Rencontre avec le Roi
#1
Peu à peu le climat s'est adouci.
La neige gelée a laissé place à une terre boueuse parcourue de plaques de neige à moitié fondue.
Les traces d'animaux, nombreuses, étaient clairement révélées, mais toutes dataient de plusieurs semaines.
Elles avaient été préservées par le froid et la neige.

Puis vint la prairie, verte, dense, réchauffée au matin par les rayons du soleil.
Elle était habitée d'insectes aux formes variées, butinant les fleurs, nettoyant les arbres ou chatouillant la peau.
Parfois l'elfe sélène sentait la piqûre d'un plus vorace que les autres, elle lui offrait alors volontiers un peu de son sang.
Elle savait sans conscience qu'ainsi elle ne souffrait pas des effets secondaires souvent présents lors de piqûres d'insectes.

L'herbe tendre, dense, humide et chaude alors que le soleil se hissait vers le zénith, l'appela de ses élans de tendresse et souvent elle succomba à un temps de repos, durant lequel la sève du printemps dynamisant la terre et ses habitants lui était bénéfique, à elle aussi.
Pour la première fois depuis "sa" nuit, elle éprouvait du bien-être.
Elle ressentit le besoin de consacrer un peu de temps à sa protectrice, afin de retrouver un peu plus encore sa sérénité habituelle.

Durant quelques jours sa marche fut lente, souvent interrompue par une cueillette de plantes ou de baies, de fruits ou de légumes ou bien par une sieste impromptue dissimulée sous la frondaison des arbres.
Puis, arrivée à la zone des combats, étonnamment calme, elle reprit un rythme plus soutenu.

La route entre Tilador et Asteras fut une simple formalité : elle rencontra un jeune noble d'Asteras, un noble avantagé, à en juger par la qualité de son charriot.
Ce dernier était élégant, racé, léger, qualités qui étaient aussi celles des deux magnifiques alezan attelés à l'avant.
Le char n'avait que deux roues, il était profilé pour la chasse à l'arc en prairie et non pour le transport.
Mais tracté par un des chevaux armurés des écuries royales et armé de pics à chacune des roues, il pouvait faire des ravages lors d'une charge sur de l'infanterie, en temps de guerre.

Cherchant sans finesse à séduire sa sensuelle passagère, le jeune elfe afficha vainement une grimace désolée sur son visage lorsque que Naaëmsin prit congé de lui.
Elle rencontra Alina, sur son chemin, avec laquelle elle échangea aimablement quelques mots.
Puis elle fit face à son but.
Elle ne s'habituait jamais, malgré les siècles écoulés, à la splendeur du Palais Royal d'Asteras, fait de flèches pointant haut vers le ciel, d'encorbellements, de sculptures, de hauts vitraux aux couleurs improbables et chatoyantes, véritable défi à l'équilibre et pourtant se dressant là depuis bien avant la naissance de l'elfe qui le contemplait.

Se dirigeant vers les portes, elle put contempler ces œuvres d'art, sculptées finement dans un bois précieux, rehaussées d'or, d'argent et de cuivre.
Les majestueux gardes en armure, impeccables, parfaitement immobiles, semblaient les gardiens immuables d'un trésor inestimable.
On lui ouvrit un accès dans les murs mitoyens aux portes principales, une entrée de service en somme, selon son souhait.

Dans quelques minutes, elle serait conduite dans les appartements d'Orsiwë, le grand, valeureux et maintenant vieux guerrier qu'était devenu le jeune héros que sa mère lui avait conté.
Elle allait lui annoncer qu'elle acceptait sa proposition.
Il était temps pour Naaëmsin de renouer avec le monde.
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#2
Naaëmsin semblait vertueuse. Sa prestance n'avait d'égal que sa beauté. Elle irradiait de sagesse et de bonté, chassant tout sentiment désagréable des personnes qu'elle rencontrait. Galiena était subjuguée par tant de charisme, elle qui était rejetée par les siens.

Ses affinités avec la Nature convainquit l'ermite de suivre cette mystérieuse elfe. Une autre elfe aux cheveux rose les accompagnait. La petite troupe se dirigea vers le grand nord, la température décrut tout doucement, et le paysage mua progressivement en plaine enneigée. Après plusieurs jours de voyage, la guide les somma de ne pas s'approcher du lieu de rendez-vous du lendemain. Simple question de survie d'après elle...

Lorsque Galiena se réveilla, Naaëmsin avait disparu. Sa piste encore fraîche la conduisit à l'étang de l'ours où près d'un feu de camp, deux elfes vivaient un amour fusionnel. Les deux êtres mêlés l'un à l'autre s'imprégnaient à chaque seconde du plaisir procuré par l'autre. Pour eux, le reste du monde n'existait plus, pas même l'ermite, perchée sur arbre, et scrutant avec envie ce moment de bonheur.

Plus tard, Galiena retrouva Naaëmsin, qui semblait encore toute troublée, en compagnie de deux ours pacifistes. Elle fut surprise par son empathie avec les plantigrades. Elle comprit qu'elle avait beaucoup à apprendre de cette magnifique elfe.

Pour la seconde fois, sa guide se volatilisa. Elle la chercha dans le grand nord, allant jusqu'à se mêler à une étrange compagnie de nains et d'elfes pour combattre des guerriers des ombres... L'elfe dut se résigner, jamais elle la retrouverait. Rebroussant chemin, elle se rendit à Asteras, dans l'espoir de retrouver sa piste.

Une rumeur des quartiers populaires lui parvint aux oreilles : une belle et mystérieuse elfe demandait une audience au roi, en cette période de troubles. Galiena sourit. Elle était persuadée d'avoir retrouver celle qui deviendra sa future mentor.
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#3
Enfin, après plusieurs jours d'attente, Naaëmsin fut reçue par le Roi en son palais.
Elle en traversa les jardins, ravie par parfums, les couleurs, les chants des nombreux oiseaux et l'harmonie végétale qui y régnaient.
Elle parvint ensuite au Hall des pas perdus, permettant d'accéder à la bibliothèque royale et aux appartements des conseillers d'Orsiwë.
Les espaces épurés favorisaient l'apaisement des visiteurs et des habitants du palais.
Le hall, étrangement, malgré ses hauts murs et son sol dallé, était un lieu calme, où seul résonnait le son de l'eau issue des fontaines murales.
Elle se dirigea ensuite vers les appartements du Roi, de son pas tranquille, le visage impassible.

Elle y fut accueillie par le Chambellan du palais, qui lui ouvrit les portes du salon royal, dans lequel Orsiwë, le plus vieil elfe qu'elle ait jamais rencontrée,l'attendait, assis sans un fauteuil confortable, devant une fenêtre ouverte sur les jardins, profitant de la beauté sereine de ces lieux enchanteurs.

Nul ne fut témoin de leur conversation.
Mais elle fut longue.
Deux repas furent servis eu Roi et à son invitée avant que le Chambellan ne fut rappelé par son Seigneur.

Orsiwë lui annonça alors les décisions qu'il avait prises à l'issue de sa rencontre avec Naaëmsin.

Naaëmsin d'Ornelune est maintenant nommée au rang de Conseillère personnelle de sa Majesté.
Fais-le savoir aux conseillers du palais et à mes conseillers personnels, Almis et Ajila.
Elle prend ses fonctions dans l'instant.

Fais savoir à la garde d'Asteras qu'ils ont maintenant un nouveau capitaine, en la personne d'Ellemire Dreelvaël.
Elle est nommée second capitaine de la Garde du palais, ce qui lui donne autorité sur tout grade égal ou inférieur de la garde du palais, des gardes d'Asteras ou de l'armée régulière.
Elle est placée directement sous l'autorité de Gilde Fornastil, le premier capitaine.
Fait écrire ces édits par l'écrivain royal de la bibliothèque et amène les moi afin que j'y appose mon sceau.

Organise une réception officielle, fais circuler les invitations, n'oublie pas d'y inviter les Flèches d'Argent et de faire savoir au peuple qu'ils y sont les bienvenus.

Dame d'Ornelune, Chambellan, laissez-moi maintenant, je dois me reposer.


La dame elfe, toujours impassible, ainsi que le chambellan, se retirèrent doucement, constatant aux traits tirés du Roi que la longue conversation n'avait pas été si anodine qu'on aurait pu le croire.
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#4
A force de détours, Galiena arriva tardivement au palais. Elle souhaitait revoir Naaëmsin pour qu'elle devienne sa mentor. Lorsqu'elle se présenta devant la demeure royale, les gardes ne la laissèrent pas passer.

Rien d'étonnant, sans audience... Certains soldats jetèrent des regards de dégoût envers l'ermite. Là aussi, rien de surprenant. Elle rebroussa chemin et se posta devant la porte du palais, guettant les allées et venues des nobles.

Une conversation enrichissante parvint aux oreilles de Galiena lors de la relève de la garde.

Il parait qu'on a un nouveau capitaine.
- Ah ? Nous sommes restés là à garder cette porte, on a rien entendu !
- Normal ! elle a été nommée aujourd'hui. C'est une femme vraiment belle ! On va se bousculer pour servir sous ses ordres !

L'auteur de la boutade rit de bon cœur, vite rejoint par les autres. Après quelques instants, un des gardes demanda.

Et quel est son nom, à cette beauté ?
- Une certaine Namelune, d'après ce que m'a dit un autre garde.

Galiena n'écouta pas la suite. Elle savait de qui elle parlait. Naaëmsin, Capitaine !! Tout cela l'intriguait. Elle était partie dans le grand nord, vivre des instants magiques et - sûrement - interdits, alors qu'elle avait un rang noble ? Que cherchait-elle ?
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