La rumeur court...très vite.
#1
La rumeur court …

«_Par les racines fourchues d'un humus en décomposition! Il y en a parmi vous qui ne s'appellent PAS Enthanel ?! »

La voix agacée perce la rumeur de la foule rassemblée sur la petite place. Un regard léger, à peine un haussement de sourcil. Et la foule repart dans ses tracas nanesques.
Dans la ruelle, je m'éloigne à pas rapide, le souffle saccadée, surprise moi-même d'avoir cédé à un cri aussi impulsif. Je froisse le parchemin nerveusement. Il est déjà bien abîmé après mes nombreuses lectures.

La sagesse voudrait que je lance cette missive aux flammes.

Dire que c'est avec une joie sans borne et la certitude d'une tâche bientôt finie que, quelques jours plutôt, mes petits pieds endoloris avaient à nouveau foulé le sol d'Asteras. La Grande Cité elfe, le centre du monde qui valait la peine d'être connu. Un monde qui ne se composait pas de boue, de longues heures d'attente et vermine à poil long.

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« _Orme, j'ai l'immense privilège de vous annoncer votre affectation. Vous aurez l'honneur de passer une belle et looongue année dans les postes de campagne de troudefaussedumonde … Ça vous fera les nerfs, ma fille ! Et ça me fera des vacances bien méritées ! »
m'avait annoncé notre instructeur, un immense sourire aux lèvres.

Ha, ça, j'en avais vu des nerfs. Et des nains ! Les pires rebuts de la société, les déchets qui n'avaient plus la place même dans leur propre peuple de sauvages. Ils étaient pour qui ? Pour nous, « l'élite de la jeunesse et de l'espoir des Elfes et patati et patata ».

Quelle ne fut pas ma joie, quand on me désigna moi, et rien que moi, pas les autres arriérés justes bons à compter fleurette, pour poursuivre ces voleurs de poules. Le premier nain était mort. J'avais cassé ma belle épée de recrue dans sa barbe –puissent des fleurs pousser sur sa tombe jusqu'à la fin des temps-, l'autre était un petit vicieux coriace. Profitant d'une nuit, il avait changé de direction, prenant la route de la capitale.

Pensait-il être protégé là-bas ? J'aurais dû être plus méfiante. Le nain m'avait semé en ville. Et je m'étais retrouvé pile nez à nez avec mon ancien instructeur en prime.

C'est là, que je l'entendis pour la première fois. Ils s'étaient opposés, à moi, une elfe, et m'avaient interdit de tuer le nain, sous prétexte qu'une gamine venue d'on ne sait où faisait sa crise de puberté. Alors que je partais, un elfe inconnu s'était approché :

«_ Tu as dû te tromper d'endroit. Si tu veux tuer des nains, tu aurais mieux fait d'aller voir Enthanel. »

Oui, oui, oui, et le marchand d'amphores aussi. Le nain devait être traqué. Je commençais par les auberges. Certaines grouillent de sympathisants, il parait.

Quelle ne fut pas ma surprise d'entendre deux elfes discuter des faits et gestes d'un certain Enthanel ! Plus la soirée passait plus j'en entendais.Enthanel ici, Enthanel a fait ça. Soit, cet elfe ne dormait pas, soit ils s'appelaient tous Enthanel en ville. Bizarre, peut-être, cocasse certes.

Le lendemain matin devait en décider autrement. Un parchemin m'attendait gentiment au réveil, sans signature, ni marque de reconnaissance. Un seul mot parmi l'écriture déliée fixa tout de suite mon attention. « Enthanel ». Si c'était une sorte de farce commune à tous les habitants, c'était d'un goût douteux.

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Maintenant que je marche dans les ruelles, ce parchemin à la main, deux problèmes occupent entièrement mon esprit. Un elfe et un nain. Un défi dans les deux cas. Mon devoir et la prudence me conseillent une voie. L'arrogance, une autre. Si je pars maintenant, je pourrais rattraper mon fuyard dans la soirée. Il me faudra au moins une autre journée pour revenir à Asteras.
Une journée de trop peut-être.

Alors que je tourne les talons vers la destination mystérieuse de la missive, j'imagine la petite silhouette trapue courir dans les collines. S'il y a bien une chose qui court plus vite qu'un nain, c'est la rumeur chez les elfes.

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