Douce solitude
#1
[HRP : pour faciliter la compréhension du texte - et parce que j'aime la couleur - : en gras, les paroles rapportées au style direct. en rose : les pensées du perso, sachant que la seconde nature /"conscience" du perso intervient en violet]

Contexte : Nous sommes dans l'ère du Renouveau, ce que vit mon perso sur le damier est donc antérieur à ce qu'il vit dans ce Rp. En gros je commence par le milieu (exclusivement fictif) que je vais ponctuer de passages cohérents avec ce que je fais in game sous forme de passages en arrière. )




L'ailleurs est la solitude


Tandis que la nuit tombait comme un voile de fraîcheur sur le royaume des Elfes, la brume s'élevait peu à peu de la terre riche et humide qui tapissait la forêt, lui donnant un aspect fantomatique. En son cœur, il faisait sombre... si sombre, que le moindre bruissement vous faisait sursauter. Le duvet de ma nuque se hérissait à chaque craquement, chaque soufflement. La forêt de Pelethor semblait avoir été pénétrée par une force invisible et omniprésente. De fait, les arbres se gênaient les uns les autres et luttaient pour percer le ciel de leurs cimes argentées.

« Fort heureusement, j'ai quitté Asteras, au profit d'une vie meilleure », murmurai-je, émerveillée.

C'était un spectacle de tous les jours, mais la forêt, plus particulièrement cette forêt, m'emplissait toujours les yeux d'étoiles.

Ciel, quel chahut dans cette Cité que j'ai quittée... Bien que de nature très raffinée, les elfes savent parfois se montrer très extravagants. La grande place se transforme en un véritable marché, un lieu de rencontres où chacun hurle ses idéaux. Formidable expérience humaine, mais trop bruyant pour moi.

Chaque conifère, chaque feuillu avait son odeur mais celle des sapins se démarquait largement. Aussi, diverses senteurs comme celles des baies et des fruits mûrs vous enivraient. C'est la forêt tout entière qui vous imprégnait d'un parfum de caractère. Je gonflai mes poumons de cet air si pur, savourant la brise.

Qui suis-je? Hilary. Oui, c'est évident. Hilary ewilan, la sixième du nom. Et la dernière. Rétrospection : j'étais riche et entourée. A ce jour, ma bourse est vide, et non pas que je sois devenue insociable, je vis seule. Seule. Vraiment seule? Oui, seule... et pourquoi d'ailleurs ? Regarde toi donc. Ne prends pas ce ton-ci avec moi ! Prière de m'excuser chère Hilary.. seulement, je pense que tu fuis le monde, et la réalité. Mais que dis-tu là? Je ne fuis rien du tout. Juste le bruit. Juste les ignorants et les utopistes ; je les méprise. Et les tiens ! Ton peuple ! Mon peuple... Oui, ce peuple d'elfes si impérieux, si nobles, ô combien magnifiques, ce.. Cesse ! Cesse de m'embrouiller avec tout ton lyrisme. Et toi, reconnais que tu te caches. Depuis que je suis nomade, je me fais plus discrète, en effet. Mais cela vaut mieux par les temps qui courent, n'est-ce pas?


Les rumeurs au sujet des nains parcouraient les plaines d'Andoras à la vitesse du vent. On parlait de tensions, de principes bafoués. Que fallait-il croire? Le peuple elfique était-il comme on le dépeignait? On savait tous qu'un homme avide de pouvoir avait poussé tout une armée à la conquête des autres peuples, dans le but d'imposer son autorité au-delà de nos frontières.


Mais, qui peut aujourd'hui prétendre que ce sont les elfes qui provoquent les nains en duel et non le contraire ? Ceux-ci s'avancent sur nos terres, ne cachent pas leur soif de richesse. Je suis interloquée ; l'entente n'est aucunement respectée.


Lorsque je quittai mes pensées, le ciel s'était considérablement assombri. Ma peau nacrée luisait sous la lune. On dirait une divinité, pensai-je. Le temps s'était arrêté l'instant d'une réflexion puis la vie avait repris son cours. La forêt s'animait à nouveau sous mes yeux. Des plantes parasites tel le lierre étouffaient de jeunes arbres et couraient le long des troncs.




[Image: af69567fba4e266300cd1259c3224fde_Foret-hilary.jpg]




Les quelques rayons de lune qui étaient parvenus à franchir l'épais toit d'épines et de feuilles illuminaient les branches des épicéas tout d'étoiles vêtus. On aurait dit qu'un artiste avait posé un glacis sur le vert de leurs feuilles qui désormais, au clair de lune, scintillaient comme des émeraudes.
Au milieu de cette végétation luxuriante, de petits rochers couverts de mousse par endroits se dressaient fièrement devant de minuscules pieds de champignons. Ces formes et ces couleurs de toutes parts avaient pour connotation la diversité, mais par delà la richesse des lieux régnait toutefois une étrange austérité qui se dégageait de cette impression de grandeur. Rien ne grinçait, tout au contraire s'accordait et insufflait le respect comme si la nature chantait elle-même son hymne.

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#2

Devant pareille beauté, je me laissais gagner par d'agréables pensées. Le sommeil lui aussi me gagnait. Tout s'effaça bientôt... pour ne laisser place qu'à l'imagination...


Par-delà les vertes collines, on observait les hautes plaines qui n'avaient été soumises à aucune culture. Jamais une race n'avait pénétré ces terres, n'en avait percé les secrets. Si lointaines, comme un mirage, un azur qu'on ne touche pas, les douces plaines paraissaient d'or et de lumière. Je ne peux pas les atteindre. Il est des mystères qu'on ne résout pas. La nature reprend ses droits, elle interdit aux Taliens, aux Elfes, aux Agars, de même qu'à tous les peuples, certains de ses trésors. Et toujours un peu plus, les plaines brillaient dans leur halo de lumière. Je me remémorai alors les anneaux de bronze des tours immenses d'Asteras. Au coucher du soleil, celles-ci riaient aux éclats et illuminaient le ciel. La Grande Asteras. Asteras, l'arrogante. Je la survolais désormais. Les nuages s'émiettaient pour me permettre de la voir une dernière fois. Sa beauté était sans égal. Chaque bâtiment de la capitale était d'une matière noble, tel l'ivoire ou la pierre pâle. Aussi la Cité recelait-elle de merveilles architecturales. J'appréciais de me trouver au-dessus d'elle. Mais comme si sa puissance était infinie, elle chargea mon ciel avec ses défenses d'ivoire. Les plus hautes tours avaient transpercé les lambeaux de nuages. La nature, presque indolente, se laissait prendre. Se laissait agresser. Agresser par cette arrogance. Agresser par des Hauts-Elfes qui, à la gloire de leur peuple, avaient bâti une Cité incommensurablement belle. Une Cité prétentieuse. Comme ses habitants. Sa silhouette étriquée me déplait. Je rêve de courbes et d'harmonie. Par Fryelund ! Pourquoi les Hauts-Elfes emploient-ils le mot 'harmonie' pour désigner la capitale du royaume. Je trouve que tout y est démesuré. Démesuré. Mesuré. Non, démesuré. Il faut mesurer.. Il faut mesurer l'emprise qu'Asteras a sur le monde. Tu dois mesurer la... la...


Je me réveillai en sursaut. C'était le petit matin. Les buissons s'agitaient à nouveau.

Tu dois mesurer la distance qu'il te reste à parcourir pour atteindre Asteras. N'oublie pas qu'il te faut rentrer, et ce, malgré ta hantise, pour t'acheter quelque équipement. Lirais-tu dans mes pensées, ou mieux, mes rêves? J'ai rêvé cette nuit de contrées inconnues qu'il me tarde de découvrir. Si elles existent... Et mon formidable voyage a été interrompu par maintes images de la capitale. Ces images me hantent jusqu'au plus profond de mon sommeil. Et puis, je crois que mon inconscient a personnifié Asteras ... lui a donné vie, comme il est une vie dans la forêt de Pelethor. D'ailleurs en parlant de vie...

Sans mal, je me levai pour scruter les alentours.

« J'aurais juré que ... »

Des bruissements d'ailes et de branches se firent entendre. Un couple d'oiseaux cendrés s'enfuit de sa cachette. C'était ainsi, la faune jaillissait de nulle part, et au moment où on s'y attendait le moins. Il m'avait même semblé que les arbres s'étaient rapprochés durant la nuit. Ce n'était peut-être que mon imagination. Cependant, un vieux compagnon de quête, du nom de Segahäel, m'avait conté, à ce propos, des légendes étonnantes. Des arbres possédés par des esprits peuplaient nos forêts : on les appelait les Ents. La sève qui en coulait, ce courant de vie, était pareille à un courant de magie. De la même façon, les fruits des Ents emprisonnaient une énergie. Mon camarade druide Segahäel, disait même pouvoir les rencontrer, comme il rencontrait les esprits de la forêt.

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#3
Il avait remarqué mon affection pour les contes et autres récits. De fait, il avait suscité ma curiosité. Et celle-ci avait été satisfaite. Au fil du temps, j'avais appris à l'apprécier jusqu'au jour où nos routes s'étaient séparées. Il avait aussitôt perdu toute importance.


Mot d'ordre : ne jamais s'attacher. Avoir des amis ce n'est qu'une expression pour les opportunistes et les doux rêveurs. A travers les propos de ces derniers, on découvre leur crédulité et leur touchante innocence. Moi-même j'ai tendance à rêver. Cependant, je ne rêve pas de ces choses-là. Oui, je ne laisse aucune place à l'amitié, ni à l'amour. Ce sont des rêves d'une autre sorte. Pour autant, je ne suis pas asociale. Il est vrai que je ne me laisse pas guider par mes sentiments, et peut-être ne suis-je pas capable d'en éprouver. Mais je sais au plus profond de mon être que chaque rencontre m'enrichit davantage. Il est des trésors insoupçonnés chez les autres. Ainsi, je suis un être de solitude mais je ne me refuse pas à aborder certains individus, et parfois, à faire route avec eux. Si j'apprécie la compagnie, ce n'est, pour sûr, pas ma nature première…


J'abandonnai rapidement mes spéculations sur les Ents et me concentrai un instant sur ce que je devais faire.

« Voyons...

Mais où est passée ma besace ? »
m'exclamai-je presque affolée.

A peine eussé-je terminé ma phrase, que l'on m'attrapa la cheville et me fit tomber face contre terre. Le précieux petit sac en cuir et moi étions nez à nez. Le souffle court, je me retournai vers celui qui avait provoqué ma chute, volontairement je le crains. Personne. A moins que... Mon regard se posa lentement sur le sol… juste à temps pour voir les racines d'un arbre rentrer sous terre. Elles ressemblaient à des tentacules couvertes d'écorce. Une fois celles-ci rétractées, je levai les yeux vers le tronc.

Tu crois qu'il parle ? Ne sois pas stupide.

J'étais perplexe, mais pas au point de rester figée sur place. Je me levai donc et dépoussiérai mes habits.

Curieux tout de même… A l'instant-même où je suis tombée, il s'est produit quelque chose d'étrange avec cet arbre. Tu as sans doute encore une fois rêvé. Par Merlin, je ne suis pas tombée toute seule !

Tandis que je décrochai ma cape de magie pour la secouer, me vint une idée.


« Peut-être bien qu'il parle... » dis-je dans un murmure.

« Bonjour. »

« Rien. »

« Il y a quelqu'un ? » demandai-je tout en jetant ma cape sur l'épaule. Enfin, quelque chose, je veux dire.

Tu es absolument ridicule Hilary. Tu vois bien qu'il n'y a rien ici. Ni personne d'ailleurs.

Le fait de me dire que je m'étais sans doute trompée me fit froncer les sourcils. Je voulais vivre l'extraordinaire, et s'il fallait aller à sa conquête, je le ferais. Après toutes ces quêtes que j'avais accomplies, je ne pouvais me résoudre à cesser de courir après.

N'oublies-tu pas quelque chose ? En effet...

Je glissai ma main dans ma besace afin d'en extraire une minuscule boussole en bronze. Un véritable héritage pour un voyageur. Après quelques secondes, le vieil objet indiqua la direction du nord.

« Puisqu'il me faut aller à l'Ouest, c'est par ici », déduis-je en levant les yeux du précieux instrument.

Sans perdre de temps, sans regarder derrière moi, je me mis en route.

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#4
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Comme une quête initiatique





Voici des heures que je marchais sous une chaleur accablante. La forêt, qui se faisait de moins en moins dense, ne filtrait plus les rayons du soleil. On aurait dit que l'Astre du Jour brûlait la végétation exposée, lentement, à petit feu. Néanmoins, il demeurait quelques zones d'ombre dont la fraîcheur subsistait.


Me reste-t-il de l'eau? me demandai-je. Certainement.

J'entrepris de fouiller dans mon sac pour le vérifier. Avec hâte je m'emparai de la gourde que je portai aussitôt à ma bouche.


Les arbres, comme les fleurs, transpiraient, et leur effluve parvenait jusqu'à mes narines. Ma soif apaisée, je pus apprécier le parfum suave qui émanait de la forêt. Le ciel ne s'ennuageait guère mais la chaleur devint supportable… D'autant que les lieux s'embellissaient au fil de la marche. C'était sans doute pour m'encourager à continuer que la forêt déployait ses trésors. Une ruse qui fonctionnait.


Soudain, je rencontrai un carrefour. Un large chemin en terre battue s'offrait à moi, ainsi qu'une sente menant à un escalier de pierre. A gauche ? Non, à droite ! Faisons confiance à mon instinct plutôt qu'au tien. Alors, je me détournai du layon et suivis l'étroit sentier qui semblait avoir été peu emprunté.



Peu m'en chaut de prendre ce chemin plutôt qu'un autre. Peu m'en chaut de n'avoir la connaissance d'où je vais. Tu entreprends malgré l'incertitude. C'est, je pense, ma conception du courage : faire des choix qui font peur, faire des choix même si l'on n'est pas assuré du résultat. Ce choix pourrait bien se solder par un échec. Prendre des risques n'est pas ma devise, mais ce par quoi se manifeste mon courage. Avoir du courage, c'est affronter sa peur de l'échec. Y aller sans se poser de questions, et avoir raison de ses craintes. Seulement, ne devrais-tu pas t'interroger plus avant d'agir ? Ton instinct ne peut régir indéfiniment ta vie… La vie est une succession de choix mais comment savoir lesquels sont les bons ? On ne le peut guère. Devrais-je donc cesser de vivre pour réfléchir et espérer qu'une vie plus exaltante m'attend dès demain ? Tu n'as pas tort mais… Mais ? Mais la patience est une vertu et… En t'écoutant, je me revois, novice, et fébrile, il y a de cela des siècles…


Par une délicieuse journée printanière, je me baladais dans Asteras, cette ville immense qui m'avait vue grandir. Je flânais dans les rues de la Cité, le rose aux joues, les yeux brillants. Tantôt, je rentrais dans la boutique de magie, tantôt dans l'armurerie. Je rêvais de pendentifs d'arcanite et d'arcs. Aussi, je restais des heures entières à baver devant les vitrines du plus grand magasin d'Asteras. Déjà, la tête emplie de rêves et de projets. Ces rêves je les partageais avec Raizen, ce haut-elfe téméraire qui me suivait partout où j'allais. Au fil des années, s'étaient tissés des liens, et nous partagions bien plus que nos rêves. J'étais jeune et douée d'une générosité rare mais fort heureusement cela a bien changé. Il m'expliquait que par-delà les remparts, au dehors, il existait des monstres que seuls les plus grands mages pouvaient combattre. Naquit alors le désir de me former à l'Arcane. Je ne comptais plus mes journées passées à étudier à l'Académie. Assise en tailleur devant les étals de livres, j'étudiais avec rigueur sans jamais me lasser. A cette époque, j'étais assoiffée, avide, de connaissances. Et pendant que je feuilletais mes bouquins, Enthanel, un elfe prévenant et bon conseiller que j'avais rencontré dans une échoppe, partait à l'aventure. Le parchemin que je reçus de lui me fit prendre conscience que je passais à côté de mon destin. Pourquoi s'adonner à d'austères études quand le monde vous tend la main ? Ce n'était pas moi, cet excès de gentillesse, cet intérêt pour les ouvrages de magie. Il me fallait exister. M'accomplir dans mon être. Ainsi, je me réveillai… et bientôt me révélai à moi-même.

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#5

Regarde où tu marches !

Je sursautai, m'enlisant un peu plus dans le sol boueux.

Fais attention ! Cesse donc de voyager dans le temps. Mon âme parfois s'égare dans la réflexion. Cela, je l'ai vu. Tes pieds aussi.

D'un air hébété, je baissai la tête. Une épaisse couche vermeille recouvrait mes souliers de fortune. A leur vue, je manifestai une gaité soudaine, découvrant des dents saines entre des lèvres sensuelles. La confection de mes souliers ne m'avait pris que quelques heures. Du fil, une aiguille, une pièce de vélin. Je n'étais donc pas dépitée devant leur état.

« Je vais devoir improviser », fis-je en hochant la tête.


Ainsi, c'est en va-nu-pieds que je poursuivis mon chemin. Un chemin qui me semblait, malgré quelques pièges, très agréable. La nature, capricieuse, avait ses fantaisies et ses tours inattendus. Peut-être même qu'à ma maladresse, un Ent moqueur avait gloussé dans mon dos. Quoi qu'il en soit, j'aimais cette nature-là. Celle qui avait du répondant. Je suis un peu comme elle, pensai-je.


De fait, je suis comme une fleur saupoudrée de givre dont la tige serait couverte d'épines. D'une grande beauté, une beauté fallacieuse, la taille gracile – tout dans la subtilité – mais difficile voire impossible à saisir. Parfois même méprisante et glaciale. « Elle manque de souplesse ! » s'offusquent certains. Il est vrai que je suis intransigeante avec ceux qui, à mes yeux, ne méritent ni pitié ni indulgence. J'arbore fièrement cette froideur en n'acceptant ni erreur ni bévue. Aussi, mon attitude cynique vis-à-vis des convenances elfiques en rebute plus d'un. Et.. tant mieux ! Manifester mon effronterie insolente est mon passe-temps favori. Pourquoi m'en passer?


Je m'accordai une récréation pour admirer le tableau du monde. Les feuilles des rameaux neufs avaient la fragilité et la transparence d'une soie fraichement dépliée. Probablement, arrivais-je à l'orée de la forêt. Je voyais désormais des morceaux de ciel, des bribes de nuages. Aussi, l'odeur de mousse et d'humus était atténuée par diverses senteurs fleuries. Plus loin en effet, des arbres en fleurs rosissaient l'endroit de leur gaité éclatante. Et tout autour dans l'herbe grasse, les oiseaux d'après-midi roucoulaient et gazouillaient, heureux.

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#6
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[Image: bd79fd07e7cf5e5ac636f8ae0bbd097c_eeepc-w...forest.jpg]




Avec leur envol, une odeur de blé, transportée par la brise, vint chatouiller mes narines. J'arrivai enfin à la lisière de la forêt. Les blés en germe sortaient du sol par colonie et envahissaient peu à peu le terrain. Devant leur blondeur, je restai béate. Ces couleurs chaudes, et douces, me berçaient peu à peu, et bientôt je me replongeai dans mon enfance.

« Mon Hilary, viens ici. » Et à moi de courir partout, pour pouvoir lui échapper. « Avale cette bouillie de céréales... veux-tu devenir comme papa? Quelqu'un de fort et grand? » J'ouvris la bouche pour réflechir, et me retrouvai avec la cuillère entre les dents. Maman quitta la pièce du souper, avec moi sur ses talons. Et tandis que je grimpais sur un haut coffre en cuir pour mieux la dévorer des yeux, elle défit son himation. Je courus vers elle afin de toucher de mes doigts les jolies fibules en bronze sur l'encolure du costume. Puis je m'emparai de l'écharpe qu'elle venait d'ôter et la frottai contre mon nez. J'humais l'odeur délicate des mamans. Je m'enroulai dans ce tissu plus grand que moi comme pour l'enlacer. Je savais qu'elle ne serait jamais aussi proche, que je ne pourrai jamais la toucher autant, la serrer, presque l'étouffer de tendresse.

BzZzZz

Le vrombissement d'un insecte volant me dérangea dans mon souvenir.


Alíkê Ewilan, qui était de sang noble, t'a élevée dans les convenances. Or les étreintes ne font pas partie de ce qu'on appelle les bonnes manières. Il est vrai.. Néanmoins, ne pouvait-on pas céder une fois au caprice d'un enfant ? Une fois, rien qu'une ?


BzzZz
Krrr « Tu n'iras pas plus loin, toi. » dis-je, agacée. Je desserrai le poing, découvrant l'insecte mort au creux de ma main.
Il n'y a pas plus mort que lui...


Jamais je n'ai haï ma mère, en dépit de son absence. Au contraire, je l'admirais. J'admirais celle que je ne pouvais saisir, qui m'échappait ... c'est un peu comme l'eau qui nous glisse entre les doigts. Cependant, elle m'a déçue. Plus que cela, elle m'a trahie. Et trahi mon père, son mari. Comment aimer dorénavant celle qui a bafoué ses propres principes, alors qu'en leur nom elle avait rejeté mon amour? Comment pardonner à quelqu'un qui nous trahit ? Nous trahit tous... Je l'ai admirée, certes, mais que trop.

Fatiguée, je m'assis sur le tronc d'un arbre encroué. Le vent faisait danser, virevolter, s'emmêler mes cheveux. Ceux-ci se refusaient à encadrer un visage aussi hâve que le mien. Je me dis que je réflechissais trop à mon existence, et me torturais l'esprit. Mais, la forêt avait conduit ma pensée vers d'autres mondes. La quiétude qui y régnait m'avait ramené à moi. Je fis donc le vide dans ma tête. Et immobile sur le tronc, je m'attardai pour un souffle d'air frais.
J'inspirai et, j'expirai, doucement. Peu à peu, mon âme se défit de ses troubles. Alors, j'étirai mes jambes, puis mes bras, et effectuai quelques rotations avec la tête pour soulager ma nuque. Je fis le même exercice avec mes pieds comme pour mettre du baume aux articulations. C'est dans ces moments-là que je regrette de ne pas avoir suivi l'enseignement du prêtre. On m'aurait révélé quel usage faire de chaque plante médicinale. Question plante, ici, on est servi.

J'étais enfin hors de la forêt de Pelethor ; je pouvais me permettre une longue pause. Ces deux jours avaient été fatiguants, de par la marche et la réflexion. Aussi, j'aboutis à une conclusion : Si j'étais incapable d'aimer, c'était en partie à cause d'une mère indigne d'amour.

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#7
[HRP : Je vous laisse deviner de quels mots " Xêulaurev' " et " Arveb " sont les anagrammes. Ps : si vous trouvez dans ce chapitre quelques petites phrases cultes du Seigneur des anneaux, kaamelott ou autre, c'est pour donner un petit côté épique et pour contraster avec le parler d'Hilary - code couleur : le marron utilisé n'est là que pour donner l'illusion d'une page vieillie]


L'origine du malheur


Je glissai ma main dans ma besace, et en sortis un petit carnet usé. La couverture et la reliure étaient abîmées, les pages jaunâtres et cornées, mais seul le contenu m'intéressait.

Un jour où je m'étais rendue dans une échoppe, pour en parcourir des yeux les étagères, un aède avait prononcé mon nom. Cela m'avait semblé étonnant qu'un elfe conte à des enfants quelque histoire à propos d'un Ewilan. Y avait-il un lien avec ma famille ? Piquée par la curiosité, j'étais allée à sa rencontre au milieu des étals de livres, pour en savoir plus. Il m'avait alors remis un carnet qu'il gardait soigneusement dans sa poche. Et j'allais enfin découvrir ce qu'il contenait.

Par précaution, je balayai les lieux d'un regard puis me plongeai dans la lecture.

Citation :Il était une fois dans les terres du milieu, si l'on considère que le nord-ouest c'est le milieu, - nous les elfes, on a tendance à nous prendre pour le centre du monde - un brave elfe qui s'appelait Elyope. Elyope, un nom étrange me direz-vous. Rassurez-vous, il n'avait rien à voir avec un cyclope, il avait bien ses deux yeux, pas un de plus, pas un de moins. En bon noble, il avait établi sa demeure à Asteras, la capitale du Royaume des Elfes. Il était d'une modestie incroyable, et c'est pour cela qu'on ne connaît que peu ses aventures - ou mésaventures - dans la Cité. Cependant, bien des villageois des contrées alentour content, aujourd'hui encore, ses exploits.
On le surnomme Elyope L'Intrépide.




Le Bon, le Bête et l'Intrépide

Elyope intégra l'armée royale dès son plus jeune âge, dans l'espoir de devenir une légende . Non qu'il fut présomptueux, Elyope rêvait de gloire. De gloire, et c'est tout. Rien ne laissait présager qu'il deviendrait père de famille, deux décennies à peine après avoir rejoint l'ordre des guerriers. On raconte qu'il aimait fort sa femme et son enfant, malgré ses ambitions. Pour pallier cet imprévu - quel gros imprévu -, Elyope s'entêta de diverses quêtes divertissantes. Un nain, du sang, et un ami suffisaient à le divertir. Ainsi, sa famille ne le vit que très peu. Mais, peu importait à notre héros ; il lui fallait accomplir de grandes choses. Et puis, un héros c'est pas fait pour rester à la maison.

L'un des compagnons de quête d'Elyope, se nommait Xêulaurev', dit Xêulaurev' Le Grand. Ce dernier, qui était dans la même division, jura un jour à Elyope qu'il serait toujours là pour le servir. Les deux soldats avaient auparavant bâti une solide amitié. Et tels des frères, ils se promirent : « à la vie, à la mort ! »
Bien des fables attribuent à Xêulaurev' une extrême gentillesse. Aussi, celui-ci s'exclamait sans cesse : « Personnellement, la condition paysanne, j'me la taille en biseau ! ». Pour lui, les habitants de Tilador valaient autant que les villageois de race naine. N'est-ce pas d'une grande tolérance vis-à-vis de nos voisins barbus ? Xêulaurev avait bien des qualités, et parmi elles, celle de voir le meilleur en chacun de nous.

Dans un tout autre registre, en revanche : Arveb, dit autrement Arveb Le Petit. Arveb, était en fait le frère de lait d'Elyope. Ils avaient grandi ensemble et avaient nourri les mêmes désirs de puissance et de grandeur. Mais, Arveb, lui, ne s'était jamais enrôlé dans l'armée. Savoir manier l'épée le désintéressait au plus haut point. Et pour sûr ! Manger était son unique centre d'intérêt. Il n'avait aucune des qualités de Xêulaurev. Ni celles d'Elyope d'ailleurs. Elyope était un héros. Les deux autres, sont là pour l'histoire.


Pour en revenir à nos firmirs, Arveb n'avait rien d'un elfe valeureux. De fait, il n'y avait rien de téméraire chez lui. Le seul risque qu'il eût pris un jour : s'aventurer jusqu'à Tilador, le village le plus proche, pour voler quelque nourriture dans les fermes. Il en était revenu tout fier et s'était écrié : " Je suis mort mais j'ai survécu ! "... avant de s'écrouler piteusement sur le sol, épuisé. Arveb était difficilement contrôlable, car peu raisonné. Vous voyez le genre. Le genre qui agit et ensuite seulement réfléchit. Rien ne laissait deviner qu'il rejoindrait le duo, lui plein de bravoure, dans sa quête.

« Mais quelle quête ? » , me direz-vous.

Le but que s'étaient assigné Elyope et Xêulaurev, et par la suite Arveb, était le suivant : trouver tous les artefacts d'Ecridel. Elyope, seul lettré du groupe, avait lu - comptait lire - de nombreux ouvrages sur le sujet car ces joyaux le fascinaient. Au bout de deux pages de lecture, il arrivait à cette conclusion : les artefacts sont cachés dans... euh, ils sont cachés.

« S'ils sont cachés, ça veut dire qu'on doit chercher leurs cachettes », fit Arveb, après un certain temps de réflexion - pour une fois, il avait réfléchi avant de parler et même si au final ce n'était pas très cohérent, comme on dit : c'est l'intention qui compte ! -

Elyope, regarda ses deux compagnons et déclara : « Nous partons dès aujourd'hui à la conquête d'Ecri..euh des artefacts. On a besoin de provisions. Des miches de pain, du jambon cru feront l'affaire ».

Arveb glissa en douce une cinquantaine de grappes de raisin dans le sac de Xêulaurev, mais ce dernier s'aperçut que son paquetage était anormalement lourd.
« Bah quoi? C'est pour les vitamines ! »

Le bête se dit qu'ils mourraient de faim et que pour une mort, c'était pas très glorieux. Ses amis qui rêvaient de gloire voulaient-ils rendre l'âme le ventre vide et le palais desséché ?

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#8
Je feuilletai les pages, dans l'espoir de trouver quelque chose de plus prenant. Je remarquai quelques annotations en marge du texte, et aussi, des numéros en bas de chaque page. Mon attention se porta sur celle-ci :

Citation :

Une odeur nauséabonde parvint aux narines des trois elfes. Ils approchaient des Marais de Ténagos.

- « C'est un bon endroit pour cacher un artefact, affirma Elyope.
- Si tu le dis... » fit Xêulaurev, quelque peu décontenancé devant les mares d'eau stagnante.

De la vapeur s'élevait au dessus du marais, formant un nuage blanchâtre. Les eaux, fumantes, dégageaient une odeur insupportable. Créatures velues, insectes méconnus et autres immondices couraient le long des mares. Les moustiques avaient pris possession des lieux ; les mares regorgeaient de larves de toutes tailles. Quant aux plantes aquatiques, elles semblaient mourir doucement, parasitées.

- « Je m'aventure pas dans cette eau croupie moi ! hurla Arveb, figé sur place.
- C'n'est pas si terrible... c'n'est que de l'eau... » assura Xêulaurev, peu convaincant.


Et oui mes enfants, peu d'entre nous se sont aventurés dans les Marais de Ténagos. Ceux qui s'en vantent, n'en ont traversé qu'une infime partie. Les pendards ! Quel caquet que le leur! Et rares sont ceux qui ont eu à affronter les dangereuses créatures qui peuplent ces lieux. Mais, poursuivons notre récit.


Xêulaurev Le Grand attrapa Arveb Le Petit par la peau du cou et le souleva, sous le regard interrogateur d'Elyope.

« J'veux qu'il avance, dit Xêulaurev, comme pour se justifier. Sa peur j'me la taille en biseau! Moi aussi j'ai..j'pas peur. »

L'intrépide, amusé, lança : « Un peu de courage, mes amis, nous voici sur la route de l'or, euh des découvertes ! »

Les desseins d'Elyope semblaient parfois douteux, à l'entendre. Mais qu'importe ! Il mènerait le groupe vers la gloire.

Soudain, un cri étouffé, comme une plainte stridente venant de loin, se fit entendre. Le bruit semblait provenir des eaux.

« Il y a quelqu'chose sous l'eau », déclara Xêulaurev' en essayant de cacher ses craintes.

Quelques petites bulles firent irruption à la surface de l'eau.

« Ca sent l'roussi » ajouta Xêulaurev'. Il recula, et invita les autres à faire de même.

D'autres bulles affluaient, nombreuses et plus grosses. Quelque chose allait se produire... Elyope le sentait.

« Peut-être que c'est un gros poisson ? »

Arveb avait retrouvé des couleurs, il ne pensait plus qu'à manger. L'incorrigible dîtes-vous ? Vous avez bien raison.

« Un bon gros poiscaille'... »chuchota-t-il à l'oreille d'Elyope, tout salivant.

Elyope, fit fi - quelle expression amusante, non ? - des paroles du bête, et comprit que la créature cachée dans les profondeurs - si on estime que les mares c'est profond - était énorme, et sûrement dangereuse.

Alors, il prit son courage et son épée entre ses mains, et s'élança vers les eaux.

« Que je trépasse si je faiblis ! » s'écria-t-il, dans un élan de folie.


Un archimage, qui se trouvait au sommet d'une colline, à quelques lieues de là, vit la scène. Grâce à un sort de son invention, il put porter sa voix jusqu'aux trois compagnons : « Fuyez, pauvres fous ! C'est une bête tentaculaire ! »


« Une quoi ? demanda Arveb.
prendre une voix très aiguë
- Un jour peut v'nir où l'ambition des Hauts-Elfes faillira, où nous abandonnerons nos amis.
Mais c'jour n'est pas arrivé ! C'sera l'heure des bêtes tentaculaires et des boucliers fracassés lorsque l'âge des Hauts-Elfes s'effondrera avec nous. Mais c'jour n'est pas arrivé ! Aujourd'hui nous fuirons comme des lâches ! Je vous ordonne de venir Elfes du Nord-Ouest ! »


Aussitôt, Xêulaurev, attrapa la main d'Elyope et le ramena vers lui. Ils coururent aussi vite qu'ils purent, ils coururent, coururent, et coururent, mais alors ils coururent trèèèèèèès longtemps ...
Jusqu'à épuisement.

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#9

Après cette page, j'en lus une autre, et puis une autre. L'intrigue m'avait emmenée loin de ce monde et je ne pus me résoudre à fermer le carnet.



Citation :

Cinq nains dévalèrent la colline faisant fuir passeraux et rongeurs. Avec le gling gling de leurs armures, ils faisaient un tel boucan que même Arveb comprit que des nains arrivaient.

« Nous avons de la visite, dit Elyope.

- J'vais transpercer leur poitrine. On verra bien qui vivra le dernier ! » s'exclama Xêulaurev alors qu'il aiguisait la lame en acier de son épée.

Puis le bon prit le bête par le col et le souleva à un mètre du sol.

« Arrête un peu d'bouffer, des barbus se ramènent », fit-il gravement.

Une fois au sol, Arveb sortit sa petite épée ridicule de son fourreau en cuir. Bien qu'il ne fut qu'un velléitaire, il était bien décidé à donner quelque correction aux nains qui déboulaient. Ceux-ci avaient perturbé son déjeuner, et pire encore, Xêulaurev avait rangé par leur faute les provisions dans son sac.

« Mort aux barbus », marmonna Arveb avec fureur.


Les ennemis étaient désormais à quelques mètres d'eux. A les décrire, je dirais qu'ils étaient incroyablement gros - et je suis en dessous de la vérité - mais ils étaient surtout très petits.
insister sur le très

L'un d'entre eux avait un nez fait pour humer voluptueusement ce qui passait à sa portée. C'était un roc, ou plutôt un pic. Non, un cap ! Que dis-je? Une péninsule !


« Hé le tabouret ! Tu cherches quelque chose? lança Elyope.

- C'n'est pas nous j'espère, ajouta Xêlaurev soudainement peureux. Car on s'en allait justement.

- Tiennns dooonnc grumpffff. Les z'elfeees essaient d'être drôles maintenaaant. Mangeuuur d'salade, rabats un peuu ton caquet pendaaant que j'te coup' tes z'oreilles, fit le nain le plus grand - si on estime qu'un mètre c'est grand- à l'adresse d'Elyope.

- On cherche des artefacts, vous en avez vu dans le coin? demanda alors Arveb dont la haine viscérale avait disparu aussi vite qu'elle était venue.

- Des quoiiii? Ils s'jouent de nous ces z'elfeees, chuchota l'un des nains à celui qui semblait être son chef.

- On pensait trouver des petites montagnes et regarder dedans pour voir si y en a, poursuivit le compagnon d'Elyope.

- Vous parrrlez d'la chaîne de mooontagnes HurrleGuerrre ? questionna le nain au nez grossier. Vous êêtes non loiiinn de not' village Kromgarrr. Derrière, se trouveeent peut-être ce que vouuus cherchez. »

Le chef du groupe donna un coup de marteau sur la tête de celui qui venait de parler. Voyez-vous, un nain n'aide pas un elfe. Et inversement. Après quoi, le nain déclara : « Vous avez violé nos terrrrres et vous allez le regretter. »

Elyope et ses confrères virent les haches et les marteaux se lever.

« Qu'on les captuurre et qu'on les ramèènee à Karad Zirkommennnn ! » s'écria leur chef.


Mes enfants, je me dois de sauter cet épisode sanglant, vous en feriez des cauchemars. Reprenons le récit à la fin des affrontements.


Ellipse

Arveb avait trouvé la mort dans le combat. En soi, ce n'était pas une grosse perte, car seul Elyope importe dans l'histoire. Cependant, notre héros perdait avec lui son plus grand ami. Un ami d'enfance, un frère de lait, un compagnon de quête. Elyope avait si mal qu'il pensa qu'on lui avait ouvert le ventre et qu'on y avait mis des pierres avant de le recoudre. Son estomac était noué, sa gorge serrée, et tous les membres de son corps lui semblaient lourds. De fait, la bataille l'avait épuisé. Un instant, c'était sa jambe droite qui lui faisait mal, un autre, c'était la gauche, puis encore un autre c'était le dos. Néanmoins, cette douleur erratique n'altérait en rien son chagrin.


Devenu une proie facile, les nains capturèrent Elyope. Et avec Elyope, le pas très véloce Xêulaurev. Ils les enrubanèrent de chaînes en métal avant de leur crier d'avancer.


« Nos desseins ne sont pas ceux que vous imaginez, murmura Elyope au nain qui le tenait.

- Ne vous laisseez pas embobiner… ils chercheeent à vous rembobiner, fit alors le chef à l'adresse de son groupe. Ils vont croupirr gentiiiiiiment dans une geôle de la capitale. »

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Mes paupières se faisaient lourdes à mesure que je lisais. Lourdes, très lourdes... Et lorsque je me réveillai, c'était l'aube rougeoyante. Mes cheveux ondulaient à la manière des feuilles de chêne dans la brise du matin. Sous ce ciel, ils paraissaient, dansant et s'emmêlant, plus roses encore qu'à l'accoutumée. Ma peau, elle, était de la pâleur d'un nuage.

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#10

Je repensai soudain aux dernières pages que j'avais lues la veille.


Mon père... mon père a été fait prisonnier durant la guerre ! C'est une bien triste nouvelle, mais cela cause-t-il vraiment quelque trouble dans ton âme? Non. Il n'a eu que ce qu'il mérite. A trop vouloir jouer aux héros, on se noie. Mais? ... Néanmoins, ceci explique cela... Sois plus claire, veux-tu et cesse les énigmes ! Pardon, il est vrai que ce que j'ai appris hier dans ce bouquin m'a quelque peu perturbée. Tiens.. c'est la première fois que je m'excuse auprès de quelqu'un ! Tu ne l'as pas prononcé pour un être de chair et d'os. Je ne suis que ta pensée, une part de toi-même. Aussi, as-tu pardonné à toi même. Soit. Pour en revenir à mon père, j'ai découvert quelque chose d'étonnant à son sujet. Laquelle? Lors d'une de ses cocasses expéditions, il a été pris en capture par des nains. A Kromgar, il me semble. Ceux-ci l'ont identifié comme étant un soldat. Ce qu'il était bien sûr. Toutefois, il foulait le territoire nain à la recherche d'un artefact. Son but n'était pas de semer la terreur chez d'autres peuples. Et alors ? Par conséquent, cela explique sa disparition subite dans le foyer familial. Son emprisonnement, je te l'accorde, peut justifier ses années d'absence. Hélas, des mois durant, il s'en allait, te laissant seule avec une mère qui ne s'est jamais sentie concernée par ton éducation. Est-ce que cela suffit à lui pardonner entièrement ? Sois-en certaine, je ne cherche pas à lui trouver quelque excuse, car il fut un père absent, et plus mauvais que bon. Et comme tu l'as fait remarquer, je n'ai jamais pardonné à un être de chair et d'os. Ce n'est pas aujourd'hui que cela changera. Surtout pas lorsqu' il s'agit d'un être aussi stupide que mon père. Stupide ? C'est un bien faible mot...


De fines gouttes d'eau tombèrent sur le bout de mon nez. De véritables notes de musique.

« Quel régal », fis-je à voix haute.

Avec amusement, je recueillis les gouttelettes sur ma langue. Des perles d'eau glissaient sur mon visage, se logeaient au coin des lèvres et trouvaient en mon nez en trompette un perchoir. Pleine d'entrain, je me levai et tournoyai, les yeux vers le ciel ennuagé. A présent, la pluie battait le sol. Elle le creusait presque. La plupart des elfes citadins se seraient résignés à ne point sortir de leur demeure, mais pour moi, c'était la meilleure des raisons pour être dehors. La pluie frappait la terre à l'oblique en rythme avec le souffle du vent.


Alors que la pluie cognait mon visage avec violence, je me dis que l'absence de mon père m'avait causé bien du chagrin. Quelque part, il avait été mon héros. Et enfant, je lui portais tellement d'amour que j'étais tout bonnement incapable de lui en vouloir.

Comment tout cet amour avait-il pu disparaître dans le néant? Dans les faits, Elyope ne m'avait porté nulle atteinte. Pas de trahison. Juste des petits morceaux d'absence éparpillés aux quatre coins de mon existence. Des petites miettes de peur tout autour de la bouche. La peur de perdre son père, de ne jamais le voir revenir. La peur d'être abandonnée. Je me souviens avoir rêvé chaque soir d'un baiser, et plus particulièrement d'un baiser sur le front, symbole d'amour et de protection. Mais c'était de l'ordre du rêve. Or un rêve est précisemment ce qui n'a pas lieu dans la réalité.



La réalité à cette époque c'est que ma mère nous a lâchement abandonnés mon père et moi. Elle est partie et a fui ses responsabilités... elle a décidé qu'être parent était chose futile. Je dirais plutôt qu'elle avait conscience de ses devoirs de mère mais qu'elle s'en moquait. Durant des années j'y ai réfléchi. Et finalement, j'ai compris. Pour faire bonne figure elle accordait à mon père des faveurs. Partager sa couche et sa maison, accepter ses baisers : ce n'était que du faux-semblant ! Elle a réussi à créer l'illusion d'un foyer et d'une famille unie. Il est vrai, et d'ailleurs elle n'a plus supporté cette mascarade et s'en est allée au bras d'un autre. Ma mère, quelle comédienne ! Je la méprise tant que j'éprouve quelque douleur à l'appeler encore 'ma mère'. Sans scrupule, elle s'est joué de nous.. si bien que nos coeurs ont été meurtris. L'absence d'Elyope a suffi a justifier son départ. Selon elle, cette situation n'était plus vivable. Et pour toute consolation, mon père n'a eu qu'une misérable lettre. Une lettre que je n'ai jamais pu lire d'ailleurs. Tu étais trop jeune et tu commençais à peine ton apprentissage de la prose et de la poésie.


Ma tête me brûlait. Il me semblait que des flammes dansaient tout autour de moi et léchaient mes habits, mon visage, mon cuir chevelu. Les hautes herbes et les blés de la plaine fléchissaient ou se couchaient sous le vent quand soudain, dans le ciel, il y eut une détonation. Les vents s'enragèrent lorsque retentirent les premiers claquements de tonnerre. Je frissonnai. Mon visage était aussi trempé qu'un linge dans un lavoir. Aussi, la terre amoncelée par le vent venait se loger dans mes cheveux déjà emmêlés.

La nature est pleine de rage ce matin, pensai-je, avant de me lover dans mon immense cape.


Peu importe la raison pour laquelle ma mère est partie. Le fait est qu'elle s'est employée à mentir. Elle est très forte à ce petit jeu... La culpabilité a probablement rongé ton père après qu'il ait lu la lettre. Je le crois, en effet. Pour lui, sa femme était partie faute d'amour. Car à l'abandon. Car seule face à l'éducation de sa fille. Comment a-t-elle pu le convaincre d'une telle chose? Elle qui n'avait de cesse de le tromper. Peut-être ne l'aimait-elle pas... Pour sûr, elle partageait sa couche avec d'autres hommes ! N'a-t-elle pas eu honte? Et puis, cette histoire d'absence n'était vraiment qu'un prétexte. Elle même n'a jamais participé à mon éducation, laissant ce soin à des suivantes. La mère ne vaut pas mieux que le père... Oui et non. Désormais, je sais qu'Elyope était enfermé dans une geôle à l'odeur de mort. Je ne peux pas en vouloir à mon père de s'être fait emprisonné. Néanmoins, je peux lui en vouloir d'être un idiot fini et de courir après des rêves tout aussi idiots que lui. Quelle était donc cette obsession des artefacts? Voyons, cette quête est tout à fait discutable... et critiquable ! Là où il y aura de la richesse et de l'avarice il n'y aura que du mépris de ma part. Ainsi, loges-tu ton père et le commun des elfes à la même enseigne? Bien évidemment. Ils sont de la même espèce ces gens-là. Ma mère quant à elle n'était ni avare ni aventureuse mais une traîtresse et une lâche. Je ne sais pas ce qui est le pire..


La pluie, toujours, frappait, éclaboussait. Elle était mélodieuse, énergique. Aussi, dans une ultime réflexion et comme pour l'accompagner, je me mis à fredonner une chanson. Une chanson de mon invention. Un poème sans doute. Quelque chose qui n'était ni populaire, ni le conte d'un personnage historique. Seulement le résumé de ma propre histoire.



« L'indolence, la méprise perennes,
Ont mis jadis et naguère au creux de moi,
Une peur s'imprégnant des pluies diluviennes,
L'image de ces flèches que l'on empenne,
Qui vous touchent, mettent un peu de joie, de foi,
Dans votre coeur meurtri et cible des antiennes.

Il n'est rien qui ne m'a jamais rejouie,
Pas même la rencontre des parents aimés,
Souvenir douloureux de mon amour détruit,
Alors je suis éperdument ma destinée,
Fuyant tout abêtie ces êtres aveulis,
Dont l'esprit potelé musèle la pensée.

L'indolence, la méprise perennes,
Ont mis jadis et naguère au creux de moi,
Une peur s'imprégnant des pluies diluviennes,
L'image de ces flèches que l'on empenne,
Qui vous touchent, mettent un peu de joie, de foi,
Dans votre coeur meurtri et cible des antiennes.

Ma passion est pareille à ces fruits talés,
Que l'on écrase et dont on aime le cri,
Et dont la chair ou la pulpe est abîmée,
Car altérer peut être de tous les défis,
Le plus facile, relevé, réitéré,
Pourtant mes blessures sont faites et vernies. »
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