Rêves
#1
Premier réveil

Gwendolwenn émergea en sursaut d'un cauchemar épouvantable. Elle était en train de rêver de son corps dévoré par les flammes du Thana Di Niluhan.
Des douleurs tout le long ses bras couvert de bandages lui rappelèrent que cela n'avait pas été un rêve.
Ou était-elle encore dans un rêve ?
Les draps de soie, le lit à baldaquin aux rideaux brodés avec soin, la chambre richement décorée d'ornements qu'elle n'avait jamais eût l'occasion d'observer auparavant laissèrent planer le doute dans son esprit.
Les tentures rivalisaient de couleur avec les peintures. Les fenêtres à jalousie tamisaient le soleil matinal en fins tubes de lumières. Le plafond, un dôme orné d'une mosaïque épique, laissait deviner qu'elle se trouvait sous un toit en coupole.

Hormis les nombreuses bandelettes de gaze sur ses membres, elle était entièrement nue. Elle essaya de se relever, mais cela lui fut trop difficile à la première tentative. Ses jambes aussi étaient ceinte de nombreux pansements. Pansements inutiles, car sa peau semblait immaculée. Un second essai eût plus de succès.

- Faites doucement, vous êtes encore faible. La magie a fait merveille pour le début, mais pour le reste c'est votre corps qui devra travailler.

Gwendolwenn sursauta à cette voix masculine anonyme.
Sur une chaise, près de la porte à la voûte arquée était assis un inconnu. Ou plutôt sur un fauteuil, tant les fioritures qui l'ornaient en tout sens lui donnaient de volume.
Mais la requête eût l'effet inverse et incita Gwendolwenn à se relever encore plus, afin de voir à qui elle avait à faire. Elle ne put discerner grand chose hormis des yeux. Nez, front, et tout le reste était caché par des vêtements amples et légers.

Il se leva et s'approcha, faisant une légère révérence, mais sans annoncer de nom comme c'est la coutume.

Gwendolwenn tenait son drap en écran devant elle, mais s'aperçut vite que par le jeu des miroirs disposés au murs et sur ce qui devait tenir lieu d'armoires, l'étranger pouvait contempler à loisir son profil comme son dos. Elle se recroquevilla légèrement et ramena entièrement le drap sur son corps dénudé. Par réflexe, elle passa sa main près de son épaule pour rabattre sa chevelure en arrière, mais elle ne rencontra que le vide.

- Vos cheveux ont dû être raccourcis jusqu'à la nuque, désolé.

- Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Comment est-ce que...

- Qui je suis n'a pas d'importance, trancha t-il. Une question à la fois. Elle devina a ses yeux qu'il souriait de son impatience. Je vous ai ramassé alors que vous étiez laissée pour morte dans une cohue sans nom. Vous étiez morte d'ailleurs. Et votre enveloppe charnelle en très mauvais état.

Gwendolwenn fit la moue à l'idée de son cadavre calciné.

- Où suis-je ?
- A Asteras.
- Vous m'avez ramenée ? Mais je ne vous ai pas vu sur le champ de bataille !
- Et pour cause...


Il toucha machinalement un anneau passé a l'un des doigts de sa main gantée. Etait-ce une anneau d'invisbilité ? Décidément... Grundel, le Korrigan, le Mage... elle se demanda si elle était la seule de tout Synca a ne pas en posséder un exemplaire. Quoique celui-ci était assez différent.

- ...je n'interviens jamais, je ne me montre jamais, j'observe uniquement. Enfin presque jamais.
- Le monstre ?
- Tué. Achevé par votre amie semble t-il.


Il semblait en savoir beaucoup sur elle. Trop. Ce qui la mit mal à l'aise. Elle serra ses genoux entre ses bras.

- Pourquoi m'avez-vous sauvée ?

Il ne répondit pas. Puis après un silence, il changea de sujet comme si cette question n'avait pas été posée.

- Il est temps pour moi de me retirer et de vous laisser vous reposer, ou vous vêtir si vous souhaitez dégourdir vos jambes. Je vous ai fait préparer quelques effets, les vôtres étant irrécupérables. Vous pourrez les garder, c'est un présent qu'il m'honore de vous faire.


- Je ne puis accepter ! S'exclama -t-elle en avisant la tenue qui devait remplacer sa modeste cape de sorcier et son habit bleu. Sur un valet de nuit étaient étendus une robe d'arcaniste et une cape de légèreté. Adossé a cela, un bâton d'appui du mage. Aux pieds du lit trônaient les bottes de messager dont elle avait rêvé durant tout son périple... Enfin, dans un écrin posé sur la table de chevet brillait la pierre d'un anneau de certitude. De chaque objet émanait un flux d'énergie magique. Ses goûts devaient être connus, car tout était assorti - hormis les bottes - dans des tons mélodieux de bleus.

- Alors il vous faudra vous promener avec votre drap. Le sourire se fit un instant plus intense dans ses yeux, avant qu'il ne les détourne et s'en aille.

Il n'était pas difficile de deviner qu'elle avait plus envie de se lever que de se reposer. Elle avait bien trop peur de se réveiller embrasée sur un champ de bataille, et que tout cet agréable mirage ne disparaisse.
Aussi fut-elle grandement rassurée quand il annonça :

- Appelez quand vous servez prête, je reste derrière la porte.

Elle enfila la robe. L'énergie qu'elle dégageait l'aida grandement à vaincre sa faiblesse. Elle apprécia tout particulièrement le confort des bottes.

- Je suis prête !
- L'anneau, le bâton et la cape aussi sont pour vous
dit-il en entrant. Et avant même qu'elle n'ait pu faire mine de refuser, il ajouta d'un ton autoritaire : J'y tiens. Qui plus est, sans ces artefacts vous ne pourrez me suivre.
- Et moi je tiens a savoir qui vous êtes
répondit-elle en saisissant les précieux objets magiques.
- Avez-vous déjà entendu parler des Arpenteurs ?

Gwendolwenn écarquilla les yeux.

- Autant vous demander si vous avez entendu parler de Freylung !

- Freylung ? Mmmhh...oui. J'en ai entendu parler.
Il semblait perdu dans un souvenir ancien mais agréable d'événements ou d'amis du passé. Puis, sortant de sa réflexion, partit en annonçant : Venez. Nous bavarderons en route. Il ramassa deux volumineuses gibecières qu'il laissa pendre a chacun de ses flancs.

Ils empruntèrent de nombreux couloirs, passant de corridors en souterrains, de plates-formes en jardins d'hiver, alternativement ornés de céramiques, de sculptures, de macramés, de peintures et de mosaïques qui la laissèrent muette d'admiration malgré toutes ses interrogations. Mais pas une fois elle ne parvint à reconnaître un bâtiment.
C'était comme si Asteras possédait une seconde ville, des rues secrètes parallèles aux lieux connus des elfes. Ou comme s'il lui avait menti sur sa localisation.

Il débouchèrent enfin dans une pièce sombre, dont l'austérité contrastait avec la somptuosité précédente. Il n'y avait qu'un matelas posé à même le sol dans un coin, et une porte... au milieu de la salle. Deux colonnes de briques aux nombreux symboles ciselés, jointes en voûte d'ogive.

- C'est... c'est un passage vers une autre dimension ?
- C'est ce que les charlatans et autres gourous utilisent pour impressionner les jeunes demoiselles. Voici le Véhicule.


Et à la stupéfaction de Gwendolwenn il désigna la paillasse. Elle partit d'un grand éclat de rire, qui s'éteignit peu à peu quand il se dirigea effectivement vers le lit en extirpant deux fioles de l'une de ses besaces. Joignant la poudre de l'un au liquide de l'autre dans un troisième récipient, il commanda :

- Buvez et allongez-vous.

Comme elle hésitait, il en pris quelques gorgées pour lui prouver qu'il n'y avait pas de danger, et lui tendit a nouveau le gobelet. Le goût était agréable, légèrement sucré.

Allongée à côté de l'inconnu, son bâton posé sur sa poitrine, Gwendolwenn n'eût pas le temps de sentir le sommeil venir.

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#2
Second réveil

Gwendolwenn ouvrit les yeux sur quelques brindilles d'herbe qui lui chatouillaient le nez. Il lui semblait se trouver dans une clairière au milieu de la forêt. Elle n'avait cependant jamais vu de tels arbres. Et avait rarement ressenti une telle chaleur. Sauf peut-être lors de son tête-à-tête avec le Thana Di Niluhan.

A côté d'elle attendait patiemment, assis en tailleur sur le tapis verdoyant, son étrange accompagnateur.
Il avait retiré l'écharpe employée comme masque, laissant apparaître un visage oval, harmonieux et doux, qui atténuait le caractère entier et autoritaire que suggérait son regard et les paroles qu'il avait déjà proféré.
Bien qu'il en eût de nombreux traits, il n'était certainement pas un elfe.

Il retira son turban pour le réajuster, ce qui la conforta dans sa supposition : ses oreilles n'étaient pas affinées mais rondes comme celle des nains. Mais il n'était pas un nain non plus, dépassant légèrement Gwendolwenn en taille.

Il se leva et tendit à Gwendolwenn une écharpe quasiment identique a la sienne. Comme elle hésitait sur la manière de l'employer, il lui enroula autour de la tête, tournant plusieurs fois autour de la magicienne. Elle aurait volontiers jeté un oeil dans un miroir, mais le temps n'était pas vraiment à la coquetterie. Une fois le turban mis en place, il annonça :

- J'aimerai vous montrer quelque chose.

Comme il ne lui demanda pas si elle était d'accord, elle le suivit. Il passèrent un étang au centre de la clairière, contournèrent une porte de pierre quasi identique à celle de l'obscure salle où elle s'était endormie, et longèrent un filet d'eau qui s'arrêta bientôt, semblant provenir directement de la pierre. Celle-ci était rouge et sableuse. Ils étanchèrent leur soif, remplirent trois petites outres, puis grimpèrent quelques minutes pour arriver au sommet de cette barrière rocheuse.
La présumée forêt n'était en fait qu'un anneau d'arbres autour du point d'eau. Tout autour et jusqu'à l'horizon troublé par la fournaise, il n'y avait que du sable, des dunes à n'en plus finir, hormis au nord, où un éperon rocheux s'enfonçait loin dans le désert. C'est le chemin qu'ils empruntèrent, longeant la crête de rocailles pourpre. Ils marchaient en silence, car chaque mot asséchait leurs bouches.

Il sembla à Gwendolwenn qu'ils avaient marché des heures, pourtant en se retournant, elle apercevait encore quelques-unes des cimes verdoyantes loin au sud.

Brusquement, il demanda à Gwendolwenn de s'arrêter et de s'assoir, lui désignant un rocher un peu plus en amont, lui même surplombé par un autre plus grand, ce qui en faisait le seul endroit convenablement ombragé a des lieues.
La roche était plus brunâtre qu'ailleurs, et recelait de petits éclats brillants. Elle le vit extraire une toute petite pioche de mineur et s'affairer méthodiquement à attaquer la pierre. Petit à petit le minerai s'amoncelait. La régularité soporifique des coups jointe à la chaleur assommante avait conduit Gwendolwenn dans une légère somnolence.
Il arrêta net son travail lorsque retentit un crissement strident provenant du désert, qui sortit brutalement l'elfe de sa torpeur. Mais loin d'en paraître alarmé, il posa son piolet et grimpa rejoindre Gwendolwenn pour s'installa à côté d'elle.
Une dune avançait vers eux dans un nuage de poussière. Puis le sable coula de l'animal qui l'avait mis en mouvement. Au premier coup d'oeil, elle cru a une sorte de serpent géant. Mais chacun de ses nombreux segments portait une paire de pattes, sauf le premier qui arborait une paire de crochets. Il ressemblait beaucoup aux myriapodes très communs sous chaque souche de la forêt de Pelethor, mais en modèle géant.
La créature s'immobilisa un instant devant eux, comme pour écouter, puis s'enfonça à nouveau dans le sable, repartant d'où elle était venue.

- Il est beau n'est-ce pas ?

Gwendolwenn fut tirée de sa contemplation par cette question, et pivota vers son voisin pour le regarder. Ses yeux brillaient d'admiration comme s'il apercevait cette créature pour la première fois, alors qu'il s'avérait plutôt que ses visites en ce lieu soient fréquentes.

Comme elle ne répondait pas, il se leva et annonça :

- Il est temps de renter.
- Oui, il est très beau ! ...comment va-t-on se réveiller ?
- Mais… vous êtes réveillée, non ?
- Euh... oui ! Mais... hum... comment rentrer alors ?
- Si ce n'est pas le réveil ?
- Le sommeil !?


Il retournèrent à l'oasis, et une nouvelle fois elle s'endormit à côté de son guide.

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#3
Ter

Gwendolwenn commençait à s'habituer à ces réveils en des lieux différents. Les sens encore engourdis, elle vit tout autour d'elle des cloaques putrides et des arbres dénués de feuillage desquels pendaient une tenture filamenteuse de lianes et d'algues parties à l'assaut des cieux. La porte de pierre – celle-ci était arrondie - était presque entièrement recouverte de ces fibres verdâtres. Une atmosphère sombre et embrumée achevait de donner à cet endroit un air parfaitement lugubre. Pas de trace de son guide. Une angoisse soudaine la traversa. Elle voulut bondir sur ses pieds, mais sa tentative se solda par une chute brutale. Son corps ne répondait plus a sa volonté. Elle ne pouvait même tourner la tête. Ne ressentait plus rien. Elle tentait de comprendre, de regagner le contrôle d'elle-même. C'était comme un autre corps. Peu à peu elle réussit à déterminer comment le contrôler. Un organe après l'autre, un membre après l'autre. Les perceptions étaient connues, mais différentes. Les mouvements étaient possibles, mais différemment. Elle vit ses membres bouger et comprit. Elle eût envie de rire, mais cette créature ne devait pas posséder cette capacité. Par contre elle en possédait d'autres tout aussi intéressantes. Le plus difficile fut de s'exercer à l'art de la filature, mais une fois acquis, Gwendolwenn put se promener d'arbre en arbre sans même revenir au sol évitant ainsi les pièces d'eau.

Soudain elle perçut un léger bourdonnement. Elle se souvint des cours de son professeur de biologie à l'école de magie. « Le corps des araignées est entièrement recouvert de poils qui permettent entre autre de détecter les vibrations de la toile ou celles de l'air. Il s'agit d'un sens presque équivalent à l'ouïe qui permet à l'araignée de repérer les vibrations causées par exemple par les ailes d'une mouche en vol... Ceci est valable pour nos petites espèces locales autant que pour les géantes du marais des Tenagos ». La réflexion provocatrice lancée en réponse par l'une des élèves, « M'sieur, c'est valable aussi pour les nains alors ? » avait montré le peu d'intérêt de l'assistance pour l'arachnologie. Mais elle ne regrettait pas aujourd'hui d'avoir été parmi les plus studieuses, quitte a devoir subir quelques sobriquets acerbes.
Le bruit provenait d'un nuage de moustiques d'une taille réellement impressionnante, mais pas de quoi effrayer une araignée elle-même géante, qui y aurait plutôt trouvé l'intérêt d'un diner si elle n'était à cet instant habitée par l'esprit d'une elfe.

Un autre vrombissement, beaucoup plus grave et de plus en plus intense la mit sur ses gardes. Se pouvait-il qu'elle ait un prédateur venu du ciel dans ce marais imprévisible ? Une énorme libellule la survola et s'immobilisa instantanément devant elle. Elle ressentit une quiétude voluptueuse en regardant de ses huit yeux globuleux les milliers de facettes irisées de l'insecte. C'était lui. Et ses yeux étaient comme deux orbes rassurantes au milieu de cet inquiétant marécage.
Leur retrouvailles furent sobres, la communication directe n'étant pas aisée. Mais il y a mille façon de se faire comprendre sans parler. Ils visitèrent coins et recoins, elle grimpant et sautant, lui la survolant où qu'elle aille, tel un ange gardien.

Elle s'amusa a lui lancer un filin de soie collante qui le fit perdre un instant sa maîtrise du ciel. Mais a joueur, joueur et demi, il parvint à le sectionner de ses mandibules, le saisir, et en quelques tours de son vol le plus rapide, Gwendolwenn fut ficelée comme une vache prête pour l'abattoir. Bien sûr, on n'attrape pas une araignée avec une toile, et elle se libéra en un tournechélicère, mais la libellule devait être bien hilare. Dans la mesure de ses moyens.

Le soir tombant, il se livra a un impressionnant ballet dans le marécage rougeoyant : piqué, vol stationnaire, vrilles, accélérations fulgurante, passage impétueux frôlant les poils sensitifs de Gwendolwenn, vol à reculon, tout y passa.

Enfin il se posa. Elle aurait voulu encore voir basilics, hydres et autre bêtes tentaculaires, au moins apercevoir le dos d'un crocodile, mais son tableau de chasse se limiterai pour cette fois à une nuée de moustiques géants et une libellule du même acabit, car il lui fit comprendre qu'il était grand temps de partir.

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#4
Quater

Froid. Telle était la première sensation qu'eût Gwendolwenn en se réveillant. La seconde fut l'émerveillement. Elle s'était endormie araignée dans un marais sinistre et se réveillait dans la clarté presque insoutenable du soleil levant réfléchi par une neige immaculée à perte de vue. Elle s'empressa de regarder ses mains, de les faire bouger. Oui, elle était redevenue elle-même.

Et une fois encore à côté d'elle attendait patiemment, assis en tailleur sur le tapis de flocons, son mystérieux protecteur. Il se leva en souriant.

- Bonjour. Bien dormi ?
- Un peu frisquet.
- Bonne nouvelle, on va pouvoir se réchauffer. Une longue marche nous attend.
- Il n'y a pas de porte ici! Comment sommes-nous venus ?

Il montra le sol. Elle devait être ensevelie sous la neige. Décidément Gwendolwenn ne comprenait pas comment on pouvait passer la porte sans y entrer.

Ils se mirent en route. Marcher dans cette immense étendue blanche lui rappelait son expédition à la recherche de la fleur de mana. Elle n'en savourait que plus chaque pas avec ses nouvelles bottes.

Elle avait enfin l'occasion de lui parler, mais il éludait avec une finesse rare toute question personnelle. Quand elle lui demandait d'où il venait, elle se retrouvait à lui conter son enfance. Une question sur ses origines ? Les voilà partis dans un débat spirituel sur celle du monde. Son nom ? Et elle se trouva à lui avouer son faible pour les baies rouges.
Il marchèrent sans but apparent jusqu'au soir, voyant de-ci de-là un loup, un renard ou une belette, tous aussi incolores les uns que les autres.

Enfin il s'arrêta, et sorti de sa gibecière une arme étrange. Une épée courte et fine mais courbée en son extrémité. Il l'enfonça jusqu'à la garde dans la neige, dessina une ligne, puis une autre, encore une et revint a son point de départ. La partie courbe lui servit a extraire ce bloc rectangulaire de neige. Il répéta l'opération nombre de fois, expliquant qu'il fabriquait un abri en neige, pour qu'il leur soit plus facile de s'endormir ce soir.

Ils tapissèrent ensemble l'igloo afin d'en boucher les interstices, avec une pause bataille de boules de neige improvisée par Gwendolwenn. Ils entrèrent déposer leurs affaires. Elle vida l'une des outres, lui fouilla dans sa besace, en extrait une petite lampe à huile qu'il alluma. Ils sortirent dans l'obscurité.

Elle se demandait ce qu'il attendait. Et savait pertinemment qu'elle n'aurait pas de réponse.

- Il n'y a pas d'étoiles ?

Gwendolwenn se souvenait de la pureté du ciel, et aucun nuage n'était venu entre temps.
Et au moment où elle s'en inquiétait, elles apparurent. Peu à peu, scintillantes et multicolores. Et dans un crissement qui lui rappela l'arthropode du désert, un rideau nacré descendit du ciel. Elle avait déjà lu l'un ou l'autre manuscrit enluminé à ce sujet. Mais la réalité était incomparablement plus féérique.

Le spectacle achevé, ils retournèrent dans l'igloo pour le départ. La petite lampe à huile avait contre toute attente fait merveille sur la température. Se rendant compte qu'elle avait oublié de le faire jusqu'ici, elle le remercia de l'avoir sauvée du Korrigan et de son abomination.

- Il y aura toujours quelqu'un pour veiller sur toi...

Une telle tendresse émanait des yeux de l'orateur que Gwendolwenn en eut un agréable frisson qui n'avait rien a voir avec l'environnement.

… mais que ceci ne soit pas une excuse pour te mettre en danger outre mesure !
- Où allons-nous cette fois ?
- Promet moi d'abord que tu garderas tout cela secret.


- Je ne sais si je pourrais tenir cette promesse. Je sais que je ne pourrais la tenir.
Elle se voyait déjà, décrivant à Ehluine chaque seconde de ce voyage.
- Si tu souhaites en être sûre, bois ceci.

Il versa une nouvelle fois une poudre dans un gobelet rempli d'eau.
- Encore une poudre magique. Un oubli définitif ? C'est du poison cette fois ?
- Peut-être.


Elle but d'un trait. Il s'approcha d'elle.

- Rêves et réalités seront indémêlables...
- Il l'étaient déjà,
avoua-t-elle.
- De toute manière tu peux raconter ce que tu voudras a qui tu voudras, personne ne te croira.


Leur lèvres se touchaient presque. Elle sentit la caresse de sa main sur sa hanche.

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#5
Dernier réveil

Gwendolwenn émergea doucement d'un songe langoureux mais rocambolesque. Elle avait rêvé qu'elle s'était unie a un mystérieux inconnu dont elle ignorait jusqu'au nom, au coeur d'un nid de glace au fin fond d'une contrée inconnue où la lumière pleuvait en chantant.

Une robe d'arcaniste, une cape de légèreté, des bottes de messager, un anneau de certitude et un bâton d'appui du mage posés à côté de son lit lui rappelèrent que cela n'était pas un rêve.
Ou était-elle encore dans un rêve ?

Les fresques sur les murs, les soieries brodées qui pendaient aux voûtes, les autels où fumaient de petits cônes d'encens ne lui laissèrent aucun doute. Elle connaissait bien cet endroit.
La voyant éveillée, une prêtresse du Temple d'Asteras vint a elle en souriant. Montrant les vêtements, les objets et une coupelle remplie de fruits rouges, elle dit simplement :

- Quelqu'un a laissé cela pour vous.




Fin.


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