[RP] Le Phénix toujours renaît
#1
Lettre a écrit :Aux commandants Selinde Belroza et Dione Belroza de la Salamandre,

Les agars se pavanent, humiliant toujours plus elfes et hommes du sud. Le clan de brigands des "Trappistes", après leur raid sur la ville de Tilador Erdanna, a enlevé des citoyens elfes pour les réduire en esclavage. C'est une condition indigne de tout elfe ou homme.

C'est un insupportable et ultime affront de la part de ces sauvages. Après la forteresse du Skövendor,
et après les actions douteuses de l'égide, nous ne pouvons plus tolérer cette fierté déplacée. Nous ne pouvons pas attendre que nos bureaucrates se décident à agir, nous devons le faire pour eux. Nous devons montrer la voie aux autres citoyens du Concordat, qu'ils fassent connaître à nos rois et reines qu'il est insupportable que notre liberté soit bafouée.

Si malgré les différents entre les Sentinelles et la Salamandre, je vous contacte, c'est car vous avez à cœur la défense des opprimés et que vous avez été témoin de la brutalité et la stupidité des nordistes. Vous savez bien que si elfes tombent, alors les taliens seront les prochains à subir les exactions de ces sauvages.

Je vous enjoins à correspondre et partager avec moi une solution pour libérer les captifs des Trappistes.
Je vous enjoins à, si cette solution passe par la prise des armes, tirer votre épée à notre côté.

J'attends avec impatience votre réponse,
Lenwë Ezellohar, Dirigeant des Sentinelles d'Argent.
Répondre
#2
Les flammes ronronnaient en consommant lentement l'écorce d'une bûche. Un tisonnier vint raviver quelques braises que Dione observait calmement rougeoyer dans les cendres.

[Image: 103.png] Tout cela ne nous avance pas beaucoup, poursuivit-il d'une voix calme, sans tourner le visage. Nous devrions laisser la traque des esprits et des gardiens à d'autres. C'est fort dangereux et ne nous ouvrira pas pour autant les portes du pouvoir.


Un petit rire surgit derrière lui, taquin.

[Image: 102.jpg] Certainement pas aussi dangereux que notre dernière venue aux abords des collines sanglantes.



Un silence.

[Image: 102.jpg] Une déconfiture qui ne nous a apporté que tourments, sans une once de renommée. Je me souviens encore de ta capture, de l'angoisse de t'avoir perdu...



Dione releva la tête en soupirant.

[Image: 103.png] Nous avons souvent risqué de nous perdre, d'une façon ou d'une autre. Pourtant ce lien intangible dont notre naissance nous a fait cadeau n'a jamais été brisé.
Quand aux évènements dont tu parles...



Il plongea sa main dans un repli de sa mante rouge sombre et présenta un étui en cuir qui contenait un message.

[Image: 103.png] Quelqu'un a bel et bien remarqué notre obstination.



Elle haussa un sourcil surpris, avant de se redresser de son fauteuil avec la gracieuse paresse d'un félin aux aguets. Bien que défait, le sceau des Sentinelles qui l'ornait, restait identifiable. A cette vue, les flammes dans l'âtre prirent de la hauteur.

[Image: 102.jpg] Cette lettre mérite-t-elle vraiment plus que d'être jetée aux braises ?



Il croisa le regard curieux de sa soeur avec une certaine nonchalance, et ne sembla pas un seul instant considérer de lui tendre le document.

[Image: 103.png] Sans doute pourras-tu le décider quand tu seras venue la lire.



Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Selinde. Ses pas la menèrent bien vite auprès de son frère. Elle était si près que son souffle en caressa sa nuque, si près que ses mains s'attardèrent autour de sa taille avant de s'emparer du précieux courrier. Au fur et à mesure de sa lecture, le feu perdit de sa furie.

[Image: 102.jpg] Je vois.



Comme elle était toute proche, il parla d'un ton plus murmuré.

[Image: 103.png] Nous ne sommes finalement plus les seuls à refuser de nous en tenir à la politique de nos souverains. La tempe contre les cheveux de sa soeur, il sembait songeur, Et nous en tenir à quoi, au juste... L'absence de Leonar, pour quelque raison qu'elle soit, nous conduira bientôt au chaos.


[Image: 102.jpg] Ashtalia est pieds et poings liés, dans l'incapacité de riposter directement aux multiples humiliations faites à son peuple. Stirling n'a pas plus fidèle alliée que la soif de sang des Trappistes dont il use pour affaiblir les frontières elfiques sans en prendre la responsabilité. Lenwë en est tout aussi conscient que nous.

Quant à notre roi, laisse moi encore quelques jours pour en démêler les intrigues. Le fameux bal approche... Les manigances de cour ne déstabiliseront pas davantage notre royaume. J'agirai en conséquence.

Mais les Sentinelles sauront-elles en faire autant ? La victoire contre ces barbares n'est pas dans l'honneur. Ne l'ont-ils pas rejetée dans la forteresse, courbant l'échine pour un couvre-chef ?



Il s'enfonça doucement dans le confort du tissu, en entourant sa soeur du bras.

[Image: 103.png] Il ne sera jamais question d'oublier les trahisons que nous avons subies.

Nul ne sera en mesure de nous restituer ce que nous avons perdu à Skovendör. Nous avons fait route vers le Nord sous le couvert de cette expédition pour retrouver le chemin de nos origines, mais nous savions que nos racines seraient tranchées quoi qu'il arrive... Sa mâchoire se crispa. Cependant, notre réelle défaite n'est pas celle-là.

Nous avons perdu parce que la conspiration d'un paladin a scindé les forces de notre nation dans une haine viscérale et que cette division nous empêche de vaincre nos autres ennemis.


La commissure des lèvres de la jeune femme se rehaussa pour appuyer son sarcasme.

[Image: 102.jpg] S'il y a bien une chose pour laquelle tous seront capables, c'est de me mener à l'échafaud.



Elle reprit un air sérieux.

[Image: 102.jpg] Si nous accordons notre confiance aux Sentinelles, le risque d'un second coup de poignard est grand. Mais si nous restons sur cette défiance, les sauvages nous détruirons à coup sûr.


[Image: 103.png] Il n'est pas question de confiance, mais d'un serment. Nous agirons parce que l'intérêt de la Salamandre l'exige ici.
Néanmoins, ils seront prévenus d'une chose... La prochaine fois que nous aurons à déplorer une de leurs manigances, l'affaire se règlera dans le sang.



[Image: 102.jpg] L'évidence même.
Soit. Nous ferons ce qui doit être fait pour l'emporter. La Salamandre marchera donc côte à côte avec les Sentinelles.



[Image: 103.png] Notre ouverture ne consistera pas forcément à engager un combat, ni même à nous rassembler.



Il se mit à jouer délicatement avec une mèche des cheveux de neige de la commandante.


[Image: 103.png] Pourquoi ne pas commencer par enjoindre les engeances de Skovendor à venir recevoir le jugement pour leurs crimes ? Ils ont toujours opté pour le choix des armes avant le choix des mots. Faisons l'inverse si nous devons les anéantir.


Elle hocha la tête, songeuse avant de la relever vers son frère dévoilant une farouche résolution.

[Image: 102.jpg] Leurs larmes couleront bien avant leurs sangs. Je crains néanmoins qu'ils n'affutent que leurs haches pour se défendre de vérités qu'ils ne savent assumer.
Répondre
#3
Citation :A l'attention de Lenwë Ezellohar des Sentinelles d'Argent

Chaque soir, le Concordat s'endort avec la honte de ne pas avoir su défendre ses terres et d'avoir laissé le sang de son peuple se répandre dans les canaux fluviaux de Tilador Erdanna. Chaque matin, le Concordat s'éveille dans la crainte d'un nouvel assaut de ces sanguinaires nordistes ne trouvant plaisir que dans l'appel des armes et la soif des batailles.

Pourtant, chaque jour, le silence et l'indifférence de nos monarques face à ces atrocités inspirent de bien sombres pensées et de bien mornes avenirs à toute une population apeurée. Toute combativité éteinte dans la prunelle de leurs yeux, jamais ils ne trouveront la vaillance de lutter et résister contre ces barbares sans un nouveau souffle.

En cela, la Salamandre rejoint les Sentinelles, en refusant de se soumettre aux affronts répétés par ces truands de Trappistes, qui font le jeu de Stirling telles de dociles marionnettes. Déjà, nous avons commencé la riposte contre ceux qui pillent nos caravanes marchandes, rendant au Sud ses richesses dérobées. La Salamandre est déjà en guerre et l'a déclaré d'un présent sanglant envoyé aux portes de Bjornhill.

Néanmoins, Sentinelles, soyez avertis que nous n'accepterons pas de nouveau la félonie dans les rangs de notre coalition. Notre sang a, précédemment, coulé pour préserver un honneur d'apparat qui n'a eu de raison d'être que de priver le Concordat de ses ultimes chances de victoire dans le Skovendor. En ce jour et en cette heure, la libération des captifs ne sera guère possible qu'en gardant à l'esprit la nécessité de vaincre envers et contre tout.

Au demeurant, nous aimerions initier une rencontre pour traiter de vives voix de la meilleure stratégie à mener pour confronter les Trappistes à la justice d'Edar.


Dans l'attente de vous rencontrer,

Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre
Répondre
#4
Citation :A l'attention de Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre

J'entends vos remarques et je suis enclin à écouter vos revendications. La défaite n'est plus une option pour nous, et nous devons montrer aux trappistes la justice divine.

Je vous attendrais à Nim Duin en ce mois. C'est un emplacement idéal pour discuter. Il n'est pas loin des terres des taliens, c'est une forteresse farouchement gardée, et nous pourrons profiter de l'ordre des frontaliers et de leurs éclaireurs pour mettre en place notre plan d'action.

J'espère vous rencontrer au plus vite. Nous avons tous à gagner à nous associer, et à aplanir nos différents face à un objectif commun.

Cordialement,
Lenwë Ezellohar, Dirigeant des Sentinelles d'Argent.
Répondre
#5
Citation :A l'attention de Lenwë Ezellohar des Sentinelles d'Argent,

Nous avions prévu de nous mettre en marche vers Nim Duin pour vous y retrouver au plus tôt, jugeant que le sort des prisonniers ne pouvait perdurer d'avantage. Cependant, le destin s'est joué de nous d'une façon fort ironique en mettant sur notre route le dénommé Rajaat, dont le comportement est pour le moins suspect.

Pire encore, il émane de lui une aura sombre et oppressante qui n'est pas sans rappeler celle de cette xalaro qui a inspiré tant de terreurs dans l'Ingemann et réduit l'Egide à l'état de sordides marionnettes. L'essence de Vi'Aria est présente en lui, j'en jurerai. Je ne saurai la confondre après l'avoir approchée de si près ; elle n'a nulle pareille.

A présent, il nous faut démêler la duperie de la vérité dans les propos décousus du grand mage. A vrai dire, j'osais espérer que vous pourriez nous y aider.

En effet, il m'est arrivé aux oreilles que vous aviez passé ces derniers mois sur vos terres natales, à Cirijäl, parcourant la Corne de Melfred en compagnie de la Compagnie d'Investigation Avancée. Peut-être en savez-vous davantages sur la corruption démoniaque qui semble ronger Rajaat.

Dans l'espoir de vous lire,
Selinde Belroza, Commandante de la Salamandre
Répondre
#6
Le cheval piaffe d'impatience, mais la diligence n'est toujours pas prête. Cendre attends. Dans sa main le parchemin froissé qui lui annonce les bonnes et les moins bonnes nouvelles. Ses yeux mordorés sont plantés devant elle, dans le vide. Elle attend simplement que le cocher arrive avec son dernier bagage. Elle jette un dernier regard vers la neige, vers Cyrijäl qui s'étends dans le décor brumeux. Il neige. Ça signifie qu'à Nitraën il doit pleuvoir des cordes. Ce n'est pas plus mal, pense-t-elle, alors qu'elle repousse les mèches humides qui lui couvrent les yeux. Elle frisonne, mais le froid n'a pas d'emprise sur un corps qui a toujours été plus chaud que les brasiers eux même.
« Mademoiselle Meneldä ! »
La voix la sort de sa torpeur et elle tourne la tête vers l'elfe qui s'approche à pas vifs vers elle.
« Nous allons toujours à Nitraën ? »
Ses phalanges fines serrent davantage le parchemin qui ne ressemble presque plus à rien. Elle esquisse un petit sourire et hoche la tête, fatiguée mais toujours debout.
« Oui, Nitraën. »
Elle aurait pu aller à Kandrian, mais elle n'avait pas le cœur à ça. Les retrouvailles avec sa mère lui avaient laissé un drôle de goût, une saveur étrange entre l'amertume et la joie. Pas de bonheur cependant. Elle l'avait écrit quelques fois dans des lettres à Lenwë. Pourquoi ? Pourquoi n'arrivait-elle tout simplement pas à être heureuse ? Elle avait couru si longtemps après cette image au loin, avant de se rendre compte que tout ce dont elle rêvait n'arriverait jamais.
Il n'y aurait jamais de foyer heureux, de rires autour du feu.
La seule chose qui la rendait vivante, qui l'animait, qui chassait cette mélancolie perpétuelle, c'était la guerre. C'était les Sentinelles, leur moment léger autour des flammes, leurs rires, mais aussi leurs cris.
« Nous devrions y aller avant qu'il ne fasse nuit, Miss. »
Sortant de ses songes, la rousse hoche la tête et grimpe dans la diligence sans plus un mot.

* * *

Citation :« Lenwë,

J'arriverais d'ici quelques jours. Je serais en retard, je le sais, mais j'ai eu quelques travaux de plus à effectuer à Nitraën. Je ne veux pas que tu t'inquiètes pour moi. Je sais que ces derniers mois ont été difficile, autant pour moi que pour toi, mais je vais mieux.
Un peu mieux.
Je pense que plonger mes mains dans le sang de mes ennemis ravivera quelque chose en moi, ou quelque chose dans ce genre. Je regrette de t'avoir abandonné sans te laisser aucunes nouvelles, mais j'avais besoin de ça. J'avais besoin de reprendre le contrôle sur ce monstre qui sommeille en moi.

J'ai bien réfléchi, et je pense que la solution, peut-être, est plus simple que je ne le crois.
Au lieu de le museler – lui qui m'a toujours protégé et sauvé – peut-être que je devrais le nourrir pour l'apprivoiser ? Peut-être qu'ainsi, ce monstre sanguinaire que je renferme restera tel qu'il a toujours été, mais qu'il deviendra aussi mon précieux allié ?
J'ai peur de devenir folle, mais parfois, je songe que ça serait une bonne chose. Ça me donnerait une excuse pour me sentir si vide, si criminelle, si… malfaisante.
Y-a-t-il des mots pour ça ? Quand on se sent étranger à soi-même ?

J'ai reçu une missive de mon père. Il a dit regretté que je ne me sois pas montrée aux funérailles de Victor. Je n'ai rien répondu. Par habitude, j'aurais réagi avec aigreur et amertume. J'aurais fait couler mon venin, j'aurais enragé, j'aurais tout brûlé. Mais cette fois, je n'ai eu envie de rien.
Quelque chose a changé en moi, je le crois, depuis que je suis allée à Cyrijäl.
Je suis le feu qui dévore et qui jamais ne s'éteint, mais je suis aussi le torrent furieux qui n'a pour rides de colère qu'une fine écume. Je crois que je ne serais jamais véritablement heureuse, mais est-ce bien nécessaire pour vivre ?
Je crois que la joie n'a d'intérêt que si elle est sincère.
J'espère que tu as beaucoup aimé pendant mon absence. Tu as tellement de sentiments pour le monde, je ne veux pas que tu te prives pour moi. Je ne saurais te donner que bien peu de chose. Je suis vilaine quand il s'agit de recevoir, encore plus quand il s'agit de donner.

Je t'embrasse avec amour – tout celui dont je suis capable,

Yùla

Note : Dis à Elena que j'ai ramené pour elle le meilleur picrate que j'ai pu trouver de Cyrijäl. Ils le font avec des baies blanches, mais le vin a une légère couleur bleue due aux extraits de myosotis qu'ils distillent. J'y ai goûté, et je crois pouvoir dire qu'il a un goût léger et piquant à la fois. Comme les larmes des pucelles. C'est amusant. »
* * *

Un petit silence dans les rangées, comme à chaque fois qu'on attend de voir ce qu'il se passe. Cendre sert davantage l'orbe qui s'enflamme légèrement, par anticipation, par envie aussi. La bise balaye la plaine, mais aucun mouvement à l'horizon, si ce n'est un éclaireur en approche. Elle sert les dents, et puis finalement lève les yeux au ciel.
« Incroyable. Pour des barbares ils sont plutôt… mous. »
Elle grimace. La patience n'a jamais été le fort de la sorcière, et encore moins quand elle se croit suffoquer au milieu des autres. Elle s'écarte un peu d'ailleurs, laissant la foule faire son office. Ici et là on soigne les blessés, on enveloppe de magie les autres.
Elle surprend même Selinde qui « rassure » Lenwë du coin de l'œil. Avec un sourire en coin, elle ne peut pas s'empêcher d'esquisser le sourire le plus moqueur de sa vie. Lenwë ne le verra pas, car elle leur tourne le dos, faisant face au front qui n'avance toujours pas.
Figés dans cet entre-deux, elle finit par lâcher à Elena qui est à sa gauche :
« Après mon frère, la Commandante a l'air de s'intéresser à Lenwë. Je suis certaine qu'elle n'a pas de petite culotte… » Elle a un petit rire, puis finit par se calmer, inspirer et reprendre sur un ton plus neutre : « Il était bon ce vin ? »
Répondre
#7

Un doux et agréable souffle, presque chaud, certainement issu des mages elfiques à ma proximité, jouait avec ma chevelure aussi blanche que la neige. A l'idée que toutes deux seraient bientôt maculées du sang de nos ennemis, j'esquissai une moue empressée bien vite remplacée par un soupir. Qu'importe la rage qui brûlait en moi de les exterminer sans la moindre miséricorde, je n'étais pas femme à sacrifier celles et ceux qui m'avaient placée à leur tête pour cette pulsion, bien que démesurée, de violence.

On n'assiégeait pas une forteresse en se hâtant. On l'assiégeait en usant de son temps comme d'un coutelas affuté, l'aiguisant avec patience et méthode jusqu'à briser son adversaire par des nerfs d'acier. L'urgence, bien piètre conseillère, serait rapidement souveraine de leurs esprits ; ils ne pourraient indéfiniment se permettre de laisser la famine et le désespoir s'immiscer au sein même de la bâtisse.

Je savais que cette apparente passivité ne se révélerait létale qu'une fois enfoncée derrière leurs omoplates. Je savais aussi qu'il me faudrait museler les envies de sang, les miennes comme celles de mes troupes. Maintenir l'attention et l'envie d'en découdre sans jamais y céder. Préparer la riposte la plus adaptée. Eviter les erreurs de l'empressement qui nous seraient dommageables. Tels étaient les conseils avisés, et auxquels j'adhérai, que la vétérante à l'œil unique m'avait prodiguée lors des réunions d'état major.

Notre premier coup d'éclat s'était matérialisé par la surprise des Trappistes lorsque ceux-ci avaient découvert la véritable allégeance du skalde nordique. Envers le Concordat du Phénix. Ou plutôt, envers moi. Bien peu savaient comment je m'étais attachée, bien malgré moi, les services de ce parfait étranger originaire des contrées enneigées de l'Ingemann. Bien peu savaient exactement le prix que lui et moi avions payé ce jour-là à Herrkliff.

Pour l'heure, l'espion s'était révélé dans sa traitrise pour combattre à nos côtés sans faillir. Mais j'ignorai quelle serait sa réaction si Bryndis se trouvait parmi les rangs ennemis, l'Egide ayant été aperçue massée près des bois d'Emelinde. Il ne pouvait me trahir, mais trouverait-il la force d'affronter cette amie d'enfance ? Parviendrait-il à la raisonner, elle, pour qui nous avions tout risqué ?

Je sentais les bourdonnements et les murmures irrités faisant état de notre inaction. Même Lenwë s'agitait, bouillant intérieurement de ne voir arriver les barbares sur nos lignes. Si je comprenais son impatience, je ne pouvais l'accepter d'un dirigeant de notre coalition. Et si je devais user de l'intérêt qu'il paraissait me porter pour l'inciter à la patience, je le ferai. Après tout, ne l'avais-je pas mis en garde que je n'étais guère ici pour me faire des amis, mais bien pour l'emporter sur ces brutes vêtues de peaux de bête ? Je m'approchai de lui, posant ma main sur son épaule avec apaisement.

« Soyez patient, Lenwë. Ils viendront mourir d'eux-mêmes sous nos sorts. Ils n'en ont pas le choix s'ils veulent sauver leur Jarl. Vous le savez tout autant que moi.»

Ma mine s'assombrit quelque peu.

« Pour ne rien vous cacher, je m'inquiète du sort des captifs. Si la fierté de ces monstres est telle que je l'imagine, ils préfèreront les exécuter plutôt que les libérer. Skargärd pourrait préférer mourir de sa propre main que reconnaitre sa défaite et en assumer la cuisante humiliation. »

Soudainement, le cor résonna dans toute la vallée : un nain avait chargé notre avant-garde comme l'avait fait mon frère, Dione, avec brio, quelques jours plus tôt. Le temps était venu.

Répondre
#8
Je levais mes yeux de la carte de la région que j'examinais avec attention, pour regarder sur Cendre.

A la pique de jalousie ciblant Selinde, je regardais cette dernière, en pleine discussion justement avec Lenwë. Je les observais quelques instants, indifférente, puis détournant mon regard je dis avec une pointe d'ironie :
"Oh, elle est sûrement en train de lui apprendre que c'est son cousin éloigné ou que sais-je. Après tout, il semblerait qu'elle soit affiliée avec la moitié de la population du continent, donc ça ne m'étonnerait qu'à moitié.
Mais si c'est le cas tu devrais en effet te méfier, vu comment elle est proche et attentionnée avec sa famille... "


Je lançai un coup d'oeil valide vers Dione non loin de là pour accompagner ma phrase pleine d'allusions, marmonnant quelque chose d'inaudible qui se perdit dans le vent rugissant et glacial. Puis je reportais mon attention sur le document topographique, tout en demandant, faussant l'innocence et l'ignorance et répondant à la question de la jeune femme :
"Le vin ? Le fameux dont tu parlais dans ta lettre à Lenwë ? Je ne l'ai pas reçu si tu veux savoir, et cela ‘ma grandement agacé : Dyanese pourra en témoigner... La bouteille a dû se perdre dans la livraison. Tu n'as visiblement pas d'autres choix que de m'en faire parvenir une nouvelle. J'espère que tu en avais gardé en réserve."

Sur ces mots je pris congé, prétextant devoir engeu- entraîner mon élève avant l'affrontement, mais me dirigeant réellement vers ma tente pour mieux dissimuler les preuves -à savoir: cacher le cadavre de la bouteille-, espérant que la rousse n'avait pas remarqué la légère teinte bleue de ses lèvres.
Je ne pus cependant m'empêcher de ressentir un frisson en repensant à l'arôme exquis de ce spiritueux exotique.
Non mais, quel vin !
Répondre


Atteindre :