Une autre mort
#1
C'était une belle journée de début d'automne. Fraîche. Les gouttes de rosée perlaient encore des feuilles et des brins d'herbe. Les paysans s'affairaient depuis déjà quelques heures dans leurs champs afin de récolter les fruits de leur dur labeur.

Plus loin, allongé dans l'herbe, un jeune homme admirait le ciel bleu. Son armure onéreuse avait probablement séchée la végétation alentour, sinon il ne se serait pas allongé ainsi. Mais s'allonger avec une telle cuirasse ne devait pas être confortable.

Un cheval harnaché attendait patiemment à ses côtés qu'ils repartent ensemble. Pourtant, même après un moment, le jeune guerrier n'avait pas bougé. Peut-être était-il coincé dans son armure ? Cela ne serait pas étonnant, on ne s'allongeait pas avec une armure.

Une jeune fille qui s'occupait du bétail l'avait remarqué depuis un moment. D'abord intimidé, elle n'avait pas voulu s'approcher. Mais la curiosité avait pris le dessus. Ça n'était pas souvent qu'on voyait des chevaliers dans le coin. Elle délaissa le bétail pour venir lentement près du guerrier. Il s'était peut-être endormi ? Avec de la chance, elle pourrait le regarder sans qu'il ne s'en rende compte.

En approchant, elle remarqua enfin quelque chose. La jolie épée du chevalier n'était pas dans son rangement, elle était à côté du cheval. L'armure ne semblait pas en bon état. L'herbe n'était plus verte. C'était du sang. Du sang qui auréolait presque le corps du guerrier. Qui avait coulé de ses lèvres jusqu'à sa nuque, où il s'était coagulé dans ses cheveux.

« M'sieur ? »

La petite se pencha sur lui, hésitant à le secouer. Elle était assez maline pour savoir que ça ne l'arrangerait pas s'il était déjà blessé. Comme quand son oncle s'était cassé le bras et qu'il pouvait plus travailler aux champs, fallait pas qu'il bouge son bras.

Est-ce qu'il avait bougé ? Elle avait bien vu ses lèvres bouger ?

« ‘paaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa ! »

Elle détala à travers la prairie vers les champs où sa famille se trouvait.
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#2
Trois jours plus tard

Hemina serrait la main de son fils dans les siennes. Les larmes coulaient silencieusement sur ses joues aussi rouges que les contours de ses yeux. Ses lèvres frémissaient, appuyées l'une contre l'autre, retenant les sons qui voulaient sortir.
Lazzare se tenait derrière, une main sur son épaule, observant le visage de Victor. Lui ne pleurait pas, mais ses sentiments étaient tout aussi visibles dans son regard.
Leur fils était étendu là, et ne bougeait pas. Il ne dormait pas.

Il avait échappé à la mort de peu. Son corps était toujours vivant, mais lui ne se réveillait pas.

Heureusement que des soigneurs étaient présents dans les villages en bordure des marais, l'un d'eux l'avait stabilisé avant qu'il ne soit trop tard. Cependant, des soins bien plus complets devaient lui être donnés, aussi il avait été rapatrié en vitesse à Yris deux jours avant.

Victor était là, couché sur l'un des lits du dispensaire de l'Étoile de Nacre. Mais se réveillerait-il ?
Il le fallait, son corps ne l'attendrait pas.
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