[RP] Longue vie au Roi !
#61
Le vieil homme fronça les sourcils, suspicieux. Il secoua la tête négativement. Puis s'assurant qu'aucune oreille indiscrète n'écoute cet échange en dehors de la sorcière, il répondit en chuchotant.

Nous avons dû nous débarrasser de quelques corps, négociant, marchand, ambassadeur de nummerth... et il est possible que la personne que vous décrivez en fasse partie. Il y a bien eu cette envoyée de princesse mais elle est partie précipitamment en pleine nuit pour je ne sais quelle raison. Nous ne l'avons pas revue depuis.

Il marqua un temps de pause avant de poursuivre sur un ton plus triste affichant un air désemparé.

Nous autres, pequenauts au service de l'intendant, nous nous serons les coudes. Nous savons ce que Grid est capable de tuer avec tant de froideur, mais c'est la première fois qu'il déchaîne sa colère sur l'un d'entre nous. Peut-être que vous avez raison, il n'est plus temps de se taire.

Le regard perdu, il s'avança lentement vers l'aile des domestiques.
Répondre
#62
"Je vous donnerai cette occasion de témoigner...", murmura-t-elle plus pour elle-même que pour lui. Elle l'observa s'éloigner, songeuse. Ses yeux se fixèrent alors sur le sol parfaitement propre sur lequel s'était trouvé le corps du malheureux. L'état de la chambre de Demeline lui revint en tête avec ses traces de sang mal-nettoyées qu'un domestique zélé par la peur de son supérieur n'aurait laissé. Cela n'allait pas.

Elle esquissa un sourire énigmatique. Resserrant son manteau improvisé, elle jugea opportun de retourner dans sa chambre. Elle n'en apprendrait plus pour cette nuit et mieux valait s'en tenir son rôle de négociante en grains bien sage. On viendrait probablement la chercher aux aurores, Grid ne tolérant pas d'avantage sa présence.
Répondre
#63
On toqua à la porte en début de matinée.

Madame, je dépose votre collation au pied de votre porte. L'intendant a sollicité votre départ dans les plus brefs délais, sous peine d'exiger un supplément.

Si le soleil avait réchauffé la chambre depuis un moment, le calme régnait dans le domaine, repos bien mérité après une nuit bien agitée.
Répondre
#64
Une voix dans le couloir fit se redresser soudainement Selinde que les doux rayons de soleil pointant derrière les tentures chatoyantes n'avaient su éveiller. La tête posée sur son avant-bras, elle avait laissé le sommeil l'emportait sur la vigilance et s'était endormie sur le bureau, abandonnant ses réflexions au lendemain.

Elle étira ses membres endoloris par l'inconfort de la nuit et se leva pour récupérer ce qui aurait dû être son petit déjeuner. Malgré les grommellements bruyants de son estomac, elle porta le plateau aux côtés du premier sans y toucher. La sorcière trouverait bien un rongeur ou un reptile à griller sur le chemin du retour. Ce ne serait pas la première fois qu'elle se contente d'un tel repas.

Ses affaires réunies, elle traversa la demeure du Caldras, saluant les domestiques qu'elle croisa d'un sourire pour rejoindre le hall principal. Elle ne pouvait rien de plus pour eux pour l'heure. En l'absence du Médéon Mierelli et de son fils, l'intendant régnait en maître sur le domaine, s'octroyant à cette occasion le droit de vie ou de mort sur ses gens. Où était donc la fameuse justice prônée par la Princesse dans son ordre de mission à Delemine ? Dans la main tranchée d'un gamin affamé ayant eu le malheur d'être surpris en flagrant délit pour le vol d'une pomme, probablement. Sa colère s'éveilla plus encore en apercevant Grid. Ce sale rat ne s'en tirerait pas à si bon compte…

“Je présume que mes sacs de céréales m'attendent près des silos à grain, accompagnés de tous les documents rédigés et signés de votre main faisant état de la régularité de cette transaction ? Fort bien. Je m'y rends de ce pas après avoir récupéré de quoi les transporter,” lui lança-t-elle avant qu'il n'ait l'occasion d'annoncer un surplus de prix quelconque.

Au plaisir d'une collaboration future, Messire", ajouta-t-elle en tendant sa main dans une amabilité feinte.

Après ces répugnantes politesses d'usage, elle quitta le manoir. Ce n'est étonnamment qu'une heure plus tard qu'elle se présenta devant les greniers du domaine, sa licorne tenue par la bride. La présence de la créature féérique du Pelethor avait suscité les murmures et les regards en coin. Si Selinde n'avait pas évoqué son nom une seule fois, même lorsqu'il lui fut demandé, cette fois-ci, elle savait que son identité serait sur toutes les lèvres. Le doute n'était plus permis : nul autre que la commandante de la Salamandre chevauchait une licorne noire dans tout le royaume talien.

Elle fit signe aux deux hommes qui attendaient, un peu inquiets, à côté de deux sacs de céréales. Des paysans chargés aussi bien des récoltes que de leur conservation dans les greniers, déduisit-elle à leurs accoutrements et tâches.

“Messieurs, je suppose qu'il s'agit des biens que je viens d'acquérir. Aidez-moi les installer bien en équilibre, de part et d'autre de son dos, je vous prie. Le poids doit être réparti équitablement. Ce n'est pas une bête de somme...”, ajouta-t-elle en observant l'animal renifler d'impatience. Elle lui flatta l'encolure pour le calmer et lui murmura quelques mots auxquels la bête répondit par un coup de sabot rageur sur le sol avant de poser affectueusement les naseaux sur l'épaule de sa cavalière.

Bien que peu rassurés, les deux ouvriers agricoles se mirent au travail, soulevant l'un des sacs. Pendant qu'ils s'affairaient, la sorcière initia un interrogatoire, maquillé grossièrement en conversation anodine.

“Je suis désolée de vous avoir fait attendre si longtemps, vous deviez avoir bien d'autres besognes à effectuer ce matin. L'intendant n'est pas un homme facile à vivre à ce que l'on murmure, surtout depuis l'absence de Sa Seigneurie Mierelli. Remarquez, dans les champs, il ne peut être dans votre dos continuellement. A moins qu'une autre personne soit en charge des récoltes sur le terrain ?”


Citation :[HRP]Avec toutes mes excuses pour le retard dans ma réponse.
Répondre
#65
Les deux hommes n'eurent aucun mal à suivre les ordres. Les sacs furent placer de part et d'autre de la licorne et accrochés avec soin. Si l'animal réputé légendaire aurait émerveillé n'importe quelle petite fille, les paysans n'accordèrent aucune importance, préférant se débarrasser de cette corvée au plus vite.

Selinde engagea la conversation et n'eut qu'un haussement d'épaule en réponse. Une barbe mal taillée allongait leur visage et leur regard ne montrait aucune émotion. Les travaux des champs ne leur permettaient pas de se laisser aller aux émotions.

Ou à répondre aux questions.

Estimant avoir fini leur tâche, ils prirent congé et l'un d'eux lâcha sur le départ une phrase dans le patois local sans effort d'articulation.

Meril'est'ti, Grid'en'fout. Vient'mais'champ. Veille´silos
Répondre
#66
Selinde soupira. L'accent de la capitale, employé par le bas-peuple, différait grandement de ce patois local. Elle ne sut reconnaître que quelques mots sans pour autant percevoir le sens de ce qu'avait voulu lui signifier le paysan. Ce pauvre hère, que le labeur avait aliéné et la fatalité éreinté, ne lui serait d'aucune aide pour comprendre ce qui se tramait réellement à Balard.

Malgré la frustration ressentie, elle se contenta de le remercier d'un sourire. Il n'avait été le seul à se montrer si peu loquace. Nul ne souhaitait aborder la vérité, préservant sa lâcheté dans le silence, ou sa culpabilité dans le mensonge. La demeure de Médéon Mirelli garderait ses secrets encore un temps.

Ses pas la conduisirent bien vite à la sortie du bourg, la bride bien serrée dans sa main. Privée de sa monture devenue portefaix, le retour à Yris serait épuisant et terriblement long. Mais selon ses estimations, elle devrait être sur place dans les délais qu'elle avait fourni à cet elfe prétentieux assez désespéré pour requérir son intervention dans une affaire de la Haute Inquisition, une institution qu'elle avait en horreur.

Et puis… Et puis… Selinde avait écrit à l'attention de la princesse Elene. Elle avait longtemps hésité, déchirant et brûlant des dizaines d'essais en quête des mots les plus appropriés. Mais nulle expression n'avait été à la hauteur des inclinaisons de son coeur. Sa prose était restée lacunaire sur ses états d'âme et ne traitait, en apparence, pas de l'affaire qui les occupait toutes deux par mesure de précaution. Quelques allusions, néanmoins, laisseraient à deviner à la princesse du véritable objet de sa requête.

Avant de se rendre devant les greniers, elle avait déniché aussi bien quelques vivres pour le voyage qu'un coursier fiable, qui porterait sa missive jusqu'au palais bien avant elle. Devancée par sa propre missive, elle espérait que celle-ci parvienne dans les mains de la princesse suffisamment tôt pour qu'elle puisse la recevoir à son arrivée.


[Image: 5MXJsXY.jpg]
Répondre
#67

La jeune femme ferma un poing rageur sur le délicat bijou. L'anneau d'or massif qui trônait dans le creux de sa paume, était surmonté d'un “S” de rubis, dont elle n'avait jamais réellement su s'il s'agissait de sa propre initiale ou de celle de la famille que Victor entendait lui faire rejoindre par ce présent onéreux.

Comme elle le haïssait. Ce traître qui avait choisi la mort pour ne pas avoir à tenir ses promesses. Ce scélérat qui l'avait lâchement abandonnée et osait, bien des mois plus tard, ressurgir de sa tombe avec cette bague et quelques mots d'adieu sur une lettre froissée. Pourquoi fallait-il qu'il vienne la hanter de la sorte après tout ce temps ?

Furieuse, ses pas pressés résonnaient sur les pavés menant au palais royal et faisaient virevolter des pans de sa robe écrue. Mieux apprêtée et plus féminine qu'à l'ordinaire, quelques regards se détournaient sur son passage, pour admirer la beauté lunaire de cette femme à l'allure conquérante.

Selinde avait choisi d'évoquer par ses atours, quoique d'un tissu plus raffiné, sa rencontre nocturne et secrète avec la princesse Elene. Ses cheveux laiteux étaient coiffés en une longue et unique tresse, placée sur son épaule dénudée. Quelques traits noirs rehaussaient l'insolente lueur de ses yeux bruns clairs tandis qu'une touche de rose, légère et discrète, colorait ses pommettes et illuminait son visage, souvent jugé d'une effroyable pâleur par sa mère.

C'est en dame, et non en soldate qu'elle se présenta devant les sentinelles, à qui elle expliqua brièvement sa volonté d'obtenir une audience avec Elene Volaran. Elle attendrait autant que nécessaire s'il le fallait.

Répondre
#68
Un garde, non sans un coup d'œil vicelard, se précipita auprès de son supérieur pour le prévenir de la demande. Quelques instants plus tard, un homme bien bâti et lourdement armé se présenta devant la porte où Selinde faisait le pied de grue.

La princesse va vous recevoir dans ses appartements, et je vais vous y conduire.

Le capitaine passa la porte, la mage à sa suite, et les deux gardes en facture ne manquèrent rien au spectacle.

L'homme menait la marche et lui fit prendre de nombreux passages, couloirs, escaliers montant ou descendant, avant de toquer à une porte que Selinde reconnut bien, puisque la princesse la recevait au même endroit que leur dernière entrevue. Une voix féminine les invita à entrer, et à la vue de la sorcière, la princesse se troubla légèrement d'un mélange de surprise et de jalousie. L'image d'une aventurière en robe de soirée est assez déconcertante, surtout si ses formes sont parfaites... Comment avait-elle le temps d'être aussi resplendissante avec autant d'affaires d'état urgentes à gérer ?

Remise de ses émotions, elle l'invita à s'asseoir et d'un sourire aimable, elle annonça.

J'ai reçu votre missive hier, mais je m'interroge sur vos découvertes. Pourriez-vous m'en faire part ?
Répondre
#69
Si la sorcière remarqua les coups d'oeil lubriques de la gente masculine à son égard, elle n'en fit rien paraître et se contenta de suivre le capitaine, le port de tête bien droit dans ce dédale de marbre. Les couloirs du palais n'en finissaient pas, rendant délicat, voire impossible l'exercice mental auquel Selinde se prêtait à chaque fois : repérer les lieux et les inscrire soigneusement dans sa mémoire.

Un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle reconnut la porte des appartements de la princesse. Il s'accentua plus encore lorsque la voix délicate, mais ferme d'Elene l'invita à entrer. Ce que la pyromancienne fit, dissimulant sa dilligence sous le masque solennel d'une révérence qu'elle espérait gracieuse.

“Votre Altesse royale…”

Elle releva la tête et tout en s'installant à la place indiquée, détailla des yeux la jeune souveraine. De sa chevelure auburn à ses doux yeux gris-bleus. De sa bouche si finement dessinée à ses adorables pommettes rosées. Selinde acquiesça d'un signe de tête nonchalant vers l'avant.

“Bien entendu, Votre Altesse. Je ne pouvais exposer ces faits qu'à vos seules oreilles, les courriers n'étant pas dignes de recevoir certaines confidences. Mais procédons dans l'ordre, je vous prie, et établissons méthodiquement les faits à la lumière des informations que je vous soupçonne de détenir.”

Sur ces quelques mots, elle croisa sa jambe la déposant sur la seconde et releva négligemment les pans de satin de sa belle robe écrue pour en dévoiler un mollet d'albâtre qu'une lanière de cuir enchainait de croisillons bruns sur toute sa longueur. Selinde défit le lacet sans effort et délivra ainsi, un étui cylindrique qu'elle maintenait là, à l'abri des regards.

Elle se redressa sur son fauteuil faisant face à Elene qu'elle gratifia d'une furtive oeillade de connivence. Après avoir récupéré les quelques parchemins qui dormaient dans l'étui secret, elle lui en tendit un.

“Je crois que ceci ne vous est pas étranger.”

Il s'agissait de l'ordre de mission de Delemine, signé de la main-même de son interlocutrice.

“Seriez-vous en mesure de me préciser où se trouve votre émissaire à l'heure actuelle ?”

La question semblait banale, laissant présager que la sorcière souhaitait parler à celle qui l'avait précédé dans cette investigation et qui avait probablement découvert bien des mystères. Mais à la vérité, c'étaient la découverte du corps inerte de Delemine dans le laboratoire secret et la version racontée par ce vieux serviteur, quelque peu lâche, sur le départ précipité de l'envoyée de la princesse qui l'avaient motivée.
Répondre
#70
La princesse blêmit à la lecture de la missive et leva lentement les yeux vers la sorcière, ou plutôt son regard inquisiteur. Elle déglutit avec peine, sentant le poids de l'accusation silencieuse.

Où... où ... avez vous trouvé cet ordre de mission ?

La bouche de son interlocutrice demeura fermée. Tant de responsabilité incombait la jeune souveraine, tant d'affaire qu'elle devait gérer en imposant sa volonté, et pourtant, face à Selinde, elle se sentait impuissante, presque sous son joug, sans qu'elle parvienne à ne l'expliquer.

Un long soupir précéda sa réponse.

Je... je lui avais ordonné de mener l'enquête lorsque je n'avais que des suspicions sur le Caldras. C'est ma meilleure espionne qui s'immerge complètement et donne peu de nouvelles.

Lorsque je fus convaincue qu'une mystérieuse magie était à l'œuvre, je me suis tournée vers l'inquisition elfique, qui m'a défendu de dépêcher quelqu'un chez Mierelli pour enquêter. J'ai donc gardé cette information pour moi... et je vous l'ai donc cachée.
Répondre
#71
"Peu importe vos raisons de me cacher ce fait comme tant d'autres dans cette enquête, ce n'est pas la question que je vous ai posé", répliqua la sorcière en pianotant de ses doigts le bois du bureau.

"Où pensez-vous que se trouve Delemine en ce moment-même ? A quand remonte son dernier rapport auprès de sa hiérarchie ?"

Le ton de Selinde s'était fait plus autoritaire qu'elle ne l'avait voulu, mais l'absence d'une réponse claire et précise sur le devenir de l'émissaire royale n'avait fait qu'attiser ses craintes d'usurpation d'identité. Elle devait savoir si son départ précipité avait été une fable narrée pour que nulle ne s'inquiète de son absence, ou si quelqu'un avait pris sa place d'une façon ou d'une autre.
Répondre
#72
La jeune souveraine accusa le coup, et resta coite devant cette agressivité. Elle était princesse, elle tentait de garder à flots la nation talienne, gérant au mieux les affaires du royaume. Et pourtant, cette sorcière n'avait cure des traditions, du respect des règles. Elle s'adressait à elle comme à un domestique. Il était peut-être temps de s'affirmer.

Elene se redressa et afficha un air supérieur. Elle émit un soupir pour expulser tous ses sentiments parasites et répondit d'une voix assurée.

Cessez cet interrogatoire et ses accusations gratuites et sans fondements, dois-je vous rappeler que je peux donner l'ordre de vous jeter au cachot ? Nous ne pourrons progresser sans un minimum de respect !

Les mots étaient sortis tout seul de la bouche, et pour la première fois depuis le début de leurs entrevues, elle venait de s'afficher en souveraine, en dirigeante. Elle maintint un silence pour ménager l'effet de ses paroles avant de poursuivre.

J'ai confiance en Delemine, et ses rapports sont loin d'être réguliers. Ses méthodes, parfois discutables, sont souvent couronnées de succès. Son dernier rapport remonte à...

Elle fouilla dans un tiroir de son bureau, sans que Selinde ne puisse voir un document, puis après l'avoir refermé, elle poursuivit.

... le lendemain de notre dernière rencontre. Elle affirmait comme vous que Mierelli n'était qu'un pion, que l'accusation de Mierelli était prématurée, et qu'elle se mettait en quête de la personne haut placée qui tirait les ficelles.
Répondre
#73

“Veuillez pardonner mon insolence, votre Altesse, les usages de cours me sont étrangers. Si vous parler avec franchise et sincérité dans l'intimité de vos appartements est un crime de lèse-majesté, alors n'attendez plus pour m'exiler aux confins du royaume, car il n'est pas d'autres formes de respect plus vraies que je saurai vous démontrer à l'avenir.

Il me répugne à vous traiter à la manière de vos courtisans, de sourires cajoleurs en compliments de façade pour l'obtention d'une faveur savamment amenée. Vous n'êtes pas cette marionnette d'apparat dont l'on tire les ficelles à force de cérémonieuses génuflexions et de fades ritournelles modulées pour vous être agréables.”


Selinde s'était levée, posant les mains sur le bureau et se penchant légèrement vers son interlocutrice. Elle parlait avec passion et libérée de toute retenue sentimentale.

“Vous êtes d'avantages que cela. Vous méritez bien d'avantages que ce simulacre de vérité dont votre entourage se complaît à vous rapporter pour mieux vous influencer ! Que d'inepties vous a-t-on soufflé… Cette inquisitrice…”

Ce dernier mot fut lâché dans un murmure à peine audible, dont pourtant, il perçait tout le mépris que la pyromancienne avait pour cette institution, et cette mystérieuse femme. Après une courte pause, elle reprit son discours exalté.

“Le respect que je vous offre, est dénué de fard et de manières, mais est emprunt d'une affection authentique, nue de tout faux semblant tel qu'elle existe en dehors de ce palais !

Dés l'instant où je vous ai vu, j'ai cru en votre bon jugement. Derrière votre rousse chevelure, j'ai reconnu le regard déterminé d'une femme admirable, prête à bien des sacrifices pour son peuple. Ce jour-là, vous avez fait battre mon coeur plus fort encore que j'en ai mis ma vie en balance pour vous offrir la première victoire militaire d'envergure de notre nation depuis des années dans l'espoir d'attirer l'attention de vos sublimes yeux.

Mais ils n'ont fait que se détourner, m'abandonnant à l'illusion de quatre simples mots écrits de votre main en paraphe d'une missive rédigée à la hâte. S'ils avaient été sincères, vous auriez compris en quelle cruelle préceptrice j'avais oeuvré pour vous préparer à affronter bien moins attentionnés que moi, quitte à ce que vous me détestiez dans l'opération.

Mais c'est un fardeau que je ne saurai porter plus longtemps tant je n'espère qu'un geste tendre de votre part.”

Elle recula de quelques pas, s'inclina dans une révérence soigneusement exécutée et se dirigea sans un mot de plus vers la porte.

Répondre
#74
Le monologue empli de passion eut autant d'effet qu'une frappe physique. Elenna était rodée aux courbettes visant à la courtiser, aux mondanités pour la marier de force avec n'importe quel fils d'un riche caldras, à cette enchère de présents de numerth pour attirer son attention, voire ses faveurs. Si repousser les avances fut difficile, elle avait su esquiver tous les mariages arrangés plus ou moins facilement. Et même si l'état de son père n'avait qu'empirer le nombre de demandes et la pression de celles-ci au point de se construire une façade de marbre, impitoyable et impartiale.

Se jeter à corps perdu dans les affaires d'état fut pour elle un salut, et une manière détournée de se faire un nom auprès de ses bourgeois adeptes de courbettes et d'éloges, une manière d'exister en qualité de princesse, et non de fille de roi. La princesse avait mué en souveraine, inspirant un mélange de crainte et de respect.

Cette nouvelle vie avait petit à petit gagner la sphère privée, éclaircissant les rangs de ses amis. Elle avait appris à cacher sa jeune insouciance - sa compassion, sa joie de vivre et sa bonne humeur - derrière cette façade d'héritière du royaume talien.

Sauf lors d'entrevue privée dans cette antichambre.

Sauf lorsqu'elle recevait une femme franche sans aucun filtre.

Sauf lorsqu'elle se tenait face à son modèle d'indépendance et de volonté, incapable de ployer devant la gente masculine.

Sauf devant Selinde.

Et pour la première fois depuis leur rencontre, la sorcière venait d'avouer sa faiblesse, l'inondant de compliments, elle qui à l'accoutumée, la poussait dans ses derniers retranchements. Les pommettes de ses joues virèrent au rouge et son regard posé sur le dos de la pyromancienne se fit plus appuyé, comme si elle découvrait son interlocutrice sous un nouveau jour. La robe, la révérence, le maquillage, tant d'indice qu'elle avait ignorés, préférant garder ses œillères pour rester concentrer sur l'affaire.

Selinde avait la main sur la porte lorsqu'Elene ouvrit la bouche.

Mon rôle ne me laisse pas maître de mes sentiments, et il n'y a pas de place pour eux dans cette vie déjà toute tracée.

La pause fut appuyée, lui laissant le temps de refouler ses émotions. Elle s'était résignée, et avait balayé tout espoir d'avoir une vie heureuse. Les mots qui suivirent détournèrent la conversation sur un autre sujet.

J'ai appris à me méfier de cette inquisitrice : Lhusthe.
Répondre
#75
Selinde s'était retirée avec toute la dignité possible après de telles confessions qu'elle regrettait déjà amèrement. N'avait-elle pas pu taire ses sentiments alors qu'elle disposait de bien des éléments pour reprendre l'ascendant sur leur conversation ? Sa lèvre inférieure, mordue jusqu'au sang, en témoignait cruellement.

Sa main posée sur la poignée s'arrêta. Elene, la belle Elene, ne la rejetait pas complètement. Ou du moins pas spécifiquement. Etait-ce un prétexte pour ne pas justifier d'un refus ou au contraire, la conviait-elle à apprivoiser son coeur ?

... Lhuste.

Elle fit volte-face soudainement pour retourner sur ses pas, ses états d'âme évaporés et ses jupons torrentueux. Sa main se crispa sur l'étui de cuir qui renfermait toutes les preuves collectées jusqu'à présent.

“Lhuste, vous êtes certaine ?” siffla-t-elle, venimeuse d'un fiel foudroyant. “Cette femme a séjourné à Balard pendant de nombreuses semaines. Elle y réalisait des expériences portant sur l'accélération de la culture céréalière dans un laboratoire dissimulé sous la bibliothèque du Caldras. Tenez, voici ses propres notes, ainsi que quelques croquis de ce que j'y ai vu.

Mais ce n'est pas tout.”


Elle lui tendit les documents.

“Votre Altesse, je vous prie de vous asseoir. Ce que j'ai à vous révéler ne sera pas plaisant.”
Répondre
#76
Elle s'installa sur son siège pour étudier les documents que la sorcière venait de lui remettre. L'écriture des missives lui était familière mais les mots relevaient d'un autre vocabulaire, plus scientifique, et le style était moins ampoulé, plus directif.

La ribambelle de médecins royaux et autres scientifiques affublés d'un titre prestigieux lui avaient présenté diverses expériences, parfois farfelues, pour guérir le roi, et elle avait dû apprendre à déceler le charlatan de l'expert. Mais là, les croquis montraient une expérience chimique inconnue mais plausible.

Les pièces du puzzle se mettaient en place, et la princesse comprit que l'inquisitrice jouait un double jeu.

Elle leva les yeux vers Selinde, avec une lueur de compréhension. Son regard se fit passionnel, sans savoir si c'était pour son travail ou son interlocutrice.

Elle m'a été envoyée par la haute inquisitrice, ce qui a endormi ma méfiance. Pourtant, son comportement n'était pas net, sans avoir de preuve pour mettre en défaut sa malhonnêteté.

Elle parcourut du regard tous les documents étalés sur le bureau et s'attarda sur la signature.

La signature "L." serait donc celle de l'inquisitrice Lhuste, lorsqu'elle agit dans l'ombre. Vous venez une nouvelle fois de me confirmer mon erreur puisqu'elle m'avait suggéré d'envoyer au front le caldras... dont je n'ai plus de nouvelles via mes espions.

Elle soupira, cherchant à soulager ses épaules du poids du royaume. Elle reprit sur un autre sujet.

Qu'avez-vous à me dire d'autre ?
Répondre
#77
Selinde était restée debout, légèrement penchée vers son interlocutrice, de façon à pointer du doigt les documents qu'elle jugeait opportuns à ses explications. Malgré sa posture aguicheuse, son visage restait figé dans une ferme gravité. Elle hocha la tête pour acquiescer et sans mot dire, elle avança le parchemin compromettant que la princesse, elle-même, lui avait confié.

« Que ce « L » a été, fort piteusement, imité dans l'objectif probable de voir porter la culpabilité de l'empoisonnement du roi par cette inquisitrice et le caldras de Balard. Cette tierce personne paraît avoir profité de ce contexte expérimental pour nous mener vers cette conclusion hâtive. Pour autant, cela n'en fait pas des innocents.

Comme vous le soulignez, le comportement de cette Lhuste est particulièrement trouble et... »


La sorcière marqua une pause songeuse, tout en sélectionnant la lettre de l'inquisitrice à Israfel, récupérée d'une poche de ce manteau qu'il avait placé sur ses épaules dans un excès de fausse galanterie.

« Il s'agit d'un extrait de la correspondance épistolaire qu'elle a entretenu brièvement avec le baron Aedarion, suite à sa volonté d'organiser une expédition à l'est d'Andoras. C'est dans ce lieu, selon ses propres dires, qu'une troupe inquisitoriale, dont elle serait l'unique survivante, aurait été exterminé par un démon, prisonnier ou gardien, des entrailles de la falaise.

Hormis sa survie miraculeuse, ce récit interroge. Comment expliquer qu'elle ait pu se trouver à tant d'endroits si éloignés en un laps de temps si court ? Elle ne pouvait logiquement murmurer à votre oreille ces mauvais conseils, déguisés en merveilles, tout en revenant de cette escarmouche funeste l'ayant laissée aux portes du Royaume d'Anastraph.

J'espère élucider le mystère de son don d'ubiquité en me rendant sur les lieux, accompagnée par la Salamandre. Et avec elle pour guide.

Peut-être même y retrouverai-je la trace de Mierelli tant tout me paraît sombrement lié... »

Elle se redressa doucement et fixa Elene. Elle semblait hésiter et ne commença à parler d'une voix affligée.

« Mais avant de partir, Votre Altesse, je me dois de vous apprendre une triste nouvelle…
Delemine est morte. J'ai retrouvé son corps, en décomposition, dans ce laboratoire souterrain à Balard. »
Répondre
#78
La princesse accusa le coup et eut des difficultés à refouler ses larmes. Bien que les derniers évènements lui avaient forgé un cœur de pierre, sa sensibilité était exacerbée en présence de la magnifique et énigmatique Selinde. Préférant éviter le sujet pour ne pas succomber à ses émotions, Elene fit part à haute voix de son raisonnement.

Selon vos conclusions, deux personnes signent sous la lettre L. L'une entre elle usurpe l'identité et a laissé traîné la missive adressée à Mierelli pour que je l'accuse et désigne Lhuste comme sa complice. Cette missive a été découverte au domaine du Caldras, il ne peut donc s'agir que d'un proche à qui profite le bénéfice de ces accusations. Ou alors un allié de Lhuste qui cherche à l'évincer ?

Dans les deux cas, cette personne aurait pu tenir un rôle permettant à l'inquisitrice d'être présente sur deux fronts en même temps.


Elle émit un son guttural indiquant une intense réflexion. Puis voyant la pyromancienne sur le départ, elle ne put s'empêcher de la mettre en garde.

Soyez prudente, vous ne savez pas de quoi Lhuste est capable. Je doute que ses manipulations soient du ressort d'une simple inquisitrice assoiffée de pouvoir. Elle doit cacher son jeu. Tenez-moi informée de l'évolution de votre expédition.

Puis elle la gratifia d'un sourire en posant tendrement sa main sur celle de la sorcière et glissa ses derniers mots d'encouragement.

Bonne chance, Selinde.
Répondre
#79
Selinde hocha la tête pour acquiescer aux conclusions de la princesse. Elle répéta machinalement quelques mots prononcés juste avant, comme s'ils étaient une incantation capable de dissiper les ombres qui la séparaient de la vérité.

"Un allié proche qui voudrait l'évincer... A qui profiterait de l'exil du Caldras, si ce n'est cet odieux intendant dont je vous ai fais mention dans ma missive ?

Lorsque j'ai été à Balard, je m'attendais à être reçue par le fils ainé et héritier de la Maison Mierelli, mais c'est un homme en haillons, Grid, qui administre et gouverne le domaine en l'absence de son seigneur. Il est haï par ses subordonnés qui le craignent. A juste titre.

Même en ma présence, il n'a pas hésité à ôter la vie d'un des domestiques pour l'exemple, suite à l'effondrement de plusieurs bibliothèque. Incident dont il n'était aucunement coupable, et pour cause, il était de mon fait."


La sorcière parut l'espace d'un instant aussi affligée qu'horrifiée sous le poids d'une culpabilité qu'elle n'avait pourtant pas à porter, mais se reprit bien vite.

"Ce n'est bien évidemment pas suffisant pour le faire arrêter, la noblesse ayant droit de vie ou de mort sur ses gens... Il ne s'agit que de leurs biens, après tout, dont ils disposent comme ils l'entendent. Mais... de ce que j'en sais, il est aussi responsable de la disparition, du meurtre plutôt, de nombre d'émissaires de diverses famille noble et de marchands. Les témoignages de la maisonnée vont en ce sens. Ce motif serait suffisant pour l'incarcérer et l'interroger, j'imagine, surtout avec le corps de votre espionne toujours dissimulée dans la demeure.

Un corps dont il connait indéniablement l'existence. Il ne peut qu'être lié à cette affaire... Reste à savoir comment.
J'aurai souhaité poser, moi-même, les questions, mais cette expédition me parait prioritaire."


Elle soupira et se leva lentement, son rapport terminé. Prise d'une soudaine inspiration, elle ajouta :

"Selon vous, serait-il incongru pour une souveraine de demander à la Haute Inquisitrice Hràvan les antécédents complets d'une agente qu'elle lui aurait affectée dans le cadre d'une affaire particulièrement sensible ? Le passé de Lhuste et ses états de service pourraient peut-être nous éclairer sur ses motivations, mais je ne dispose d'aucune autre voie que la vôtre pour les obtenir.

Si vous me le permettez, je vais prendre congés."


Avant qu'elle n'ait eu le temps de s'éloigner et de gratifier son hôtesse d'une révérence, elle sentit une douce chaleur sur sa main. Un contact agréable. Surprenant, mais particulièrement agréable. Prise au dépourvu par ce geste affectueux, la sorcière en perdit brièvement sa répartie. Ses yeux noisettes se penchèrent sur la princesse avec l'empreinte d'un émoi intérieur, gage d'un sentiment plus profond.

"Je n'y manquerai pas, Votre Altesse."

Ses doigts s'immiscèrent délicatement entre ceux d'Elene et de cet entrelacement, Selinde lui offrait tout autant son soutien que son affection. Les yeux noisettes de la pyromancienne se perdaient sur le visage fin et gracile de la princesse, s'abandonnant parfois avec tendresse, sur une de ses jolies boucles rousses.

Bonne chance, Selinde.

Elle acquiesça et porta délicatement à ses lèvres la main de la future souveraine, sur laquelle elle déposa un tendre baiser.

"Vivre, c'est défier l'augure. Ne l'oubliez jamais, Elene.

Sa voix avait glissé sur son prénom telle une suave caresse tandis que le reste de ses paroles suscitait une ambiguïté latente sur leur objet réel.
Répondre
#80
Une fois de plus, Selinde approchait, les pans de sa robe somptueuse virevoltants au rythme de ses pans pressés, vers la grande porte du palais d'Yris, gardée par quelques sentinelles lourdement armées. Malgré les légères touches rosées qui enjolivaient son teint diaphane, ses traits paraissaient tirés.

Elle avait peu dormi et cela se devinait aux cernes qui soulignaient ses yeux noisettes. La nuit dernière avait été passée à déchiffrer le mystérieux carnet qu'elle tenait sous le bras et dont elle ignorait encore si elle pouvait se fier aux informations qu'il contenait. Son auteur avait multiplié les protections pour s'assurer de sa lecture seule. Cette pensée la fit sourire. Il s'y était tant appliqué qu'elle n'avait comprit son indice et avait du employer une méthode moins conventionnelle pour passer outre le code qu'il avait créé.
Un chemin détourné.
Comme toujours.

Etrangement, elle était accompagnée d'un homme, une Salamandre si l'on en croyait la broche qu'il portait sur son veston. Sa voix autoritaire claqua auprès d'un garde.

“Prévenez Son Altesse Royale, la princesse Elene Volaran, que Selinde Belroza sollicite l'honneur d'une audience auprès sa personne dans les meilleurs délais. Précisez lui que je suis accompagnée de Davos. Elle saura.”

La sorcière n'avait visiblement pas de temps à perdre, et n'entendait pas être contredite par quiconque.
Répondre
#81
Si la venue de la sulfureuse pyromancienne était monnaie courante, les gardes hésitèrent un instant en voyant l'homme qui l'accompagnait. Un des hommes plus téméraires que ses camarades, osa interpeller Selinde.

Nous ne sommes pas autorisés à laisser passer des étrangers pour une audience avec la princesse Elene. Vous seule...

L'empoisonnement du roi avait eu quelques conséquences sur la sécurité, et bien que la cheffe de la Salamandre pouvait presque considérer le palais comme sien, ce n'était pas le cas de ses compagnons.
Répondre
#82
"Cet homme est un témoin majeur dans une affaire qui suscite un très vif intérêt chez Son Altesse Royale. Je doute qu'elle appréciera être privée d'un tel récit par ses propres hommes.

Mais si vous estimez que je ne suis d'aucune manière capable de maitriser un homme, souffrant encore de nombreuses blessures, je vous prie de nous escorter. Attachez donc ses poignets s'il vous intimide à ce point.
Et allons-y prestement. Nous n'avons pas le temps de tergiverser dans d'aussi insignifiantes considérations."


Sans hausser le ton, elle parla d'une voix où le sarcasme et le mépris se mêlaient. Elle fit signe à Davos de se laisser faire, tout en lui adressant un regard appuyé suffisamment expressif pour qu'il puisse y lire son message silencieux "ayez confiance en moi". Elle croisa alors les bras, attendant d'un air impatient que le garde s'exécute ou s'excuse.
Répondre
#83
Si le garde avait perçu le sarcasme, il afficha un air niais en hochant la tête. Il se dirigea vers l'étranger pour lui attacher les poignets, puis il se dirigea dans un renfoncement de la pièce, et s'engouffra dans une ouverture, incitant Selinde et l'homme entravé à le suivre.

De longs détours par des couloirs, escaliers, et passages étroits les menèrent à une antichambre que Selinde connaissait bien. Le garde fit un geste de la main pour stopper leur avancée, et alla toquer à la porte. Une voix féminine répondit et le garde pénétra dans la pièce. Quelques instants plus tard, il ressortit laissant la porte entrouverte et fit un mouvement de la main les conviant à entrer.

Il se posta dos au mur, face à la porte, prêt à intervenir et ne quitta pas des yeux l'homme ligoté.

Le visage de la princesse s'illumina lorsque la pyromancienne entra dans la pièce, avant d'afficher une mine dédaigneuse en apercevant le second visiteur. Elle effaça rapidement cette déception pour s'adresser à la talienne.

Si j'en crois le garde, vous avez progressé dans votre investigation. Je ne saurais cacher mon enthousiasme à vous revoir... avec de nouvelles informations.

La pause légèrement appuyée et involontaire n'était pas passée inaperçue.
Répondre
#84

Alors que Selinde marchait à la suite du garde dans ces couloirs infinis, un curieux sourire s'était dessiné sur ses lèvres, dont un mauvais coup avait éclaté le coin inférieur gauche. Son coeur battait la chamade à l'idée de la revoir. Ce n'est qu'en remarquant la moiteur de ses mains avec horreur qu'elle entreprit d'apaiser ses émotions et de les masquer derrière cet air hautain et conquérant qui ne la quittait que si rarement. Elle n'était en droit de laisser transparaître les symptômes de son trouble intérieur. Pas devant des spectateurs.

Arrivée jusqu'à l'antichambre des appartements de la princesse, elle s'avança vers cette dernière, incapable de dissimuler dans ses iris noisettes l'intense reflet de la félicité de son coeur. La sorcière lui fit une révérence aussi solennelle que déférente.

“Ce plaisir est partagé, Votre Altesse,” répondit-elle simplement, la tête encore baissée vers le sol. “En effet. Je pense être en mesure de vous fournir le nom du véritable commanditaire…”
Elle releva la tête et marqua une pause pour questionner sa souveraine d'un regard interrogatif. Celle-ci ne paraissait pas faire de mystères sur le motif de ses investigations aux gardes, alors la sorcière continua.
“...de l'empoisonnement de votre père.”

Sans demander son reste, elle alla déposer un singulier morceau de chaîne de brisée, ainsi qu'un carnet sur le bureau d'Elene. Elle adressa à cette dernière un sourire énigmatique.
“Mais avant cela, je souhaiterai laisser la parole à Davos, que vous devez déjà connaître si je ne m'abuse, pour l'avoir envoyé à Balard en tant qu'espion de feu le Caldras Mierelli. Il a été témoin de nombreux faits qui doivent être impérativement portés à votre connaissance.”

Faisant mine de présenter son compagnon par quelques gestes grandiloquents, elle s'était naturellement glissée entre la princesse et l'homme entravé. Ainsi, elle pourrait s'interposer en cas de nécessité… et se laisser envoûter par le doux parfum de sa belle.

”Son récit sera celui d'un homme torturé et asservi dans un sombre dessein qui n'était en rien le sien. S'il se présente devant vous souillé par cette félonie forcée et prêt à affronter votre juste courroux, c'est avec l'unique espoir d'expier ses fautes et de réparer ces maux qu'il a causé sous la contrainte. J'ose espérer que, comme moi, vous noterez qu'il y a bien plus de courage et d'honneur à assumer ses actes qu'à prendre la fuite comme il en a eut l'occasion.”

Répondre
#85
La princesse se leva, et ne put feindre sa surprise lorsqu'elle reconnut l'homme. Oubliant la présence de Selinde, elle lança

Je vous croyais loin... à me fournir régulièrement des nouvelles de Mierelli. Que faites-vous ici ? Est-ce bien vrai que le banni est mort ?

Davos s'avança pour effectuer une courbette maladroite. Les douleurs de sa captivité s'étaient réveillées avec cette marque de déférence, et il ne put cacher un rictus lorsqu'il se releva. A la mention de Mierelli, il détourna le regard : Elene comprit rapidement que l'ancien caldras n'était plus de se monde.

Pardonnez-moi, votre altesse, car j'ai failli à ma mission. Depuis quelques mois, je ne suis que le pantin de Grid, et toutes les missives que vous avez reçues ne sont que le fruit du cerveau machiavélique de l'intendant de Balard. L'avarice a eu raison de lui, et il a oeuvré avec Lhuste pour faire tomber le gouvernement talien, en organisant l'empoisonnement du roi tout en désignant le caldras comme responsable.

Si vous me permettez, je souhaite prendre quelques jours de repos pour revoir ma famille, et je profiterai de ce moment pour vous rédiger un rapport complet sur mon exil, ma captivité, les tortures...


Les yeux dans le vague, Elene vit l'effroi sur le visage de son espion, des souvenirs douloureux lui revenaient en mémoire. Elle hocha la tête et le congédia pour qu'il prenne du repos. Elle n'avait pas le courage de le questionner au vue des séquelles de sa séquestration.

Soulagé, Davos s'inclina une nouvelle fois, et avant de passer le seuil de la porte, il ajouta.

Si vous me permettez, votre altesse, cette mystérieuse Lhuste connaissait les faiblesses de l'intendant et je pense qu'elle le manipulait... comme si elle avait lu dans son esprit.
Répondre
#86
“Tel père, telle fille”, répliqua Selinde, caustique, lorsque la porte se referma derrière Davos. “Je ne serai pas surprise qu'elle possède, en effet, ce talent. Il lui aura permis d'attiser les ambitions de Grid sans effort, ou d'aveugler votre raison grâce à vos ressentiments pour Mierelli. Ou encore d'obtenir l'assentiment complet de la Haute Inquisitrice. Je l'ai, également, laissée obtenir ce qu'elle attendait de moi durant l'expédition, espérant la démasquer ainsi, mais si mes pensées lui étaient visibles, elle a du bien en rire.”

Elle ferma les yeux et se massa lentement la tempe.

“Son géniteur possède également cette faculté, avec celle de double vue. Il est le coupable que vous recherchez.”

Elle pointa du doigt le carnet et invita Elene, d'un geste de tête encourageant à l'ouvrir. La sorcière s'adossa contre un mur de la pièce, faisant face à la princesse et se massa doucement la tempe. Sans la quitter des yeux, elle la laissa prendre connaissance du carnet et de son étrange code, intégralement retranscrit en dessous. Elle finit par reprendre la parole d'un ton grave, presque sinistre.

”Vous pouvez vous fier, au moins partiellement, aux informations contenues dans ce carnet. Je dispose d'une seconde source qui en atteste l'authenticité. Des taliens se trouvaient parmi les nordiques dont il est question et ont rapporté un récit concordant.”

Elle la toisa, les yeux étincelants d'une rage guerrière.

“Il est temps de riposter.”
Répondre
#87
Attendez... j'ai bien peut de ne pas vous suivre. qu'entendez-vous par "tel père, telle fille." Est-ce une remarque à mon égard ?

Elle connaissait la franchise de Selinde, elle avait même subi son franc parler lors de leurs premières rencontres. Et elle ne brûlait pas d'impatience de se faire sermonner par la pyromancienne.

Elle se cala confortablement dans le fauteuil et lâcha, évasive.

Agir... si on la retrouve...
Répondre
#88
Son sourcil se haussa, perplexe. Puis, son petit rire amusé résonna dans l'antichambre et se transforma en un sourire malicieux. Selinde se redressa légèrement sans jamais quitter son interlocutrice des yeux.

“Mes pensées ne vous sont pas toutes dédiées, Elene,” répondit la sorcière d'une voix railleuse, mais dénuée de malveillance. ”A dire vrai, je ne saurai dire si vous ressemblez à votre père. Je n'ai vu celui-ci qu'une seule fois, et de fort loin, lors de l'adoubement de mon frère.”

Délaissant le confort austère du mur, elle se dirigea vers le fauteuil pour s'y laisser tomber négligemment. Elle croisa les jambes, révélant brièvement par une fausse mégarde sa peau d'albâtre sous ses jupons.

“Mais qui a parlé de traquer Lhuste ?
Elle et son père viendront à nous. Un jour ou l'autre, ils viendront. Ils ont besoin de nous...
Et c'est leur plus grande faiblesse.”


Puis, elle changea de conversation du tout ou tout.

"Comment se porte Sa Majesté à présent ?"
Répondre
#89
Mon père se porte de mieux en mieux, mais je ne saurais dire combien de temps se prolongera sa convalescence. Le poison semble difficile à éradiquer, bien que les médecins royaux soient confiants. Je vous en suis éternellement reconnaissante.

Elle se tut un instant, et se permit un sourire. Par une question d'apparence anodine, la pyromancienne avait détourné la conversation. Un jeu verbal auquel elle était rôdé et pratiquait régulièrement avec les membres de la cour - surtout les plus entreprenants.

Quelle assurance avez-vous qu'ils viendront nous voir ? Lhuste semble avoir oeuvré pour compromettre notre capacité à diriger, et peut-être asseoir sa domination, mais son père ? Nous n'avons aucune preuve sur lui jusqu'à présent...

Elle posa ses mains sur le bureau avant de rassembler quelques papiers par automatisme. Elle n'osait pas poser la question qui lui brûlait les lèvres, de peur d'émietter leur confiance mutuelle, ou peut-être quelque chose de plus profond qu'elle maintenait interdit. Ses doigts farfouillaient machinalement les divers comptes-rendu présents sur la table avant de s'arrêter brutalement.

Le coeur battant la chamade, elle lança.

Son père n'est peut-être que le fruit de son imagination, et elle vous a embobinée en vous faisant croire à son existence ?

Elle attendait la réaction - un gifle physique ou verbale selon l'humeur - prête à la recevoir. Ne venait-elle pas traiter Selinde de menteuse ?
Répondre
#90
“Je ne suis pourtant que pour bien peu de chose dans ce rétablissement. Vous ne pouvez espérer de mon intervention que le réconfort d'une implacable vengeance.”

Vengeance. Ce mot avait été sifflé d'une haine si effroyable qu'une âme sensible en aurait frissonné de tout son être. L'on disait Selinde cruelle, c'était un fait indéniable. Des récits de ses batailles, on se souvenait de la chair calcinée et des rires déments. Bien peu du reste.

La joue appuyée sur sa main, la sorcière écoutait son interlocutrice. Impassible. Immobile. Elle ne remuait que pour suivre du regard les mouvements gracieux d'Elene. Seule une grimace dédaigneuse accueillit la question de la princesse.

“Menez votre raisonnement jusqu'à son terme, je vous prie. S'il faut douter de moi, alors faisons-le de tout,”
répliqua-t-elle d'une voix glaciale. “Vos sens vous égarent peut-être dans une illusion en ce moment même. Avez-vous l'assurance que vous n'êtes pas en train de converser avec Lhuste ? Que je ne suis pas le fantasme d'un rêve éveillé guidé d'une main de maître par un mage holdar ? Comment seriez-vous certaine que ce n'est pas le cas ?

Vous n'en avez aucun moyen. Mais pour autant, il vous faut trancher. Pour ce faire, il ne vous reste que deux armes : l'intuition et la logique.”


Elle se redressa quelque peu, remettant une mèche laiteuse en place.

“Vous l'avez dit, les actions de Lhuste tendent à penser qu'elle a cherché à neutraliser l'autorité de la famille royale. Elle s'est trouvée à vos côtés, mais n'a fait qu'orienter vos décisions sur une sanction à appliquer.

Si sa magie était aussi puissante que vous ne le supposez pour tromper autant d'âmes simultanément, comment expliquez-vous qu'elle soit passée par l'intermédiaire de l'intendant de Balard pour nuire au pays ? N'aurait-il pas été plus simple d'offrir à votre père, ou à vous-même, une vision pernicieuse capable de vous guider dans ses desseins ?

Non. Si elle détenait une telle puissance, nous aurions déjà perdu. D'une façon ou d'une autre, les capacités de nos deux holdars sont limitées. Si Grid a pu trahir Lhuste, c'est qu'il existe bel et bien des failles à exploiter.

A moins qu'ils ne soient simplement idiots.”


Cette dernière phrase n'avait été qu'une provocation crachée telle du venin dans sa bouche. Elle pressentait ce voyeur présent, mais loin de le craindre, elle le défiait. Il n'était qu'un obstacle de plus sur sa route, rien qu'elle ne surmontera pas.

“Pour en revenir à votre inquiétude première, je n'ai jamais vu ce Pryd. Mais son nom, ou plutôt son initiale, m'avait déjà été rapporté à plusieurs reprises. Pour des affaires diverses et variées. Dans des contrées différentes. Et toujours en lien étroit avec le pouvoir politique.

Vous savez ce que l'on dit, s'il existe trop de coïncidences, c'est qu'elles n'en sont pas.”

Selinde se leva et récupéra la chaîne brisée qui traînait encore sur le bureau d'Elene. Elle l'enroula autour de son poignet avant d'ajouter :

“Je ne suis venue ici que pour achever la mission que vous m'aviez confiée, Votre Altesse. Comme vous l'avez désiré, vous disposez désormais du nom du coupable et de ces seconds couteaux.

N'étant pas en droit de recevoir ma récompense de votre main, je m'en vais la récupérer moi-même, avec ou sans votre permission.”
Répondre


Atteindre :