[RP] Le Feu de Myste
#1
Citation :L'histoire qui suit se passe il y a peu, entre la bataille de la Forteresse et les escarmouches avec les démons.
L'odeur du souffre est suffocante, épuisant petit à petit le groupe qui longe lentement les chemins de cendre pour remonter jusqu'au cœur du repaire. Qu'est-ce qu'ils vont y trouver ? Aucune idée précise là-dessus, personne n'en ait jamais vraiment ressortit pour en parler. Cendre ne perd cependant pas espoir, ses pas se font de plus en plus déterminés, ses cheveux battus par le vent qui souffle tantôt dans un sens, tantôt dans un autre fouette son visage contrit.

Devant elle, les deux elfes discutent, analysent la situation. Qaradesh est blessé, on essaye tant bien que mal de rafistoler les plaies mais le vent est si chaud qu'elle ne doute pas que la lésion doit suinter. C'était peut-être une entreprise folle qu'elle avait prise là, mais elle ne regrette rien à ce moment-là. Elle sert contre elle le livre qui prendra peut-être l'odeur des brasiers qui sont allumés tout autour d'eux. Qu'importe, ça ne sera qu'une preuve de plus que le démon en elle est bien réelle, qu'il peut être réveillé à tout moment.

Elle le sent en elle, cette boule informe, violente, cette menace qui rôde, tapis comme un prédateur derrière d'épais buissons.

Elle se couche sur le flanc pour prendre un peu de répit pendant que Lavellan monte la garde. Pieds et mains serrés contre son corps, recroquevillée pour ne rien laisser dépasser de la maigre couverture qui se soulève à chaque bourrasque chaude, Cendre ferme les paupières, épuisée mais l'envie ne manque pas.

Qui es-tu ?


Elle ne répond pas. Elle sert seulement ses phalanges graciles autour de la reliure de cuir, à s'en faire blanchir les jointures.

Pourquoi es-tu là ?

Elle a un petit sourire en coin, le songe la berce lentement.

Je ne suis personne.

La présence vrombit – elle ne la croit pas, et c'est normal, elle ment. Elle a toujours été quelqu'un, avec ce caractère de lion, cette soif infecte qui lui gratte la gorge. L'eau ne saurait pas la rassasier. Il lui faut autre chose.

Je suis là pour capturer le feu de Myste.

Il y a un long silence, et puis enfin, un rire lointain, infernal, de ceux qui glacent les os. Un elfe a relevé la tête, mais pas elle. Elle sait qu'ils sont encore loin, trop loin, mais toujours assez près pour que le Gardien les voit. Elle a un sourire, de nouveau, plus large, plus grand.

Prépare-toi, je suis bientôt là.

Un nouveau rire parcourt les plaines embrasées et les cendres couchées à la même le sol. Yùla ne répond rien cette fois ; Nikléa la saisit déjà dans ses bras et la berce, lui soufflant sur le front une brise fraîche et rassurante…
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#2
« Quand on entrera dans la chambre du Gardien, aucune erreur ne nous sera permise. »

Elle hoche la tête, d'un air entendu. C'est quelque chose que les hommes ont en commun, ce besoin maladif d'énoncer à voix haute les vérités évidentes du monde. Cendre ne dit rien cependant. Elle enfonce dans sa besace de cuir le gros livre qu'elle dépose dans un coin de la plaine embrasée. Bien emmitouflé à même le sol, il est peut-être de toute la troupe des Sentinelles le mieux caché et le plus à l'abris.

« Vaëvoriel et Qaradesh d'abord » commande la voix autoritaire.

Yùla relève le nez seulement quand son nom est énoncé. Elle hoche la tête au rythme militaire que prend la joyeuse bande. Les regards se durcissent. Ils se préparent tous à l'assaut du Gardien Incandescent. Elle aussi. Elle passe plusieurs fois sa langue sur ses lèvres, pour se les humecter. Ici l'air est sec comme un coup de trique. Il assèche tout, même les yeux. Elle sent la chaleur parcourir le bout de ses doigts, la priant de jouer avec elle. Elle a un sourire tendre à l'idée de ses esprits qui parcourent à ce moment-là Ecridel, ignorant qu'au même moment les flammes bleues invoquées par Rajaat enflamment ses alliés.

Aucune nouvelle du front, pas plus de Lenwë. Elle ne lui a pas écrit, et de toute façon, elle sait qu'il n'a jamais été bavard. Leurs retrouvailles sont d'autant plus douces. Elle ne lui en veut pas, elle pense simplement à lui quand elle passe les arches de terre séchée. Ses cheveux roux pour la première fois de sa vie ne jurent pas ; ses bottes s'enfoncent sur le sol trop sec de n'avoir plus bu depuis des années. Elle inspire de nouveau l'air chaud ; le souffre lui gonfle la poitrine avec son parfum immonde.

Elle se laisse devancer par les guerriers, ses mains s'enroulant un moment autour de son orbe afin d'en faire jaillir des flammèches aux allures de langues piquantes. Elle se hâte pour les rejoindre, mais elle ne peut pas s'empêcher de s'arrêter quelques instants. La créature qui se dresse devant elle n'a rien de pareil à aucun autre Gardien. Elle n'a jamais lu que des récits à leurs propos, mais maintenant que le Gardien se dresse devant eux, tout fait de lave et de flamme, ses yeux mordorés s'agrandissent et ses iris se rétrécissent violemment au même moment.

« Par Myste… »

Son poing ardent s'écrase au même moment sur le sol, fracassant dans un bruit de métal maltraité Qaradesh qui recule. Ses blessures à vue d'œil se sont réouvertes, mais il ne flanche pas. Il se redresse aussitôt, aidé par Antar.

Elle reste là, quelques secondes, subjuguée par le spectacle des flammes qui forment le corps de la bête. Elle s'imagine un instant que son âme à cette couleur, que son cœur a ce même brasier ardent pour composition. Cendre porte même sa main à sa poitrine où elle sent son myocarde qui frémit, et ses lèvres se déforment de bonheur.

Pour la première fois depuis longtemps, elle se sent immensément bien.

En face du Gardien du Feu de Myste, elle a l'impression de vivre l'expérience la plus intime qu'elle n'ait jamais vu. Elle regrette un moment d'être aussi égoïste alors que la furie ardente frappe et frappe, martèle de ses poings en fusion la troupe qui n'a plus rien de joyeuse à ce moment-là. Elle frémit plus fort, et comme emportée par l'exaltation qui vibre dans son sang et secoue tout son être, elle s'élance comme une seule femme dans la bataille.

Un pied devant l'autre, la sorcière se dresse face à la créature et hurle :

« Par Myste, Gardien des flammes, agenouille-toi devant ton Maître ! »

Le pilier de flamme qu'elle élève dans sa fureur frénétique fait davantage vibrer la créature qui émet un hurlement proche du rire. Mais les flammes qui jaillissent de Cendre n'ont rien de celles des autres sorciers ; plus la colère grimpe en elle, plus les flammes gagnent en chaleur, aidées par le terrain chaleureux du domaine de Myste.

La créature hurle enfin – de douleur, cette fois – quand enfin les flammes bleues se mêlent au brasier. Le Gardien gémit, et frappe de nouveau, plus fort, plus furieux. Leurs deux auras s'affrontent, s'opposent, se ressemblent. Ils luttent, des heures durant, pendant lesquelles Lavellan se met de nombreuses fois entre la sorcière et le monstre jusqu'à qu'ils arrivent enfin à l'acculer.

Elle hurle de nouveau :

« Agenouille-toi je te dis ! »

Le Gardien hurle dans une langue dont elle ne sait rien ni ne comprend quelque chose, mais l'écho de ses mots résonnent soudainement dans son crâne, avec une violence qui la déstabilise. Elle vacille, pose ses mains brûlantes sur son front en sueur. Ses cheveux roux collent à ses tempes. Elle se sent vidée soudainement, vide, mais pas de rage, seulement d'énergie.

Pour qui te prends-tu, mortelle ?

La rousse, la main toujours plaquée sur le front, rit de la même façon que lui – de ce rire excité.

Tu te trompes. Je ne suis pas mortelle.

Le Gardien frappe de nouveau, mais cette fois vers elle. Qaradesh s'interpose dans un dernier effort, lui permettant d'ouvrir la brèche. En tendant ses mains vers l'avant, les flammes qui protégeaient jusqu'alors son cœur solide comme un rubis s'écartent, obéissant par la force des choses à la volonté de la sorcière. C'est juste assez pour qu'une flèche froide ne soit tiré dans son myocarde.
Le Gardien hurle une dernière fois alors que d'un coup d'épée bien placé, Qaradesh libère enfin la voie. Les deux poings de la créature enfoncée dans le sol et son dos arqué le rendent si vulnérables que la jeune sorcière n'a qu'à se rapprocher pour arracher de ses propres mains le myocarde fumant du brasier.

Aussitôt entre ses doigts, les flammes se déchaînent, s'enroulent comme un syphon autour d'elle, disparaissant aussi rapidement qu'elles s'étaient attisées.

Le Gardien vole en cendres, laissant Cendre seule au milieu du champ de bataille. Elle tient tout contre son cœur un rubis aussi gros que son orbe des flammes. Ce n'est pas vraiment une pierre ni même une gemme, car il est facile d'écouter et d'entendre le pouls qu'il émet. C'est régulier, terriblement régulier, alors même que le myocarde de la sorcière bat à lui exploser la poitrine.

« Cendre ? »

Elle reste de longues secondes sans répondre avant de tourner ses yeux dorés sur ses amis.

Le sourire qui lui barre le visage est celui d'une enfant qui vient de vaincre un cauchemar.

Ils s'approchent calmement d'elle alors qu'elle murmure du bout des lèvres, en pouvant pas contenir plus longtemps l'ardeur et la fougue qui la saisit à ce moment-là :

« Nous avons réussi. »

Elle rit, ivre, transportée par quelque chose – un songe – un rêve.

J'ai réussi.

Par Myste, j'ai réussi.
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