Entre Légendes et Réalité, la malédiction de Thana
#1
Dans une petite maison, sur le flanc d'une montagne surplombant Karad, le feu est allumé dans la cheminée. Un très vieux nain, le visage buriné par l'âge est assis sur un fauteuil à bascule. Un énorme livre est posé sur ses genoux. Il passe son doigt sur le coin de la reliure. Des feuilles vieillies par le temps dépassent de la couverture. Devant lui, quelques bambins attendent patiemment leur histoire du soir. Mais, cette nuit, le grand père ne semble pas très décidé. Il soupire en tournant les pages.

« Mes petits, ce soir, je pense que vous êtes assez âgés pour que j'arrête de vous raconter de telles histoires. Elles finissent toujours bien, avec des nains riches et bien portants à la fin. Mais… ce n'est pas la réalité… Ce livre n'est pas un livre de contes. C'est… Un livre sur nos légendes… Légendes teintées de vérité. »

Il s'arrête à une page richement décorée. Des runes très étranges sont dessinées, formant un ensemble encore plus grand. En fait, en regardant bien, un visage est dessiné. Un visage sans expression.

« Nos légendes parlent de certaines choses, de créatures de la nuit, de monstres terrifiants… Vous devez croire que ce sont des racontars pour vous effrayer et vous obliger à manger votre soupe ou vous coucher tôt. Vous avez raison pour la plupart. Mais moi, je vais vous raconter d'où viennent ces légendes ! »

Il tourne la page. Une carte de la région entourant Karad est dessinée. Le Septentrion et une partie de l'Erion, jusqu'à sa source. La source du fleuve est entourée de rouge. Etrangement, les jeunes nains et naines aperçoivent de petits gribouillis qui ressemblent à des bâtiments… Pourtant, aujourd'hui, nulles ruines ne se trouvent là-bas, ils en sont sûrs.

« Cela vous étonne n'est ce pas ?
- Qu'est ce que c'est grand-père,
demande la cadette.
- Tu veux savoir ce qu'il s'est passé là-bas, il y a des années, Grahma ? Je vais vous le dire. Mais n'en parle pas à ta mère, elle me gronderait de vous raconter de telles choses. Cela s'est passé il y a bien longtemps, très longtemps. Si longtemps que moi-même je n'ai pas connu ce moment, ni mon grand-père. Mais… Ce livre, c'est le père de mon grand-père qui l'a écrit. En partie… Cette histoire en fait, parce qu'il y était. Il s'appelait Grumir.»

Le vieux nain tourne la page. Une écriture parfaite couvre les suivantes. Les enfants ont tout juste le temps d'apercevoir quelques dessins. Mais déjà le vieux Kronir commence son récit.
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#2
« Aujourd'hui, moi, Grumir de la maison Carngnison, vais raconter à mes descendants les faits qui se sont déroulés à la source du grand Fleuve, au temple maintenant détruit de Thana. Ce temple, créé en cachette par des adorateurs de la déesse, revendiquant son introduction officielle au Panthéon, a été le lieu d'étranges événements. Ce que je vais vous raconter s'est déroulé en l'année 147 après la fondation de Karad Zirkomen. Je faisais parti de la garde personnelle du Thain. J'étais éclaireur et j'ai été envoyé sur ces lieux car des disparitions de nains se sont déroulées dans cette région. […] »

[…] Les citoyens du village tout proche nous ont indiqué le lieu de disparition des nains. Les lieux qu'ils nous montrent sur la carte ne laissent aucun doute… Tous les enlèvements se sont faits près du lac gelé, à trois lieux à peine du Temple. Ou de sa position supposée. En réalité, les prêtresses de Thana avaient dissimulé ce temple, pour éviter les conflits lors de sa construction. Et… Depuis quelques semaines, plus aucune prêtresse n'a été vue. Tapis dans l'ombre des quelques arbres qui bordent le lac gelé, j'observe. Nulle trace de pas, nulle signe de violence. Cela fait deux jours que je guette… et toujours rien.
Je suis sûr hier soir d'avoir vu une ombre passer. Mais… malgré mes sens aiguisés je n'ai pu la suivre très longtemps. Il y avait quelque chose de magique dans ses mouvements. Il fait froid, très froid… Un souffle glacé me traverse de part en part… Je ne pensais pas qu'il faisait si froid… Mes paupières, lourdes, se ferment… Je ne dois pas m'endormir… Je dois… […]

« Que lui est-il arrivé grand-père ?
- Ecoute et tu sauras…
»
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#3
[…] Je sens quelque chose m'attraper par l'épaule. Le froid s'insinue en moi. Comme du poison. Et la fatigue… Mes yeux se posent sur de fins doigts, nus, d'une couleur de cadavre. Je sens dans ma nuque le souffle glacé de la créature. Comment s'est-elle approchée de moi ? Sans que je l'entende ? Puis… le noir. J'ai l'impression de sentir quelque chose me porter. Je sais que le temps passe. Mais… je ne suis ni tout à fait endormi, ni tout à fait réveillé. Des murmures s'insinuent dans ma tête… Des voix féminines. J'entrouvre les yeux. Je suis allongé sur le sol. Des flambeaux m'éclairent et me réchauffent. J'ai l'impression que la vie revient peu à peu en moi. Des picotements au bout des doigts sont telles des étincelles de vie. Mon cœur bat plus vite, plus fort.
« Il ssse réveille… susurre une voix diabolique.
- Oui… il revient à lui…
- Tu y es allée un peu fort ! Tu as failli le tuer.
- Ce n'est pas de ma faute… Le froid l'avait déjà engourdi.
- En tout cas, tu nous as ramené autre chose que ces petits villageois ! Mieux que les autres...
- Plus de sang… Nos sœurs vont être contentes. »


Ce n'est pas tant ce qu'elles disent, mais le son de leurs voix qui m'effraie. Surtout lorsqu'elles ricanent. Elles me glacent le sang. Ce n'est pas une façon de parler ! Je sens mon sang, ma vie se geler à leur côté. Qui sont-elles ? Je ne les vois pas. Je me meurs. […]

« Qui sont-elles ? Les prêtresses ?
- Tu n'es pas loin mon petit.
- Mais pourquoi feraient-elles une telle chose ?
- Elles sont censées nous protéger non ?
- Je n'ai pas dit que c'était les prêtresses… »
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#4
[…] Je sais qu'elles sont parties. Je peux bouger à nouveau. Péniblement je me redresse. Les torches sont éteintes. Combien de temps s'est-il passé ? Quelques heures à peine j'imagine… Je n'ai pas faim et à peine soif. La lumière du jour perce par une meurtrière. Ce n'est que l'aurore ! Mon épaule droite me lance. J'enlève ma chemise de ranger. J'ai des engelures de la forme d'une main sur mon épaule. Qu'est ce qui a pu me faire ça ? Quelle sorte de monstre… ou de magie. Une magie divine ? La magie de Thana ? Non ce n'est pas possible… Notre Déesse est bonne ! J'explore ma prison. Car je suis bel et bien enfermé… Ma prison est un dédale de couloirs et… La seule sortie que j'ai trouvée était grossièrement fermée. Grossièrement mais bien bloquée.

« Mais où est ce que je suis tombé ! Et… j'ai plus une arme. Ah mais… »

Je tire de ma botte un poignard gravé. Une maigre défense face à ces démons. Mais toujours mieux que rien. Ce qui est plus étonnant, c'est l'absence de bruit. Il n'y a personne aux alentours. Enfin c'est ce que je pensais. Après quelques heures à explorer les couloirs, je suis tombé sur une scène inattendue… et terrifiante. Devant moi est couchée une petite fille. Elle doit avoir dix ans à peine. Elle pleure et elle n'a même pas remarqué ma présence.

« Eh petite ! … »[…]

« Elle me ressemblait ?
- Elle avait ton âge mais, elle était très différente. Des cheveux comme le soleil. »
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#5
[…] La petite fille lève ses yeux humides vers moi. Elle semble terrifiée… et affamée.
« Ramenez moi chez moi, s'il vous plaît, je veux voir ma maman…
- Je vais faire tout ce que je peux pour te ramener à ta maman. Mais… je suis comme toi, prisonnier. Tu es là depuis quand ?
- Trois jours… Les méchantes dames… Elles m'ont capturée. Elle me donne presque pas à manger. Je veux rentrer chez moi !
- Viens, allons. »

Je la prends dans mes bras tentant de la calmer. Nous avons passé le reste de la journée ainsi, attendant le retour de ces monstres. La nuit tombe sur nous. Quelques instants après, je ressens de nouveau un froid intense courir le long de mon dos. Elles sont de retour. L'ombre nous enveloppe. Petit éclaireur me souffle la voix diabolique dans l'oreille. « Mon petit éclaireur se prend pour un protecteur… Si tu savais ce qui va lui arriver. » Je sursaute. Comment est-elle arrivée dans mon dos ? Le poignard, caché dans ma manche jaillit. Je le sens rentrer dans son ventre. Son cri vrille mes oreilles. La fillette s'est jetée au sol, tentant de se boucher les oreilles. Je n'ose pour ma part me retourner.
« Sale vermine, tu voulais me tuer ! Tu ne sais donc pas que je suis immortelle ! Je ne peux pas encore te tuer, mais, bientôt, nous nous délecterons de ton sang. »
Ma main, engourdie par le froid lâche le manche du poignard. Une terrible langueur s'empare de mon corps… et de mon âme.
« Ne sombre pas dans les ténèbres ! Tu dois être préparé pour demain soir… Viens avec moi. Toi aussi petite. »
Une main glacée me saisit par le cou. Elle m'envoie balader deux mètres en avant. Une étrange brume m'enveloppe… Une brume noire. Elle s'épaissie. Ce sont maintenant des bras de fumée qui m'enveloppent, et me soulèvent. J'aperçois la fillette dans le même état, évanouie.
« Allons rejoindre vos amis… lance-t-elle en riant. »
S'il restait une once de chaleur dans mon cœur, ce rire a tout fait disparaître. Elle passe devant nous. Maintenant je peux la voir. C'est une naine… ou plutôt c'était une naine. Car sa peau est blanche comme la neige, son regard tranchant comme du métal. Et, surtout, elle est entourée de cette fumée… Elle se dégage de son être ! Elle l'enveloppe comme des extensions d'elle-même. Une force irrésistible les entraîne. D'un mouvement de la main elle ouvre les grilles qui bloquaient le passage. Trois autres femmes de leur espèce s'approchèrent, chacune avec deux prisonniers. Un adulte et un enfant, toujours. Elles nous amènent dans une salle. Mes soupçons se confirment… Nous sommes bien dans le temple de Thana, comme en témoignent sculptures et fresques. Et, au bout, une femme. […]

Le vieux nain ferme son livre bruyamment. Les enfants, captivés par le récit, sursautent.
« Aller ! au dodo ! Si vous êtes sages, vous aurez la suite demain !
- Non, encore !
- Oui Papy, il est encore tôt !
- Aller, on ne discute pas, sinon, c'est moi qui vais me faire disputer ! »


Les enfants sortent à contre cœur de la pièce. Le vieux nain reste au coin du feu, le regard vide, plongé dans des pensées intimes. Des souvenirs ? Peut-être. De toute manière, personne n'était dans sa tête.
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#6
« Où en étais-je hier ? Ah oui, les… femmes diront nous menaient notre ancêtre devant une dernière. Plus étrange que les autres d'ailleurs… En fait, elle ressemblait à beaucoup de choses, mais pas trop à une naine. Ah voilà, j'ai retrouvé le passage. »
[…] Et au bout une femme… Mais plus grande que les autres, et plus machiavélique si une telle chose était possible. La pièce était circulaire. Au bout, derrière l'étrange femme, se dressait une statue de Thana. Et devant elle, un autel. Un autel, un autel recouvert de souillures… de sang.
« Bienvenus parmi nous, cria-t-elle en écartant les bras. Vous êtes juste à l'heure. Dans une journée exactement vous serez prêts ! Enchaînez-les ! »
Les monstres accrochèrent les nains par deux, un adulte et un enfant, de chaque côté d'une rigole. Ils étaient huit, quatre couples…
« Mon chéri, je vais bien m'occuper de toi ! me murmura-t-elle en sortant un étrange poignard à double-lame. Donne-moi ta main. Et toi aussi petite fille. »
Pourquoi me dit-elle ceci ? Je ne peux rien faire de toute manière. D'un coup de lame, elle ouvre nos doigts. Puis, tournant la lame elle recommence l'opération, mêlant nos sangs. Du bout du doigt, elle badigeonne nos bras de sang. Elle trace quelque chose, des runes j'imagine. Elle remonte jusqu'à mon visage. Puis elle recommence l'opération sur la petite fille. J'en profite pour regarder autour. Le même rituel est effectué sur les autres personnes.
« Mesdames, ouvrez le toit, demain, ce sera la dernière fois qu'ils verront le soleil. Demain soir, mes amis, vous serez récompensés de votre sacrifice. »
Les choses s'annoncent mal… C'est un rituel magique. J'observe la pièce et nous sommes tous un élément du rituel, chacun à sa place. Les monstres sortent de la pièce. C'est alors que j'entends des hurlements. De peurs. Des naines, affolées hurlent. Les prêtresses ? ! Il fallait sauver tout le monde. Mais les chaines étaient solides. Bien trop solides pour les arracher.
« Comment tu t'appelles ?
- Kalirah… Que vont-ils faire de nous ?
- Rien… On va réussir à sortir de là… Mais j'ai besoin de toi. Tu veux bien m'aider ?
- Oui monsieur
- Tends ton bras, celui menotté. C'est bien. Quand je te le dirais tu tires dessus.
- Oui monsieur
»
Mon doigt a déjà coagulé… Il faut que je l'ouvre à nouveau. D'un coup de dent j'arrache la peau. Il recommence à saigner. Je répands du sang sur son poignet. « Vas-y, ça devrait aller. Aller force ! » Elle se débat. Elle tire de toutes ses forces. Ça glisse. Je l'encourage. Elle est presque libérée.
« Cours, va chercher la dague sur l'autel, ramène la moi ! Oui, c'est bien ! » D'un coup de dague bien placé je fais sauter un chaînon. Je cours pour libérer les autres lorsque…[…]

« Je suis désolé les enfants, c'est peut-être trop choquant pour vous…
- Trop tard papy, tu ne peux plus t'arrêter.
- Et puis on en a déjà entendu d'autre.
- Oui, papa, lorsqu'il rentre des batailles, on l'écoute en secret.
»
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#7
[…] Je cours pour libérer les autres lorsque, de derrière la statue, j'entends un cri, plus terrifiant que celui de la dernière fois.
« Sauve ta vie, murmure la naine que j'essaye de sauver. Ramène des renforts. »
J'hésite. Elle jaillit dans la pièce, telle une furie. C'est leur cheffe, visiblement pas contente. J'attrape la fillette par la main. On fonce vers la sortie. Pourquoi n'utilisent-elles pas leurs pouvoirs ?
« Attrapez-les !
- Mais il va faire jour !
- Je ne veux pas le savoir. Attrapez-les ! Au moins la fillette !
»
Que veulent-elles faire avec la petite Kalirah ? Je n'ai pas le temps de me poser la question. Mon « amie » démoniaque a surgi. Mais la porte est à quelques mètres à peine. Je suis un bon sprinter.
« Arrête toi mon chou, me dit-elle en posant sa main sur mon bras. Le froid recommence à m'envahir, mais de manière moins soudaine que l'autre fois. Pas suffisamment pour m'arrêter, mais assez pour me faire lâcher Kalirah.
« NOOOOOOOOOOOOON, hurlons-nous tous les deux. Les autres sont juste derrière. Je saute en dehors du temple.
« Yaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah » Je me retourne, croyant mon heure venue. Mais non, elles se sont arrêtées à la porte du temple. Je ne peux les laisser à l'intérieur mais que puis-je faire ? Je dois retrouver mon groupe… Ou ce qu'il en reste… En effet, devant moi git la hache de notre commandant… C'est pour ça qu'elles avaient juste besoin de la fillette… L'adulte nécessaire au rituel était déjà capturé. Je comprends tout… Il n'y a plus que moi. Et seul, je ne peux pas les sauver. Mais je ferai mon possible. […]

« Papy, elle est triste ton histoire.
- Je vous avais prévenus… Mais elle n'est pas finie… pas encore mes petits. »
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#8
[…] Toute cette journée j'ai cherché de quoi sauver les gens enfermés à l'intérieur. Mais au final, je n'ai qu'une hache, qu'un arc et ma détermination. Et surtout encore quelques minutes avant le coucher du soleil. J'escalade le mur du temple. Je n'ai encore aucune idée de ce que je vais faire mais au moins je serai là… Je m'approche de l'ouverture. C'est le commandant qui est à ma place. Et devant chacun des couples, une de sorcières avec leurs dagues. Cinq prêtresses sont attachées au centre du cercle.
« Mes sœurs, soyez prêtes à accueillir d'autres d'entre nous. Saignez-les ! »
Elles plantent leurs dagues dans le bras de chacun d'entre eux, puis, du bout de la lame, elles tracent les symboles sur le sol. L'autre psalmodie une étrange incantation. La lumière de la lune semble tout à coup être aspirée par la salle.
« Ouvrez leurs corps pour laisser pénétrer la magie ! »
Elles font une entaille sur le front de chacune des prêtresses. Je dois agir. Une flèche bien tirée sur leur cheffe devrait suffire. J'encoche, je tire. La flèche part, directement vers la cible. Elle est touchée… Mais, ça ne l'arrête pas, loin de là. De ses mains jaillissent la fumée ! Elle pénètre dans chacune des prêtresses, d'abord par la plaie, puis par tous les pores de la peau.
« Bienvenues parmi nous. Délectez vous de ces êtres innocents. Délectez vous de ce sang… Et tuez ce gêneur ! »[…]

« Euh… voilà, les enfants réussirent à s'échapper grâce à la diversion. » Il ne peut décidément pas raconter cette partie là à des enfants.
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#9
[…]Elles me poursuivent. Elles sont plus rapides et je ne vais pas tarder à être rattrapé lorsque la chose la plus improbable se produit. Ma poursuivante se met à agoniser dans d'affreuses souffrances. Les autres s'arrêtent interloquées.
« Viens par là, me crie une voix. » Une naine est en contre bas. Son bâton runique ne laisse aucun doute quant à sa fonction… c'est une ancienne prêtresse, qui a du réussir à fuir ses sœurs avant le drame.
« Comment as-tu fait ?
- J'ai dissipé le sortilège qui la maintenait en vie !
»
Des sifflements nous indiquent qu'elles nous suivent toujours.
« Recommence !
- C'est pas si facile, il faut du calme et de la concentration.
- On ne peut pas les tuer autrement ?
- Il faut les décapiter. Mais, leur aura de mort t'auras anesthésié avant même que tu ne sois assez près.
- J'ai une hache, entoure moi d'une aura de dissipation et je les tue !
- On va essayer.
»
Si je peux aujourd'hui écrire ces lignes, c'est grâce à sa grande maîtrise de la magie des runes. Elle grava cette rune complexe avec une vitesse exceptionnelle. Les deux têtes sautèrent sous les coups de hache. La langueur m'envahit ! […]

« Votre aïeul n'a pas vécu ce qui va suivre. C'est la prêtresse qui lui a raconté »

[…] Je serai resté endormi tout le reste de la nuit et la moitié de la journée suivante. Dans mon sommeil, j'aurais dit des choses étranges, comme si, à travers moi, les prêtresses avaient trouvé un dernier moyen de communiquer.
« Nous sommes damnées, toutes celles sacrifiées. Le Rituel ne peut être effectué que par Elle, pour créer les premières nées. Mais les autres peuvent engendrer elles aussi des monstres de la nuit… Tuez-la »
Puis, elles sont parties, en attendant de pouvoir un jour se réincarner dans leurs descendants. Je me réveille donc après cette nuit mouvementée, pour apprendre l'origine de ces choses. Car, oui, la prêtresse Halki était là, le jour où la première apparut.[…]

« C'est un peu complexe les enfants, et si je vous raconte cela ce soir, je n'aurai presque rien à dire demain. »
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#10
[…]Je l'écoute attentivement. Assise au coin d'un feu où dorent des lapins, elle tripatouille son bâton, ne sachant pas comment commencer. Elle prend une grande inspiration, je me penche pour ne rien perdre de l'histoire.
« Comme vous le savez, je suis ou plutôt j'étais une prêtresse de Thana… Les nains et naines n'aiment pas trop évoquer notre Déesse et pourtant elle est bien présente.
- Mais elle devrait rester secrète…
dis-je sans faire attention.
- Et pourquoi donc ? Nous-mêmes, naines, sommes dissimulées la plupart du temps. Mais certaines sont capables de grandes choses ! Enfin bon, je ne suis plus à ça près. Notre première prêtresse, notre Guide avait trouvé dans une bibliothèque un vieux grimoire écrit avant même la création de Karad Zirkommen et évoquant Thana. C'était la pièce la plus importante de notre temple… Il reposait sur l'autel. Mais, à force de traduire ce vieux langage nain, nous avons compris de nombreux passages. Mais j'aurai aimé ne jamais comprendre ce passage…
- Quel passage ?
- Un rituel, un rituel d'appel à Thana, censé nous envoyer ses suivantes pour nous aider, nous les naines. Mais… Ce ne sont pas les envoyées de Thana qui sont venues. Tout a commencé il y a deux lunes. Nous avions préparé le rituel. Mais, seule la Première est allée dans le cercle. A ce moment, nous n'utilisions pas le sang d'autres personnes, mais le nôtre. Nous n'avons pas remarqué au début que l'esprit qui s'était emparé d'elle était si mauvais. Mais, il nous dit seulement que c'était l'esprit de la nuit et qu'il craignait le jour, mais que d'autres viendraient. Ses pouvoirs sur la température nous étonnèrent toutes. Je fus la seule à la craindre à cause de ce petit quelque chose dans le regard. La fois suivante, elle ordonna à la moitié de prêtresses de devenir des réceptacles. C'est là que je suis partie. Mais… je ne sais pas ce qu'elles ont fait cette fois-ci. Je ne sais pas quelle folie est dans leur cœur. Elles ont capturé des enfants et ont dévoré des nains, pour se nourrir de leur sang. Je suis restée à distance, cherchant le meilleur moment pour agir. Et c'est en vous voyant que je me suis dit qu'il y avait quelque chose à tenter. La dissipation semble avoir un certain effet. Mais… je crains que le sang pur des enfants n'attire d'autres esprits encore plus mauvais. Il faut faire vite et tuer la Première. Puis nous détruirons le livre. Mais comment …
- Elle craint le jour, ses pouvoirs sont affaiblis. C'est le moment où tenter quelque chose !
- La Première est plus forte, c'est un esprit plus puissant qui est en elle. Elle résiste bien mieux au jour. Mais tu as raison, ce n'est qu'en attaquant de jour qu'on aura une chance. Demain, à l'aube il faudra agir.
»

Nous passons la nuit à élaborer une tactique. Elle me trace le plan du temple sur le sol. Derrière la grande salle ronde se trouve une arrière salle où vit la Première. Un passage mène dans les profondeurs où étaient retenues prisonnières les autres prêtresses. Halki trace des runes de dissipations sur mes flèches pendant que nous parlons.
« Halki, comment va-t-on l'affaiblir ? Sans Soleil nous sommes fichus.
- Je maîtrise la terre et la roche, n'oublie pas… Je vais faire exploser les joints entre les pierres mais, il va falloir que tu agisses vite. Elle est plus que rapide. Tu ne dois pas manquer ta cible sinon nous sommes fichus. Je serai trop fatiguée.
- D'accord… Et pour les autres ?
- Espérons que la mort de la première suffira. Il faut agir à midi pour que l'effet soit le plus puissant. Tiens, voilà cinq flèches de dissipation. Je ne pense pas que tu pourras tirer plus de deux flèches, mais on ne sait jamais.
- Dormons, il faut qu'on soit les plus reposés possibles pour demain.
»

Je me réveille à l'aube. Halki est encore endormie. Je prépare un petit-déjeuner rapide. Elle se réveille, visiblement la nuit fut cauchemardesque, ses rêves emplis de noirceur. Mais, sans rien dire, elle prend du pain et une pomme. J'attrape une corde pour pouvoir escalader le Temple. Puis, faisant une grande boucle pour éviter la porte principale du temple, nous nous approchons. Aucune trace des monstres mais ils sont là et plus nombreux encore.

« Regarde, là, si on passe sur cette colonne, on pourra grimper très rapidement. Il faut se dépêcher, le soleil est presque au Zénith. Viens, cours ! »

Je pars en courant pour traverser la petite étendue sans forêt, le plus proche du sol possible. Aucun mouvement. Halki passe devant moi, sans bruit. Elle lance la corde et attrape une décoration sur le toit. Puis lui attrapant sa cheville je la soulève jusqu'à la base de la colonne penchée. Puis la suis toujours furtivement. Pourtant je sens que quelque chose ne va pas… Est-ce une impression où la température s'est refroidie ? Je me retourne. Rien pourtant… Ce sont juste des sueurs froides.

« Tu es prêt ? me dit-elle. »

J'acquiesce d'un hochement de tête, encochant une flèche. Elle est belle là, sous le soleil, concentrée sur son objectif. Je dois me reconcentrer ! Le sol tremble et la pierre s'effondre. Un cri strident ! Elle est là, en pleine lumière. La flèche part. Mais, à sa place s'est jetée une de ses créations. La flèche la perce. Son corps brûle sous les rayons et la flèche l'achève. Mais la Première n'est déjà plus là. Un mouvement rapide me surprend. Elle jaillit sous mes pieds m'envoyant valser. Déjà la langueur m'envahit. Son visage est déformé par la haine. Mais, sous les rayons, il brûle un tout petit peu. Je peux presque bouger à nouveau.

« Sale vipère ! Tu ne peux pas me tuer, je Sssssuis une déeSsssSssse. »

Sa main de cadavre essaye de m'étouffer. Je ne peux plus respirer. J'essaye d'attraper une flèche tombée sur le sol mais je suis trop faible.

« Dégage créature de la nuit ! hurle Halki. »

Trop faible pour incanter un sort elle fonce sur la Première. Quel courage, mais c'est trop tard, je suis déjà mort… enfin je crois. Le soleil m'illumine à nouveau.

« Garce, crie la Première. »

Je reprends mes esprits. Halki a réussi à repousser la Première. Elle m'a lâché, pour se protéger. Puis d'un coup du revers de la main, elle envoie valser Halki. Mais j'ai le temps de saisir la flèche.

« Et toi, je vais te vider de ton sang, tu seras mon serviteur personnel. » Des canines surdéveloppées apparaissent dans sa bouche déjà brûlée par le soleil. Elle se jette sur moi. Et… le noir complet. […]

« Qu'est ce qu'il s'est passé ! Qu'est ce qu'il s'est passé ?! »

Le grand-père ne prend pas la peine de répondre, continuant son récit.
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#11
[…] La torpeur s'évanouit. Que s'est-il passé ? Et quelle est cette odeur de brûlé ? J'essaye de me relever. J'ai un mal de dos terrible… mais surtout je suis recouvert… de cendres.

« Qu'est ce qu'il s'est passé ? Halki ! » Elle n'est pas là. Je me relève d'un bon en entendant des cris. Par le trou, j'aperçois deux prêtresses dans le temple qui convulsent sur le sol, de la fumée s'échappant de leurs corps…. Puis, une détonation violente. Elles ont… explosé !
Un gémissement attire mon regard. Halki git, tombée du toit. Elle est vivante mais mal en point. Les créatures ont disparu. La Première morte, les autres ont disparu.

« Halki ! Halki ! » Je tombe à ses côtés. Du sang coule d'une plaie sur sa tête. « Halki, ne meurs pas ! Accroche-toi. »[…]

« Ils sont vivants ! crient en cœur les enfants.
- Oui, vivants…
»

[…] « Halki, ne meurs pas ! Accroche-toi. » Je pleurs… Elle s'est sacrifiée pour moi, et, elle risque de mourir.
« Halkiiiiiiiiiii, ne meurs paaaaaas, susurrent des voix terrifiantes.» Elles ne sont pas mortes ? Impossible. Elles sont trois, trois créées à partir du rituel avec les enfants.
« Saaaaale vermiiiine, tu vaaaaas mouriiiir ! » J'attrape le bras d'Halki sans réfléchir et court. Je la traîne. Derrière moi, des froissements de vêtements. Je sens une main me frôler alors que je passe de l'ombre du temple au soleil. La main, posée sur mon épaule brûle. Elles ne résistent pas au soleil. Je n'ai plus de flèches.

« Maudiiiiiiiiiit, tu es maudiiiiiiiiiiiiiiit… Toi et ta famille. »[…]

« Voilà mes enfants… Voilà l'histoire de votre ancêtre Grumir. Il s'est marié avec Halki et ont eu beaucoup d'enfants.
- Ton Histoire se finit bien en fait.
- Presque… Les gens des villages alentours du temple ont quitté ces villages. D'ailleurs, plus personne n'y réside aujourd'hui. Et vos ancêtres ont eux-aussi disparus dans d'étranges circonstances. Et certains de leurs enfants, et des enfants de leurs enfants… C'est pour ça que chaque membre de notre famille possède ces médaillons, où sont gravées ces runes de dissipation. Pure folklore ou réalité, je ne sais pas, mais il est sûr que d'étranges créatures rôdent !
»

Les enfants se regardent, presque terrorisés, attrapant la petite amulette que chacun porte autour du cou.

« Papy ! Je t'avais dit de ne pas raconter cette histoire ! Ils sont trop jeunes, ils vont faire des cauchemars. Rah, avec tes légendes, tu vas nous faire passer de sacrées nuits. »

La mère raccompagne les enfants dans leurs chambres. Le vieux Kronir referme le gros grimoire, les yeux dans le vague. Puis, il regarde par la fenêtre… Un sourire carnassier se dessine sur un visage à la fenêtre. Un clignement des yeux et elle a disparu. Avait-il lui-même des hallucinations ?


THE END
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