Le chant du Gerfaut
#1
L'oiseau volait haut.
Le vent ébouriffait ses plumes, ses ailes sifflaient, mélodie régulière soulignant le rythme rauque de son propre chant.

Cela faisait peu de temps qu'il avait quitté l'humain.
Son aile ne le faisait plus souffrir, il avait retrouvé sa liberté.

Mais pas son indépendance. Il n'arrivait pas à s'éloigner de lui.

Il savait pourtant que compagne il aurait du chercher. Il devrait être en train d'ébouriffer ses plumes et d'affuter son bec et ses serres sur le bois dur des chênes des basses prairies. Il aurait du être en train de provoquer les jeunes mâles et d'intimider les femelle. Ou l'inverse. Mais peu lui importait.
Il avait, au fond de son cœur de grand faucon, la certitude d'avoir rencontré son âme sœur.

Perché sur la plus haute branche du Grand Pin de l'Ingermann, il l'observait.
La silhouette sombre bandait un arc et décochait sa flèche sur un gobelin agressif.
Cela faisait deux jours que l'homme le cherchait, le nez planté au ciel, la nuque douloureuse et les yeux pleurant de trop de lumière.
Il venait d'obtenir un cours répit dans ses recherches, le gobelin l'ignorait probablement mais son agression offrait un repos au rôdeur.

Juste avant de combattre la créature belliqueuse, l'humain avait rencontré un autre humain, ils avaient pointé leur doigt vers le nord, puis vers l'est, ils indiquaient un chemin, ou des chemins.

Peu importait. Le gerfaut savait qu'il emprunterait lui aussi ces chemins, de plus haut, accompagnant discrètement l'humain dans sa ou ses quêtes. Il n'avait pas encore choisi de se livrer complètement à lui. Il hésitait encore.

Encore faudrait-il qu'il survive à son combat. Il verrait bien...
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#2
L'homme avait décidément des comportements étranges, erratiques.
Le gobelin avait été tué par un homme de métal brillant, lourd et bruyant.
Son sauveur avait échangé quelques mots avec l'être de métal.
Puis il avait commencé à marcher de son pas rapide.

Souvent l'homme levait le nez au ciel, semblant chercher quelque chose, quelqu'un.
Le gerfaut se savait l'objet de ces regards. Mais il savait aussi que le regard de l'homme n'était pas assez affuté pour le distinguer si haut dans le ciel ou perdu dans la frondaison des grands arbres.

Étrangement, son sauveur avait emprunté un grand chemin de pierre, là où d'habitude il préférait la terre et l'herbe verte, encore humide de la rosée du matin.
A grands pas il se dirigeait vers les hauts murs de pierre de la cité des hommes petits.
Sur sa route il avait croisé un autre homme de son peuple, ils avaient un peu parlé, fait quelques pas ensemble et partagé un feu et un repas un soir, loin de la route, dans une percée des arbres.
Le gerfaut en avait profité pour se régaler d'une gerboise.

Le lendemain l'homme s'était remis en route.
Et le gerfaut l'avait suivi.
Son sauveur avait pénétré dans la grande cité.
Le gerfaut avait décidé de l'attendre à l'extérieur, il savait que survoler la cité présentait des risques et il ne voulait pas renouveler l'expérience de son aile blessée.

Il n'avait pas eu longtemps à attendre. L'Agar était presque aussitôt ressorti et avait repris son chemin.
Où allait-il maintenant ?
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#3
L'Agar faisait son chemin.
Marchant de son grand pas vers le couchant, il avait quitté la grande cité des petits hommes.
C'est alors qu'il avait croisé le chemin des gobelins.
Agressifs, hargneux, sauvages et sans pitié, ils avaient attaqué l'homme et l'avaient laissé mort.
Le vol du gerfaut était alors devenu lent et triste, porté par les vents du désespoir et les courants de la solitude.
Où était-il ?
Où était son maître ?
Où était celui, il le savait maintenant, qu'il avait choisi, celui qu'il avait décidé de ne jamais quitté ?
Le gerfaut, tout conscient qu'il était, cervelle d'oiseau à l'intelligence rare, entité instinctive dont le cœur avait une tête et dont la tête avait un cœur, n'acceptait pas la mort de l'homme.

Prenant la direction du nord, en direction de la cité des Agars, il avait décidé de la vie et son regard perçant parcourait alors le paysage à la recherche de celui dont il savait que la mort ne l'avait pas accueilli en son sein.

Il ne lui fallut que quelques heures pour retrouver la piste que son cœur et sa tête lui indiquaient d"un commun accord.
Là encore le sang éclatait sur la neige blanche.
Le prédateur aux griffes tranchantes et au feulement agressif venait d'attaquer son humain.
Le gerfaut à nouveau risquait de le voir mourir, pourrait-il cette fois-ci revenir aussi facilement du royaume des morts ?

Il piqua alors vers d'autres guerriers, indiquant de ses ailes et de son bec la direction du Galbrou, espérant que ce dernier obtiendrait l'aide qu'il cherchait de tout son être à lui apporter...
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