Le port d'Yris vivaient au rythme des marées, sous les hurlements des mouettes affamées. Ce jour-là, la mer s'agitait et fracassait son écume blanche sur la proue des navires qui quittaient les quais, les cales chargées de marchandises. Du vin talien surtout, que l'on échangeait régulièrement contre des épices orientales.
Pour autant, le Fortuna faisait exception. Ses matelots avaient déserté le pont de la frégate pour se perdre dans l'ivresse de la boisson ou celle de la passion. Bien souvent, des deux. Seul son capitaine était encore présent, accoudé sur la barre de son bâtiment immobilisé au port. Il observait l'horizon nuageux, une pipe fumante coincée entre ses lèvres.
Sa songerie fut interrompue lorsqu'il entendit son nom évoqué bruyamment par quelques marins. Quelqu'un cherchait un certain Alcéo Dalvora.
![[Image: 91237.jpg]](https://royaume-andoras.net/images/icones/v4/91237.jpg) Qui donc le recherche ?
Quelques jeunes femmes agitaient leurs mouchoirs face aux navires qui larguaient les amarres puis quittaient le port. Leurs yeux tristes ne pouvaient retenir les larmes salées qui ruisselaient le long de leur visage avant de finir noyées dans l'écume blanche des vagues qui se cassaient sur les bords de quais. Ces larmes seraient-elles suffisantes pour adoucir la mer et permettre à leur fiancé, frère, fils, père de l'enfant qu'elle portait sans elle-même encore le savoir, de rentrer sain et sauf de leur long voyage ?
Martin les observa du coin de l'œil un instant, se délectant de cette vision de femmes éplorées et vulnérables, qu'il pourrait si facilement consoler. Ses pernicieuses songeries furent distraites lorsqu'il aperçut la frégate qu'il recherchait, encore amarrée.
Il se dirigea vers le Fortuna d'un pas faussement assuré, n'ayant pas vraiment idée de la façon d'aborder Alcéo Dalvora. Les seules choses dont il était persuadé étaient primo qu'il était inutile de mentir sur son identité, deuxio qu'un corsaire parlerait plus facilement à un éventuel client qu'à un enquêteur et tertio que le contenu de sa bourse serait certainement sa meilleure canne à pêche aux informations.
Qui donc le recherche ?
Venntaï capitaine. Je me permets de vous déranger pour affaires. Je suis Martin Bêcheur, inquisiteur de terrain, détaché à la Compagnie d'Investigations avancées. Je suis à la recherche d'une frégate et de son équipage assez expérimentés pour une expédition vers les collines sanglantes. Inutile de vous préciser qu'il ne s'agira pas d'un simple transport de vin et épices. Mes recherches pour trouver cette frégate et son équipage d'exception m'ont amené jusqu'à vous. Je ne peux pas vous en dire plus tant que je ne suis pas sûr que ce genre de mission vous intéresse et que vous ne m'ayez pas donné de garanties quant à vos compétences. Je souhaiterais tout d'abord en savoir plus sur votre frégate pour vérifier qu'elle est adaptée à la mission : combien de tonneaux jauge-t-elle et combien de batteries de pièces d'artilleries porte-t-elle ? Par ailleurs, pour pouvoir vous faire confiance, j'ai besoin d'en savoir plus sur vous et sur votre expérience, en particulier avez-vous déjà conduit ce genre d'expédition ? Si oui, je souhaiterais savoir pour quels clients, afin de leur demander confirmation et recommandation. La trésorerie allouée à cette mission est conséquente et il est exclu que nous faisions appel à des marins de bateau-lavoir.
Pendant tout son discours, Martin n'avait cessé de tripoter et soupeser sa bourse accrochée à sa ceinture, ce genre de langage pouvait être bien plus parlant à un corsaire.
"Pas intéressé."
Alcéo avait parlé avec fermeté bien que ses yeux scrutaient assidument la bourse de l'inquisiteur. Il expira de sa pipe de bois un trait de fumée avant de continuer. Mais pouvait-il se permettre de laisser filer une affaire en or ? Les créanciers n'étaient jamais loin, sans parler du solde de ses matelots...
"Naviguer sur l'Erion en cette saison... Risqué, l'ami. Très risqué si l'expédition s'éternise après les premières fontes de neiges. 'Fin, avec moi à la barre, vous pourrez dormir sur vos deux oreilles, à condition de pas avoir le mal de mer. Ca tangue pas mal par là-bas.
Pour le reste, je vous laisse juger à l'œil. Suffit d'observer les rafiots quitter le port pour admettre que le Fortuna les surpasse et de compter les canons sur le pont. Dommage que mon bâtiment se trouvait en haute mer lors de l'attaque de Tilador, ce maudit drakkar ne serait plus qu'une épave moisie à la merci des algues.
Mon équipage et moi-même avons fait plusieurs fois ce trajet pour le compte d'un elfe de noble lignée. Un certain Eldhyn Larhtreña. Il savait ce qu'il voulait, le gaillard ! Il ne vous donnera pas d'excellentes références par contre, à nourrir les asticots. L'inconscient avait choisi de voyager par voie de terre. Sordide histoire...
Bref, mon gars, si tu veux louer les services du 'Fortuna' va falloir t'expliquer. Je ne prends pas des cachotiers à mon bord."
Martin écouta avec attention Alcéo, hochant la tête en signe d'acquiescement à l'évocation de Tilador. Un corsaire avec un fond de morale et de patriotisme, voilà qui était rassurant en vue d'une éventuelle expédition.
« Alors vous avez travaillé pour Eldhyn Larhtreña. Quelle improbable coïncidence ! »
L'inquisiteur esquissa un rapide demi-sourire, et enchaîna.
« En réalité, ma recherche de frégate et d'équipage a pour but de reproduire exactement les expéditions commanditées par cet homme afin d'en découvrir leurs objectifs et enjeux. En effet, il pourrait y avoir un lien avec une tuerie qui s'est produite il y a peu à Asteras. Je veux découvrir la nature exacte de ce lien. Un retour vers le passé en quelque sorte, qui permettrait de comprendre le présent et d'anticiper le futur.
Mais avant que nous parlions affaire, dites-moi ce que vous voulez dire par «sordide histoire » ? »
"Le hasard fait assurément bien les choses", renchérit Alcéo, l'œil pétillant de malice. Il se tut pour écouter plus attentivement l'inquisiteur, s'assombrissant peu à peu à son récit.
"Je vois. Tu penses qu'en remontant le fil de l'Erion, tu remonteras aussi le temps et pourras fouiller le passé en quête d'indices pour ton enquête présente. Mais tu fais fausse-route : il n'y a rien là-bas. Strictement rien. Et on a bien cherché.
Eldhyn Larhtreña avait beau répété que "cela" ne pouvait être qu'ici ; il n'y a jamais rien eu. Mais entre nous, il n'était pas franchement très net ce type. Lorsqu'il se pensait seul, il parlait à un morceau de poterie. D'aucun l'aurait traité de fou.
Un fou qui payait bien, cependant. Très bien même.
Alors, nous avons continué à fouiller les berges de l'Erion. Encore et encore. En vain."
Le capitaine tira une nouvelle fois dans sa pipe avant d'en laisser s'échapper une fumée blanche à l'odeur agréable de tabac parfumé.
"Sordide, oui. C'est bien le terme qui a été employé pour décrire cette histoire de cadavres scarifiés et mutilés. Parait que la scène était d'une rare violence. Mêmes des soldats expérimentés par les champs de bataille en auraient rendu leurs repas, mon gars. Un genre de massacre rituel, parait-il, avec des symboles runiques gravés à mène de la chair d'Eldhyn et de ses gens.
Pas un seul survivant pour raconter."
« Strictement rien vous dites… Alors mon projet d'excursion semble tomber à l'eau alors que je n'ai même pas encore trouvé un navire… Quelle déception ! Mais dites-moi, Eldhyn Larhtreña vous aurait-il laissé des objets en lien avec ses recherches, journal ou carte par exemple ?
Ce morceau de poterie auquel vous faîtes allusion m'intrigue. Pouvez-vous me le décrire plus précisément ou le dessiner ? Le portait-il encore lorsqu'on corps a été découvert ?
De même, pourriez-vous me décrire plus précisément ces symboles runiques gravés à même la chair ? Savez- vous si les corps ont été enterrés ou brûlés ? »
Martin se laissa aller à inspirer profondément la fumée blanche que rejetait son interlocuteur.
« Quel agréable parfum ! D'où vient ce tabac que vous fumez ? » ajouta-t-il d'un ton léger comme s'il cherchait à se remettre de sa déception.
"Le navire, tu l'as trouvé si tes bourses sont suffisamment pleines pour décoller mes matelots de leurs putains !", répliqua Alcéo, le tout accompagné d'un rire graveleux. "Je te mets en garde, mon gars, qu'on a rien trouvé. Mais t'es de l'Inquisition, tu sais mieux que moi mener l'enquête autour de ces phénomènes étranges."
Le corsaire se gratta le bouc, à la recherche de quelques souvenirs pour répondre au mieux à l'interrogatoire de l'inquisiteur.
"Larhtreña le cachait sous son col de soie. Je ne l'ai jamais vu de près, seulement entraperçu d'un oeil ; ce n'était qu'un banal morceau de céramique brune. Rien d'exceptionnel, mon gars.
Tu sembles croire que j'ai vu son corps. Ce n'est pas le cas. Nous voguions sur l'Erion tandis que lui s'est fait attaquer un peu au nord-est de Nim Duin. Si tu veux mon avis, c'est peut-être ça le plus étrange en somme, qu'une caravane elfique se fasse massacrer dans ses propres terres par des nains. Des nains, mon gars. Il n'y a bien qu'eux pour mutiler des cadavres avec leurs runes !
Aucune idée de ce que sont devenus les corps."
Le corsaire fouilla dans sa veste et en sortit une minuscule sacoche qu'il jeta à Martin.
"Importation directe de Babylos. Tu m'en diras des nouvelles de ce tabac aux épices exotiques !
Du coup, mon gars, je dois compter combien de passagers en direction des Collines Sanglantes ?"
Martin n'osa pas révéler au corsaire que ce n'était pas dans ses habitudes de fumer la pipe, aussi il attrapa au vol la minuscule sacoche en se contentant de le remercier poliment. Et dans le fond, il était ouvert à toute nouvelle découverte de plaisir, et l'agréable parfum de ce tabac était une véritable incitation à commencer à fumer.
« Parfait, affaire conclue sous réserve de votre prix que vous ne m'avez pas indiqué. Mais je suppose qu'il est fonction du nombre de passagers ? Je reviendrai très vite vous l'annoncer. »
L'inquisiteur salua le capitaine et se rendit dans un endroit calme pour rédiger une missive en plusieurs exemplaires qu'il fit transmettre en urgence au siège de sa guilde mais aussi à ceux des Sentinelles d'Argent et de la Salamandre.
Citation :Dans le cadre de notre enquête suite aux évènements tragiques qui se sont déroulés au manoir Larhtreña, nos investigations nous mènent à monter une expédition en direction des Collines Sanglantes à bord de la frégate le Fortuna, actuellement amarrée au port d'Yris et dirigée par le capitaine Alcéo Dalvora ayant déjà navigué pour le compte du défunt Eldhyn Larhtreña.
Je sollicite tout membre du Condorçat disponible et enquêtant sur cette affaire à participer à cette expédition qui partira d'ici peu.
Inquisiteur Bêcheur, Compagnie d'Investigation Avancée
Quelques jours plus tard, Martin et ses compagnons se tenaient prêts à embarquer à bord du Fortuna. Ils furent inviter par le capitaine Alcéo et purent voir à l'oeuvre ses nombreux matelots s'occuper des voiles et cordages en préparation de leur périple sur l'Erion.
Les amarres furent hissés, les voiles déployées, l'encre levée. La frégate se mit en route vers le large chargée de ses passagers.
Citation :[HRP] Dernier appel pour les retardataires volontaires.  ]
Le voyage se passait sans encombre au gré d'un vent favorable et des chants de pirate d'Ossë. Jusqu'à l'instant où l'homme sur la vigie cria de toutes ses forces :
"Capitaine ! Capitaine ! Il y a quelque chose ! Une ombre se déplace sous notre navire !"
Tout l'équipage se mit en mouvement comme un seul homme, prêt à en découdre. Les artilleurs s'étaient mis en position derrière leurs monstrueux canons, certains les chargeaient déjà par la gueule d'un lourd boulet. Alcéo Dalvora se crispa sur la barre, cherchant la direction du vent pour éloigner sa frégate de la menace sous-marine.
Tout d'un coup, surgissant dans un fracas d'eau, de terrifiantes créatures tentaculaires s'emparèrent des malheureux canonniers pour les attirer, hurlant et gesticulant, dans les profondeurs. Voyant que nul autre que ses passagers ne pouvaient manier les canons, le capitaine hurla à leur attention :
"Vous, dépêchez-vous ! Pas le moment de mollir ! Préparez les canons et tirez sur cette chose !"
Citation :[HRP]
Bataille navale
Règles spéciales
Préambule :
Pour ce scénario un peu expérimental, j'ai souhaité vous proposer une mécanique de bataille navale avec ses propres règles. Il vous faut partir du principe RP que vos personnages ne pourront pas combattre efficacement en pleine mer contre un monstre marin, mais que le navire est doté de canons capables de le repousser efficacement. Cela se manifeste dans le gameplay par une armure(100) et inaltérable(10) sur le monstre et un perce-armure(100) sur les canons.
Objectif :
- Tuer le monstre
Conditions de défaite :
- Perdre tous les canons
- La mort de tous les personnages (NB : vous ne pouvez pas revenir à la mort de votre personnage)
Comment tuer le monstre :
Vous disposez de quatre canons, confiés aléatoirement à quatre d'entre vous, capables de passer l'armure du monstre. Cependant, ils ne disposent que d'un unique PA, ce qui n'est pas suffisant pour utiliser leur unique compétence d'arme à feu.
Vos personnages, eux, disposent de deux nouvelles compétences temporairement :
- Charger le canon (scénario) : Elle vous permet de transférer vos PA sur le canon par le biais de l'effet excitation.
- Protéger le canon (scénario) : Elle vous permet (à peu de choses près) de neutraliser une attaque du monstre par le biais de l'effet barrière.
Il vous faudra donc utiliser ses deux compétences de manière intelligente sur les canons pour à la fois, les faire attaquer et les défendre. Mais rien ne vous empêchera non plus d'utiliser vos buffs personnels pour les booster ou les soigner (ou vous soigner vous même d'ailleurs).
A vous d'établir une stratégie entre vous pour repousser la créature, qui est assez costaude et attaque en zone (je me garde le droit de l'équilibrer en cours en fonction de mes observations).
NB : Ces deux compétences ne sont à utiliser que sur les canons. Le contrevenant s'expose à un "instant kill" de ma part.
PS : Comme cette partie de l'animation est assez expérimentale, n'hésitez pas à me retourner directement vos impressions et ressentis par mp afin que je puisse améliorer mes proposition de jeu en fonction de vos attentes.
Le calme était retombé lorsque le dernier coup de canon avait tonné, arrachant à l'ultime tentacule une gesticulation d'agonie. Réjouis, mais prudents, les artilleurs du "Fortuna" s'étaient affairés à réparer les dégâts occasionnés lors de la bataille précédente, tandis que les marins rapiéçaient les voiles en lambeaux que l'acide de la bête avait détérioré.
Le calme. Toujours. La créature était-elle définitivement vaincue alors même que les aventuriers n'en avaient noté que quatre étranges appendices spongieux ?
La réponse ne tarda pas...
Discret.
Insidieux.
Le tentacule frappa de dos, dans l'angle mort de ses adversaires.
A peine ce tentacule avait-il été renvoyé dans les profondeurs, que la houle se fit plus féroce, faisant tanguer dangereusement la frégate et ses occupants.
C'est dans fracas d'eau salée que la créature monstrueuse et immense surgit sans crier gare. Une multitude d'yeux globuleux et de dents acérées faisait face aux apprentis canonniers.
Elle ouvrit la gueule, dévoilant ses innombrables rangées de crocs, et cracha sa salive corrosive sur le navire. Le poison était violent, très violent. Repousser la créature ne serait pas une mince affaire pour les investigateurs de la CIA.
La première vague d'assaut avait été plutôt prometteuse, n'importe quelle bête sauvage qui se prenait une bordée de boulets de canons chauffés au rouge devant en toute logique abandonner la chasse et se tourner vers des mets moins piquants, tels que des cachalots ou des baleines, et qui auraient été bien plus plantureux. Mais non, la bestiole avait bel et bien décidé de risquer encore maintes blessures pour gober les quelques ridicules petits rats (bougris) présents sur le pont (en excluant la plantureuse Shaotlissa).
- Mais combien de tentacules ça a ce truc ?
Plus ils en abattaient, plus il en sortait des flots. Il n'y avait que deux explications : c'était une hydre, et ses tentacules repoussaient, il y avait plus d'une créature, ou alors Marmorin ne savait pas compter (ce qui expliquait aussi de fait qu'il y ait plus de deux explications).
Affaibli par les nombreuses attaques de la monstruosité tentaculaire et fatigué de devoir enchaîner les soins à un tel rythme pour réparer les trous occasionné par la corrosion sur les canons et sur les canonniers, Marmorin décida de suivre à la lettre la proposition de repli stratégique faite par Ossë. Il tendit le boute-feu puis jeta le boulet qu'il tenait en main pour charger « son » canon à Erenir, qui semblait paradoxalement fort aise d'aller exposer son cuir à l'acide corrosif en première ligne.
- Tiens, je te passe le flambeau
Et il pris sa robe blanche à son cou pour aller se réfugier à tribord. Ou à bâbord ? Enfin bref à où-la-bête-n'était-pas-bord, et en espérant que de nouvelles tentacules n'allaient pas surgir derechef de ce côté.
Marmorin, file moi ce canon, c'est moi le professionnel de ces instruments !
Le corsaire prit avec plaisir les reines du canon et des munitions qui trainaient par ci par là.
Il fallait vite en finir avec l'horreur car plus le temps passait et plus le monstre prenait l'avantage.
Le dernier coup de canon venait de retentir.
La bête tentaculaire avait poussé un dernier gémissement avant de sombrer dans les profondeurs grâce aux efforts des Investigateurs de la CIA.
La brume semble se lever...
A présent, la brume entoure le navire laissant ses occupants dans un angoissant brouillard. Des murmures à peine audibles parviennent à leurs oreilles.
Coups de canons.
Bouillonnements.
Clapotis.
Calme plat.
Brumaille.
Les tentatives du sorcier blanc de vaporiser le brouillard à coup de boules de feu et autres dissipations était vaines. Il se pouvait même que cela fût à l'origine de plus de condensation car la purée de poix semblait encore plus impénétrable après ses sorts.
- C'est moi ou j'ai la vue qui baisse ?
Murmures.
- Des sirènes ! Bouchez-vous les oreilles et attachez-moi au mât !
A la réflexion, ces murmures n'avaient rien de mélodieux ni d'attirant. Il avait plutôt envie de prendre ses jambes à son cou.
- Comment est-ce qu'on mets les voiles ? Faut grimper là haut ?! C'est une blague… J'aimerai pas être moussaillon. Quelqu'un aurait un sort de vol pour m'emmener là haut défaire les cordages ? C'est bien ça qu'il faut faire, capt'ain, ou il y a un mécanisme ?
Capt'ain ?
Capitaiiine ?
Hé les gars, vous êtes où ?
* chtonk *
- Ah, j'ai trouvé le mât, c'est déjà pas mal. Par contre ça fait mal.
Toujours dans la brume...
C'est pas compliqué, il suffit de prendre le temps de voir et...
Rien. De la brume encore et encore et...
Regardez où vous marchez sur le pont ! Pas qu'on s'écrase les pieds...
Le corsaire avait tenté de voir au delà du brouillard, en vain.
Le capitaine, bien qu'il pestait régulièrement contre cette maudite purée de pois, guidait toujours son navire à l'aide d'une boussole. Coupé dans ses calculs de coordonnées par les hurlement du vieillard, probablement un peu sénile, il répondit simplement.
"Ce n'est pas parce que tu ne le vois pas que l'on n'avance pas, mon gars. Et le premier qui touche aux cordages de mon bâtiment sans s'y connaitre en nœuds marins finira accroché à la proue par les pieds et la tête en bas !"
Comme l'avait souligné Erënir, il suffisait d'observer attentivement pour voir qu'il n'y avait rien à voir.
Rien à voir peut-être, mais à entendre certainement.
Erënir se concentra tellement fort, qu'à part la vue, l'oreille devenait elle aussi plus sensible lorsqu'il ferma les yeux.
Il s'écria alors après avoir analysé les murmures:
Capitaine, on ne voit rien, mais vous n'entendez pas des bruits suspects dans la brume ?
Comme par exemple, comme si le monstre était toujours là, tout près...
Se rapprochant de son canon pour le saisir avec force tel une vieille connaissance que l'on a pas croisé depuis des lustres, il reprit de vive voix.
Si j'étais vous, je reprendrais vite fait les canons en direction du large parce que j'ai pas vraiment confiance ! Ou bien ce n'est que mon intuition qui me joue des tours si je suis le seul à entendre des voix...
Et alors je deviendrais aussi sénile qu'un vieillard...
"Pas de panique, Corsaire d'eau douce ! Nous sommes arrivés à destination. Derrière cette épaisse brume, se trouvent les Collines Sanglantes que le petit gars de l'inquisition voulait visiter.
Je reste là avec mes gars, bien ancré dans le coin jusqu'à votre retour. 'Fin, tant que le "fortuna" est en sécurité. Si le temps vire à l'orage, on larguera les amarres sans demander notre reste. Avec ou sans vous. Pas fous."
On ne panique pas, on a un puissant instinct de préservation, c'est tout. pensa Marmorin.
Le capitaine semblait avoir pris avec une philosophie désinvolte la part de son équipage et de ses canonniers emportés par le monstre tentaculaire.
Sa rhétorique sur l'abandon de la compagnie en cas d'orage était de fait à prendre au pied de la lettre.
- On rentrera à pied grommela pour lui-même le sorcier blanc, pas fâché de quitter les planches mouillées et instables. Le parquet sans tangage et sans léviathan d'une bibliothèque lui manquait cruellement.
La brume semblait confinée aux abords du fleuve, et en s'éloignant de l'eau, le paysage dévoila une étendue herbeuse, à l'exception notable d'un village récalcitrant qui paraissait attirer la brume vers lui. Ou peut-être l'émettre ?
La tête penchée par-dessus bord, préoccupé à vider son estomac de la façon la plus discrète possible, c'est avec soulagement que l'inquisiteur Bêcheur entendit le capitaine annoncer qu'ils étaient arrivés à destination. Pris de mal de mer la majeure partie du voyage, il s'était fait discret jusqu'à présent. Seule l'adrénaline du combat contre l'horreur tentaculaire lui avait permis de surmonter temporairement ses nausées.
Soulagé, il sortit la sacoche de tabac de Babylos et remplit sa pipe, achetée à la va-vite avant d'embarquer, avec trois pincées de tabac qu'il tassa maladroitement. Il l'alluma et inspira de petites lattes qui le firent toussoter. La scène était ridicule - il en était conscient - mais cette odeur avait été son seul plaisir pendant l'excursion, et il espérait surtout à cet instant qu'elle lui permette de retrouver une haleine moins nauséabonde.
Avant de rejoindre ses compagnons qui commençaient déjà à débarquer, il alla passer un peu de pommade à Alcéo Dalvora:
« Capitaine, malgré les attaques de monstres marins et les conditions météorologiques difficiles, vous nous avez mené à destination. Votre maîtrise maritime est sans égal. Maintenant, nous vous sommes reconnaissants d'attendre notre retour. Je sais bien que vous n'êtes pas fou, aussi attendez-nous quelquesoit le temps. Sans nous, votre équipage est trop réduit pour affronter de nouveaux dangers, paix aux âmes de vos matelots engloutis par l'horreur tentaculaire. Et si vous vous retrouvez face à un danger réel vous obligeant à prendre le large, avertissez-nous à distance en envoyant trois coups de canons ou fusées de détresse à intervalle d'une minute. »
Une horde de nains courait ça et là, parmi leurs habitations en flammes. Quoique le terme ne fut pas vraiment approprié, ces flammes là avaient plutôt l'air de fleurs de mana éthérées, grimpant à l'assaut de maisons tout aussi étranges de par leur translucidité. Certains nain même tenaient plus du spectre diaphane que du jovial buveur de bière aux joues rouges que l'on voyait dans les grimoires.
Il attaquèrent les nouveaux arrivants comme s'ils faisaient suite à un combat déjà livré, ne se rendant compte que la compagnie était plus dubitative qu'hostile.
L'un des nains, plus pâle encore que les autres, ne semblait pas partager la folie commune. Il était au contraire affalé sur un rocher, et répandant sur sa mousse décolorée force lamentations.
Une bourrasque du maître des vent eut raison de leur agressivité. Peut-être n'était elle pas la seule raison de leur changement d'attitude, mais toujours est-il que Marmorin profita de l'apathie grandissante des gardes pour passer à travers la courte barrière qu'ils dressaient.
- Hum, hum... Bonjour, que vous arrive-t-il ? Avez-vous besoin d'aide pour éteindre ces incendies ?
Si tant était que ce type d'incendie puisse être éteint... mais soit, l'intention y était. Le nain spectral sembla se ressaisir quelque peu.
Sentant dans son dos l'attaque de nains certes peu vigoureux et de naines que peut-être leur alter-ego aurait trouvé fort séduisante si elles n'étaient semi-transparentes, il ajouta
et si vous possédez une quelconque autorité sur cette garde anarchique, pouvez-vous leur signifier que nos intentions ne sont pas hostiles ?
Même s'il n'est pas très puissant, il n'est jamais agréable de se prendre un coup de hache.
Pour toute réponse, Alcéo, impassible, sortit sa pipe et marmonna dans son bouc :
"Mouais, peut-être bien qu'on attendra... Tu me dois encore ton voyage, alors tâche de pas crever misérablement, mon petit gars."
___
Harb Pieudargent était installé sur son rocher, surplombant son village en flamme, comme chaque jour depuis une éternité. La tragédie se reproduisait inexorablement. Encore et encore. Le cycle était sans fin depuis ce funeste jour... Il soupira, las, avant d'apercevoir au loin une anomalie. Les nains déviaient de leur sinistre chorégraphie pour se diriger vers... des intrus.
Surpris, il se redressa pour scruter l'horizon et ces individus étranges qui défiaient l'inéluctable. L'un d'eux, le plus vieillissant du lot, s'approcha de lui, après s'être faufilé entre les glaives émoussés de ses compagnons fantomatiques. Incrédule, il le dévisagea et murmura pour lui-même.
"C'est impossible... Rien ne peut changer... Comment ?"
Le nain secoua la tête en réponse aux interrogations du sorcier naïf. Des siècles qu'ils étaient ainsi prisonniers... Bien sûr qu'il avait essayé, de nombreuses fois, échouant sans cesse à combattre le destin.
"Je n'ai pas d'influence sur eux. Ils ne m'entendent pas. Ils ne sont plus eux..."
Avant que le nain ne puisse continuer, le sorcier lui jeta un sort de libération. L'effet fut immédiat. La glyphe du sortilège de Marmorin entoura son corps spectral, le figeant dans une posture d'incompréhension avant de s'estomper complètement... Harb Pieudargent avait disparu, libéré du maléfice qui le maintenait dans cette réalité. La voix lointaine du nain résonna dans tout Gorab Mab :
Merci, étranger.
"Impressionnant Marmorin ! Si tu pouvais faire disparaître aussi facilement les nains Trappistes...", plaisanta Martin.
Du nain ne resta qu'un étrange morceau de céramique.
Marmorin tenta de jeter un œil dans les maisons naines, pour y déceler d'éventuels indices, mais celles-ci se dérobaient sous ses mains, comme un hologramme taquin de savonnette en pets bleus de nain.
Décidément, il n'y comprenait plus rien. Les maison ne pouvaient être touchées, mais il sentait bien les violents coups des nains qui étaient loin d'être des illusions.
Sa mission fut interrompue par l'arrivée d'un vieux camarade… ou un vieil ennemi, selon. Marmorin était d'avis de le laisser tranquille s'il ne se montrait pas hostile, ils avaient déjà suffisamment de problèmes comme ça, mais cet avis n'était pas partagé a priori.
Bien. S'il devait envoyer un par un les nains dans une autre dimension à grand coup de libération, il lui faudrait des semaines, et le capitaine n'aurait certainement pas cette patience.
Ignorant le fait que les uns tapaient sur les autres, que les autres tapaient sur l'un, et que l'un n'en semblait pas outré, Marmorin s'adressa à l'assemblée, plus perplexe que jamais, et légèrement déconcentré par les coups.
- Une idée ? Renter à la maison ? Casser le bout d'assiette magique sur la tête d'un nain ? Le jeter dans les flammes bleues pour faire des interférences dans le sortilège ? Demander l'aide des démons ? Au fait... qu'est ce qu'on fout là finalement ? Et quand est-ce qu'on mange ?
Son idée à lui, qui germait doucement à force d'énervement, était de tester ce que donnait la mort d'un nain plutôt que sa libération… Il effaça vite cette pensée de sa mémoire.
"Marmorin, cache et garde bien ce morceau de céramique que tu as trouvé. Alcéo Dalvora m'avait mentionné l'existence d'un morceau de céramique brune porté par Eldhyn Larhtreña autour de son cou et auquel il parlait. Rien d'exceptionnel selon lui, n'empêche qu'il s'en souvient 10 ans après. C'est peu probable, mais le morceau que tu as trouvé a peut-être un lien avec ce que recherchait Eldhyn Larhtreña dans les collines sanglantes. "
L'inquisiteur Bêcheur sentit une présence démoniaque s'approcher. Etait-ce ce qui avait tué sauvagement Eldhyn Larhtreña qui allait s'en prendre à eux maintenant? Non, en fait il connaissait déjà cet aura… Le mage renégat Rajaat.
Etait-il là par hasard ou avait-il flairé une source de puissance ? La soif de pouvoir de Rajaat était inapaisable, il le savait. Et depuis qu'il l'avait vu subtiliser un morceau de médénite à l'Egide de Myrinn, Martin le savait prêt à tout acte inconscient pour récupérer ce qui le rendrait plus fort.
Ce morceau de céramique n'était peut être qu'un vulgaire matériau sans intérêt, mais il était hors de question que Rajaat s'en approche.
Le sorcier blanc avait non sans peine réussi à se frayer un passage dans la marée nainienne pour rejoindre Martin et lui demander conseil sur sa trouvaille. A l'écoute de sa réponse, il se gratta un instant la barbe. Très court car la décision ne fut pas difficile à prendre.
- Si c'est un morceau de poterie sans valeur, je peux te le donner. Et si c'est un puissant artefact qui va me valoir les foudres d'un démon, je préfère te le donner. Tiens.
chuchota-t-il avant d'aller prêter main forte à Shatolissa qui semblait noyée -mais pas plus dérangée que cela - par la marée montante.
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