambre qu'il lui fallait, qu'il commanda avant de rejoindre une table tranquille au fond de la salle, pour se remettre de cette fâcheuse guigne qui le poursuivait. Il ne lui restait que bien peu d'or après avoir réglé ses premiers émoluments a Lilië, mais au moins il avait ainsi la certitude de garder le contact avec elle. Il ne lui avait d'ailleurs pas encore révélé ses desseins véritables. Mais il avait aussi de quoi renflouer ses finances avec ce qu'il avait glané, et était bien pressé .

Une fois servi, il jeta un regard alentour pour vérifier que chacun était bien occupé à son bock, et il se mit en devoir de transférer un peu de la cloaque qu'il avait placé dans l'outre dans la fiole d'une potion de vigueur qu'il avait vidé. Il se ravisa bien vite, n'ayant pas prévu que le liquide émane d'une telle aura magique que tout le fond de l'auberge était éclairé d'une lueur bleue. A l'extérieur, cette émanation lui avait semblé plus imperceptible, certainement à cause le la luminosité. Mais qu'importe, au moins cela signifiait que ce trésor valait plus qu'il ne l'avait estimé. Il rangea le tout prestement et s'attaqua a une vraie choppe cette fois.
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#12
Chaque gorgée de son breuvage semblait cicatriser un peu plus ses blessures, ce qui le convainc d'en commander un autre. Préoccupé par la nature étrange du liquide sirupeux qu'il avait récupéré, il remarqua à peine les deux énergumènes qui passaient devant lui hâtivement pour aller se soulager aux lieux d'aisance dont la porte jouxtait la table du fond.

Vider l'outre dans l'océan ou dans les marais, ou même dans l'étang des jardins du palais ? Peut-être qu'une puissance à sa botte apparaitrait... En consommer, pour s'imprégner de sa nature arcanique ? En verser dans sa bière ? Un peu risqué, mieux valait discrètement en verser dans celle du voisin et observer le résultat... mais si cela lui conférait une puissance magique jamais égalée ? Il n'en serait pas le bénéficiaire. Pire, si le quidam venait bêtement à trépasser, il serait accusé de meurtre. Déjà qu'il était en sursis pour avoir fricoté avec les prêtresses, mieux valait ne pas être condamné à mort une seconde fois. Il y avait aussi des solutions plus simples : la vendre, l'offrir a l'Arpenteuse en espérant qu'elle puisse en remodeler une sphère, la faire boire a un nain pour voir si les résultats étaitent différents que pour un elfe, soulager sa vessie dans l'outre, tenter de tremper sa baguette dedans, en enduire son corps pour devenir invulnérable, briser la fiole sur un alligator géant, sur une fleur de mana... il lui faudrait des litres de cette substance pour tout essayer. Qui pourrait l'aider à en savoir plus ? L'arpenteuse ? Le serpent géant qu'avait mentionné sa cousine ? Ces prétentieux prêtres ? Le sévère professeur de magie ? Un haut-fonctionnaire d'Asteras ? Un devin ?

Comme il était à cette pensée, il remarqua soudain, attablée un peu plus loin, une demoiselle aux atours typiques de tireuse de cartes, qui lui faisait un signe discret et inhabituel. Croyant d'abord à une racoleuse qui voulait l'aguicher, il comprit : se retournant vivement, il retrouva l'un des deux énergumènes pressés qui tenait dans sa main la bourse encore liée à la ceinture du trouvère. Repéré, celui-ci fit mine, sans convaincre personne, de ramasser un os qu'avait laissé traîner quelque chien ou pire, et quitta l'auberge précipitamment. Sorn sourit à la diseuse de bonne aventure, décrocha sa bourse, et la secouant à l'envers, lui montra qu'elle était vide. Une autre était en sécurité ailleurs. Mais il lui adressa tout de même une profonde révérence de remerciement.

A défaut d'un devin, peut-être qu'une sibylle ? Ce devait être un signe.
Il se leva et alla trouver celle qui avait sauvé sa bourse-leurre.

- Sirial et merci pour le vilain, peut-être pourriez vous m'aider encore,
J'ai là un résidu de monstre liquide à examiner dont tout j'ignore.


Il l'invita pour plus de discrétion a le suivre dans sa chambre, et comme la proposition pouvait prêter à confusion, lui laissa entrevoir la fiole pour la convaincre qu'il agissait en tout bien tout honneur.

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[Image: sorn_araknelee.jpg]
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#13
Araknelee a écrit :De sa table dans un sombre coin, elle avait observé Sorn méticuleusement depuis le moment où il avait poussé le pas de la grande porte de l'auberge. C'était son occupation principale, analyser les personnes et leur comportement - pour son profit évidement - un don qu'elle avait reçu de Fryelund lui-même aimait-elle a penser. Et sûrement cela flattait son ego de penser ainsi.

Dès son entrée, elle l'avait prit pour un local petit nobliau. Mais son avis avait vite évolué. Réserver une chambre a la taverne n'était pas une habitude de noble, a moins qu'il ait l'envie d'y emmener quelque "conquête payante". Lorsqu'il s'était installé a une table proche de la sienne, elle avait continué a l'observer le plus discrètement possible. Il y avait quelque chose d'indéfinissable dans son visage qui la troublait. Le fait qu'elle n'arrive pas a le lire ? Elle n'arrivait a rien supposer de par son apparence et cela l'agaçait passablement...

Tout a ses discrètes observations, et maniant son jeu de cartes pour sembler être occupée par cette activité, elle perçut un bref instant une lueur venir d'un fiole posée sur la table du jeune elfe, une intense lueur bleue qui disparut aussitôt qu'il la rangea.

Voila qui est intéressant ! pensa-t-elle. Il lui fallait en savoir plus sur ce jeunot, en tout cas mettre la main sur son sac. Rien de mieux que lui donner l'impression qu'elle était son amie afin de l'amener à se confier. Et c'est tout naturellement qu'elle le sauva de la mésaventure du vol de sa bourse, action qu'elle avait elle-même préméditée et déclenchée par deux clin d'oeil a un complice.

Et le stratagème réussit au-delà de ses espérances, puisque le porteur de l'étrange fiole vint à elle. Elle était même invitée à y jeter un œil. Sa curiosité était piquée.

- Passez devant, monseigneur, lui lança-t-elle avec un sourire.

Elle le suivit, et lorsqu'ils arrivèrent à sa chambre, il lui tendit la fiole après avoir fermé la porte derrière lui. La lueur qu'elle émettait baigna la minuscule chambre, a tel point qu'elle couvrait la lumière des bougies accrochées aux murs.

Ils s'assirent chacun d'un côte de la table qu'elle lui montra. Ensuite, elle manipula la fiole, fermant les yeux. Celle-ci semblait glacée.
Elle laissa entendre qu'elle avait besoin de lui, besoin d'un média pour entrer en contact avec les esprits, afin de les interroger sur la nature de la substance.

- Le protocole est très simple et sans danger avait-elle ajouté a Sorn fasciné par ce qu'il pourrait apprendre.
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Aucun doute. Sorn avait atteint l'éden des ménestrels. Sa muse était devant lui et lui souriait, elle n'était certes pas tangible comme dans la réalité, un peu vaporeuse, un peu diffuse, mais il la reconnaissait, sa douce Lilië. De petites étoiles colorées filaient de toute part, une odeur doucâtre berçait ses sens. Son corps aussi semblait éthéré. Il n'y avait plus aucune limite physique, il était prêt pour s'envoler et rejoindre sa belle...

Mais il resta cloué sur le lit. En un instant tout lui revint, le combat contre le monstre, sa fuite, son retour au combat, l'eau étrange qu'il avait glané, son arrivée à l'auberge dans un piteux état pour y passer la nuit, la diseuse de bonne aventure qu'il avait invité dans sa chambre pour analyser l'eau dégénérée, cette poudre qu'elle avait versé dans sa boisson pour en appeler au savoir des esprits ancestraux, puis... plus rien.

- Venntaï, ca va ? lui demanda la prêtresse, debout à côté de Lilië. Vous êtes au temple d'Asteras. Deux lads de l'auberge de la Licorne vous ont amené ici inconscient. C'est chose routinière pour nous, hormis que d'habitude les patients sont simplement passablement imbibés d'alcool. Votre cas était différent et inexplicable. Elle pousuivit, posant sa main sur l'épaule de Lilië. Vous êtes resté inconscient cinq journées durant, mais heureusement votre soeur est arrivée rapidement, et tient votre chevet depuis ce temps. Elle vous a désaltéré et soulagé.

Sorn aurait bien voulu faire de grands yeux devant ces révélations, mais ses paupières était statiques.

Il tenta de bouger, rien. Un bras, une main, un doigt, une phalange, rien. Pas même ses lèvres ne voulaient obéir. Seul ses poumons pouvaient péniblement moduler la quantité de souffle qu'il voulait.

- Ghou... hah heuuh...

Les sons qu'il parvenait à proférer ne ressemblaient à rien.

Heu eu eu oin ahé, hè é hèh hahéihon ?
Hèhé oi in éheuin i he han ha hihon !


Après quelques autre tentatives, les deux demoiselles comprirent que la situation était plus grave qu'elles ne l'avaient escompté, car le patient était entièrement paralysé. Elles firent quérir d'autres prêtres. Il en vint un rapidement, bedonnant et souriant, sentant légèrement la vinasse.

- Aaaalooooors...

Il s'assit devant le lit puis ne bougea plus.
Tout le monde, a commencer par Sorn, se demandait s'il s'était endormi. Puis sans même l'avoir touché, palpé, question, trituré, il sortit de sa transe et annonça :

...il n'a rien...

Devant les yeux étonnés de l'assistance, il précisa :

...enfin presque. Un peu sonné... en fait son coprs est mort de peur, un réflexe de paralysie d'une partie de ses organes dû a un choc émotionnel. J'ai vu ça souvent chez les lapins. Mais là, c'est rigolo, c'est un cas persistant, peut-être a-t-il une autre origine. Remarquez ce n'est pas bien compliqué à traiter: il suffit de soigner le mal par le mal... Vous avez une idée pour lui faire très peur ?
comme tout le monde faisait silence, le prêtre bedonnant annonça en riant :
Il me semble qu'il était déjà là il y a peu, délirant sur une gigantesque créature d'eau qui aurait attqué la ville, si c'est ça, on pourrait essayer de le ramener à nouveau devant la bestiole qui lui a fichu cette trouille !

Sur ces entrefaites arriva un autre prêtre, qui marqua une pause silencieuse, son visage plein d'étonnement. Une fois la surprise passée, il dit :

- Comment ? Vous traitez ainsi un hôte de marque ? Cher Sorn, veuillez les excuser !

Il renvoya prestement son homologue pansu ainsi que toute autre assistance, disant qu'il prenait l'affaire en main. Il examina Sorn, qui avait reconnu son ennemi et père de son neveu, mais ne pouvait bouger pour le trahir.

- Il est bien mal en point, presque mourant, cela va être très difficile de le sauver, mais je ferais ce qu'il faut. Déjà, il lui faut du repos, il y a bien trop de monde ici.
- Je ne veux pas le laisser ! s'écria Lilië

- Il le faut pour son bien, sinon c'est vous qui aurez sa mort sur votre conscience ! Revenez demain, ou après demain.
Il poussa aussi poliment que possible Lilië vers la sortie, puis marquant une pause, il semblait chercher quelque chose. Ou quelqu'un.
où est encore passé ce maudit larbin ?

Ledit larbin arriva, l'air d'une sombre brute sans grande perspicacité.

- Menez-le en chambre M.
- Euh, M, z'êtes sûr ?
- M.
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#14
Lilië entra doucement dans la chambre. Il y régnait une odeur non désagréable, mais lourde et prenante, les volets étaient fermés.
Après moins d'une minutes, elle suffoqua presque, et commença a a avoir des nausées. Prestement, elle poussa les volets au travers des grilles métalliques des fenêtres, prit le récipient qui dégageait cette odeur et jeta le contenu à l'extérieur.

- Encore vous ? Je vous avais dit de le laisser tranquille et de revenir demain ! Il vient d'être transféré ici il y a deux minutes a peine et a besoin de se reposer plus longuement.

Lilië sursauta aux paroles du prêtre qui était entré silencieusement par la porte laissée ouverte.

- J'avais envie de lui dire sirial, et j'ai bien fait, il n'était pas vraiment confortablement installé dans cette pièce confinée. J'en avais même des nausée ! J'ai jeté par la fenêtre ces curieuses boules à l'odeur d'amande amère.
- Grmbl... soit...

Il quitta la pièce sans un mot puis revint quelques minutes plus tard avec un breuvage verdâtre.

- C'est une variante personnelle de la renommée liqueur « debout les morts ! », dans deux minutes votre... frèèère sera sur pied. Vous pouvez en boire aussi, cela vous remettra de vos nausées.

Puis il quitta la pièce en fermant la porte.

- Hon hon hon HON !
- Allons Sorn, cessez de faire l'otarie et buvez, c'est pour votre bien, le prêtre l'a dit.

Elle plaça ses doigts sur chaque joue du ménestrel et pressa délicatement dessinant de sa bouche un o parfait.
Comme elle allait lui verser dans la bouche, le trouvère fut pris d'une telle terreur que ses lèvres commencèrent à remuer.

- Hil vheu mheu tuer, croyez-hoi, il va hou pheu paasser la porteuh
Cheutez cheu brevache a terre, allonchez vous et faites la mortheu !


Comme il répéta plusieurs fois une consigne analogue, et semblait sûr de lui, elle obtempéra, jetant le gobelet et s'allongeant sur le sol dans une mise en scène mortuaire, juste a temps avant que la clenche ne se fasse entendre et que le prêtre n'entre...

- Parfait... deux d'un coup.

Puis il referma la porte a clé et s'en fut.

Sorn avait quasiment retrouvé la parole, et peu à peu ses autres membres commençaient à regagner leur aisance. Bientôt il put s'assoir sur le lit et raconta a Lilië ce qu'il savait, terminant sur quelques questions :

- Me pardonnerez-vous de ne vous avoir dit toute la vérité ?
D'ailleurs comment se fait-il qu'au Temple m'ayez retrouvé ?


- Vous m'avez fait envoyer une bourse pleine pour m'occuper d'un bébé qui était au temple.
Donc je suis venu m'en occuper... Je ne le voyais pas si grand !
Ajouta-t-elle en riant.

– Autre chose, la prêtresse a insinué que vous m'aviez... soulagé.
J'aurais


- Et alors ? Je fais cela tout le temps avec les bébés ! Et vous êtes tout pardonné.
De toute manière la priorité est de sortir d'ici, nous discuterons de vos craintes plus tard !


- Sortir n'est n'est pas un problème, puisqu'il y a une ouverture.
Tendez-moi la broche de vos cheveux et revêtez pèlerine et ceinture.


Ils enfilèrent des tenues que portaient les gens du temple, puis Sorn alla vers la porte muni de son aiguille.

- En plus d'être artiste, seriez-vous cambrioleur ?

- Le plus grand à n'en point douter, jamais aucune fermeture ne me résiste,
Petit déjà, il me fallait poignée de secondes avant qu'elles ne se désistent.


Une bonne demi-heure plus tard, Sorn failli laisser échapper son premier juron, mais s'en garda en présence de la belle.

- Il semblerait que ce soit finalement un tantinet plus compliqué,
Ces serrures sont enchantées, et seul ouvre celui qui possède la clé.


Clic-clac

Justement la clé tourna dans la serrure, et apparu un elfe a la mine patibulaire, le larbin du prêtre, aussi surpris que les deux prisonniers.

Après avoir laissé passer un ange, voire deux, Lilië se risqua a un petit :

- Venntaï... Vous êtes ?

Un peu interloqué par cette question déplacée, le gus répondit tout de même :

- Lëon, nettoyeur.

- Ah, vous venez pour le ménage, c'est très bien, je disais justement à mon collègue que l'atmosphère ici était... mortelle, de plus gobelets et boissons jonchent le sol... bon courage pour tout laver. Sirial !

Ils passèrent la porte devant l'homme de main hébété, et quittèrent sans encombre le temple sous le couvert de leur allure ecclésiastique, d'autant que personne ne les recherchaient.

Une fois qu'ils furent un peu éloignés, ils abandonnèrent leurs habits dans la rue et Lilië interrogea le ménestrel.

- Comment voulez-vous procéder si de plus les serrures sont magiquement closes ?

- De ce fait, nul besoin de vous inquiéter.
J'ai déjà élaboré une idée... Vous dansez ?


- Vous voulez que je danse ici, maintenant, avec vous ? Ce n'est peut-être pas vraiment le mo...

- Non, non non... quoique ce ne soit pas l'envie qui m'en manque,
Mon esprit s'en était déjà allé à mon prochain rôle de saltimbanque.
Je cherche une danseuse, connaissez-vous quelques pas divertissants,
Qui pourraient rendre un passage de l'exhibition plus dansant ?


- Absolument... j'étais danseuse du ventre au « Poney qui tousse» avant d'être nounou !
Mais j'ai arrêté, lassée d'être tripotée partout et par tous.


- Il faut que je vous avoue que je n'ai rien pour vous payer,
Vos derniers émoluments représentaient le reste de me deniers.


Elle commença sa phrase avec un tendre sourire
- Je m'en doutais un peu... mais je me contenterai de la moitié de la recette du spectacle !
finit-elle en riant ironiquement.

- Pourquoi de cette remarque vous riez-vous ?
Du succès de mes spectacles douteriez-vous ?


- Il est gratuit ! J'ai vu votre affiche et...

- Hé, je ne suis pas si sot... l'attraction est gratuite et donc attirante,
Mais il y aura buvette, restauration et herbe à pipe... payante !!


[Image: hr.png]



[Image: sorn_lili_leon.jpg]

Note hrp : les deux personnages sont fictifs, ne les cherchez pas sur le plateau Wink
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#15
Les invitations avaient rempli leur rôle. Tout le gratin du clergé était présent, d'Ajila a Ghuilndo en passant par son « ami » le prêtre qui avait voulu attenter à sa vie. Les militaires aussi étaient représentés, au travers de la garde royale et de leur capitaine, ce qui laissait présager que la buvette aurait son heure de gloire. Quelques personnes inattendues étaient aussi présentes, telle que la conseillère du roi. Et enfin, fidèle parmi les fidèles, qui n'avait raté aucune des représentations depuis que Sorn les donnait aux jardins, le canard de l'étang était au premières loges. Seul manquait le capitaine de l'ordre des chevaliers du temple. En se renseignant, Sorn apprit qu'il était en mission loin d'Asteras. Il débuta la soirée en saluant et en remerciant ses invités.

Le prêtre retors semblait nerveux. Pourquoi Sorn avait-il invité tout particulièrement le personnel du temple d'Asteras ? Aurait-il mal pris la tentative d'assassinat ? Il avait peu de doutes... le trouvère s'apprêtait à faire une dénonciation publique... Mais il aurait une bien mauvaise surprise. Dans l'ombre d'un toit qui surplombait les jardins était tapi un elfe, Lëon, le fidèle serviteur du prêtre. Il n'était point mauvais à l'arbalète, et avait de ce fait été réquisitionné pour cette besogne. Il attendait les signes discrets de son maître, au cas où Sorn aurait la fâcheuse idée de vouloir diffuser quelque information compromettante.

Et justement, voilà qu'en s'approchant furtivement du troubadour, le prêtre surprit celui-ci à demander tout aussi discrètement à l'une des hautes autorités de l'ordre :

- Venntaï, Dëlfas Ghuilndo, votre présence sous ce ciel d'asteïr est un honneur
J'espère que ma représentation fera a votre sainteté ainsi qu'a tous ici le bonheur
J'ai a propos d'honneur, ou plutôt hors de propos une question indiscrète...
Si un quidam avait osé aguicher une prêtresse, que risque t-il pour sa tête ?


Avec un sourire entendu, le notable éluda la question :

- Auriez- vous, cher ménestrel, quelque chose a vous reprocher ?

- Non pas, je discutais amicalement avec un prêtre qui avait conté cette plaisanterie,
Qui conduisit au bûcher un amant pour avoir octroyé à une prêtresse quelques gâteries.


Le grand prélat rit à gorge déployée avant de répondre :

- Voilà un plaisantin aux goûts bien dramatiques... rassurez-vous, a part une ëmëstée, vous ne risquez pas grand chose a peloter une prêtresse ! Et avec un air soudain grave et menaçant, il finit en disant c'est elle qui prend des risques.

Le prêtre était démasqué. Il avait perdu son seul moyen de pression et allait être dévoilé. Il fit le premier signe, qui signifiait a son laquais de se tenir prêt. Le carreau fut placé, et la manivelle tournée avec grande dextérité. Un second signe de la main, et il n'aurait plus de risque. Ce n'était certes très discret, mais au vu de la réputation du futur macchabée, on mettrait sans nul doute cela sur le compte d'un mari trompé.

Sorn vint vers lui et se plaça tout à ses côtés, prit sa main dans la sienne et la leva.

- J'aimerais, pour celui a sauvé ma cousine, que vous fassiez une ovation,
Même si celle-ci est entre temps à nouveau trépassée pour d'autres raisons.


La sueur perlait sur le front du prêtre. Quelle plaie ! Ce saltimbanque allait le livrer, il allait tout révéler, et il était trop près. Si son larbin visait mal, c'est son maître qu'il risquait de tuer, il ne pouvait ordonner son exécution maintenant...

Mais a son grand étonnement, Sorn repartit, continuant ses louanges a destinations d'autres prêtres et prêtresses, pour d'autres raisons, saluant et remerciant les présents, gratifiant les dames de quelques compliments.

Puis le spectacle commença.

- Il me faudrait un volontaire, prêt à donner sa vie pour assurer mon succès.
Personne n'est suicidaire ? Ce n'est pas un souci, laissons alors le hasard décider.
Je l'ai intitulée la roulette elfique, ce qui est en jeu n'est rien d'autre qu'une vie.

Il se saisit d'un arc et d'une flèche bleue et pointa cette dernière vers le ciel.
Où pensez-vous qu'elle retombera si je tire à la verticale ? Ou plutôt sur qui ?

Certains regardaient avec appréhension, se demandant s'il avait perdu la tête, d'autres souriaient bêtement en attendant la chute de l'histoire.

La plupart des sourires disparurent lorsque résonna la vibration de la corde détendue. Il posa l'arc et tendit ses bras à l'horizontale comme s'il attendait la pluie.
Tous les regards étaient tournés vers le ciel. Et effectivement il se mit à pleuvoir, de petits filaments colorés et brillants.

Ce soir, ne croyez pas forcément tout ce que vous verrez !
Nous mettrons à votre service tous nos talents pour vous faire rêver.


Interpellée par la phrase du trouvère, l'attention du public se détourna du ciel vers lui, qui tenait dans sa main une flèche bleue.

Quelques applaudissements et sourires saluèrent la performance, mais la plaisanterie ne semblait pas avoir été du goût de tout le monde, particulièrement du prêtre qui y avait vu dû voir une possible attaque a son encontre. Sorn grimpa sur une table et déclama :

Un court poème, que j'ai nommé l'orange de Noël.
Il m'a été inspiré par ma cousine, lors de sa chute mortelle.

A l'occasion de la grande veillée aux chandelles,
Deux miens amis ont reçu chacun une orange de Noël.
Le premier, ébloui, dit je vais la garder précieusement.
Le second, épicurien, s'en délecta sur le champ,
Puis vint trouver le premier pour en obtenir quartier.
Non je ne veux t'en donner, non plus que je veux la manger !
Je la garde pour moi, pour le jour de grande envie.
Il n'en profita jamais, car l'orange de Noël a pourri.


Après quelques applaudissements épars, il poursuivit :

Et maintenant laissons la tragédie derrière nous, et allons de l'avant.
Un peu de musique et de rêve avec le dragon... et le paysan.


Il prit sa lyre pour en faire jaillir une douce mélodie, et se mit a chanter la geste du dragon et du paysan, avant de poursuivre avec d'autres chansons ou musiques sans paroles, jonglages et acrobaties, avant de finalement annoncer que la féminité allait maintenant le remplacer.
Il y eu lorsque Lilië entra sur la place du jardin aménagé en scène improvisée, plus d'applaudissements que pour tous les chants, poèmes et danses précédents.
Il faut dire qu'elle avait troqué ses atours de soie pour une tenue légèrement plus dénudée...

La robe était longue, et cachait jusque ses pieds, mais cachait peu de choses en réalité car laissant apparaître au travers de son tissu diaphane les formes élancées.
Pour le haut, elle n'avait d'autre habit qu'une fine bande de tissu qui cachait sa poitrine, mais de sa robe partait deux immenses voiles qu'elle tenait dans ses main, et qu'elle montait à loisir pour entièrement s'envelopper.
Lorsqu'elle passait devant une lumière, elle était l'ombre chinoise d'une danaïde dévêtue, quand la lumière venait par devant, elle était une rose aux pétales tournoyants.

Sur une table était une petite caisse de bois, ouverte.

Croyez le ou non, afin de cette déesse ne point vous distraire,
Permettez que dans cette caisse je m'éclipse pour jouer mon air !


Tout le monde rit et se moqua, il devrait être plié en quatre et sa lyre en six pour entrer là-dedans... Il y entra pourtant, et comme Lilië fermait le couvercle puis y montait elle-même d'un gracieux saut et dans une explosion de lumière, les notes étouffées se mirent à résonner.
Et sous un tonnerre d'applaudissement, l'elfette suave se mit a danser.
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#16
Sorn couru le long de la rue, atteignant l'arrière du temple en quelques minutes, et psalmodia l'incantation qui activait la cape d'agilité de sa défunte cousine. D'un bond il attrapa le haut du parapet, tirant sur ses bras puis les ramenant à la manière cher aux soldats du feu, il atteignit le sommet. Dans un bruit feutré il atterri sur les pavés de la cour intérieur, et derechef il grimpa le long du bâtiment principal jusqu'au troisième étage. Ce n'était pas vraiment difficile tant les gargouilles lui faisaient escalier. Il entra dans le couloir par la fenêtre sans vitre du couloir. Il l'avait repéré lorsque le père lui avait fait entrevoir le bébé. Il se glissa jusqu'à la porte et y introduisit la clé qu'il avait dérobé au prêtre lorsque la foule l'ovationnait.

Il avait choisi d'agir un jour seulement avant la naissance présumée. Il observa minutieusement le bébé flottant dans son aura bleue puis rebroussa chemin. Descendant quatre a quatre les escaliers, il tomba droit sur ce qu'il cherchait : l'orphelinat populaire. Le ronflement de la gardienne ne couvrait pas les cris des nombreux enfants. Comment pouvait-elle dormir avec ce vacarme ? Il ouvrit précautionneusement la porte, prenant garde que les quelques mioches qui rampaient au sol ne s'échappent. Il se demanda comment ils avaient atterri. Parcourant les longues rangées de couffins, il se saisit doucement d'une fillette qu'il plaça dans l'écharpe de portage dont il avait pris soin de s'équiper. Il avait aussi a tout hasard prévu un alcool fort, au cas où le bambin voudrait le dénoncer d'un hurlement, mais l'écharpe fut suffisante de par son bercement. Il gravit les marches qu'il venait de descendre, puis échangea la petite qu'il portait avec celle qui flottait dans le berceau de cristaux.

Elle ressemblait à sa mère... Heureusement, se dit-il, se rappelant du père et sortant brutalement de sa contemplation. Rien n'était moins sûr que celui-ci verrait la supercherie, mais d'une part Sorn n'en avait que faire, demain il serait loin, et de plus le prêtre ne devait pas avoir pu porter une attention particulière à l'observation de sa fille perpétuellement enveloppée dans une aura bleue. Quant à l'inconnue qui l'avait remplacée, il était absolument certain que personne ne s'intéresserait au fait qu'elle manquerait à l'appel, car il n'y en avait pas.

Il resserra l'écharpe alourdie par la petite fleur dodue, et se lança par la fenêtre agrippant à nouveau les visages distordus. Le mur, la rue, le passage souterrain, même chemin à l'envers.
Il salua d'un signe de tête le musicien qui leurrait la foule, lui tendit le fardeau vivant en échange de son instrument, puis passant en un éclair l'inextricable jeu de miroirs qui donnait l'illusion à cette caisse d'être une table, souleva le couvercle d'un coup, bondissant sous un nouveau tonnerre d'applaudissements dix-neuf minutes après le premier...

Un signe de tête entendu à la danseuse, un sourire. Cela signifiait tout s'était bien passé, tout était bien. Cela signifiait peut-être même un peu plus, mais les spectateurs avaient fini leurs acclamations.
Le doigt de Lëon s'était à nouveau crispé sur la gâchette, après s'être un peu relâché pendant que le ménestrel jouait plié à l'abri de sa caisse. Pas de signe du prêtre... pour l'instant.


(hrp : sur le plateau, Sorn vient d'user de 6.45 Mvt/PA pour réaliser le parcours Jardin - Temple - Chambre D - Jardins Wink)
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#17
- Et maintenant, gentes dames et gentils damoiseau, une grande nouveauté...
J'ai intitulé cette histoire magiquement illustrée le papillon et l'araignée.


L'élocution du titre fut accompagnée d'une incantation magique. Il avait ses deux bras partiellement tendus devant lui, paume tournées vers le ciel. De sa main gauche s'envola un papillon, éthéré et brillant, et entre les doigts de sa main droite coulèrent les filaments d'un obscur liquide, formant ce qui s'apparentait à une obscure araignée, ou peut-être une toile noire et gluante ou finalement un mélange des deux.

Bien que les applaudissement semblèrent plus dus au nouveau concept de geste autant arcaniquement que réalistement illustrée, le résultat était là et le publique était plus que satisfait.
Il y eut encore quelques succès, puis le spectacle prit fin, Sorn parcourant la foule qui le félicitait. Il s'arrêta a hauteur d'un prêtre dont le malaise aurait pu faire croire qu'il avait bien peu apprécié le spectacle, mais en vérité il hésitait plutôt à donner un signal mortel.

- Ma bourse ! S'écria le prêtre assassin. Sorn lui avait subtilisé et l'arborait fièrement devant les invités.

Mais comme par miracle, tout y était effectivement, y compris un petit trousseau de clés...

- Comptez, tout y est, mais n'oubliez pas les artistes !
Dames et sieurs, voici le temps de quitter la piste,
N'hésitez point à faire honneur a nos victuailles
Pour un sou une bière, pour deux une volaille !


Il salua et remercia longuement le clergé de sa présence en masse, et fut chaudement félicité en retour. Le prêtre était toujours tendu, prêt à requérir discrètement la mort, mais à nouveau le ménestrel repartit, sans faire aucune révélation.
Le pauvre Lëon avait une crampe à force de viser le trouvère depuis bientôt trois heures, et fut ravi de voir le signe de repli ordonné par son maître, tout aussi radieux que rien ne soit arrivé de fâcheux.

Alors que Sorn allait rejoindre son équipe d'artistes, ravi d'avoir élaboré un plan sans accrocs, le capitaine de la garde royale l'interpella... Avait-il remarqué la supercherie ?
Mais le trouvère fut rassuré d'entendre sa proposition... Emporter à Tilador Erdana, où aurait lieu son prochain spectacle, une missive a l'intention du Sergent de la garde. Avec récompense à la clé, qui plus était...
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#18
- J'ai eu la chance d'en trouver une très semblable,
Même ses yeux avaient une teinte comparable.
J'espère qu'il la chérira comme sa propre fille,
Et qu'au moins l'une de ces orphelines y gagnera une belle vie.
Comme j'espère faire le bonheur de ma nièce, cela en fera deux,
Avec votre aide, si vous voulez bien l'apporter à iceux.


- Je le veux...

- Il nous faudra peut-être aussi la baptiser,
Car ma chère cousine jamais ne l'a dénommée.


- Nous pourrions la prénommer... Andora ?

Ce prénom fut adopté à l'unanimité.

Ils avaient déjà parcouru lun long chemin, Asteras se distinguait à peine au loin. Le soir étant proche, Sorn partit en avant, puis revint bientôt avec un bedonnant paysan à l'air jovial. Derrière son dos, le trouvère fit signe à la nourrice de ne pas s'offusquer de ce que le croquant dirait.

- Je vous salue Lilië ! Votre époux m'a expliqué que vous veniez de mettre au monde la p'tiote, mais comme j'lui ai dit, chuis ben désolé, j'peux vous proposer que mon étable là bas... y'a d'la paille, du foin, poussrez un peu l'ânnesse a droite, le boeuf à gauche et vous aurez d'la place suffisamment pour une nuit avec la p'tiote, j'vous d'mande rien bien entendu,'pouvez même prélver quelqu'zoeufs, j'en ai a foison...

Il se dirigèrent vers ladite étable, qui se situait au bord d'un énorme mais pittoresque étang.

- Je vais pour la vêprée préparer le repas,
Et dans ce bassin prometteur placer quelques appâts

annonça Sorn.

Il alla voir le couffin et son contenu, passa quelques instant à l'observer, puis sourit. Enfin il défit son paquetage. Prenant un petit fil de métal recourbé qu'il fixa au bout d'une cordelette, il en fit un hameçon qu'il garnit d'un ver bien dodu. Il y mit encore à mi-longueur une plume ramassé à même le sol, et jeta le tout dans l'étang. La plume flottait paisiblement, à l'indifférence de deux cygnes qui ne semblèrent pas s'outrer de cette ridicule concurrence.
Puis il chassa une poule râleuse et lui emprunta deux oeufs, ramassa quelques brindilles et morceaux de bois auxquels il bouta le feu à l'aide de son briquet. Il enterra deux piquets branchus de part et d'autre du foyer. Enfin il entailla un arbre et posa un petit gobelet en terre cuite a son pied, puis se rendit au point d'eau pour y remplir une outre.

Lilië, qui l'observait, lui demanda si elle pouvait l'aider.
Il lui répondit :

- Non point, ma Dame, vous venez d'accoucher !
Mettez-vous bien à l'aise et attendez le dîner.
Vous pouvez surveiller l'étang si vous le souhaitez,
et me héler dans le cas où la plume bougeait.


Quand il revint un peu plus tard, chargé de quelques plantes appétissantes et d'un bouquet de fleurs, Lilië avait largement outrepassé sa consigne, car elle était consciencieusement en train d'éviscérer une grosse carpe brune qu'elle ficha sur un pieux et posa sur les deux supports qu'avait préparé Sorn.

Ils s'installèrent autour du feu et mangèrent.

- Vous en avez émerveillé plus d'un lorsque vous dansiez,
On a loué votre capacité à s'occuper des nouveaux-nés,
Maintenant voilà que vous campez comme un scout...
Comment faites-vous, de toutes qualités, pour exceller en toutes ?


- Oh, je suis loin d'être experte dans tous les domaines... je suis vierge, vous savez. Et tout mon passé, bien qu'intéressant, m'a fatiguée. J'aimerai maintenant, plutôt que de travailler pour les autres, dans les maisons des autres et pour les enfants des autres, prendre un peu de temps... pour moi. Pour nous.

- Peu m'importe parmi le zodiaque quel est votre signe,
Moi aussi j'aspire a la vie tranquille que mènent ces deux cygnes.


Et pour servir le destin, les deux oiseaux s'approchèrent, s'ébrouèrent et se levèrent légèrement l'un vers l'autre en un ballet majestueux et évocateur.

- Votre préparation pour ce poisson était exemplaire,
je me suis délecté et suis prêt à passer au dessert...


- Oui, je suis fatiguée, vite le dessert puis allons tâter le foin... A propos de dessert, quel est le menu ? Je ne comprend pas pourquoi avez-vous avez entaillé cet hévéa, il me semblait que seul l'érable était comestible et sucré ?

Il s'approcha de sa délicieuse voisine, sans donner de réponse à ce que pourrait être le dessert.

Leurs lèvres s'approchèrent.

- Ouiiiinnnnnnn ! Ouiiiiinnnnnnn !
- Pfffff.... Je viens, Andora, je viens...
dit Lilië d'une voix douce.

[Image: hr.png]

[Image: thatsit.jpg]
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