Fryelund Nimaïr Tilador. Ek Ferel.
#1
Depuis qu'il possédait son bâton du grand Arcaniste, Marmorin ne se sentait plus pisser. Il n'avait certes pas guéri sa cystite, loin de là, mais au moins il avait maintenant de quoi fanfaronner devant la bleusaille. Et quand un jeunet demandait au vieil homme s'il avait besoin d'aide, il pouvait décliner l'offre et se pavaner comme dans sa prime jeunesse (vraiment prime en fait, car une fois entré dans l'ordre pour ses quatre ans, il n'avait plus eu l'occasion de pavaner)
Ossë lui en avait fait la brimade, mais qu'importe, la légende du puissant patriarche était sur le point de se répandre.

Les railleries n'étaient pas gênantes, mais le fait de carboniser un repas l'était plus. Aussi, en route pour une mission de reconnaissance des alentours de Tilador-La-Défunte, le magicien se limita-t-il cette fois à un petit trait de feu plutôt qu'un sort massif de désintégration. Tout juste ! le lézard était cette fois à point, et il n'y aurait pas besoin de cuisiner pour le bivouac de ce soir. Le pauvre n'avait pas offert une résistance héroïque, et ne ferait pas partie de la légende.

C'était tout de même inquiétant, que la seul rencontre au bas des murs d'Asteras et jusqu'au marais fussent des lézards géants, lapins de garenne et autres bêtes féroces...
Le viel homme à la barbe blanche se fit une réflexion.

Pas un garde.
Pas un Paysan.
Que que le soleil qui poudroie, l'herbe qui verdoie et le marais qui empestoie…
Cela signifie que le caisses de l'état sont vraiment vides. Et faute de commerce et d'agriculture dans tout l'est de la région, la situation ne va pas changer. Ce qui signifie que même si je mène à bien ma mission, je n'aurais pas de récompense.


Mais une voix plus profonde encore vint lui tenir un discours plus vertueux.

Pas besoin de récompense, tu agis pour la cause !

Cause toujours…

La réflexion prit fin avec un ronflement sonore, gage de sécurité pour la nuit car il faisait fuir toutes les bêtes sauvages.
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#2
- Ah, enfin…

Des ruines envahies par la végétation étalaient au loin leur éboulis dans le marais.

Il ne pensait pas que la ville fut dans un tel état de délabrement. Ces hommes du nord étaient de véritables brutes sans respect pour l'art.
Toujours pas âme qui vive.

Après avoir rédigé un rapport détaillé sur l'état de la structure, fait un plan minutieux des ruines et consigné soigneusement divers aspect stratégiques comme l'absence d'ennemis, Marmorin fit un constat sans appel en voyant l'intérieur de la cour : un arbre centenaire n'avait pu pousser au sommet des ruines de Tildor au cours des trois derniers mois.

- Arf, zut. Ce ne sont pas les ruines de Tilador.

Voilà ce qui arrive quand la théorie du plan de bibliothèque est confronté pour la première fois à la rude tâche de la localisation sur le terrain. En un temps plus ancien, l'avant poste d'Erios devait déjà avoir été saccagé. L'histoire se répétait.
Il déchira ses notes, et d'un claquement de doigt, s'en servit pour allumer un feu pour la nuit. Ses bottes avaient besoin de sécher, un faux-pas dans ce marais ne pardonnait pas. Undéodorant à base de fleur de mana n'aurait pas été du luxe non plus.

Il lui restait l'autre moitié du lézard gênant, dont il observa le crâne en se posant diverses questions sur la définition de la conscience. Un sage mangeant un lézard pensait à sa propre valeur comparée à celle de son met, un tigre à dent de sabre qui mangeait un sage n'avait pas de telle interrogations. Sa valeur était intrinsèquement supérieure à celle du sage puisqu'il n'avait pas réussi à éviter de devenir la pitance du jour. Manger ou être mangé telle était la question.

Repus, il s'endormit sans plus de cogitations.

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#3
Après les ruines de Tilador qui n'étaient pas les ruines de Tilador s'étendait à nouveau une plaine, vide d'arbre (normal sinon cela aurait été une forêt) mais pas de bêtes.

- Morne plaine… pleine d'aurochs qui trompent leur ennui en broutant. Pourquoi me regarde-t-il ainsi ? Je ne vais pas lui piquer son herbe. Mille chocs sanglants ! Il me fonce dessus ! Sauve qui peut !

Avec pareil bestiole, il devait y avoir de quoi rassasier toute la compagnie. Une fois qu'il serait mort. Et cela fut plus rapide que prévu, à la faveur du puissant artefact phallique que brandissait le sorcier blanc.

Et enfin, une fois le bestiau digéré, apparurent les ruines de Tilador (enfin il était à espérer qu'il ne s'agisse pas d'une nouvelle erreur de localisation)… contre toute attente il n'y avait personne, pas de gardes Agars, pas de chiourmes Nains. Même pas un petit démon égaré à se mettre sous la dent.
L'endroit avait été saccagé au point qu'il soit totalement impraticable. Peut-être même l'avaient-ils piégé. Un graffiti indiquait « Kapütt är Dreck søhn » ou quelque phrase imprononçable du genre.
Marmorin ne connaissait pas le langage du nord, mais cela ne signifiait certainement pas « bienvenue » ou « fermé pour cause de travaux ».
Il décida de pousser plus avant son exploration afin de constater à quelle distance de situaient les premières forces ennemies.


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#4
Des pierres précieuses, là, au beau milieu de la prairie. Cela semblait suspicieux. Et de fait Marmorin était soupçonneux. A juste titre, il fallait croire, puisqu'il vit émerger des herbes baignées de crépuscule des êtres dont même ses grimoires ne lui avait jamais livré l'existence féerique.

Parmi les créatures qu'il avait rencontré, toutes étaient belles, d'une certaine manière. Du pelage soyeux du renard aux écailles chatoyantes des amblyrhynques. Mais si les charmes des aurochs inspiraient aisément des louanges, la beauté des rusalka défiait le langage commun. La lune transperçait le lointain pour se poser en duvet sur les épaules argentées et les cuisses de jais.

Nues, entreprenantes voire licencieuses, elles proposèrent sans autre forme de salutations au sorcier blanc de partager leurs étreintes. Présent alléchant, mais était-ce vraiment une faveur gratuite ?
Allons, ces ossements jonchant le sol aux alentours du filon brillant devaient être ceux de biches haranguées par les loups affamés, à n'en pas douter ! Il était impensable que cela soit un piège à aventurier aussi cupide que stupide, vu la grossièreté de la mise en scène, et que d'aussi sublimes et fragiles créatures soient à l'origine de ce charnier. Laissant là ses frivoles suspicions et ne voulant heurter la sensibilité de ces obscures fées, il se laissa, alangui, délasser par ces nyctages langoureuses aux yeux de braise, ce qui n'était pas sans lui rappeler une rencontre passée.

Mais lorsque les caresses des langues fourchues firent place à des morsures cuisantes, Marmorin fut contraint de devenir moins galant et de sévir avec les gamines succubes.

La fessée avait peut-être été un peu violente, constata-t-il en les voyant toutes deux mortes, mais d'un autre côté on ne pouvait impunément lui mordre les… passons. La prochaine fois il se passerait du bâton pour la leçon.

Autre déception, même si elles étaient bien plus jolies que les bovidés, leur chair ne se mangeait à priori pas alors que visiblement la réciproque était vraie. Mais il y avait peut-être d'autres consolations à en tirer, dans la solitude de ces plaines sans fin.

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#5
Arrivé à destination, Marmorin oublia dans le feu de l'action d'appliquer le mode d'emploi de son incantation de transparence, à lancer uniquement silencieusement, pour sa mission d'espionnage. Et comme un sorcier blanc pas transparent est plutôt visible, il fit une belle cible de tir au pigeon pour masses d'armes Agardes.

Ainsi s'achevait - plus tôt et plus violemment que prévu - sa mission de reconnaissance.

Vive la bibliothèque.
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#6
Paysage enchanteur est propice à la méditation : la nature enseigne et ne sermonne point.

Bien de l'eau avait jailli du petit tuyau cuivré de la fontaine éternelle, depuis que le sorcier blanc avait échoué dans son ridicule projet d'espionnage. Mais d'autres, plus forts, plus intelligents, mieux organisés, avaient repris le flambeau. Ils avaient formé un improbable rassemblement des trois factions, tout du moins de ce qu'il restait de certaines d'entre elles, et avait porté leur courroux, leur vengeance, vers les terres enneigées. Marmorin les avait rejoins, il pouvait même affirmer les avoir aidés. Quelques sorts lancés bien à l'abri de l'arrière garde, et c'était déjà fini. Le siège prévu avait à peine duré le temps d'une bataille.

Il faut dire que la résistance n'avait pas été franche. Peut-être la forteresse et leur maître ne valait pas tant d'efforts. Peut-être étaient-ils occupés ailleurs par des affaires plus importantes. Peut-être le mal démonique planait-il encore entre les murs gris et même les gens du nord doutaient de la rectitude du lieu et de ses habitants.

Une chose était certaine, le mal planait en dehors des murs, chaque faction avait eu quelque désistement, et la toile de la démone lentement se tissait, de contact en contact, de mort revenu à la vie en vie retournée au trépas. Même les ennemis de toujours avaient eu à subir des palinodies.

Le sorcier tenta de faire l'inventaire de qui était méchant et qui était gentil. Ce n'était pas une mince affaire.

Entre les gentils qui étaient gentils, les méchants qui étaient méchants, les gentils qui étaient devenus méchant par amertume, les méchants qui étaient devenus gentils par miséricorde, les méchants qui simulaient la gentillesse pour sournoisement gagner la confiance des gentils, les gentils qui feignaient la méchanceté pour infiltrer les méchants, les inclassables, une chatte n'y retrouverait pas ses petits.

Marmorin but une gorgée à même le tuyau brillant puis remplit sa gourde de l'eau sacrée que personne ne devait profaner.

- C'est pas ce petit peu qui manquera, si elle coule depuis l'éternité et pour la même durée... Bon, du coup ça fait de moi un méchant ?


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