La table des géants
#1
Gwendolwenn peinait, appuyée sur son bâton de sorcier. Elle en avait hérité après le partage du "butin", lors de la séparation de la compagnie qui avait aidé le mage de la caverne, lors d'un rituel pour sauver son épouse d'une malédiction.
Il était pour l'heure plus utile en soutien physique qu'en catalyseur magique, car Gwendolwenn continuait de glaner sur son passage les objets qui pouvaient l'intéresser . La récolte était bonne, elle avait dans sa besace plusieurs morceaux de minerai arrachés à la caverne, la baguette d'if que le mage lui avait rendu et deux gros morceaux de chêne choisis pour leur beauté particulière. Ils feraient de splendides sculptures.

Elle rentrait vers Asteras quand son attention fut attirée par un rocher étrange. Il n'était pas l'oeuvre de la nature.
Ce qui la laissa encore plus perplexe était qu'elle avait pris ce chemin à l'aller et qu'elle ne l'avait pas vu. Etait-il tombé du ciel, était-ce une illusion, ou avait-il simplement été masqué par la brume lors de son précédent passage ?

Désirant en avoir le coeur net, elle s'engagea une nouvelle fois pieds nus sur les plaines enneigées du nord, maudissant sa bourse qui devait bien peser deux livres tant elle était pleine d'or, alors qu'il n'y avait pas l'ombre d'une échoppe à les lieues à la ronde pour acheter des chaussures. Elle aurait même pu avoir une réduction, c'était la période du Grand Bazar à Asteras... Elle réprima un soupir d'amertume et s'engagea dans la neige, sentant de petits picotements dans sa nuque. Elle les oublia bien vite en s'approchant du monument.

[Image: -101.png]

Il était composé de deux gigantesques roches verticales sur lesquelles reposait une autre, horizontale et encore plus imposante, comme si quelque géant s'était préparé là une table pour le déjeuner. Mais il avait dû finir son repas il y avait bien longtemps. Une mousse épaisse, d'un vert profond, envahissait la roche. Des lichens, des champignons, quelques fleurs et maintes racines poussaient autour de l'étrange construction, défiant la neige et le froid de cette contrée.
Elle se demandait qui avait pu construire ce curieux édifice. Il faisait nuit maintenant, et la lune était pleine. Elle posât son lourd paquetage et grimpa sur la table de pierre. Non seulement la vue était splendide, la pâle lueur de l'astre argenté faisait briller la neige alentour, mais elle sentit une douce énergie l'envahir, chassant la lassitude de son trajet de bête de somme. Elle fut prise d'une irrésistible envie de danser. Sa robe d'azur éclairée par le rémanent de son bouclier de mana devait lui donner une allure surréaliste. Si quelque forestier ou chasseur passât par là ce soir là, il dût se dire que sur ce rocher dansait une fée.

Mais après quelques instants une voix éraillée semblant provenir de sous la table elle-même égrena un chapelet d'énigmes en vers. Frappée de stupeur, Gwendolwenn sauta de l'édifice, pour apercevoir une étrange créature à peine plus haute qu'un bolet, qui disparut aussitôt sa narration achevée.
Après s'être longuement demandée si elle avait rêvé, fatiguée qu'elle était, et finit par s'installer pour la nuit à l'abri de la pierre, espérant que cela ne gênerai pas trop le farfadet, pour peu qu'il ne fut pas le fruit de son imagination.
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#2
Le lendemain, elle eut du mal à s'extraire de sa cache tant il avait neigé.
A l'inverse de ses récoltes, ses réserves étaient de plus en plus maigres. Il ne lui restait de tout ce qu'elle avait acheté à Karad Zirkommen guère qu'un quinion de pain rassis et une tranche de jambon fumé par les nains. La gourde était vide depuis longtemps, mais il lui suffisait de prélever une poignée du tapis floconneux qui couvrait le sol pour se désaltérer.

Elle grava sa marque sur l'un des pieds de la table, un petit ogam qui rappelait vaguement la forme d'un oiseau prenant son envol, afin d'être réellement certaine a son retour que tout ceci n'était pas un songe. Le petit peuple n'existait pas. C'est du moins ce qu'on lui avait appris à l'école. Et pourtant elle avait vu ce lutin noueux comme s'il était réel, et entendu l'énigme. Elle avait d'ailleurs passé tout le début de la nuit à la ressasser et à cogiter, à tel point qu'elle avait finit par se lancer « germes soporifiques » sur elle-même pour trouver le repos.

Elle grimpa sur la table de pierre pour choisir son itinéraire. Le mieux semblait d'aller vers cette forêt de conifères à l'est, elle y débusquerai certainement quelque gibier. Après un dernier regard au paysage matinal qui s'offrait à ses yeux, elle reprit sa route, peinant encore plus que la veille dans la neige qui lui montait jusqu'à la taille. Le chemin se fit heureusement moins ardu lorsqu'elle atteignit les premiers épicéas. La neige était restée sur les branche et le sol était quasiment dégagé.

Il ne lui fallut que quelques minutes de marche pour trouver des traces de chevreuil fraîches. Elle troqua son bâton de sorcier pour l'arbalète, après l'avoir armée d'un carreau. Il ne lui en restait pas moins de 58, mais cela ne lui semblât pas de trop, car elle était très loin d'avoir les aptitudes d'Ehluine en matière de chasse. La chance lui sourit dans une clairière au milieu de laquelle trônait un magnifque chêne, dont l'absence de feuille laissait pleinement voir la majesté des branchages. A son pied, le chevreuil en question grattait de son sabot. Gwendolwenn était sous le vent. Elle visa le cou de l'animal, qui levait la tête en mâchouillant lichens et mousses. Soudain, remarquant la similitude de ses bois avec les branches de l'arbre, elle lâcha : « Mais oui ! Les ramures ! »

Le chêne avait été mortellement touché et le déjeuner de Gwendolwenn s'enfuyait au loin, alerté par sa phrase, mais elle n'en avait cure... Elle s'assit et entreprit de faire l'inventaire des arbres aux ramures de cerf. Un peu plus loin, au nord, elle voyait un frêne. « Oui..... » Plus à l'ouest, un énorme buisson de buis, qui avait gardé ses feuilles, mais avait plus l'élégance d'un gros mouton verdâtre que d'une coiffe de cervidé... « Non... ».
Soudain elle remarqua au sud des taches rouges. En s'approchant elle vit un arbuste qui avait encore ses fruits. Elle ne savait les nommer, mais elle les connaissait pour être comestibles.
Ce déjeuner-là ne s'enfuirait pas. Et elle s'installa au milieu du buisson pour en cueillir les faveurs.
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#3
Au début Gwendolwenn était un peu perplexe de trouver au long de son chemin des plantes vertes comme en plein été, mais après tout, si les esprits de la forêt existaient,
il n'y avait aucun raison qu'il ne puissent faire de petits miracles avec les plantes. Elle était encore indécise sur l'interprétation à donner aux paroles du farfadet, venant d'une école de magie, le terme "noter" avait pour elle une signification bien différente, mais elle se dit que dans tous les cas le meilleur moyen de prouver qu'elle avait localisé les éléments était encore de lui apporter un échantillon. Elle préleva un peu d'écorce de chêne, une branche de frêne, des baies pour sa subsistance et cueillit une cigüe en fleur en pleine neige. Elle n'aurait même plus été étonnée de trouver une rose dans un ecrin de glace ou une amanite sous une stalactite... Elle dressait au fur et à mesure de son voyage un plan sommaire, afin d'être sûre de retrouver tous les emplacements où pousserraient ces simples. Et soudain elle la vit. Exactement à l'endroit où l'on lui avait dit. Joigant ses mains autour de la corole nitescente, elle ramassa délicatement l'une de ces légendaires fleurs de mana, et envoya en pensées un remerciement a celui qui lui avait indirectement offert. Elle dessina sur sa carte une étoile bleue qui symbolisait la plante.

Soudain elle entendit une stridulation connue. Son coeur se mit a battre a tout rompre, elle siffla en réponse, puis eu sa confirmation : la trille musicale de sa strelie préféré.
Elle leva sa main, et sur son doigt vint se poser un oiseau au plumage cérulé, qui sifflait comme une bouilloir oubliée sur le feu.
- Du calme ! du calme... moi aussi je suis ravie de te revoir Finië. Qu'as tu pour moi ?

Elle se souvint avec nostalgie du jour où elle l'avait reçu : son père, alors commerçant à Asteras, l'avait amené dans une pièce aux cristaux étrangement placés, lui avait donné un petit colis puis s'était retiré. Lorsque qu'avaient retentis les sifflement de l'oiseau libéré de sa boite, son père était entré a nouveau et lui avait expliqué que dorénavant ils était liés : où qu'elle irait, cette bête pourrait la retrouver, comme un pigeon est lié à un lieu, une strelie était lié a une personne. C'était bien pratique et très utilisé par l'armée et par les marchands... bien plus cher qu'un pigeon aussi.

Elle détacha le message de l'oiseau, c'était Ehluine, dans son style télégraphique habituel.

"Bien rentrée de Karad avec Fragorn et délégation naine pour asteras."

Ils avaient donc réussi dans leur projet. Des nains étaient à leur tour allé visiter les Elfes. Cela augurait un futur d'échange et d'entente entre les deux peuples.
"Ne participerai pas de suite à la quête du Korrigan"
Korrigan ? qu'est ce que c'était que cette bête là ?
En continuant sa lecture, elle comprit qu'il s'agissait du farfadet.
Ainsi, elle n'était pas la seule à avoir entendu ses paroles, à la table des géants.
Le coin allait bientôt grouiller d'aventuriers en tout genre, comme cela avait été le cas dans la grotte lors de la mise à prix de la tête de la bête !
Le reste du message la mit en joie. Elle renvoya Finië et se remit en route, pressant le pas en direction de Tilador Erdana.
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#4
- Aaaaaaaaaaahhhhhh...

Les écureuils des frondaisons durent se demander ce qui motivait ce soupir de jouissance féminine provenant du sol.
Gwendolwenn posait enfin à nouveau le pied sur de l'herbe, qui laissait brutalement la place à la neige en raison du changement d'altitude.
Ce passage marquait aussi le retour en des lieux un peu plus fréquentés. Elle vit un elfe au loin, et cru reconnaitre l'un de ceux qui avaient participé a son équipée précédente, mais ses rapports avec eux ne s'étaient pas vraiment développés, aussi elle se contenta de faire un détour. Un peu plus tard, c'est un nain qu'elle aperçut, ce qui lui donna un peu plus envie de bavarder. C'était un éclaireur nain comme elle en avait vu à Karad Zirkomen. Il ne semblait pas enclin a parler à un elfe, encore moins une elfe, et qui plus est aux pieds nus. Et quand elle lui expliqua qu'elle venait des montagnes enneigées au nord, ses sourcils firent des vagues et il allait tourner les talons... Mais lorsqu'elle lui parla de sa visite a Karad Zirkomen, il lui confirma avoir aperçu leur groupe, se détendit et daigna enfin expliquer sa présence si loin dans l'ouest : il avait pour mission de retrouver un dénommé Grundel, et de diffuser son portrait auprès des *nains* - et il insista sur ce fait.

- Vous pouvez me considérer comme une elfe naine dit Gwendolwenn en souriant et en lui tendant quelques baies juteuses.

La discussion devint joviale, et lui livra des secrets que peut-être ses chefs n'auraient pas appréciés de voir tomber dans des oreilles pointues, comme le dernier endroit où le nain de science avait été aperçu.

Gwendolwenn se dit qu'Ehluine lui pardonnerait bien de ne pas être au rendez-vous de Tilador, et fit un bout de chemin vers l'ouest avec le ranger. Il portait bien son nom, puisqu'il s'appelait Kurir !
Elle souhaitait rencontrer cet érudit en matière de Nature, après avoir entendu tous les compliments qu'avait fait sur lui l'éclaireur. Elle pourrait lui conter sa danse sur la table de pierre et les événements insolites qui avaient suivi.
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#5
Le ranger eût mieux fait de continuer sa route avec Gwendolwenn, car à peine avait-elle fait quelque lieues après leur séparation qu'elle aperçut la petite silhouette sombre d'un nain.
Elle n'avait absolument aucun doute, c'était bien celui qui figurait sur le portrait que lui avait montré Kurir. Elle s'approcha quelque peu, puis se figea en s'inclina pour saluer. Il l'avait remarquée.
Il n'avait toutefois pas vraiment l'allure d'un nain, la barbe charbonnée taillée très courte pour cette race. Des yeux certainement plus grands que la moyenne qui dégageaient une émotion sensible et amicale. Et à l'exception notable d'une estafilade sur la joue, sa peau était quasiment dénuée des rides et marques qu'elle avait vu chez tous ceux de sa race.
Elle se demanda un instant pourquoi aucun son ne parvenait à sortir de ses lèvres et dû s'avouer qu'il était particulièrement séduisant. Elle espérait que cela ne serait par trop trahi par ses pommettes, mais se dit que cela eût pu aussi être mis sur le compte de sa longue marche et de la fraîcheur, pensée qui parvint à dénouer sa gorge.

- Fraan Grundel Sahn ! Lança t-elle, ce qui devait, si elle se souvenait de son passage dans la capitale naine, devoir sensiblement signifier "Salutations Maître Grundel". Je suis honorée de faire votre rencontre, qui n'est pas tout à fait fortuite. J'ai quitté il y a très peu de temps un dénommé Kurir, ranger nain qui était à votre recherche, pour une affaire urgente qui par ailleurs mon concerne aussi.

Comme elle se détendait enfin, elle s'aperçut qu'ils n'étaient pas seuls, et qu'un elfe arrivait au sud.
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#6
Grundel se méfiait.
Il avait conscience que toute cette populace rassemblée aux alentours de la table des géants avait à voir avec la complainte du Korrigan.
Mais la présence d'elfes et de nains en nombre dans la même région n'est jamais quelque chose de positif.
Ces elfes sont par trop sournois pour que l'on puisse leur faire confiance, pensa-t-il.

L'elfe qui se dirigeait vers lui prononça quelques mots dans la langue des nains de Karad, lui-même n'étant pas né dans cette région ce salut ne le concernait pas, de la part des habitants de Karad il aurait été différent, venant d'une elfe il aurait du l'ignorer.
Pour autant il comprenait les mots prononcés et choisit d'y répondre.
En effet, il n'ignorait pas que l'affaire du Korrigan susciterait l'intérêt du Thain et que ses Éclaireurs allaient avoir du travail.
Et il était convaincu, connaissant les habitudes des gens du petit peuple, que les elfes allaient être nécessaires pour trouver une issue à la situation.
Les farfadets, lutins et autres Korrigan appréciaient beaucoup les situations compliquées dans lesquelles ils impliquaient les victimes de leurs comptines.
Et il fallait faire vite.
Il ne faut pas laisser un Korrigan trop longtemps insatisfait, avait dit la vieille folle de la forêt. Elle avait sans doute raison...

Aussi salua-t-il la dame Elfe, sobrement toutefois, avec un peu de hauteur, comme il sied à un nain saluant un elfe.
Salut à vous Dame Elfe, que désirez-vous de moi ?
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#7
L'effort de Gwendolwenn d'employer un salut nain eut l'effet inverse de ce qu'elle attendait. Le visage de Grundel se ferma et il laissa entendre qu'il était en hâte. Elle lui proposa de suivre sa direction le temps d'exposer son histoire, afin de ne pas le mettre en retard.
Elle lui résuma brièvement qu'elle était une simple pensionnaire de l'école de magie d'Asteras qui avait été catapultée un peu malgré elle dans un enchaînement inattendu d'aventures.
Elle parla de la mise à prix de la bête, d'un qui luttait contre une malédiction mage au fond d'une grotte au nord de Tilador, de leur voyage a Karad Zirkomen, elle montra à Grundel la statuette de Zohran et lui raconta le combat contre les esprits. Puis comment elle allait rentrer, qu'un elfe lui avait expliqué où trouvé une fleur de mana, et qu'en chemin elle avait vu une grande table de pierre.
Elle expliqua qu'elle s'était sentie comme envoutée et qu'elle avait été poussée à danser sur la table par une énergie inconnue, puis enchaina en décrivant sa vision du Korrigan et son interprétation de l'énigme. Grundel sembla avoir un léger regain d'intérêt pour son histoire. Elle lui expliqua qu'avant cela, elle n'imaginait même pas que le petit peuple existât vraiment, et lui montra le début de carte qu'elle avait dressé avec la position de certains simple et de quelques arbres.
Enfin elle lui relata ce que le ranger nain lui avait dit sur sa recherche de Grundel, et qu'il était invité à se rendre à Karad Zirkomen au plus vite.
Il avait eut la politesse d'écouter son discours son l'interrompre, bien qu'il semblât nerveux car Gwendolwenn se déplaçait un peu moins vite que lui.

- Grand merci de m'avoir écouté. J'aurais souhaité votre avis sur ce qu'il y avait lieu de faire avec ce Korrigan... est-ce l'oeuvre du Mal, un piège pour capturer quelques âmes ? le simple amusement d'un esprit souhaitant se distraire ? ou une digne quête répondant à un besoin du peuple des fées ? ... et avec votre permission, je suis à votre disposition pour retourner à Karad Zirkomen, avec vous ou en portant votre message a leur intention.

Elle se doutait bien que le réponse allait être négative, car avec tout son bagage, elle retarderait trop ce nain habitué à galoper a travers les chablis. Mais au moins elle aurait proposé.
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#8
Grundel écoutait les premiers mots de l'elfe d'une oreille distraite.
Peu à peu cependant le parcours de la grande et fine créature, peinant à le suivre, suscitait son intérêt.
La statuette de Zohran, pour qui il avait une grande admiration et qui partageait avec lui la confiance du Thain, le surprit.
Il s'arrêta soudainement, au pied d'un grand chêne abritant une famille d'écureuils sautant de branches en branches, jouant dans les frondaisons du majestueux doyen de ces lieux.

Je vous ai écouté avec attention, elfe.
Et force m'est de reconnaître que vous avez su vous attirer les faveurs de Zohran et de certains de nos maîtres des runes avec lui.
Je vais donc prendre le temps de répondre à vos questions.


S'asseyant sur une racine du vieil arbre, Grundel sortit de sa besace un crouton de pain rassis, de petits morceaux de fromages secs, une outre dont l'odeur trahissait un vin capiteux.
Quelques fruits secs, une racine brune et tordue et un biscuit aussi dur que la pierre rejoignirent les autres aliments déposés sur un tapis de mousse.

Servez-vous, l'Elfe, si vous avez faim et si vos dents vous le permettent.
Buvez si vous le souhaitez, le vin est bon.


Grignotant un morceau de fromage à l'odeur musquée, Grundel conserva le silence quelques temps, semblant réfléchir.
Puis il reprit la parole.

Un Korrigan est un être retord, capricieux, blagueur, rancunier, frondeur.
Il peut être un allié utile pour ceux qui le nourrissent et lui offrent leur respect, lui parlent avec amabilité, lui offrent des présents.
Autant qu'il peut devenir un adversaire redoutable pour ceux qui le méprisent, l'ignorent, le maltraitent.

Il est très rare qu'un Korrigan se place ainsi sur le devant de la scène.
Mais il est dangereux qu'il y reste. Ses attentions ne sont jamais dénuées d'une intention précise, d'un dessein clairement défini, du moins en ce qui le concerne.
Les Korrigans possèdent une affinité naturelle avec la magie élémentaire et naturelle.
Ce sont des sorciers à la petite semaine, doués de peu d'énergie, souvent lâches, mais possédant de grands pouvoirs qu'ils sont capables de déployer soudainement avant de disparaitre, la plupart du temps.

S'il est intervenu de cette manière, usant de ses pouvoirs pour être entendu sur tout Ecridel, c'est qu'il souhaitait réunir les elfes et les nains dans sa quête.
A mon sens, il ne peut qu'avoir de mauvaises intentions concernant les aventuriers se lançant dans sa quête.
Et les mauvaises blagues des Korrigans finissent souvent en bain de sang. Et en rimes...

En ce qui concerne sa complainte, elle me parait relativement simple à interpréter.
Il veut qu'on lui situe les 7 fleurs, les 3 arbres, les 2 buissons et les 3 champignons communs que l'on trouve sur Ecridel.
Mais je doute que la réponse à cette quête voit son achèvement.
Je m'attends à quelque chose de plus compliqué.
Les Korrigans sont fainéants de nature, pour moi il s'attend à ce que les victimes de son dessein lui apportent elles-mêmes les outils de leur déchéance.

Je m'inquiète aussi de sa référence au feu (Vous ne craignez ni feu ni race ?), de son appât (Vous cherchez or, force et gloriole ?).
Mais il n'est pas de moyens autres que l'accomplissement de la quête en elle-même pour découvrir les dessins d'un Korrigan.
Leur esprit est trop tortueux, labyrinthique, pour nous les nains qui possédons une pensée simple, franche et honorable.
Peut-être vous les elfes saurez y voir plus clair...

M'accompagner à Karad ?
Il n'en est pas question. Je voyage seul.
Mais vous pouvez cependant faire passer un message, non pas à mon peuple, mais au votre.
Cela m'évitera un voyage.

A grands maux grands remèdes.
L'ampleur des actes du Korrigan me laisse imaginer une issue qu'il considère grandiose.
Je n'ai jamais entendu parler d'une blague à la mise en place si fastidieuse, si compliquée, touchant autant de monde.
Nous devons nous attendre à une issue dangereuse pour tous.
Quelque chose qui nécessite qu'Elfes et nains, pour une fois, fassent front commun. Voilà le message qu'il faudra diffuser aux vôtres.
J'ignore quelles forces le Korrigan va libérer, mais il est certain que tout ceci finira mal, comme il est tout à fait certain que si nous ne satisfaisons pas à l'objet de sa quête cela finira encore plus mal...

Je dois partir maintenant, mais je reviendrais vite auprès de la Table des Géants, afin de veiller sur le Korrigan et sur ce qu'il se prépare à nous faire affronter.


En quelques secondes, le nain aux gestes précis rassembla ses affaires et reprit son chemin, à grands pas.
Il disparut derrière le sommet d'une colline, englouti par la lumière éblouissante du soleil affleurant sur la crête.
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#9
Gwendolwenn était si concentrée sur les paroles du nain que son départ fut comme un réveil brutal. Elle n'eût que le temps de lui crier merci, de ramasser en hâte son paquetage pour partir à sa poursuite, car elle avait encore une question pour le naturaliste au sujet d'une araignée dont lui avait un jour parlé son mentor. Mais il avait littéralement disparu.
Elle le soupçonna d'avoir utilisé l'anneau d'invisibilité qu'elle avait vu a son doigt. Elle prit alors le temps de reposer son barda, d'y mettre un peu d'ordre, de noter ce qu'il lui avait demandé de transmettre aux autorités elfiques puis de se remettre en route vers Tilador.

Elle était en pleine cogitations sur ce que lui avait révélé Grundel et sur sa manière légèrement agaçante de l'appeler "elfe" comme s'il s'agissait d'une tare que n'ont pas les nains, quand elle tomba nez à nez avec un autre de représentant de ce peuple. Autant elle aurait pu définir Grundel par le terme "élégance", autant le premier mot qui lui venait maintenant était "puissance".
Lourdement armuré de cuir clouté, lourdement armé de haches, certainement lourd tout court et aux proportions strictement carrées, ce nain là ne devait pas souvent miser sur la fuite.
Elle se prépara à lancer au cas où quelques enchantements de défense, mais à la réflexion "solidité du chêne" n'était pas forcément le sort le plus adapté face à deux énormes haches équipées d'un nain de cette carrure.
Au vu du peu de succès de sa tentative de parler la langue naine avec Grundel, elle se contentât cette fois de la langue commune.

- Salutations Noble Guerrier ! Je suis Gwendolwenn Cyrmael, et je suis en paix avec le peuple nain.

Elle limitait son inclinaison de façon à pouvoir déceler le moindre geste inamical, et attendit en observant les yeux noirs du nain bourru. Elle remarqua alors qu'il n'était pas seul. Un autre nain, vêtu d'une simple tunique de toile et tenant un bâton, marchait un peu à l'arrière.

Lorsqu'enfin les nains se présentèrent, la tension retomba dans les deux camps : ces nains étaient la bonne nouvelle du message d'Ehluine, qui avait mit en joie Gwendolwenn. Elle avait indiqué qu'elle aurait du retard, et que les nains en visite a Asteras partiraient en avant, afin de venir à sa rencontre.

D'autre elfes arrivaient, curieux d'apercevoir deux races ennemies se côtoyer. Comme l'avait prévu Grundel, les entours de la Table des géants commençaient à devenir noir de monde !
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#10
Erizzet, en marche vers les montagnes du nord, quand il rencontra des voyageurs. Grande fut sa surprise de constater qu'il y avait là des elfes, mais aussi des nains. Il avait en effet entendu parler de cet récente, et incompréhensible démarche de rapprochement entre les deux peuples ennemis, mais il ne pensait qu'il ne s'agissait là que de ragots, sa propre habitude consistant à tirer à vue sur tout nain osant s'aventurer dans les terres elfiques.
De toute manière, les nains ne se privaient pas pour agir de même, n'avaient-ils pas il y a à peine quelques jours tenté d'attaquer notre ville ? Non, vraiment, rien dans son expérience ne lui permettait de comprendre l'attitude apparemment plutôt amicale de l'elfe.

Cependant, son éducation elfique le retint de lâcher une flèche sur le nain, d'autant que ce dernier, même s'il n'était pas seul, semblait littéralement entouré d'elfes, et plus tendu qu'autre chose. Il nota cependant que le nain gardait sa main sur son bâton et semblait prêt à en faire usage à ton moment.
Il s'avança donc, tout en gardant ses distances et, ne lâchant pas le petit être des yeux, tout en l'ignorant cependant, il s'adressa à l'elfe qui l'accompagnait :

-Bonsoir, que signifie cet étrange équipage ?
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#11
Gwendolwenn répondit d'un air un peu mystérieux :

- Ce sont des amis de longue date... que je n'avais jamais vu auparavant !

La rencontre fut de courte durée, Gwendolwenn relatat brièvement aux nains son dialogue avec Grundel. Elle termina en annonçant :

- Je m'en vais donc à Tilador transmettre le message de Grudel aux autorités elfiques d'Asteras. Je reviens vers vous aussi vite que possible, et avec de la chance accompagnée d'Ehluine.

Le aussi vite que possible fut cependant légèrement réfuté par un buisson de baies juteuses : Gwendolwenn avait prit goût a ces délicieuses friandises et s'arrêtât en chemin pour en glaner quelques poignées.
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#12
- Comment ? Vous n'avez même pas une petite chemise de toile ?

Gwendolwenn fit de grands yeux. Elle savait que Tilador était une petite bourgade perdue comparée à la capitale, mais au point qu'il n'aient même pas un vêtement de base dans l'unique magasin du village, non...

- Auriez-vous une une feuille et une plume, s'il vous plaît ?

Le gérant du magasin sortit une feuille de parchemin qui aurait pu servir de bouclier tant elle était rigide. Il restait quelques morceaux de paille incrusté dans le papier.
Cela ne faisait pas très sérieux pour écrire au roi, mais soit, elle ferait avec cela. Et elle rédigea une missive à l'intention de la cour d'Asteras.

Mes seigneurs,

Vous avez certainement ouï parler de l'affaire du Korrigan. J'étais à la table des géants dont il a fait mention, au sud de Tilador, lorsqu'eût lieu l'événement,
et sur le chemin du retour j'ai fait la connaissance d'un nain dénommé Grundel.
Peut-être votre conseil en a-t-il déjà entendu parler, car il semble renommé parmi les nains, et excelle dans la connaissance du petit peuple de magie.
Il m'a demandé de faire passer un message pour avertir les nôtre d'un grand danger potentiel provenant de ce que le Korrigan pourrait générer.
Un danger que les elfes ne pourraient surmonter seuls, pas plus que les nains.
On m'a dit que déjà des combats s'étaient engagés près de la table des géants entre nos peuples. Je vous sauré gré, si vous en jugez l'opportunité, de faire passer un message ferme aux elfes
sur la nécessité de faire taire les rancœurs envers les nains, et je peux vous jurer que certains d'entre eux font aussi cet effort dans le sens inverse, et dans l'attente de ce que nous réserve
l'avenir, de se préparer conjointement plutôt que de réduire mutuellement nos forces.

Votre dévouée,

Gwendolwenn Cyrmael.


Elle emprunta ensuite une chandelle qui éclairait la boutique, versa quelques gouttes de cire pour fermer le parchemin, et y appuya la statuette de Zohran.
Cela fit un splendide cachet runique qui rehaussa un tant soit peu l'apparence du message.
Elle fit une nouvelle fois les grands yeux lorsqu'on lui demanda deux sous pour le papier, un pour l'encre et encore un pour l'utilisation de la chandelle. Elle s'en fut rapidement de ce repaire de pingres, sous le regard sombre du gérant qui recomptait les pièces.

Elle alla trouver le chef de la garde de Tilador, et lui demanda s'il pouvait faire transmettre en urgence ce message concernant le Korrigan à la cour d'Asteras. Comme le garde lui répondit positivement,
elle demanda par acquis de conscience :

- Je vous dois combien ?

Après avoir payé une pièce d'or les quatres gouttes de cire, elle s'attendait à un prix faramineux, mais le garde la laissa quitte. Et avec un sourire en prime.

[---]
[Image: 90041.png]
Garde de Tilador Erdana.
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#13
Gwendolwenn dansait sur la Table des Géants au clair de lune. Et le Korrigan apparut une fois encore, pour déclamer une nouvelle sommation.
Cette fois, pour obtenir ses faveurs, il fallait que nains et elfes, ennemis de toujours, se rassemblent en un même lieu. Il se mit à neiger
des flocons de cristal. Et comme ils tombaient et se brisaient sur la Table, elle sentait a chaque pas de danse une douleur piquante aux pieds.
Du sang coulait sur la pierre. La douleur devenait plus intense. Gwendolwenn se réveilla brutalement de sa dernière halte avant la Table des géants.
Elle s'était endormie avec les pieds près d'un bosquet d'orties et s'était un peu trop agitée cette nuit...
Il ne restait plus qu'une journée de marche avant d'atteindre la Table, tout avait commencé là-bas, tout devait y finir.
Elle se demanda ce que signifiait ce rêve et pressa le pas. C'était un parti dangereux selon Grundel, que de céder aux exigences du farfadet,
mais elle était décidée à affronter quelqu'épreuve qu'il imaginât pour se rapprocher du petit peuple. Et de toute manière c'était un parti tout aussi
dangereux que de ne pas y obéir. Peut-être que le monde entier serait détruit, et qu'une poignée d'élus seraient préservés. Peut-être que leurs âmes seront
emprisonnées par la magie des fées... Peut-être que ce n'était qu'une vaste farce, et qu'il allait poser sur la table quelques gâteaux et disparaitre en riant...

Mais bien avant la Table, elle vit le vrai Korrigan... Là où glace couvre racines... Et nombreux étaient ceux qui avaient entendu son appel.

[---]
[Image: orties.jpg]
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#14
Le regard de Nibelung était dur et le "brave" nain râlait; pestait et jurait tandis qu'il marchait en guerre vers la table des géants.



Bon !

puisque le minielfe a payé pour qu'on épargne les fifilles , je les épargnerai !

mais ca sera valable que cette fois hein !

Et si un seul de ces ...."kdqsgfkfjhg"(*) ose lever la main sur un Nain, ca tient plus
!


(*) NDT : intraduisible ..
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#15
L'attente avait été longue, mais elle fut finalement récompensée. Si l'on pouvait parler de récompense...
Comme l'avait promis le Korrigan, elle était fabuleuse, gigantesque et brillait comme nuages d'or et flots de diamants.
Mais il avait omis de préciser qu'elle serait vivante.

Gwendolwenn était déçue... Elle connaissait les elfes et les nains, pour leur rancune, leur désir de combat et de vengeance.
Voilà qu'un nouvel espoir était apparu, un petit farfadet ambassadeur du peuple des fées. Aussi ancien que les dieux...
Aussi peu sagace qu'un enfant gâté.
Elle aurait voulut lui demander pourquoi avoir placé tant de puissance dans sa colère,
plutôt que d'avoir expliqué comment de potagers, maisonnées, beaux légumes et de paix on pouvait se satisfaire
a ses débiteurs d'antan qu'il semblait tant abhorrer.
Mais soit. L'infamie était là, et semblait assez peu intéressée par les potagers. Elle consumait ses alentours,
grillait ses assaillants trop intrépide, et rendait coup pour coup.

Il fallait tenter de l'immobiliser. Gwendolwenn se demanda un instant si son vent exacerbant n'allait pas attiser le feu du démon,
mais le monstre bloqua son sort sans difficulté. Les germes soporifiques n'eurent pas plus de succès. Les bourrasques encore moins.
Définitivement, Gwendolwenn n'était pas faite pour l'action. A sa décharge qu'il était difficile de se concentrer face à une montagne de lave en furie.

La créature était au bord du lac... peut-être qu'en unissant leurs efforts ils pourraient la faire reculer dans l'eau, où elle ne ferait pas long feu.
Mais comment la pousser ? Elle était cinq a six fois plus haute que les nains qui l'entouraient...
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#16
Gwendolwenn sentit quelque chose s'enrouler autour de son pied et trébucha. C'était le Korrigan qui utilisait une technique des plus vicieuses : il immobilisait les combattants par une explosion de racines tortueuses et ne pouvaient plus alors s'écarter du démon de feu. Et effectivement, il s'approcha d'elle, flamme dévorante. Elle sentit l'haleine incandescente tout autour d'elle.
Ehluine cria une mise en garde, mais elle ne pouvait bouger. Heureusement les nains, Irkedask en tête, harcelait sans relâche la créature au corps-à-corps.
Les elfes préféraient le combat a distance ou la magie. Ces agressions répétées et combinées commencèrent a avoir raison de l'être de feu.
Voyant que son protégé de braises commençait à faiblir, le Korrigan s'engagea dans un enchantement destiné a lui redonner vigueur. L'abomination s'approchait encore,
embrasant peu à peu la magicienne et ses effets. Mais à quelque chose malheur est bon, car le brasier eut raison de la peau des racines avant de celle de la prisonnière, et Gwendolwenn
put enfin s'extraire de ce piège vivant. Les brûlures guériraient d'elles-même et les cheveux roussis repousseraient, mais elle en serait quitte pour une séance de raccommodage conséquente...
si toutefois elle survivait à cette aventure. Elle rampa au dehors de la mêlée aussi rapidement que lui permettaient ses blessures, avisa le farfadet et s'en fut droit vers lui en hurlant.

- Korrigan ! Il est encore temps pour toi de te repentir, met fin a ce que tu as amorcé, et accepte de parlementer ! Les germes de la réconciliation sont en train de croître entre Elfes et Nains. Faites-en autant, petit peuple de magie ! Vous pouvez être reconnus et respectés. Ou vous pouvez être haïs et pourchassés si vous tentez de semer la destruction !

Puis, baissant le ton de sa voix et continuant d'avancer :

- Korrigan, je ne te veux pas de mal mais j'userai de tous mes moyens, aussi faibles soient-ils, pour t'empêcher d'en faire.

Ce disant elle fit mine de lui lancer quelques germes soporifiques, plus en guise de sommation que pour réellement le toucher, mais surtout pour montrer qu'il existait des moyens moins drastiques qu'un carreau entre les deux yeux, méthode que ne tarderaient pas à choisir les autres combattant à l'encontre du Korrigan. En tout état de cause, vu son état de fatigue - et son état roussi tout court - ell n'aurait de toute manière pas l'occasion de lui faire grand chose s'il n'entendait pas lui prêter l'oreille. Plus elle avançait vers lui, plus son pas se faisait lent et plus sa voix se faisait douce, comme sa colère diminuait.

- Mais cela est vrai tout autant pour t'aider. Tu ne trouveras jamais la paix dans ton coeur en cherchant la rancoeur. Petite, les fées, les lutins et les farfadets me faisaient rêver. Pourquoi veux-tu qu'ils deviennent le cauchemard des générations futures ?

Mais comme elle se dirigeait vers le Korrigan, le monstre dû croire qu'elle voulait s'en prendre a son maître. Dans un vrombissement de volcan, une boule de feu s'abattit sur Gwendolwenn.
Et pour toute réponse, le Korrigan l'acheva.

Elle savait bien qu'à porter capuchon et bâton de sorcier, elle finirait sur le bûcher.

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[Image: mort_gwen.jpg]
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