[RP] Orgueil et Préjugés
#1
La missive cachetée de cire fut apportée par un messager à l'auberge Aux braises de la Salamandre de Kandrian, avec la mention “À l'attention de Selinde Belroza” bien visible sur le pli.

Citation :Venntaï Dame Belroza,


Avant toute chose, je tiens à m'excuser des mots que nous avons eu lors de notre dernière rencontre. Sachez qu'aucun des affronts que j'ai pu vous faire ne reflétait ma pensée.
Cette soirée m'avait pour le moins secoué et j'ai essayé de mon mieux d'improviser avec ce qu'il me semblait être votre objectif. J'espère au moins que l'attention que vous aurez pu capter de notre hôte vous aura été utile.

En ce qui concerne vos derniers mots à mon égard, je ne peux vous donner tort et je reconnais bien dans vos paroles la patte de mes anciens compagnons.
Je vous dois cependant un éclaircissement. Je n'ai pas abandonné mes camarades au profit de la Couronne. Au contraire, la Couronne aurait sans doute souhaité que je reste avec eux pour mener l'assaut sur les forces nordiennes. Mais mes intérêts différaient de ceux de mes compagnons et nos chemins se sont séparés. J'ai préféré porter assistance au peuple de Cyrijäl et concentrer mes efforts sur l'aide que je pouvais leur apporter plutôt que de traquer Nains et Agars jusque sur leurs terres.
C'est un principe qui échappait à mes anciens compagnons, même si j'avais espéré que Yùla me comprenne, vu sa haute extraction. Je suis un Aedarion, ma famille fait partie de la noblesse, c'est vers nous que se tourne le peuple en cas de problème. Si moi, un noble, je ne montre pas l'exemple en venant en aide à ceux qui en ont besoin, qui le fera ?
Ce principe m'aura coûté cher, surtout vu le refus des Elfes des Neiges à accepter mon aide, mais je me devais d'essayer. Pas pour la Couronne, mais pour l'Empire et son peuple.

Si après cela, connaissant ma version des faits, vous ne souhaitez plus entendre parler de moi, je comprendrai et je vous souhaite bonne chance dans vos entreprises.
Si, malgré tout, vous êtes toujours disposée à me lire, il y a quelque chose dont il faut que je vous entretienne.

Une inquisitrice est récemment revenue à Asteras, gravement blessée et délirant au sujet de Holdars et de Nains dans sa convalescence. J'ai eu l'occasion de l'interroger et voici ce qu'il en est ressorti.
Suite à la détection d'un dégagement magique anormal à proximité d'Andoras, l'Inquisitrice Lhuste et sa troupe ont été dépêchés pour enquêter. Ils ont trouvé une sombre cave, avec à l'intérieur une abomination cornue retenue par des chaînes, qui semblait en garder l'entrée. La créature de chaire aurait aussitôt brisé ses liens et, dégageant une aura de givrefeu, se serait jetée sur l'escouade inquisitoriale pour les déchiqueter, profitant d'un fort pouvoir de guérison rapide pour ignorer leurs coups. Seule capable de fuir le massacre qui avait lieu dans la grotte, Lhuste se serait enfuie pour tomber nez à nez avec des Agars et des Nains, qui l'ont attaqué et laissée pour morte. Elle s'est ensuite débrouillée pour rentrer malgré ses blessures.

Je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que cette créature, vu son aura si caractéristique, est un Xalaro. Mais sa constitution toute en chaire et pas en glace en fait une énigme à mes yeux, car je n'ai jamais eu l'occasion de croiser un tel démon auparavant.
Si Vi'aria expérimente pour améliorer son armée ou si un second démon s'élève à son niveau de puissance, j'estime que cela mérite notre attention.

Je cherche donc à monter une expédition avec pour objectif, outre d'offrir une sépulture décente aux inquisiteurs tombés, de déterminer la nature de ce démon, l'abattre s'il vit encore, ainsi que la raison de sa présence à cet endroit et l'origine de ce dégagement de magie inhabituel.

Si d'aventure vous souhaitiez vous joindre à moi, je ne pourrai pas vous offrir une absolution des soupçons de magie noire qui pèsent sur vous. Même si cela reviendrait à rendre service à l'Inquisition, ils ne souhaitent pas envoyer d'autres troupes sur place après la perte de leur précédente escouade. Cette expédition n'aurait donc rien d'officiel, et je ne peux pas vous promettre d'autre récompense que ce que nous pourrions trouver sur place.

Je suis bien conscient que ces bénéfices n'ont rien de très engageant et que votre guilde a probablement déjà fort à faire ailleurs. Aussi, si cela ne vous intéresse pas ou que vous êtes trop occupée, ne vous donnez pas la peine de répondre à cette missive.
Sans réponse de votre part d'ici une semaine, je considèrerai que vous avez poliment décliné l'offre.

Dans tous les cas, prenez garde que ce genre de créature ne vienne gonfler les rangs de Vi'aria à l'avenir et prévenez vos hommes à proximité d'Andoras qu'un démon rôde dans les environs.

En espérant avoir de vos nouvelles, Fryelund nimaïr et vous accorde la réussite dans vos entreprises,


Israfel Aedarion
Répondre
#2

Citation :Messire Aedarion,

Il m'est difficile d'imaginer que vous preniez tant de temps à réhabiliter votre noble dignité auprès de la fille d'une putain à qui votre auguste personne avait pourtant fait l'honneur de converser. Allons, allons, c'est oublié pour cette fois. Si moi, une gueuse, je ne montre pas l'exemple en pardonnant à ceux qui en ont besoin, qui le fera ?

Au-delà de la sarcastique plaisanterie, il serait malvenu de ma part de ne pas reconnaître que vous avez appuyé d'une bien belle manière mon idée, bien qu'elle ne mena qu'à confirmer mes premiers soupçons quant aux intentions de notre hôte.

A l'image de chacun des convives, je n'ai pu trouver en cette tragique réception ce que j'y étais venue chercher. Probablement, ai-je eu bien plus de chance que beaucoup, que vous notamment, dans mon malheur. Puissiez-vous, Israfel, trouver le responsable du meurtre de vos parents.

Il erre certainement au milieu des belles et des beaux de la cour, masqué des plus somptueuses illusions, comme tant d'autres que l'apparat déguise et dissimule au sein de nos institutions les plus sacrées.

Cela étant, pour revenir à l'affaire qui vous préoccupe, je présume que ce démon était prisonnier des maîtres d'Andoras avant de se libérer de ses chaînes et d'attaquer les inquisiteurs. Sa présence ne peut s'expliquer autrement, à mon avis. Difficile d'ignorer l'animosité qui règne entre ces deux camps, tous deux se disputant le droit de nous asservir, après la bataille près de Kandrian.

Quoiqu'il en soit, je ne suis pas en mesure de vous offrir mon soutien pour l'heure bien que je ferai passer votre offre de mission auprès de mes hommes. Beaucoup sont également affairés à d'autres tâches d'importance et je ne saurai leur ordonner de les interrompre pour chasser un démon dont même l'Inquisition se moque, sans être un despote malavisé.

Oh, et pour votre gouverne, ce n'est pas à une innocente de se faire pardonner, mais bien à ceux qui l'ont injustement brimée pour couvrir leur propre incompétence.

Avec mes respects,

Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre

Répondre
#3
Citation :Venntaï Dame Belroza,


Je vous en prie, ne vous rabaissez pas ainsi. Aucun sarcasme ne saurait justifier cela. Peu importent vos origines, vous vous êtes hissée à la tête d'une des plus influentes guildes du Concordat et ce par vos propres moyens, sans perdre de vue qui vous étiez ni l'intérêt du peuple.
À ce titre, vous méritez déjà bien plus le respect que beaucoup des profiteurs obséquieux qui fréquentent la cour. Ces funestes noces auront au moins eu le mérite d'en éclaircir les rangs.

Concernant le démon, il semble que son rôle était plus proche de celui de gardien que de prisonnier, vu la facilité avec laquelle il semble avoir brisé ses chaînes. C'est précisément ce qui m'inquiète : si les Holdars possèdent des gardiens démoniaques, sont-ils vraiment en conflit contre Vi'aria et ses Xalari ? Et que font-ils dans cette cave qui émette de tels dégagements de magie ?
Cela fait partie des points que j'espère éclaircir lors de cette expédition.

Je vous remercie d'accepter de transmettre ma demande aux membres de votre guilde. C'est déjà beaucoup compte tenu du fait que même l'Inquisition préfère ignorer le sujet, comme vous le souligniez.
Le moins que je puisse faire en retour est de me mettre à votre disposition. Tout comme je me suis permit de vous contacter pour vous demander de l'aide, sentez-vous libre de faire appel à moi si vous aviez un jour besoin de l'aide d'un Mande-orage.

En attendant ce jour, je pense tenter de plaider votre cause auprès de mon gouvernement. J'imagine que vous avez déjà présenté toutes les preuves susceptibles de vous disculper lors de votre jugement, aussi ne vous en demanderai-je pas.
Pourriez-vous cependant m'exposer votre version des faits et le déroulement détaillé du procès, afin que je puisse tenter de trouver des arguments susceptibles de flaire fléchir Arafinwë Hendumaica ?

Cordialement,


Israfel Aedarion
Répondre
#4
Citation :

Messire Aedarion,

Mes écrits ne font état d'aucune honte sur mes origines. Elles sont ainsi, vêtues par le froid et la faim d'un haillon de misère, et teintée par la rage de vivre et l'envie d'exister autrement que les cuisses écartées. Si elles vous paraissent si pathétiques, c'est que vous n'avez pas idée à quel point elles ont forgé la personne que je suis devenue.

Puisqu'il m'est offert de réquisitionner votre aide, je me le permets. Si votre expédition se voit reportée pour une quelconque raison, sachez que je ne serai pas contre être accompagnée d'un partenaire dans l'enquête que je mène actuellement. Il va s'en dire que je saurai satisfaire les attentes de mon commanditaire, seule, mais vous pourriez m'être utile.

Mais de quel procès parlez-vous donc, messire ? Etes-vous naïf au point de croire en l'existence même d'une justice pour ceux qui n'ont pas de nom ? A vrai dire, vous ignorez un détail des plus pernicieux : je ne suis pas accusée d'être une adepte de la magie noire, j'en suis soupçonnée.

Alors, dans le doute, on ordonne des enquêtes discrètes à mon encontre, on m'interdit, sans me l'avouer directement, l'accès à diverses infrastructures et on rédige bien des rapports pour répandre la défiance et détruire ma réputation.

Peut-être ai-je été la dernière informée des griefs qui me furent faits dans mon dos… J'en ai subit le mépris et la condescendance des membres de la CIA et les crachats putrides de l'Egide avant qu'un de leurs Triarques ne m'en fasse part pour justifier sa sottise crasse. Imaginez donc, un nain ! Absurde, n'est-ce pas ?

J'en ai pris le parti, ma détermination renforcée par une rage sourde. Plutôt que de supplier les puissants pour une réhabilitation, j'en ai fait une force. J'ai joué leur jeu malsain, accentuant les traits les plus cruels jusqu'à ce que la démone aux cheveux blancs soit plus crainte et haïe des nordiques que Vi'aria en personne.

Ainsi, ne perdez pas votre temps en de vains palabres avec les autorités elfiques. Si j'apprécie l'intention, je n'en ai que faire. Je n'ai pas eu besoin d'elles pour réussir là où elles avaient échoué.

Avec mes respects,

Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre

Répondre
#5
Citation :Venntaï Dame Belroza,


Au vu de ce que vous avez fait pour le peuple du Concordat, j'estime que votre réputation aurait mérité d'être plus ardemment défendue, mais je n'insisterai pas. Vous semblez avoir transformé cette humiliation en force et y avoir trouvé des ressources que je n'aurai pas soupçonné. Une leçon que je tâcherai de garder en mémoire.
Je ne peux me prononcer en ce qui concerne le gouvernement talien, mais j'ai encore suffisamment foi en la couronne elfique pour croire que vous serez lavée de ces soupçons calomnieux une fois qu'il leur apparaîtra que vous œuvrez pour le bien de tous.

En ce qui concerne vos origines, je suis désolé de vous avoir paru condescendant à leur sujet. Ce n'était nullement mon intention. Il n'y a en effet aucune honte à avoir, et surtout pas quand on voit l'ampleur de votre réussite, qui est d'autant plus impressionnante à la lumière de vos modestes origines.

À propos de l'expédition, je ne peux rien vous en dire de plus pour l'instant.
Pour être honnête, au vu de l'absence de récompense substantielle, je me doutais que les guildes auraient peu de personnes à m'adjoindre. Aussi ai-je pris la liberté de contacter également les Sentinelles d'Argent pour leur demander des renforts.
J'attends toujours de leurs nouvelles et aucun de vos hommes ne s'est encore manifesté.

Si cette expédition est effectivement reportée ou tout bonnement annulée, je tâcherai de me montrer digne de la confiance que vous placez en moi en me permettant de vous assister dans votre enquête.

Puisqu'il semble que nous serons peut-être amenés à nous croiser à nouveau prochainement, je vous dis à bientôt,


Israfel Aedarion
Répondre
#6
Citation :

Messire Aedarion,

Si je suis déjà bien en peine à comprendre les flatteries que vous m'offrez, la confiance aveugle que vous semblez m'accorder me laisse perplexe et dubitative quant à vos propres motivations. Vous n'avez eu que peu d'occasions de juger de ma véritable valeur et acceptez de m'aider sur une enquête dont vous ignorez, pour ainsi dire, tout. Bien que je n'en aurai rien révélé dans ce courrier pour des raisons évidentes de prudence, votre absence de curiosité m'est troublante.

Même après vous avoir signifié que ce n'était ni le sens du devoir, ni l'esprit chevaleresque qui gouvernait à ma destinée, vous avez choisi de croire en ma version plutôt qu'en celle des officiels de l'Empire que vous chérissez. En mon innocence quand tous se sont plus à me traiter en coupable.

Peu importe.
Je serai à Yris dans une semaine, du moins, si mes plans se déroulent à merveille. Vous pourrez me trouver non loin de la Tour de l'Orbe et je verrai alors à vous confier certains détails si nul ne se présente pour accompagner votre expédition. En mon absence, vous saurez qu'à défaut d'échouer, j'aurai été drastiquement ralentie dans mon investigation.

Mes respects,

Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre

Répondre
#7
Citation :Venntaï Dame Belroza,


Votre dernier courrier m'a beaucoup navré. Vous aviez fait preuve d'une grande sagacité lors de notre dernière rencontre, assez pour que je m'étonne de lire pareilles questions venant de vous. Peut-être me suis-je trompé sur votre compte, finalement.

Ne prenez pas mon absence de question sur votre enquête pour du désintérêt. Moi-même je n'aurai pas écrit d'information importante dans un simple courrier et je désirai être certain de prendre part à cette enquête avant de vous questionner à ce sujet. Si tant est que je vous assiste, puisque j'ignore tout de votre enquête, comme vous le souligniez, et que je ne vous aiderai pas à faire quoi que ce soit d'illégal.

Puisqu'il semble que la demande de l'inquisitrice doive rester sans réponse, je serai au rendez-vous. J'espère vous y voir aussi. Nous pourrons y parler de vive-voix de mes motivations, que je rechigne à exposer dans une lettre.

À très bientôt,


Israfel Aedarion
Répondre
#8
"Messire Aedarion, merci d'être venu."

La main posée sur l'épaule du jeune elfe, qui tout à sa lecture, ne l'avait entendue s'approcher dans son dos, Selinde s'était présentée à lui d'une façon peu cavalière eut égard de son rang. Un petit sourire malicieux illuminait son visage, probablement satisfaite par sa présence.
Répondre
#9
Israfel resta impassible lorsque la talienne posa une main sur son épaule. Il ne détourna même pas les yeux de son livre et se contenta d'énoncer à mi-voix :

« Je suppose à vos manières que cette rencontre n'a rien de secret. »

Il referma son livre d'un claquement sec et se tourna vers la Commandante, prenant un ton plus naturel et amical.

« Cela semblait important, je ne pouvais ignorer votre appel. Donc, Dame Belroza, que puis-je pour vous ? »
Répondre
#10

Pour toute réponse à sa remarque, elle haussa les épaules avec désinvolture clôturant ainsi le sujet de la discrétion qui n'avait, à ses yeux, que peu de raisons d'être. Elle s'installa silencieusement près de lui et jeta un regard mélancolique à la tour de l'Orbe, avant de sourire, amusée, à Israfel.

"Important, oui, probablement. Cela ne pouvait que l'être pour quelqu'un ayant cherché à s'attirer ma sympathie par bien des procédés rhétoriques, n'est-ce pas ?

N'ayez crainte, je ne vous en veux pas d'avoir joué de l'hypocrite éloquence de votre éducation et des flagorneries inhérentes à votre rang social. J'en aurai probablement fait de même à votre place."


Elle se détacha du noble et fixa de nouveau la tour de l'Orbe.

"Si je vous ai fait venir précisément ici, c'était pour que vous m'accompagnez à l'intérieur. J'avais des questions à poser à quelques mages dont la Maison Royale d'Yris avait requis l'expertise. L'œil d'un Mande-Orage aurait pu m'être utile, mais je crains d'en savoir à présent, autant, si ce n'est plus qu'eux. Et..."

Elle marqua une pause avant d'ajouter, plus bas.

"Et j'ignore s'il est bien prudent de se reposer sur les institutions officielles à l'heure actuelle. Je ne leur accorde plus aucun crédit tant elles enchainent les mauvaises décisions, ou leur absence, dans la gestion des crises successives qui ont meurtri durablement nos royaumes.

Mieux vaut s'en tenir à des relations strictement intéressées. Tant que les objectifs concordent, le risque de trahison en est fortement diminué, ne croyez-vous pas ?"

Répondre
#11
Il sourit à son tour. La sorcière semblait avoir déduit beaucoup de choses de leur relation épistolaire. Peut-être pas assez, cependant.

« Puisque le temps des faux-semblants est passé, je vais me permettre d'être honnête avec vous. Ma présence ici n'a pour but que de tisser des relations qui pourraient m'être utiles plus tard. Et, en tant que Commandante de la Salamandre, vous seriez une alliée de taille. Cependant… »

L'elfe marqua une pause, comme s'il choisissait ses mots avec soin. Il tourna les yeux vers le dispensaire et attendit quelques secondes qu'il n'y ait aucun passant qui puisse l'entendre avant de reposer son attention vers Selinde et de reprendre, sur le même ton bas employé par la pyromancienne.

« Vous voilà en train de me parler d'une enquête qui semble impliquer la royauté talienne. Je ne suis pas convaincu que les intérêts convergent réellement ici. »

La suite était implicite, son regard incisif en disant long sur ses pensées : "Je ne vous fais pas confiance". Israfel scrutait la réaction de Selinde comme s'il pouvait en tirer plus de choses que de sa réponse.
Répondre
#12

"Bien au contraire, tout converge."

Selinde s'étira passivement, passant ses bras derrière sa tête et délassa ses jambes jusqu'alors croisées. Son ton se fit légèrement facétieux.

"J'espère que vous avez bien conscience que malgré votre sang et votre fortune, vous n'êtes pas en position de force dans cette négociation qui n'a même pas lieu d'être, ma proposition étant à prendre ou à laisser.

Vous êtes un grand garçon, vos choix vous appartiennent. A vous d'arbitrer entre le risque et le gain en toute connaissance de cause."


A cette dernière phrase, prononcée avec plus de sérieux, elle s'était levée du banc et fixait d'un œil neutre le mande-orage. La sorcière ne semblait aucunement disposée à argumenter pour le convaincre de la nécessité de l'accompagner dans son étrange affaire.

Répondre
#13
L'elfe sourit de nouveau. La discussion prenait une tournure attendue, ce qu'il voyait comme un signe encourageant.

« Dans nos courriers, vous aviez parlé de la nature de l'enquête et de motivations. Puis-je espérer que vous répondrez au moins à ces questions avant que je vous donne ma décision ? »

Israfel se leva à son tour, bien conscient que la suite de la discussion n'aurait pas lieux dans un endroit où tant d'oreilles pouvaient entendre leur conversation.
Répondre
#14

"Venez", répondit Selinde, faisant claquer sa voix autoritaire pour l'occasion. Elle le mena, sans prononcer le moindre mot, de ruelles en ruelles, en quête d'un lieu plus calme. Son choix s'arrêta sur une maison à l'apparence abandonnée. Du lierre, sec et mort, fissurait les murs ternis par le temps et la négligence.

A peine avait-elle tourné une petite clé rouillée dans la serrure qu'elle l'invita à entrer d'un geste de main. La sorcière fit claque ses doigts et instantanément toutes les chandelles accrochées aux parois s'allumèrent. Pénétrant plus en avant, elle grimaça légèrement à l'odeur désagréable de renfermé qui titillait ses narines. L'intérieur était aussi délabré que l'extérieur. Le parquet craquait sous les pas des deux jeunes gens. Quelques toiles d'araignées s'étaient invitées dans les coins des innombrables étagères, toutes vides.

Arrivés dans ce qui avait du être un salon cossu, elle prit la parole en lui montrant du menton un fauteuil poussiéreux, déchiré par endroit dans lequel s'installer.

"Nul ne vient plus ici depuis quelques années. Nous y serons en paix, à défaut d'y être bien."

Elle s'assit à son tour, faisant face à son hôte et balayant d'un geste négligeant la poussière qu'elle avait soulevé dans son mouvement.

"Posez vos questions."

Répondre
#15
Son livre sous le bras, Israfel avait suivi la Commandante sans discuter. Le lieu qu'elle avait choisi aurait très bien pu être un piège pour lui, mais l'elfe ne semblait pas s'en soucier.
Il fit une moue désapprobatrice devant l'odeur de la maison abandonnée mais continua avec son hôtesse jusqu'au salon. Une fois devant le fauteuil poussiéreux qu'on lui désignait, l'Élémentaliste s'arrêta en fronçant les sourcils.

Puisant dans ses connaissances, il fit appel à la magie terrestre. Manipuler un peu de poussière n'était rien comparé à la création d'une stalagmite ou la fissure du sol pour créer des ondes de choc, des tours qu'il maîtrisait depuis longtemps.
D'un geste nonchalant, il souleva toute la poussière du siège et l'envoya se déposer un peu plus loin sur le sol sans aucun déplacement d'air. Satisfait, il s'assit et posa son livre sur ses genoux.

« Mes questions, vous les connaissez, ma chère. Vous avez entendu mes motivations et je souhaiterai entendre les vôtres, de même que les détails de cette enquête. Du moins, ce que vous accepterez de m'en révéler avant de savoir si je vous assisterai dans cette tâche. »

L'elfe souriait à nouveau, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agissait juste d'un sourire de façade ou si la tournure des événements l'amusait.
Répondre
#16

Selinde hocha la tête avec gravité, sans paraitre remarquer que les motivations qu'il lui avait servi précédemment étaient bien vagues.

"Bien. Vous jugerez de vous-même de la situation."

Elle plaça sa main à sa gorge, murmurant quelques paroles incantatoires. Lorsqu'elle reprit la conversation, ce n'était plus la voix de Selinde qui s'échappait de ses lèvres. D'abord, erratique, la modulation de la voix à laquelle la sorcière se prêtait finit par imiter à la perfection le timbre millénaire et pernicieux de la Dame Infernale.

"Je vais faire simple : un jour, ce monde sera le royaume des démons. Que vous le voulez ou non, assurez-vous d'être du bon côté à la fin. En attendant, mes ennemis sont les holdars : ils infestent la politique des royaumes, la paralysant pour leur bénéfice. Éliminez-les, et vous me rendrait un grand service ! Laissez-les en paix, ce sont les holdars qui gagnent.

Quoiqu'il arrive, vous avez perdu. Vous n'avez que pour unique décision de choisir un gagnant dans notre petite querelle entre démons et holdars.
"

Une fois le discours fidèlement reporté, elle retira sa main et glissa ses doigts dans sa chevelure laiteuse.

"Cet avenir ne me satisfait pas."

Répondre
#17
Le mande-orage haussa un sourcil en entendant s'échapper de la gorge de Selinde une voix qui lui était inconnue. Ce n'est qu'à la teneur du discours qu'il pu identifier l'auteur de ces paroles comme étant Vi'aria, dirigeante des Xalari.
Bien qu'il n'apprit rien de nouveau avec cette tirade, il laissa quand même une bonne minute s'écouler en silence, le temps d'assimiler ces paroles et la manière dont la démone les avait formulées.

Quand il reprit la parole, toute trace de son sourire avait disparu.

« Nous sommes au moins d'accord sur ce point, cet avenir n'a rien de réjouissant.
N'importe qui se serait arrêté à cette illusion de choix entre la peste et le choléra, mais pas vous. Même si votre enquête impliquant la royauté pourrait laisser croire que vous avez choisi d'éliminer les Holdars, je doute qu'un joug démoniaque vous convienne, quoi qu'en pense l'Inquisition.
»


Israfel tapota nerveusement la couverture de son livre avant de croiser les bras.

« Quel est votre plan pour la suite ? Une fois que votre enquête vous aura permis d'éliminer quelques espions Holdars, j'entends. »
Répondre
#18

Selinde émit un petit rire à l'évocation de l'Inquisition.

"Leurs accusations n'ont jamais été des plus cohérentes, vous savez. Il aurait été bien plus raisonnable d'évoquer une allégeance aux holdars. Comme l'avait fait mon... père.

Mais ne leur en déplaise, les fautes du géniteur ne sont pas celles de sa progéniture. Et j'ai probablement sauvé bien des vies de la fureur nordique en agissant comme je l'ai fait à l'époque.

La vérité, c'est qu'il fallait un responsable à cette débâcle.
Ni plus, ni moins."


Elle s'adossa plus confortablement dans le fauteuil, prenant le temps d'observer l'elfe et son attitude.

"Ne vous focalisez pas sur Vi'aria, elle est, de loin, la plus faible de nos deux adversaires. Bien qu'elle ait été la plus visible, elle n'est pas la plus active dans son dessein de conquête.

Nous nous sommes focalisés sur la menace démoniaque et l'avons affronté à maintes reprises. Mais au fil du temps, j'ai fini par craindre que ce ne soit une manipulation holdar pour disperser nos efforts et œuvrer dans leur sens.

Nous n'avons d'autres choix que de reprendre méthodiquement notre destin en main pour écraser ses deux menaces simultanément."


Elle se redressa, les yeux brillants.

"Avec ou sans nos gouvernements.

Cette enquête n'est qu'un prétexte pour séparer le bon grain de l'ivraie."

Répondre
#19
Israfel soupira. Pour que la sorcière esquive la question de cette façon, elle ne devait pas avoir de plan à long terme pour écarter ce destin. "Écraser les menaces Holdars et Xalari simultanément" relevait de l'utopie, le Concordat étant loin d'avoir les forces nécessaires. Même une alliance avec les autres races d'Écridel ne serait pas une garantie de victoire. Et écarter les gouvernements de la bataille ne ferait qu'amoindrir les forces à leur disposition.

Après quelques secondes de réflexion, l'elfe laissa échapper un petit rire.

« Votre fougue est rafraîchissante. Vous lancez ainsi de grands discours, sans avoir les moyens de vos ambitions ni l'assurance que je sois bien de votre coté et pas un espion Holdar ou un traître vendu à Vi'aria. »

Le mande-orage posa son livre sur le sol poussiéreux et se leva. Après avoir parcouru la moitié de la distance qui séparait le fauteuil de la sorcière du sien, il tendit la main vers Selinde dans un geste symbolique. Une poignée de main qui signerait simplement un accord oral conclu dans cette demeure abandonnée.

« Au moins, vous avez la volonté d'agir. Si vous le voulez bien, nous allons tâcher d'éliminer ces menaces ensemble. Et, je l'espère, les autres qui pourraient se déclarer à l'avenir. »

Il était bien conscient que la pyromancienne lui avait seulement dit ce qu'il voulait entendre.
Le but personnel que pourchassait Selinde l'avait lancée dans son ardente croisade bien avant l'arrivée des premiers démons. Un objectif qu'il n'était pas encore sûr qu'elle puisse poursuivre sans mettre en danger le Concordat à un moment ou l'autre.
Une raison de plus pour garder la Commandante de la Salamandre à l'œil, et quel meilleur moyen que cette chance de collaboration qu'elle lui offrait ?
Répondre
#20

De manière surprenante pour quiconque connaissait, même de réputation, son caractère impulsif, Selinde ne répliqua à aucune des provocations de l'elfe. Elle se contenta de se lever et d'attraper cette main tendue pour la serrer en signe d'accord.

"Parfait.
Je vous aurai bien proposé de trinquer au nom de cette alliance, mais je doute que le propriétaire du lieu ait oublié de récupérer ses précieuses bouteilles de vin."

Répondre
#21
« Nous irons fêter cela dans une auberge quand nous aurons fini de discuter, si vous voulez. »

Satisfait de ne pas sentir sa main brûler, Israfel sourit à la talienne avant de se rasseoir.
Toutes les pyromanciennes qu'il connaissait avaient la fâcheuse tendance de s'enflammer — littéralement — pour un rien, et il se promit de déterminer si ce trait de caractère était nécessaire pour être admis à la Tour de l'Orbe Flamboyant ou s'il attirait simplement les originales.

« Je suppose que je devrai vous fournir une preuve de ma bonne foi. Malheureusement, je n'ai rien d'autre à vous offrir que des informations. J'espère donc qu'elles vous seront utiles. »

L'elfe s'éclaircit la gorge.

« Concernant les Holdars, d'abord. Ils sont très grands, ont la peau d'un blanc laiteux, des yeux rouges et ils semblent chauves et imberbes. Du moins, je n'ai relevé aucune description mentionnant des Holdars chevelus.
Ils sont arrivés en Écridel depuis la mer peu après la chute d'une météorite dans ce qui est connu aujourd'hui comme le cratère d'Andoras, ont battu à plates coutures toutes les forces qui ont tenté de les arrêter et se sont emparés du cratère et de son étoile tombée du ciel.
Ils sont maîtres dans l'art de l'illusion, ce qui en fait d'excellents assassins mais également de très bons espions. Leurs combattants sont généralement engoncés dans un métal inconnu qui semble particulièrement bien disperser les forces magiques dirigées contre lui — on suppose que ce métal provient de l'étoile qu'ils se sont accaparés — et ils chevauchent à l'occasion des skilithes au combat, ce qui rend leurs remparts virtuellement imprenables.
Nous en avons affrontés ensemble, je doute de vous apprendre grand chose à leur sujet.
»


Semblant soudain réaliser que son livre était en contact avec un sol crasseux, il ramassa le volume et commença à l'épousseter tout en parlant.

« Au sujet des Xalari, vous en avez combattu plus que moi et vous semblez même avoir rencontré leur dirigeante en personne. C'est donc plutôt à vous de m'expliquer de quoi ils sont capables.
Tout ce que j'en sais, c'est qu'ils sont d'anciens démons de feu nommés Khorgs qui se sont retrouvés prisonniers dans notre plan et ont peu à peu muté pour s'adapter à leur environnement, devenant des créatures de givrefeu. Ils craignent le feu et j'ignore leur nombre exact, n'ayant jamais rencontré que 2 Xalari authentiques, le reste étant des marionnettes créées par Vi'aria à partir d'innocents habitants d'Écridel.
Quant à Vi'aria, elle fait preuve de pouvoirs hors du commun : elle peut créer ces marionnettes, semble avoir la faculté de dominer l'esprit de certaines personnes et possède la faculté de voyager à travers les plans ou au moins de les altérer. Des prouesses qui, réalisées sans assistance, sont dignes d'une Arpenteuse.
»


Le mande-orage s'abstint d'expliquer ce qu'était un Arpenteur. Si Selinde avait suivit son conseil après les noces funestes, elle s'était probablement déjà renseignée sur ces êtres dont le dernier était apparu en tombant du ciel comme une étoile.

« Nous nous attaquons à deux gros morceaux. Si nous voulons débusquer les espions Holdars, nous allons avoir besoin d'un moyen de percer leurs illusions.
Quelqu'un capable de dissiper la magie serait idéal dans ce rôle. Malheureusement, cela relève de la magie pure, ce qui dépasse mes compétences. Mais pas les vôtres, il me semble… ?
»


Pour la première fois, Israfel doutait ouvertement d'une information en sa possession. La formation traditionnelle des sorciers comprenait de la magie pure, mais Selinde avait un parcours tout sauf traditionnel. Il ignorait à quel point sa formation pouvait s'avérer complète ou lacunaire.
Répondre
#22

“Sans façon. Je réserve ce genre d'activité pour la compagnie de ceux que j'apprécie”, répliqua-t-elle à la proposition d'Israfel, un sourire affable aux lèvres contrastant avec la teneur de la répartie.

Elle prit place à son tour, ignorant les poussières virevoltantes autour d'elle. Si ce fauteuil miteux avait été un trône, elle n'aurait pas déployé moins d'arrogance dans son attitude. Néanmoins, elle le laissa s'exprimer sur ses découvertes sans un mot et resta attentive tout du long.

Seuls ses doigts pianotant fébrilement l'accoudoir de bois en cadence laissaient à présager de son exaspération. Ses yeux levés au ciel devant la maniaquerie de l'elfe vis-à-vis de son grimoire, aussi, probablement.

“Si Lenwë n'était pas en train de s'apitoyer sur son sort je ne sais où, il aurait fait parfaitement l'affaire, je présume. A défaut d'un grand mage compétent et non-corrompu, oui, je tiendrai ce rôle.

Démasquer un holdar ne doit pas être bien plus compliqué que de maintenir, seule, une faille menant à l'enfer gelé, ouverte accidentellement, pour en sauver un skalde agar pendant que des nains braillards et sots crient à la démonologie.”


Selinde soupira. Un très court instant, le masque qu'elle revêtait en toute occasion se fissura laissant apparaître sommairement l'affliction que cet événement avait laissé dans son âme meurtrie. L'instant d'après, elle scrutait le mande-orage avec intensité et sévérité.

"Heureusement que je ne comptais pas sur vous pour m'éclairer d'une information capitale, je serai restée dans le noir. Au final, cela sera à moi de vous instruire de quelques détails qui vous ont échappé."

Elle se leva et fit quelques pas sans lui prêter attention, semblant réfléchir. Elle finit par lui faire face, les bras croisés.

”J'ai, effectivement, rencontré Vi'aria à deux reprises. Trois si l'on compte cette fois où elle a ouvert un portail, près de l'Erion, pour venir en aide à son amiral elfique. C'était à chaque fois pour lui venir en aide, en fait. Elle tient fortement à son jouet comme elle l'appelle elle-même.”

Elle avait sourit à Israfel en prononçant ces dernières phrases.

”La première fois, mon frère l'a courtisée pour lui soutirer le récit de sa vie et de ses ambitions. J'ai également dû essuyer une mutinerie au sein de la Salamandre. Les paladins et leur désespérante étroitesse d'esprit...

A la troisième, nous l'avons affrontée et presque vaincue grâce à l'union des trois guildes du Concordat.

C'était lors de sa seconde apparition que nous avions été mesure de déduire l'emplacement de son sanctuaire. Un temple abandonné d'Edar au sud de Kandrian, certainement dissimulé par une très puissante magie car nous ne l'avons jamais trouvé. Notre traque s'est soldée par l'arrivée des holdars, attirés par l'opportunité facile d'écraser leur ennemie déjà affaiblie.

Ce sont eux que je redoute, Aedarion. Vi'aria peut, certes, prendre forme humaine pour nous duper ou manipuler les Triarques crédules de l'Egide, mais c'est sans commune mesure avec leurs illusions si réalistes. Si nous ne pouvons faire confiance en nos sens lors d'une bataille, nous ne pourrons vaincre.

La démonstration de leur exarque -c'est ainsi qu'ils semblaient nommer leur congénère présent pour les diriger et coordonner leurs assauts- était édifiante. Même défait, il s'est relevé sous forme de deux ombres. Etait-ce sa propre capacité ou celle d'illusionnistes embusqués chargés de le couvrir ? Je l'ignore.

Répondre
#23
Le mande-orage sourit au refus cinglant de Selinde. La jeune femme semblait réellement vouloir s'en tenir à une relation strictement professionnelle, une bonne chose si c'était le cas avec tous ceux dont elle doutait. Elle se laisserait moins facilement manipuler si les sentiments ne s'en mêlaient pas.

Il écouta l'instruction de la Commandante sans l'interrompre, son sourire s'agrandissant au fur et à mesure d'une façon presque sinistre. Malgré son assurance, elle ne savait pas tout, ou alors la pyromancienne avait gardé pour elle certaines informations — tout comme lui.
Mais Israfel jugea qu'il avait suffisamment testé les limites de leur collaboration et celles de la patience de Selinde. Il ne gagnerait rien à ne pas communiquer des informations cruciales à une alliée — même de circonstances.

« Je me souviens de cet exarque et de son remarquable tour de magie, en effet. J'aurai aimé l'étudier plus en détails, mais dans le feu de l'action, j'ai à peine eu le temps de le contempler avant qu'il disparaisse sous un déluge de feu. À ce stade, nous ne pouvons rien faire de plus que des suppositions.

De ce que j'en ai vu, la magie semblait provenir de la dépouille de l'exarque lui-même, mais j'ignore à quel point s'étend le contrôle des illusions Holdars. Ils seraient mignons s'il ne s'agissait que de manipulation visuelle, mais pour peu qu'ils soient capables de régir nos sens dans leur intégralité, ils pourraient faire passer une mouche pour un dragon ou un désert pour un champ de fleur sans que nous puissions nous douter de quoi que ce soit. L'un d'eux pourrait même être ici dans cette pièce sans que nous en sachions rien.
»


Le jeune elfe haussa les épaules avec dédain, conscient dès qu'il était entré dans un lieu privé choisi par Selinde que ses hommes pouvaient aussi bien se trouver en embuscade dans une autre pièce, notamment le skalde qu'elle venait de mentionner et qui la suivait d'habitude comme une ombre. Un espion Holdar en plus ne changerait pas grand chose à l'équation.
Il reprit, laissant de coté son sourire narquois pour continuer de manière plus stoïque.

« Il y a encore quelques informations que je me dois de vous communiquer.
Nous ne pourrons pas vraiment compter sur le gouvernement elfique. Je ne vous apprends sans doute rien, mais les raisons de cet état de fait sont intéressantes.

Il y a actuellement une lutte de pouvoir, mais elle prend une ampleur assez importante. La reine Ashtalia s'oppose depuis longtemps déjà au retour de la reine légitime Mélyriëlle d'Alcascyr. Elle perd de plus en plus de partisans, même au sein de sa propre cours, qui voient son illégitimité comme une chance de prendre la couronne. C'est assez banal jusque là.
Mais ce petit conflit est arrivé à un point où nombre d'institutions — notamment l'Inquisition — sont presque paralysées par les complots de toutes sortes. Et, pour ne rien arranger, Mélyriëlle vient de recueillir à Cyrijäl une Xalaro dénommée Yuel, ancienne haut-gradée de Vi'aria devenue pacifiste, qui a accepté de rester dans la ville et de répondre à nos questions si nous les épargnions elle et ses compatriotes en faveur d'une cohabitation pacifique.

Ce ne serait pas un problème si Yuel n'avait pas justement disparu sans laisser de trace peu de temps après. Vu les informations que cette Xalaro détient, non-seulement sa disparition nous est très dommageable mais en plus Mélyriëlle va pouvoir utiliser ce savoir qu'elle s'est accaparée pour faire pression sur Ashtalia, fragilisant encore la stabilité de l'empire elfique. Si Cyrijäl n'est pas accusée de pactiser avec les démons et rasée d'ici-là.

Et vu la façon dont les informations ont tendance à se perdre entre Cyrijäl et Asteras, je ne serai pas surpris de trouver un ou l'autre espion Holdar dans les hautes instances des gouvernements des deux reines.
»


Israfel soupira, une manière très éloquente de signifier tout le mal qu'il pensait de cette lutte intestine.

« Le seul avantage de cette situation est qu'avec le décès d'Aki et la défection de Yuel, Vi'aria n'a plus de figure importante connue pour commander ses troupes à l'exception du félon Rajaat. Elle y tient sans doute plus car il est désormais le seul garant de la cohésion de ses armées que pour sa compétence. »

Le mande-orage fit enfin silence, se doutant que ces nouvelles informations ne seraient pas forcément les plus utiles à Selinde dans l'immédiat. La Commandante semblait vouloir se focaliser sur les Holdars alors que lui-même s'était surtout concentré sur le problème démoniaque, n'ayant du coup que bien peu d'informations capitales sur les géants blancs.

À ses yeux, les Holdars n'étaient pas la menace la plus importante : malgré leur supériorité militaire depuis longtemps établie, ils s'étaient toujours montrés plutôt passifs jusqu'à présent, se contentant de rester derrière les falaises d'Andoras et d'en éloigner les envahisseurs. Ils n'avaient pas besoin d'espions pour prendre l'avantage, et l'elfe ne s'expliquait leur présence que comme une assurance pour maintenir le statut-quo. Là où les intentions de Vi'aria étaient ouvertement belliqueuses : diriger Synca en soumettant ou éradiquant tous ses peuples.

Mais la démone avait sans doute quitté son repaire du temple d'Edar depuis longtemps maintenant, et Fryelund seul savait où elle pouvait bien se terrer. Dans sa poche de réalité nommée Enfer gelé, elle était surpuissante et intouchable, ils ne pouvaient donc rien contre elle pour l'instant.
Contre les espions Holdars, en revanche, la jeune femme semblait avoir déjà entamé un travail de nettoyage. Et il brûlait d'apprendre l'avancée de son enquête.
Répondre
#24

Après qu'il eut finit, Selinde s'approcha d'Israfel, les yeux brillants. Elle se pencha vers lui, se retenant sur les accoudoirs et le surplombant malgré sa petite taille. Elle passa sa langue sur ses lèvres avant de pencher plus encore son visage vers le noble, lui intimant tacitement de reculer sur son siège s'il ne voulait sentir son souffle chaud effleurer ses joues. Sa bouche se faufila jusqu'à son oreille pointue.

"Si je puis me permettre, Messire..., susurra-t-elle d'une voix lascive. La prochaine fois que vous essayerez de convaincre votre interlocuteur de vos compétences et de la qualité de votre personne, assurez-vous de la véracité de vos informations, à plus fortes raisons lorsque vous n'avez qu'elles à lui proposer."

Elle se releva, brusquement et le toisa avec condescendance, les bras croisés.

"Vi'aria possédait encore deux généraux à ses côtés lors de sa fuite. L'un est une créature colossale ne s'exprimant qu'en d'infâmes borborygmes gutturaux, dotée d'une force et d'une résistance exceptionnelle. L'autre est une démone d'apparence vaguement féminine, dont la silhouette semble composée de fumée grise et bleue.

Au moins aurai-je, tout de même, appris la disparition de Yuel"
, reconnut-elle néanmoins de bonne grâce.

Elle continua son petit manège et marcha au hasard, semblait-il, dans la pièce, s'arrêtant par moment pour passer le doigt sur la poussière du mobilier d'un air mi-songeur, mi-mélancolique. Si elle paraissait absente et négligente de son invité, elle menait toujours la conversation.

"Vous avez bien fait d'évoquer la situation politique elfique. C'est à ce contexte de crise que je souhaitais en venir, car il n'est pas une particularité du règne des Alcascyr. Une guerre civile est naissante dans le Nord, opposant le Grand Jarl Stirling à son rival Sigvald. Les Maisons naines ont connus quelques complots et trahisons dernièrement, déstabilisant l'équilibre du Parlement. Et le roi Leonar IV a été empoisonné : ce serait le caldras le plus influent du royaume qui en serait coupable.

Même si j'ignore avec exactitude les ficelles tirées pour arriver à de telles situations, je peine à ne pas y voir des coïncidences. Je peine à ne pas y déceler un dessein supérieur, autre que les seules aspirations de puissants ambitieux.

Diviser pour mieux régner... Un classique indémodable dans toute stratégie, qu'elle soit politique ou militaire. En portant nos pays au bord de l'insurrection et en gelant nos forces vives dans des conflits internes, leur conquête devient triviale.

Il n'est actuellement pas question d'un simple espionnage par les holdars, mais d'une attaque dans le dos. Nous ne pouvons nous permettre de perdre cette bataille déjà bien entamée à notre insu, Israfel."


Pour la première fois, elle l'avait appelé par son prénom et l'observait, dénuée de tout orgueil. Elle savait qu'il risquait de lui rire au nez devant l'énormité de ce qu'elle venait de lui révéler. Elle le savait, la vérité prenait souvent les traits d'un mensonge si gros qu'elle était à peine croyable.

Répondre
#25
Israfel regardait Selinde se jouer de lui l'air interdit, refusant obstinément tout mouvement de recul lorsqu'elle s'était penchée jusqu'à lui.
La jeune femme jouait avec lui comme un chat avec une souris : elle lui lâchait parfois la bride, lui donnant l'illusion du contrôle, mais finissait invariablement par lui rappeler qui était réellement aux commandes de cette entrevue. Un état de fait qui l'irritait un peu : il était là pour collaborer avec la pyromancienne, pas se placer sous ses ordres. Et il comptait bien le lui rappeler en ne cédant pas devant elle alors qu'elle le testait déjà ostensiblement.

« Mademoiselle, vous vous méprenez. Je souhaitais seulement vous prouver ma bonne foi, pas mes compétences. Si elles étaient encore à prouver à vos yeux, j'imagine que je ne serai pas ici à votre demande. »

Il avait bien appuyé le premier mot, lui rappelant de manière un peu mesquine la perte de son prince charmant. Autant pour la déstabiliser que pour lui signaler qu'elle n'avait pas le monopole des railleries.

Le mande-orage était bien conscient qu'aborder le sujet Di Scudira risquait de froisser la demoiselle et de faire tourner court leur collaboration, mais cet entretient avait déjà été des plus fructueux pour lui : il avait glané nombre d'informations précieuses auprès de Selinde et elle semblait en avoir apprit bien peu en retour. Si la talienne s'emportait, il pourrait toujours se débrouiller sans elle une fois les informations vérifiées.

Il continua d'un air plus détendu, comme si cette petite opposition à la Commandante lui suffisait.

« La stratégie que vous évoquez n'a de sens que si elle est nécessaire pour prendre l'avantage. Ce n'est pas le cas ici : les Holdars ont conquis Andoras avec une relative facilité, et l'ont toujours tenue malgré des tentatives d'incursions répétées des différents peuples d'Écridel. À moins que leur puissance ou leur nombre ait drastiquement chuté dernièrement, ils n'ont pas besoin de manipulations de ce genre pour triompher de nous.

Si je puis me permettre, puis-je connaître vos sources ? Pouvons-nous être sûrs que les événements dont vous parlez sont bien l'œuvre des Holdars et pas ceux des Xalari ou d'une autre partie désireuse de nous nuire ?
»
Répondre
#26

Selinde s'était figée un bref instant où Israfel avait put sentir l'air crépiter autour de lui. Si elle s'était simplement redressée sans rien ajouter face à la bassesse infligée, les marques noirâtres sur le bois des accoudoirs sur lesquels elle s'était appuyée, parlaient pour elle.

A présent, adossée contre un pan de mur en face de l'elfe, la jambe repliée, elle l'observait exprimer ses doutes. Elle secoua simplement la tête avant de lui répondre.

"L'histoire a la fâcheuse tendance à ne narrer que les exploits d'héroïques combattants sur les champs de bataille, mais les plus grands généraux restent dans l'ombre de la gloire, en offrant à leur camp la victoire avant même que le sang ne coule. L'art de la guerre est infiniment plus complexe que la simple maitrise martiale.

Quoiqu'il en soit, à leur place, je procèderai aussi de la sorte, évitant à mon peuple, une victoire aux pertes douloureuses."


Elle se tapota la tempe du bout de l'index, désignant sa tête.

"Mes sources sont ici. Il ne s'agit que d'une théorie, basée sur le recoupement de petits détails insignifiants, mais qui, ensemble, font sens. Il me serait bien laborieux d'énumérer chaque pièce de mon raisonnement sans en oublier...

Ainsi, je vous propose de le vérifier à mes côtés par le biais de l'investigation que je mène actuellement. En découvrant qui a réellement empoisonné mon roi, nous disposerons probablement d'assez d'éléments pour trancher en faveur, ou non, de cette hypothèse.

Si, à la fin, il s'avère que mon intuition était la bonne, je doute que vous restiez les bras croisés pendant que nos peuples se préparent à leur extinction. Si, au contraire, j'ai tord, je m'engagerai à vos côtés contre Vi'aria qui semble avoir, comme chez beaucoup d'hommes, votre préférence.

Ceci vous semble-t-il honnête ?"

Répondre
#27
L'elfe acquiesça.

« Peu importe la menace derrière cette manœuvre, il faut y mettre un terme. Il y a trop de vies en jeu pour que nous puissions nous permettre de l'ignorer, de toute façon. »

Israfel se leva, et resta quelques instants à fixer son livre comme si le tome si précieux jusque là l'embarrassait soudainement.
Il s'avança jusqu'à l'âtre de la cheminée et y jeta le volume avant d'en enserrer la reliure de cuir d'un filament incandescent qui embrasa rapidement l'ouvrage.

« Je vous demanderai cependant de ne pas détourner votre attention des Holdars, que vous ayez tort ou raison.
Nous ne sommes pour l'instant pas assez nombreux pour disperser notre attention, mais j'espère que cette entrevue s'inscrira dans une longue série qui nous permettra de rassembler des forces capables de s'opposer à celles de nos ennemis.
Même si nous ne pouvons affronter ces deux menaces simultanément, il serait imprudent de relâcher notre vigilance.

Mais pour l'heure, concentrons-nous sur l'empoisonnement de votre bon roi Leonar. Où en êtes-vous dans votre enquête ?
»
Répondre
#28

"Pas bien loin, je le crains."

Selinde s'était avancée aux côtés d'Israfel et regardait les flammes dévorer le grimoire.

"Tout porterait à accuser le Caldras Mierelli de ce crime, comme cette missive retrouvée à Balard en atteste. Elle a été retrouvée bien à la vue de tous dans sa demeure, après qu'il ait été envoyé par Son Altesse royale Elene de Volaran en exil, traquer les démons."

Elle détacha le foulard enroulé autour de son cou et glissa ses doigts dans son corset. Elle en ressortit quelques papiers, pliés avec soin. Elle en tendit un à l'agaçant noble.

"Elle décrit la manière de procéder relativement complexe pour nuire définitivement au roi, en maquillant le méfait en une maladie incurable. Le mal viendrait du pain, et plus exactement, des grains de blé achetés à la province pour la consommation personnelle de Sa Majesté.

Un simple L. désigne son auteur. Vous conviendrez que lorsque l'on se donne autant de mal, jouant de complications pour un simple empoisonnement, on évite de laisser trainer de telles preuves.

Je me suis moi-même rendue là-bas. J'y ai découvert le cadavre nécrosé de l'investigatrice officielle de la Maison Royale dans un singulier laboratoire souterrain -j'y reviendrai-. J'ai visité la chambre où elle a séjourné, ses rapports d'enquête étaient encore sur la table. Tout comme des traces de son sang mal-nettoyé sur le parquet. Là encore, je reste perplexe sur la volonté derrière... C'est comme si l'on avait voulu que ce meurtre soit découvert.

Tenez voici l'ordre de mission de Delemine et quelques penses-bêtes qu'elle a rédigé avant de mourir. Celui-ci a été déchiré. Je crois qu'elle avait compris quelque chose d'important."


Instinctivement, elle s'était approchée de l'elfe pour partager avec lui les pièces à conviction qu'elle avait collecté, à la faible lumière du candélabre au mur. Elle semblait sincèrement appliquée à lui dévoiler l'étendue de son enquête.

Quant au laboratoire évoqué précédemment, son entrée est dissimulée sous une bibliothèque -certains des livres sont mentionnés dans les notes de Delemine, mais il manquait également un ouvrage sur l'alchimie holdar-. Balard était bel et bien le siège d'expériences sur les céréales, mais elles portaient avant tout sur la manière d'en tirer profit."

Elle déplia plusieurs parchemins qui semblaient avoir été arrachés d'ouvrages divers. Quelques schémas et annotations manuscrites, dont il pouvait reconnaître la patte de Selinde, venaient compléter les écrits explicatifs. Elle les lui présenta simplement, pointant du doigt quelques phrases qui lui permettraient de cerner rapidement les réactions sur les grains.

"Mais le plus troublant reste probablement ceci. Toujours ce même L. qui explique avec force détail la mécanique alchimique derrière. Pourtant... Regardez. Comparez les caractères avec l'autre... L'écriture n'est pas la même. Vous voyez ?"

Répondre
#29
L'elfe détourna rapidement la tête quand la talienne souleva son foulard, ne se tournant à nouveau vers elle qu'une fois le premier pli en main.

Il examina les différentes missives et notes en écoutant les explications de Selinde avec attention. Israfel ne lui répondit d'ailleurs pas tout de suite et prit le temps de tout repasser en revue une seconde fois avant d'émettre des commentaires.

« Le procédé est étonnement long et complexe pour en arriver à ce résultat. Et surtout très peu fiable.
Entre les repas de famille, ceux avec ses ministres et les diverses réceptions, qu'un souverain mange seul tient de l'exception. Et si le pain du roi n'est pas forcément le même que celui de ses domestiques, il n'y a aucune différence entre ce qui arrive dans l'assiette ou la coupe du suzerain et celle de ses convives. Et il n'est certainement pas le seul au palais à manger du pain et boire du Château de Balard.

Ce qui m'amène à mon second point…
»


Le mande-orage parcouru rapidement les notes pour sortir celles recueillies par Selinde dans le laboratoire dissimulé.
Il s'arrêta notamment sur la lettre signée L. qui détaillait la fabrication de la solution incolore nécessaire à l'empoisonnement des grains. Il était presque sûr d'avoir déjà vu cette écriture quelque part mais semblait incapable se rappeler où.

« Vos preuves sont en partie falsifiées. Non seulement l'écriture n'est pas identique, mais le procédé d'empoisonnement diffère des instructions de la lettre adressée à Mierelli qui a été trouvée dans sa demeure.

Si on en croit cette lettre, le roi devait avaler le contenu d'une fiole, que le grain modifié transformerait ensuite en poison.
Il n'est nullement question de vin, alors que d'après les notes que vous avez trouvées dans ce laboratoire, c'est ce vin à la fermentation particulière qui active la toxine contenue dans le grain.
Et ces mêmes notes ne font à leur tour pas mention de cette fiole de poison initiale que Mierelli aurait reçu.
»


Il retourna s'asseoir dans son fauteuil et posa les documents sur ses genoux, l'air absorbé. Il continua, plus comme s'il réfléchissait à voix haute que s'il s'adressait à Selinde.

« Non seulement quelqu'un semble vouloir faire porter le chapeau au Caldras, mais cherche aussi à faire en sorte que le véritable procédé d'empoisonnement ne soit pas connu.
Je ne serai pas surpris qu'une autre tentative de meurtre par le même procédé soit prévue prochainement, si elle n'est pas déjà en cours… Et vu la large distribution qu'ont le grain et le vin de Balard, on peut s'attendre à un véritable carnage si ce sont bien les Holdars qui sont derrière tout cela.
»


Israfel relu pour la troisième fois le procédé de fabrication détaillé du poison.
Le roi s'était remis, donc trouver et synthétiser un antidote ne serait pas un problème si la population était touchée. Le véritable défi était de retrouver la personne qui avait fourni ce procédé à Mierelli et de l'empêcher de nuire une fois pour toute. Et la seule piste que semblait avoir Selinde pour retrouver cet empoisonneur était ce L. si arrondi et familier…

L'elfe se leva d'un coup, sautant bas de son fauteuil comme s'il était assis sur des braises, éparpillant au passage toutes les notes de Selinde sur le sol. Il serrait à la froisser cette lettre de l'empoisonneur. Il connaissait cette écriture, et il venait de se rappeler où il l'avait déjà vue.

Presque fébrile, il sortit d'une poche intérieure de son manteau une lettre décachetée. Une lettre qu'il avait reçu après s'être rendu à Yris pour rencontrer Selinde, et qui avait été relayée à son auberge par son personnel de maison resté à Asteras.
Lentement, le mande-orage mis les lettres côte à côte pour en comparer les écritures. Tout concordait, jusqu'au L tout en rondeurs au début de la signature qu'Israfel lut dans un souffle.

« … Lhuste… »
Répondre
#30

Selinde acquiesça d'un hochement de tête évasif, sans quitter le mande-orage du regard.

“J'ai déjà émis ce genre de réticences avant même d'entrer en possession de ces documents. Mais il m'a été rétorqué que seuls le roi et son goûteur avaient été affectés par ces maux si semblables à une maladie incurable.

Tous deux avaient été présents à un repas en petit comité avec Mierelli. Ce fut probablement à cette occasion que Sa Majesté a été mis en contact avec un de ces vins mal-conservés que le Caldras avait dû apporter comme présent. Etait-il au courant du complot derrière ? Tout porterait à croire du contraire, sans quoi il n'aurait jamais permis que tant de preuves grossières l'accablent.

Je doute que nous ayons à craindre d'une épidémie massive au sein de la population. Je vous l'avoue, c'était ma hantise en abordant l'enquête, mais à présent j'ai relégué cette hypothèse au dernier plan.

A vrai dire, la croissance rapide de ces blés modifiés offrirait au contraire, une formidable opportunité d'éradiquer les famines si l'on parvenait à arrêter le processus de dégénérescence lors de la conservation. Par la lumière plutôt que la chaleur pour ne pas altérer le grain, donc.

Vous conviendriez que le risque vinicole est tout de même moindre dans la majeure partie des cas, surtout lorsque le commun se contente de fruits avariés ou de viandes de rats, parfois crues, pour tout repas en plusieurs jours.

Mais il est vrai qu'un tel savoir-faire dans des mains peu scrupuleuses pourraient mettre à genoux le royaume talien. Comme toute innovation d'envergure, en fait. Regardez, cette poudre naine… Elle finira par mettre à mal tout l'art de la chevalerie, en imitant les plus puissants des sorciers flamboyants avec ces pernicieux tubes de métal.

Mais je m'éloigne du sujet, continuez, je vous prie.


Elle soupira et retourna s'asseoir, les jambes croisées. Trop absorbé par les notes et ses réflexions, Israfel ne vit, sans doute, pas la sorcière se mordre la lèvre inférieure, signe qu'elle regrettait son imprudence. Elle profita de l'évocation du changement de modus operandi pour détourner l'attention de l'elfe.

“Vous avez raison d'être perplexe face à la première missive. Vous le seriez plus encore si, comme moi, vous aviez vu la fiole intacte, bien loin du gosier du roi. Tout ceci est absurde, et pourtant, c'est cette fausse évidence qu'a voulu croire la princesse Elene Volaran en envoyant le Caldras dans une traque aux dém...”

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que le noble était pris d'une mystérieuse frénésie. Elle observa son manège, d'abord stupéfaite, puis irritée de voir ses précieux documents finir à terre.

“Lhuste ?”, répondit-elle, incrédule. “Seriez-vous capable de vous rendre utile, finalement ?”

Répondre


Atteindre :