[RP] Une cuvée étonnante
#1
Le baron descendit de sa monture et la mena par la bride jusqu'aux écuries des Braises de la Salamandre. Il remit quelques pièces au palefrenier et lui confia son palefroi afin qu'il s'occupe de la bête. Il prit ensuite le chemin de l'auberge proprement dite.

Voilà plusieurs jours qu'Israfel voyageait en territoire talien, rendant visite à ses différentes relations commerciales afin de s'assurer que la récente nomination de Selinde Belroza en tant que Caldras de Balard n'affecterait pas ses affaires outre-mesure. De passage à Kandrian, il avait décidé de descendre à l'auberge de la Salamandre.
Qui d'autre que leur Commandante pouvait le rassurer sur la pérennité de ses affaires ? En admettant qu'elle n'avait pas déjà pris ses quartiers dans son nouveau fief, bien sûr, auquel cas il lui faudrait se rendre jusqu'à Balard pour s'entretenir avec la sorcière.

Le port altier, le mande-orage traversa la salle sans se soucier des regards des clients. L'elfe était bien conscient d'attirer l'attention avec ses atours de noble et sa cape rouge, mais l'heure n'était pas à la discrétion. Pas cette fois, du moins.
Une fois arrivé près du tenancier, il posa d'un mouvement leste sur le comptoir une poignée de pièces d'or ainsi qu'une lettre pliée, une invitation signée de la main de la propriétaire en personne.

« Un verre de votre meilleur vin, je vous prie. »
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#2
Sans cesser ses activités de tenancier, Vittorio observa le nouveau venu se frayer un chemin parmi les tables bondées et parfois enivrées, jusqu'au comptoir. Malgré l'absence de crasses et de boue sur sa personne, l'aubergiste n'eut aucune difficulté à reconnaître le vaurien qui s'était déjà présenté quelques mois plus tôt, ni même à faire le lien avec les singulières instructions données par la cheffe.

Une fois de plus, elle ne l'avait pas ménagé et l'avait noyé dans un flot d'ordres aussi abscons qu'insensés en apparence. Au moins pouvait-il dormir en paix depuis que la cave n'abritait plus les deux fugitives.

L'aubergiste ne jeta pas plus d'un coup d'oeil au sceau de cire rouge, une salamandre enroulée autour d'une clé, mis en évidence par l'elfe. Il n'avait besoin de plus pour savoir à quoi s'en tenir. Il prit précautionneusement les pièces d'or, les comptant mentalement et disparut dans le cellier en marmonnant quelques mots inintelligibles.

Il revint quelques instants plus tard avec une bouteille, qu'il déposa, accompagnée d'un verre à pied plutôt grossier, sans délicatesse près d'Israfel.
“Je n'ouvrirai pas une bouteille de ce grand cru pour un seul verre, Messire”, affirma le tavernier bougonneux. “Il faudra payer pour le tout, ou vous contentez d'un pinard ordinaire.”

Il haussa les épaules.
“Vous aurez le temps de déguster. La Cheffe est absente pour le moment, et seuls les dieux savent quand elle reviendra.”
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#3
Le baron haussa légèrement les épaules puis sortit à nouveau sa bourse.

« Dans ce cas, je vais vous prendre un repas, une chambre pour la nuit, un petit-déjeuner demain matin et la bouteille de votre meilleur vin que j'aurai la nuit pour savourer. »

Il posa, pièce par pièce, sur le comptoir la somme nécessaire à tout ce qu'il venait de demander, plus quelques pièces pour l'aubergiste. L'elfe reprit ensuite un ton plus bas :

« Cela étant, ce n'est pas la Commandante que je suis venu voir... »

Israfel laissa le reste de sa phrase en suspend. Soit Vittorio avait des instructions, soit il devrait attendre quelqu'un qui en aurait.
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#4
“Excellent choix, Messire” conclut Vittorio en ramassant soigneusement les pièces d'or et faisant mine d'ignorer la dernière remarque d'Israfel. “Peut-être souhaiteriez-vous d'abord, vous installer sur le fauteuil près de la cheminée, le temps que Sara prépare votre chambre pour la nuit ? Vous y serez plus au calme que dans la pièce principale.”

Située dans un coin de l'auberge, les braises de la cheminée s'animaient joyeusement dans l'indifférence générale. Nul ne prêtait attention à cette partie reculée de la pièce, comme si tous savaient qu'elle était réservée. Réservée à la Salamandre si l'on tenait compte des décorations au couleur de cette guilde.

Outre le cadre singulier qui abritait la page arrachée, ornée d'incroyables enluminures, d'une fable talienne ayant servi de manifeste métaphorique à sa genèse, on pouvait remarquer entre autre un crâne de démon cornu qui trônait, avec nonchalance, sur le rebord de l'âtre comme n'importe quel bibelot.

Au regard appuyé et insistant qu'adressait le tavernier au jeune noble, sa proposition ne pouvait pas être anodine.
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#5
L'elfe attendit d'avoir son verre et sa bouteille avant de se diriger vers le coin salon dont personne ne profitait.
Il s'attarda sur le crâne de démon, se demandant s'il s'agissait d'un crâne de Xalari ou d'une autre espèce démoniaque, puis s'installa finalement dans le fauteuil désigné par Vittorio.
Israfel remplit sa coupe et fit doucement tourner le liquide dans son verre pour en libérer l'arôme. Ainsi commençait l'attente.
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#6
Et l'attente dura.
Peu à peu, les bruits de la salle principale s'estompèrent jusqu'à disparaître totalement à la faveur des grésillements des braises dans l'âtre. Il devait être tard à présent. Israfel entendit des pas dans l'escalier : le tavernier montait se coucher après une journée de travail harassante. Il n'était pas venu le saluer, ni demander au mande-orage de prendre ses quartiers à l'étage.

Israfel était à présent, seul au rez-de-chaussée. Seul dans ce fauteuil et face à cette cheminée dont les bûches finiraient sous peu en cendre, fatiguée par les assauts répétés des flammes. Les ombres, nées de ce ballet flamboyant, dansaient dans les orbites vides et inertes du crâne démoniaque dans une atmosphère oppressante.

Plus tôt, son repas lui avait été servi et sa chambre indiquée, mais Vittorio ne lui avait rien révélé. L'aubergiste restait résolument muet. Un plan de la perfide pour l'enrager à n'en pas douter ! Avait-elle été jusqu'à mettre en scène pareille perte de temps par simple bassesse à son égard ? Cette garce était capable de tout !

Mais l'elfe se trouvait sur ce fauteuil, celui de la sorcière à n'en pas douter. D'une certaine façon, Selinde l'avait invité dans son intimité. Ce n'était pas anodin de sa part.
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#7
Les minutes et les heures s'égrainaient de manière interminable. Le vin baissait avec la luminosité et ce qu'il attendait se faisait toujours attendre.


N'y tenant plus, Israfel vida d'une traite ce qu'il restait de son verre et se résolu à recharger le feu comme un vulgaire serviteur. Heureusement pour lui, une petite réserve de bois avait été constituée près de la cheminée. Au moins, il y verrait clair encore quelques temps sans avoir à recourir à la magie.

L'elfe se rassit ensuite dans le fauteuil et se résolu à observer attentivement ce qu'il avait sous les yeux.
Vu l'heure, il n'attendait plus personne, c'était évident. La réponse à ses questions devait donc se trouver quelque part près de lui. On ne l'avait pas fait asseoir là par hasard, et l'invitation représentait trop d'efforts pour lui faire une simple plaisanterie.

Il écarta d'emblée la fresque représentant la salamandre cracheuse de feu qui trônait au fond de l'âtre. L'animal avait trop longtemps accaparé son regard songeur durant la soirée, si il recelait un secret, il l'aurait vu depuis longtemps.
Le crâne de démon avait bien attiré son attention au début, mais il ne lui voyait rien de plus extraordinaire que son origine démoniaque elle-même.
Quant à la page encadrée, elle ne contenait probablement rien de plus que ce que la rumeur en disait : un vieux conte dont la morale subversive avait exalté une poignée de taliens qui formeraient les premières Salamandres.
Le reste de ce qu'il pouvait observer depuis le fauteuil lui semblait des plus ordinaires pour une auberge de province.

Un profond soupir lui échappa et il se servit un nouveau verre de vin avant de glisser consciencieusement les mains sous les rebords du coussin sur lequel il était assis. Un message aurait pu s'y trouver s'il s'agissait vraiment d'un espace réservé aux Salamandres, mais il ne trouva rien.
Il se leva ensuite et entreprit d'examiner plus en détail le crâne qui trônait sur la cheminée, décoration qui sortait le plus de l'ordinaire selon lui. Mais il eu beau le retourner en tout sens, si ce crâne était porteur d'une signification particulière, elle lui échappait totalement. Il n'y voyait qu'un simple trophée de chasse dont l'examen attisa encore sa curiosité sur l'origine de son propriétaire.

À court d'idée, Israfel s'approcha finalement du cadre et se lança dans la lecture de la vieille fable qui avait su trouver écho dans le coeur de la future Commandante des Salamandres.
Il craignait de perdre son temps en se plongeant dans la lecture du texte talien vieillissant qui se complaisait sans doute en martyr d'une lutte des classes, mais il était tard, il était un peu alcoolisé et, surtout, il n'avait vraiment rien de mieux à faire.
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#8
Que ce soit par maladresse et ivresse ou simple volonté de lire de plus près la fable séditieuse, Israfel toucha le cadre le fit bouger légèrement, délivrant au passage un morceau de papier dissimulé soigneusement derrière.

Tombé à terre, le mande-orage n'eut plus qu'à le ramasser et le déplier pour en découvrir l'étrange contenu.

[Image: 84dac4fb082a160dfc6744db.jpg]

S'il put facilement identifier l'écriture de Selinde dans l'unique phrase inscrite sur le parchemin, le sens qu'elle y avait dissimulé restait cryptique et énigmatique. Outre ces quelques mots, une salamandre y était grossièrement dessinée.
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#9
Israfel se pencha et ramassa le parchemin tombé. Il émit un petit grognement à sa lecture : suivre la voie de la salamandre était un indice hasardeux, surtout quand c'était le thème principal de décoration de l'auberge et que la fable et le parchemin en glissaient deux de plus dans l'équation.

Il se rassit pour réfléchir, la note de Selinde toujours en main, cherchant les différentes significations de cette énigme et les options qui en ressortaient.
La salamandre de l'enseigne était en plein sommeil et ne se rendait nulle part. Et comme l'aubergiste avait omit - volontairement ou non - de l'amener à sa chambre, cette piste semblait bien mince. Le baron l'écarta donc.
Le reptile de la fresque au fond de l'âtre avait une posture de combat, solidement campée sur ses quatre pattes. Celle-là n'irait pas loin non plus.
Restaient deux salamandres : celle de la fable encadrée et celle du parchemin rédigé par la caldras.

Le seul indice de lieu dans le conte parlait d'un nid de cendre, entre les rochers d'un cours d'eau de province. L'elfe ne pu s'empêcher d'y voir une ressemblance avec Tilador Erdana, ruine calcinée au bord de l'Erion qui attendait toujours une reconstruction, malgré les nombreux investissements qui y avaient été faits après l'incendie, notamment par la Salamandre. De plus, la rumeur voulait que les fugitives soient parties vers le sud, les faire remonter dans le nord serait un bon moyen de les mettre à l'abri.
On y parlait aussi de la salamandre qui affrontait sans en souffrir le feu du dragon, mais ce passage n'évoquait rien à l'elfe sinon le fait d'entrer dans les flammes de l'âtre, ce qu'il avait peu envie de faire sans protection spécifique contre le feu et avec ses riches vêtements.

Quant à la salamandre du parchemin, elle semblait bien aller vers le bas, mais Israfel doutait de pouvoir entrer facilement dans les caves de l'établissement.
Si l'on replaçait la note à l'endroit d'où elle était tombée, la direction pouvait également désigner l'âtre. Encore... Une hypothèse qui ne lui plaisait guère mais qui ne l'aurait pas surpris venant de l'esprit dérangé d'une pyromancienne à la loyauté fluctuante. Cela lui ressemblait bien de vouloir se venger de lui en le poussant à se brûler un bras.

Le noble poussa un profond soupir puis se leva. Il pourrait toujours examiner plus tard l'option qui menait à Tilador, tant qu'à être sur place, autant examiner les options qui se liaient à l'auberge.
Il ôta son long manteau et le posa soigneusement sur le fauteuil de Selinde. Il remonta ensuite consciencieusement ses manches et se versa un dernier verre de vin avant de s'approcher de la cheminée.
Israfel s'accroupit devant l'âtre, la note de la Commandante toujours en main, examinant le foyer avec réticence à la recherche d'un indice, de la moindre chose qui le pousserait à y risquer son avant-bras.
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#10
Le mande-orage eut beau observer les parois noires de suie de l'âtre, ou même ce qu'aurait pu dissimuler ses cendres ou ses braises, il ne remarqua strictement rien. Nulle trace d'un quelconque indice ne se dessinait dans les flammes de la cheminée de l'auberge. La pyromancienne se moquait-elle de lui, cherchant à gagner un temps précieux afin de protéger les deux demoiselles de la vengeance assassine de l'elfe ?

Puis, son regard bleu électrique se posa de nouveau sur l'étrange parchemin, que la proximité avec la gueule béante et ardente de l'âtre avait noirci par endroit. Du moins, c'est ce qu'il cru au premier abord, avant de se rendre compte que la chaleur y avait fait apparaître de nouvelles indications.

"La Salamandre lui fit face, immobile et insensible à sa brûlante colère."

Devant l'âtre embrasé, figure métaphorique d'un puissant dragon, la petite salamandre, tenue par Israfel, s'était dévoilée dans la tourmente d'une chaleur oppressante qui aurait pu calciner son fragile corps de papier. Car, c'était ainsi, dans l'adversité que l'on se révélait véritablement. C'était ainsi que la Salamandre était née, et avait grandi.

L'encre utilisée par Selinde ne dévoilait ses mystères qu'à des températures élevées. Il s'agissait d'une astuce que de nombreux contrebandiers d'épices orientales avaient usé et abusé pour cacher leurs méfaits jusqu'à ce que les censeurs ne découvrent l'existence de ce fruit jaune à la peau rugueuse, si acide, originaire de Babylos.

[Image: 95a107f77e350a3b15b02b4f.jpg]

Il ne restait plus, pour Israfel, qu'à suivre une nouvelle fois, la voie que la Salamandre dessinait de son corps.
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#11
S'apprêtant à plonger le bras dans les flammes, le mande-orage soupira et, remarquant de nouvelles indications sur le parchemin qu'il tenait, suspendit son geste.

Après un rapide examen des nouveaux tracés apparus sur la surface du papier, Israfel ne put réprimer un rictus triomphant. Une grotte. Savoir la noble meurtrière obligée de se terrer dans une caverne comme une bête traquée l'amusait au plus haut point.

Il se releva et se servit un dernier verre de vin, achevant la bouteille dans la foulée, puis réexamina le papier qu'il tenait encore. Loin des flammes, les nouvelles indications s'estompaient déjà. Approchant à nouveau la note de l'âtre, l'elfe mémorisa de son mieux la carte avant de la plier soigneusement et de la ranger dans sa poche.

Le noble reprit place dans le fauteuil de la Commandante, son verre à la main et un sourire carnassier sur le visage. Avec de telles indications, l'endroit ne serait pas difficile à trouver. Le lendemain, il se mettrait en route et, avec de la chance, il pourrait venger ses parents avant la fin de la semaine.
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#12
La bouche sombre de la caverne s'ouvrait devant lui, exactement à l'endroit indiqué par la Salamandre. Elle était gardée, bien sûr, mais la chance lui souriait : les deux gardes s'étaient éloignés, en proie à l'attaque d'un orc qui semblait déjà mal en point.

Profitant de leur distraction, l'elfe se glissa jusqu'à l'entrée.
Elles étaient toutes proches, il aurait pu le jurer. La traque touchait à son terme.
Les muscles tendus par l'exaltation, il en oubliait même la migraine persistante que lui imposait Pryd. Plus rien ne comptait. Il n'y avait plus que lui et ce qui se trouvait au fond de ce tunnel obscur.

Lentement, Israfel s'avança.
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