[RP] Orgueil et Préjugés
#31
S'il avait entendu les réponses de Selinde, Israfel n'en montra aucun signe.

« Lhuste, l'inquisitrice dont je vous avais parlé, seule survivante d'une chasse au démon… Regardez ! »

Israfel rejoignit rapidement Selinde, évitant par miracle ou par chance de poser le pied sur la moindre note tombée au sol dans son empressement. Il lui tendit les deux missives, la laissant comparer par elle-même les deux écritures.

Visiblement trop agité pour rester en place, il commença à faire les cents pas, tout à ses réflexions sur l'implication de l'inquisitrice dans l'empoisonnement du roi, quand son regard se posa sur les nombreuses feuilles qui jonchaient le plancher.
D'un geste vif, l'elfe déclencha un courant d'air qui souleva les feuilles et les amena toutes dans ses mains. Sans se soucier du petit nuage de poussière qu'il avait soulevé, il reclassa rapidement les documents avant de les poser près de la Commandante si celle-ci en avait besoin.

« Cela expliquerait tellement de choses… Que cela ressemble à un piège dans lequel l'Inquisition serait tombée, qu'elle insiste pour que nous y retournions alors que nous sommes en nombre bien inférieur à celui de la prétendue escouade décédée là-bas…
Même que le Caldras ait été envoyé chasser le démon avec l'Inquisition comme seule punition… Il est peut-être même dans les victimes, un témoin gênant de moins…
»


Le mande-orage avait repris ses aller-retours et parlait à mi-voix, toujours de cette déroutante manière qui faisait que l'on ne savait trop s'il parlait pour lui-même ou à son interlocutrice.

« Si les Holdars sont bien derrière cet empoisonnement, qu'un d'entre eux arrive à se mouvoir au sein de l'Inquisition sans se faire détecter tient du prodige. Leurs illusions dépassent de loin tous nos moyens de détection… Je l'avais en face de moi et je n'ai rien perçu…
Pourtant, il doit y avoir un moyen… Il FAUT trouv… !
»


Le reste de sa phrase ne franchit jamais ses lèvres. Sa tête légèrement détournée par le choc, la joue encore douloureuse, Israfel regardait le mur d'un air ahuri.
Après une seconde, il reposa le regard sur les yeux noisette de Selinde. Il n'y avait aucune trace de colère dans l'attitude de l'elfe, rien qu'un mélange de reconnaissance et d'incompréhension.
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#32

A peine Israfel les lui avait-il tendu que la sorcière s'était emparée des deux missives pour les examiner attentivement. L'elfe avait raison : l'écriture paraissait identique. Elle se mordit la lèvre inférieure et se massa lentement le front du bout du doigt, les yeux rivés vers le plancher. Quelque chose n'allait pas.

Si tout avait été orchestré par cette Lhuste, quel était l'objectif des fausses instructions de L. à Mierelli ? Si elles avaient été élaborées par un complice, il n'aurait pas usé de cette initiale, ne serait-ce que pour éloigner les curieux de la véritable responsable. Alors… Pourquoi ?

Alors qu'elle réfléchissait silencieusement, cherchant vainement à lier ensemble tous ces indices morcelés en une explication rationnelle, le noble s'agitait, faisant les cent pas autour d'elle, et pris d'une singulière frénésie. Elle soupira d'exaspération. Ne pouvait-elle pas réfléchir en paix ?

Elle s'avança et campée devant lui, elle le gifla avant qu'il ne finisse sa phrase. Sa voix autoritaire tonna.

"Il suffit, Aedarion.
Bien que je sois ravie que vous preniez enfin la mesure de ce que je m'évertue à vous répéter depuis le début, calmez-vous, par les dieux ! Vous m'agacez à gesticuler en tous sens. Toutes ces simagrées ne vous offriront pas la vérité.”


Elle s'arrêta un instant pour dévisager le mande-orage. Bien qu'il la dépassait largement en taille, elle le défiait de toute son arrogance.

“Rien ne dit que votre inquisitrice soit elle-même, un holdar. Mon père, bien qu'il ait été traité de démons par les ignorants, n'était rien de plus qu'un humain que de sinistres expériences avaient modifié.

Le désespoir de l'âme offre bien des appuis sur lesquels le tentateur peut affirmer son emprise en toute impunité. Vous-même, que feriez-vous si l'on vous offrait ce que votre coeur aspire plus que tout ? La vengeance pour vos parents… Ou même leur retour…”

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#33
L'évocation de ses parents assombri soudainement l'humeur de l'elfe. La mine courroucée, ses yeux s'emplirent d'une lueur crépitante. Il se retourna, comme s'il cherchait une chose sur laquelle évacuer sa colère pour ne pas s'en prendre à la talienne. De frustration de ne rien trouver dans le salon poussiéreux, il tapa violemment du pied sur le sol.
L'air détonna avec un son semblable à celui du tonnerre, faisant trembler les vitres de la maison. L'explosion envoya son fauteuil s'écraser contre le mur en soulevant toute la poussière de la pièce.

Israfel poussa un long soupir et se passa les mains dans les cheveux avant de se retourner vers Selinde. La lueur dans ses yeux avait disparu, mais il affichait toujours un air irrité.
L'elfe agrippa fermement le bras de Selinde et approcha son visage à quelques centimètres à peine de celui de la Commandante.

« Puisque nous devons collaborer, sachez ceci : Oui, je souhaite la vengeance. Et oui, je souhaite le retour de ceux que j'aime.
Mais je ne suis pas idiot au point de croire que je n'ai plus rien à perdre. Et je refuse de perdre quoi que ce soit d'autre. Même pour ça.
Alors ne parlez plus. Jamais. D'eux.
»


Il avait parlé comme s'il crachait du venin, détachant particulièrement les derniers mots.
Il lâcha Selinde et s'éloigna vers la fenêtre comme s'il souhaitait se calmer, maudissant intérieurement sa perte de sang-froid.
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#34

Par réflexe, la sorcière avait protégé son visage avec ses avant-bras durant l'explosion qui avait vu le maigre mobilier se fracasser aux murs. Il lui fallut résister, stabilisant fermement sa position, pour ne pas vaciller face à l'onde de choc.

Comme elle s'en doutait, Israfel souffrait de la perte de ses parents. A présent, elle la mesurait pleinement : elle était telle qu'il en perdait toute cette retenue qu'il prenait soin de maintenir, malgré les offenses discrètes qu'elle lui infligeait.

Sans ménagement, il lui prit le poignet et la tira près de lui pour cracher sa menace au plus près du visage de Selinde. Elle ne trembla pas, ni ne recula. Ce n'était pas la première fois qu'un homme s'essayait à ce jeu-là avec elle. Le dernier en date... Elle le chassa violemment de ses pensées pour défier l'elfe du regard.

“C'est ce qu'il en coûte d'évoquer devant moi, même implicitement, le fils bâtard du nurmeth de Malmont,” répliqua-t-elle avec un mépris non dissimulé. “Avisez-vous de recommencer et je saurai être le sel sur vos plaies encore béantes.”

Le noble la lâcha et se posta devant l'une des fenêtres. Selinde en profita pour masser son poignet légèrement douloureux et reprit sur le ton des banalités, comme si cet événement ne s'était jamais produit.

“Pensez-vous pouvoir approcher cette Lhuste, à nouveau ? Quitte à lui offrir ce qu'elle semble désirer ?”

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#35
L'elfe continuait à regarder l'extérieur en ruminant.
Il en voulait à Selinde de l'avoir fait sortir de ses gonds. Mais plus encore, il s'en voulait lui-même de s'être emporté autant devant la Commandante. Il venait d'exposer clairement une faiblesse à quelqu'un qui, il en était sûr, saurait l'exploiter. À cause de sa perte de sang-froid, le rapport de force avait changé en sa défaveur.

« Pas seul. » répondit-il d'une voix éteinte sans prendre la peine de se retourner. « Le démon de chair dont il était question a supposément éliminé une brigade de l'Inquisition, à l'exception notable de Lhuste qui en aurait réchappé de justesse. Comme cela aurait été suicide d'y aller seul, je lui ai notifié que j'attendais des compagnons. Elle se doutera de quelque chose si je lance l'expédition sans quelque renfort. »

Israfel se tourna vers la talienne et pris quelques secondes pour la dévisager.
Voilà quelques fois depuis le début de leur entrevue qu'elle arrivait à le pousser à la faute, au point de lui faire commettre des erreurs dignes d'un débutant en négociations. De tous ceux qu'il avait croisé, amis ou ennemis, elle était la première à y arriver.
Elle le déstabilisait, au point qu'il en venait à penser que la plus grande menace n'était peut-être ni les Holdars ni les Xalari.

Et la réplique de Selinde ne l'aidait pas beaucoup à comprendre ses faiblesses. Il savait que Victor Di Scudira était un sujet sensible pour elle depuis la fin tragique de leur amourette, mais la talienne semblait prendre très à cœur le sujet alors qu'ils ne s'étaient connus que quelques mois au plus. Ce n'était rien. À peine un battement de cil dans une vie.
L'elfe peinait à concevoir que la pyromancienne compare la perte de son amant à celle de parents qu'il chérissait depuis son plus jeune âge. Décidément, il ne comprendrait jamais les Humains et leur hâte sentimentale.

À tort ou à raison, il était allé trop loin en s'emportant de la sorte. S'il voulait que sa collaboration avec Selinde perdure au moins pour l'instant, Israfel devait s'excuser.
Il s'approcha à nouveau de la sorcière et posa un genou en terre.

« Je suis sincèrement désolé de m'être emporté comme je l'ai fait. Des mots n'auraient pas du me mettre dans cet état, et encore moins me faire lever la main sur vous. Cela n'arrivera plus. »

Peinant à trouver les mots pour se racheter, le noble conservait les yeux rivés sur le sol entre lui et la jeune femme, sa longue chevelure blanche retombant en partie sur son visage. Il espérait que le fait qu'il soit plus désolé de s'être emporté que d'avoir brutalisé la dame serait moins facilement perçu si son regard restait hors de vue.

« En ce qui concerne le mobilier détruit, j'en ferai livrer au siège de votre guilde dans les plus brefs délais. »

La remarque était banale. Elle le faisait passer pour n'importe lequel de ces enfants de bonne famille qui pensaient que tout pouvait s'acheter, même le pardon. Ce n'était pas très éloigné de l'opinion que Selinde semblait avoir de la noblesse et il trouvait préférable qu'elle assimile sa perte de sang-froid à un caprice d'enfant gâté qu'à une réelle faiblesse de sa part.
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#36

Selinde écarquilla les yeux quand Israfel se mit à genoux devant elle. Elle ne s'était attendue à un tel geste de la part d'un baron elfique. Encore moins de sa part, à lui. La surprise passée, elle se pencha vers lui, un doux sourire aux lèvres.

La sorcière se permit, avec toute l'insolence du monde, de relever la tête du jeune elfe d'une pression sous son menton, tout en dégageant derrière son oreille pointue la mèche de cheveux qui dissimulait une partie de son visage.

“Je n'ai pas plus besoin d'un mobilier neuf que d'excuses creuses, Aedarion. Tenez-vous en à votre rôle et soyez-moi utile. Tant qu'ils ne nuisent pas à mes objectifs, je fermerai les yeux sur vos pathétiques égarements.

Pour l'heure, approchez Lhuste avec l'assurance de me compter dans vos rangs s'il le faut. Elle demeure une piste majeure pour découvrir le véritable coupable de l'empoisonnement du roi. Je verrai à vous obtenir d'autres combattants si vous parvenez à la convaincre de parler.

Ou à la persuader. Je n'ai pas épargné votre joli minois pour rien, après tout.”

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#37
Ses excuses étaient sincères, du moins en partie, mais la pyromancienne semblait ne pas en croire un mot. Ce qui ne l'empêchait pas de faire montre d'une certaine confiance en l'envoyant vers l'inquisitrice, ni même d'avouer qu'elle ne le tolérerait que tant qu'il lui serait utile à elle, et pas à leur cause commune.

En un sens, les excuses avaient exceptionnellement bien fonctionné : non seulement leur collaboration pouvait continuer mais en plus Selinde semblait vouloir attribuer sa saute d'humeur à un simple égarement plutôt qu'à une réelle faille.
Mieux encore, elle semblait penser pouvoir se servir de lui. Ce n'était pas vraiment la collaboration d'égal à égal qu'il aurait souhaité, mais la sorcière lui ferait plus facilement part de ses plans si elle le considérait comme un pion soumis au lieu de s'en méfier.

Pris d'un excès de confiance, le noble toujours un genou au sol prit doucement la main de la demoiselle qui était sous son menton. Après avoir déposé un baiser sur le dos de cette main, il releva les yeux vers le regard noisette de Selinde et afficha un sourire charmeur.

« Je risque d'avoir à dévoiler certains des indices en notre possession, sans assurance qu'elle cèdera. Est-ce un risque que vous êtes résolue à prendre ? »
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#38

Selinde soupira, visiblement exaspérée par ce baisemain. Elle ne lui confisqua pas pour autant sa main, et préféra simplement le menacer d'un regard incendiaire à glacer les sangs.

“Mieux vaut échouer en agissant que regretter de n'avoir rien fait.”

Elle haussa les épaules.

“Si Lhuste s'est bel et bien trouvée à Balard pour y mener des expériences, sa présence n'a pas pu passer inaperçu. Ce fait ne devrait être un secret pour personne. A sa façon de le nier ou non, vous en apprendrez déjà beaucoup.”

A peine avait-elle prononcé ces mots sur un ton neutre, qu'elle s'éloignait du mande-orage et commençait à regrouper ses précieux documents, faisant leur inventaire silencieux. Sans prendre la peine de tourner la tête vers Israfel, elle ajouta, plus préoccupée par les parchemins que le jeune elfe.

“Bien. Nous en avons terminé pour ce soir ; j'ai à faire. Vous n'aurez qu'à me tenir au courant de votre entrevue avec elle.”

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#39
Son sourire ne s'atténua pas du tout alors que le mande-orage soutenait le regard de la sorcière. Selinde était loin d'être la première femme à repousser ses avances et cela ne l'avait jamais arrêté jusqu'à présent. Il avait même un avantage qu'il ne possédait pas alors : la talienne semblait résolue à composer avec lui.

Il laissa filer sa main sans rechigner et se releva, se contentant de suivre la démarche de la jeune femme d'un regard appréciateur. Regard qu'il prolongea juste assez pour que la pyromancienne l'aperçoive l'espace d'un bref instant.

« Je pense que nous en avons fini, en effet. Si je n'étais persuadé que vous allez refuser, je vous proposerai de vous raccompagner. Mais j'imagine qu'affronter seule quelque envoyé du conspirateur n'est pas une perspective suffisante à vous effrayer. »

L'elfe commença à rassembler sa magie, qu'il dirigea avec quelques signes discrets de la main. Le rituel était assez court, une minute tout au plus, et ses effets ne se feraient pas sentir avant plusieurs dizaines de minutes encore. C'était l'avantage de la magie climatique : il suffisait de savoir réunir les conditions souhaitées et le reste se faisait tout seul.
Les rues encore animées seraient bientôt noyées sous une pluie diluvienne. C'était un des seuls moyens qu'il avait trouvé pour détecter la présence d'un holdar dissimulé par illusion : la pluie gâcherait son camouflage et les flaques le rendraient audible, révélant même sa position pour un court instant.

Une fois sa modification météorologique amorcée, Israfel s'inclina d'une manière presque théâtrale, un grand sourire barrant toujours son visage.

« Je vais donc prendre congé. Vous ferez attention aux flaques. »
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#40

Selinde avait eu beau noté le regard appuyé du noble sur sa personne, elle n'y avait pas réagi, l'abandonnant seul à son petit jeu.

“Ce serait plutôt à moi de vous escorter, Aedarion, de crainte que vous vous égariez au mauvais endroit. Certaines ruelles, peu éloignées d'ici, ne sont guère recommandables pour quelqu'un vêtu d'aussi riches atours, vous savez,” répondit la sorcière, un peu railleuse, sans se détourner de ses documents.

“A votre place, je ne m'inquièterai pas tant pour la sécurité d'une réprouvée mésestimée par la Couronne et ne possédant aucune influence notable dans les hautes sphères susceptible d'intéresser les holdars et leurs suppôts. Pourquoi faire taire quelqu'un qui n'est pas écouté ?”

Selinde se retourna vers lui juste à temps pour l'observer finir son incantation gestuelle. Ce n'est que devant le sourire radieux et victorieux de l'elfe qu'elle comprit son manège climatique. Elle soupira.

“Je vais devoir me hâter dans ce cas.”

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#41
« Puisque vous le proposez, je ne refuserai pas une telle escorte. »

L'elfe s'approcha à nouveau de Selinde et se pencha vers la talienne en plantant ses yeux dans les siens. Il se pencha jusqu'à avoir la bouche presque dans le cou de la jeune femme.

« Je vais reprendre ceci, merci. » dit-il d'une voix basse en poignant dans la lettre que lui avait envoyée Lhuste qui était restée dans la pile de documents de Selinde.

Le mande-orage prit soin d'effleurer juste un instant la main de la sorcière et de prolonger sa proximité une seconde de plus que nécessaire, comme s'il voulait s'enivrer de son parfum avant de s'en éloigner.

Il recula de quelques pas et replia soigneusement la lettre avant de la remettre dans la poche intérieure de son manteau dont elle était sortie.
Israfel alla ensuite se placer près de la porte et attendit patiemment que Selinde soit prête à partir, lui présentant son bras au moment de quitter la pièce.
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#42

"Faites donc", murmura la sorcière dans un souffle aussi sensuel que persifleur, glissé à l'oreille pointue d'Israfel de passage non loin de ses lèvres rosées. Il la défiait. Fort bien, elle jouerait aussi.

En réponse au contact furtif de sa main sur la sienne, Selinde n'afficha rien de plus qu'un sourire narquois et facétieux, avant de profiter de son recul jusqu'à la porte, pour ranger à la hâte ses affaires. Ses précieux documents dans son corset. Son foulard protégeant son cou marmoréen.

Dés qu'elle eut finit, elle rejoignit d'un pas rapide l'elfe, qui lui présentait galamment son bras, sur le seuil. Elle lui sourit avant de faire tourner la petite clé rouillée dans la serrure fatiguée de cette demeure abandonnée.

La pyromancienne prit délicatement son bras et s'y accrocha tendrement, ce même sourire railleur contrastant avec le reste de son attitude. Elle l'entraîna dans la rue et lui demanda simplement :

“Où donc logez-vous ?”

Les nuages, sombres et orageux, s'amoncellaient déjà au dessus de leur tête.

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#43
L'attitude de Selinde montrait qu'elle n'était pas dupe, mais Israfel ne s'attendait pas à ce qu'elle adhère à la supercherie instantanément. Le doute viendrait avec le temps, peut-être même finirait-elle par y croire.
Le pire qu'il risquait était que des sentiments non-feints naissent d'une part ou de l'autre, mais il était un habitué du jeu de la séduction et il doutait qu'une telle chose se produise. Un risque bien faible à courir si cela permettait à la talienne de se confier plus facilement.
C'était elle qui en avait eu l'idée, d'ailleurs.

L'elfe prit l'attitude du courtisan ravi de voir ses avances récompensées.

« Dans une auberge bien indigne de vous. Si vous me ramenez sur un des axes que la civilisation n'a pas oubliée, je devrai pouvoir retrouver mon chemin sans danger. »

Il se pencha légèrement vers la jeune femme avant de continuer d'un ton plus bas.

« Ou alors nous pouvons aller trinquer au nom de notre alliance comme vous l'aviez suggéré. Mais je suppose que vous n'avez pas changé d'avis ? »

Le mande-orage leva les yeux vers le ciel avec une moue satisfaite. Le climat changeait plus vite qu'il ne l'avait espéré, sans doute à cause de la masse d'air chaud dégagée au dessus d'Yris par la Tour de l'Orbe Flamboyant. Cela devait rendre la zone plus propice aux orages.

Israfel s'arrêta et, libérant momentanément son bras, il retira son manteau et le déposa délicatement sur les épaules de sa compagne. Les premières gouttes éclaboussèrent le pavé quelques secondes plus tard.
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#44

“Indigne de moi, parce qu'elle pratique des tarifs au dessus de mes moyens ?"

Le petit rire joyeux qui accompagna sa déclaration aurait pu être celui de n'importe quelle jeune fille, qui, entichée du bel homme à son bras, s'égayait à chacune de ses phrases. Les insolents yeux bruns clairs de la roturière se postèrent un temps devant ceux d'un bleu saphir d'Israfel, en quête d'une faille. Ou d'autre chose dissimulée ? Difficile à dire.

Ce n'est qu'après s'être détournée du noble, que Selinde lui signifia d'un léger coup de tête la direction à emprunter.

"La Grand-place n'est plus qu'à quelques intersections."

Elle le devina penché vers elle et aurait probablement jugé opportun de basculer devant lui, portant sa main libre autour de sa nuque si ses pensées avaient été réservées à son partenaire de l'instant. Au lieu de cela, elle répondit avec flegme.

“Je n'y tiens pas, en effet. Rien de ce que vous m'avez donné à voir ne m'invite à modifier mon jugement. Nous nous reverrons bien assez tôt lorsque vous aurez su amadouer Lhuste. N'est-ce pas amplement suffisant ?"

Mais le mande-orage n'avait pas attendu sa réponse pour faire montre de cette galanterie feinte qu'il entendait déployer à son égard. Le manteau à présent sur ses épaules, elle fit preuve de résignation, et d'un vague sourire de remerciement. Tandis que le parfum mentholé si caractéristique de l'elfe commençait à l'envelopper, elle ajusta le vêtement de façon à s'en recouvrir complètement de peur d'être mouillée.

“Je dois y aller. Soyez prudent, Aedarion. Et ne me décevez pas.”

Elle fit volte-face pour lui tourner le dos et s'engouffra en courant dans l'une des multiples ruelles à proximité.

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