[RP] Bienvenue sur les Quais du Basalte
#1
Citation :[HRP] Petit RP en réaction à l'une des rumeurs du topic dédié. smile

« A partir de maintenant, tu me laisses faire. Evite d'attirer les regards et contente-toi de me suivre en silence. Et surtout, tu n'interviens pas ! »

Je déposai un léger baiser sur ses lèvres pour couper court à toutes les protestations que Victor n'aurait pas manqué si l'occasion lui avait été laissée.

Je fis alors un pas en arrière afin de jauger une dernière fois mon œuvre. Ses atours bordés d'écarlate avaient laissé place à de vieilles guenilles grossièrement rapiécées d'un blanc qui ne l'était plus tout à fait. Ses braies, d'un brun délavé et faites d'un tissu rude au toucher, rappelaient ceux que portaient les paysans taliens pour leurs travaux des champs. Des travaux que tous supposeront suffisamment rudes pour avoir forgé une carrure digne de celle d'un guerrier. Malgré les traces de poussières dont j'avais maculé son visage, ses yeux de ce bleu qui me fascinait tant, ressortaient toujours intensément.

A la vérité, il m'était impossible de travestir ce port altier qui caractérisait le jeune homme et ceux de sa caste dominante. Ses manières le trahiraient sans l'ombre d'un doute. Sa seule façon d'être romprait l'illusion de ses frusques pouilleuses pour des yeux scrutateurs et perspicaces. Mais après tout, la nuit au Basalte, on ne disait pas que tous les chats étaient gris, mais bien que tous les marins étaient grisés.

Je poussai un petit soupir me demandant une fois de plus comment il était parvenu à me convaincre de cette ridicule mascarade. Ses sourires, ses murmures et ses baisers… Telles étaient les armes dont il usait et abusait pour m'amener là où il le désirait, à son entière merci. Ma sottise m'avait grandement exaspérée lors de cet instant où je lui promettais, dans un souffle sensuel, de lui faire découvrir mon univers de misère.

Nous nous tenions devant l'une de ces nombreuses tavernes miteuses qu'abritaient les Quais de Basalte. Les Tétons de Nogon. Ce n'était ni la plus agréable, ni pour autant la plus vulgaire. Mais son réel avantage était que le tenancier ne se risquerait pas à me jeter dehors à la simple vue de la blancheur de ma chevelure. Pas de suite, du moins. J'eus un petit ricanement à cette idée.

Les odeurs d'alcool et de sueur me frappèrent les narines dés que je franchis la porte, suivie de Victor. Un rapide regard sur la salle… Bondée, comme chaque soir. J'aperçus deux places assises au comptoir. Parfait, je n'en attendais pas tant. Je pris mon amant par la main pour le guider entre les tables de bois où l'on riait, trinquait, discutait et jouait bruyamment, bousculant sans ménagement les manants qui juraient de mes manières, avant de chuchoter à leurs voisins à ma vue.

« La blafarde est d'retour au bercail.
- La garce, je l'croyais à nourrir la poiscaille.
- Tu parles. Ca crève pas c'genre de raclure.
- Pire qu'sa mère, moi je te l'dis.
- Je me l'ferai bien, mais tu sais ce qu'on dit…»

Après les avoir menacés d'un regard incendiaire, je pressai le pas dans l'espoir que ces bruits à mon sujet n'écorcheraient pas les oreilles de mon noble invité. Je lui fis signe de s'installer sur l'un des deux derniers hauts tabourets en face du comptoir et pris place sur le second, à sa droite. Reprenant cet accent populaire dont j'avais tant peiné à me débarrasser, je pris commande avec un grand sourire ironique au patron qui me dévisageait mal à l'aise.

« Edwin, tu m'sors ta bibine l'plus forte pour m'compagnon et moi. Double dose. Comme d'habitude.

- La maison fait plus crédit à t'maudite famille. J'veux plus vous voir trainer dans l'coin et prendre l'place de bons clients. Des clients qui payent, tu vois.
- Fort dommage. Je v'nais régler les dettes de Dione. »

Le tavernier parut incrédule jusqu'au moment où je sortis une petite bourse contenant une partie de ma solde de mercenaire. Il émit un sifflement satisfait et s'en empara avidement avant de revenir avec deux verres et une bouteille.

-« M'demoiselle est servie. Et lui ?
- Un client à déniaiser. Pour une première, j'fais dans l'préliminaire.
- J'te laisse à ta prestation alors. »

Il s'éloigna dans un ricanement graveleux pour s'occuper d'un matelot déjà fort aviné. Bien. La populace était toujours aussi aisée à duper, surtout lorsque l'on agitait sous leur nez le leurre de leur croyance profonde. Que pouvait donc faire de sa vie la fille d'une prostituée si ce n'est reprendre l'entreprise maternelle ? « Enfin », devaient se dire les badauds qui avaient suivi d'une oreille la conversation. Les idiots. Un rictus malsain passa brièvement sur mes lèvres à la pensée de leur accablante médiocrité. Au moins, nul ne poserait d'avantage de questions.

Je me rendis soudainement compte que j'avais glissé ma main sur celle de Victor, posée négligemment sur le comptoir que les restes de boissons mal-nettoyés avaient rendu poisseux. Je l'avais fait dans un réflexe, comme le besoin aussi vital et banal de respirer. En quelques jours passés avec lui, sa présence près de moi était devenue une évidence, au même titre que celles de Dione et Yan. Etais-je en train de perdre totalement pied face à ce nobliau ? Il était temps de me ressaisir drastiquement et de m'éloigner de son influence. Mais en avais-je seulement envie ?

J'approchai mon visage du sien pour entamer une discussion discrète, audible pour lui seul, avec un léger sourire sarcastique. Mes lèvres effleuraient presque les siennes.

« Messire est-il satisfait de son début de soirée au milieu de la plèbe grouillante et insignifiante du Basalte ? De quoi rafraichir son gosier asséché peut-être ?»


Après avoir rempli un verre à chacun, je regardai le liquide ambré, songeuse, au travers du mien dont l'opacité douteuse laissait deviner une salubrité loin d'être irréprochable.

« Enfin, s'il ne finit pas brûlé par la même occasion que ton foie. »

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#2

Victor esquissa un petit sourire satisfait. Il avait réussi à la persuader de l'emmener dans le quartier où elle avait grandit, pour lui montrer la vie là-bas. Il savait pertinemment que c'était bien différent, mais pas comment. Selinde n'avait pas été très difficile à faire céder à cette idée. Il faut dire qu'il pouvait se montrer très convaincant lorsqu'il le voulait.

« A partir de maintenant, tu me laisses faire. Evite d'attirer les regards et contente-toi de me suivre en silence. Et surtout, tu n'interviens pas ! »

Cette idée ne l'enchantait pas vraiment, de ne pas intervenir s'il y avait un problème. Mais elle avait raison, il se ferait repérer rapidement s'il n'était pas discret. Il hocha légèrement la tête et arrêta de se gratter la cuisse - ses braies le grattaient.

Il la suivit docilement entre les tables, écoutant rapidement les conversations des tables qu'ils frôlaient. Il s'était un peu avachi, tentant de perdre son port habituel. Il entendit bien des insultes envers son amante, mais il ne se retourna pas et se contenta de serrer les poings. Éviter les regards et la suivre en silence. Elle semblait être connue, peut-être qu'elle avait été une habituée auparavant ? Ça n'était pas la seule taverne des environs, alors il y avait bien une raison pour qu'elle soit venue dans celle-ci. L'habitude. Mais il n'aimait pas du tout les regards qu'on pouvait lui lancer. Qu'est-ce qu'elle avait fait pour qu'on la traite ainsi ?

Le moins qu'il pouvait dire, c'est que l'ambiance changeait des tavernes plus tranquilles dans lesquelles il avait l'habitude d'aller. Rien que l'odeur, déjà... Le bruit, aussi. L'ambiance. Et probablement l'alcool. Tout, en bref.

Il s'assit sur le tabouret et détailla un instant le gérant du regard, avant de baisser les yeux sur le comptoir sale. Il se contenta d'écouter la conversation, affaissé sur le bois poisseux, observant la seule chose qu'il trouvait belle dans cette salle. Il était un peu étonné de l'entendre parler avec un tel accent, mais c'était logique après tout, elle avait vécu des années dans ce quartier. Il comprenait que la mauvaise réputation qu'elle avait venait en partie de sa mère. Client à déniaiser, mh ? Il aurait bien fait la remarque qu'il ne payait pas, mais c'eut été d'un goût douteux. Quoique, en ce lieu, il aurait pu tout dire. Mais qu'elle se passe passer pour une prostituée alors que ça n'était pas le cas le dépassait. Il lui jeta un petit regard mêlant interrogation, et incompréhension.

Le jeune homme observa ensuite la bouteille. Devait-il s'inquiéter tout de suite de ce qu'il allait boire ? Il verrait bien. Il fixa la jeune femme alors qu'elle était toute proche, un léger sourire aux lèvres, et qu'elle lui rappelait ô combien il était différent de ces lieux.
Il ne répondit pas, et se contenta de soulever son verre pour observer l'alcool d'un air dubitatif. Il n'était pas habitué à ça, et à vrai dire, il ne voulait pas savoir ce qu'il y avait dedans...

Après quelques instants de réflexion, il se lança. Après tout, il était ici pour découvrir, même si pour l'instant il regrettait un peu d'être venu. L'odeur du lieu lui rappelait un peu les marais de Ténagos. Ou bien les égouts d'Asteras ? Il ne savait plus trop, mais dans tous les cas, pas une odeur fleurie.
Il se lança donc et but une gorgée de la boisson qu'on lui avait servi. L'instant d'après, il eut une petite quinte de toux et grimaça. Mais qu'est-ce que c'était que ce truc ?! Pour brûler, ça brûlait... Il avait l'impression d'avoir avalé une boule de feu tant sa gorge le piquait. Il devait probablement être rouge.

Lorsqu'il eut repris un peu contenance, il se pencha vers Selinde et lui demanda tout bas :

« Quel est l'intérêt de boire ça ? »

Une chose était sûre, ça n'était pas par le goût... Il prit un instant et posa une autre question :

« Et pourquoi tu te fais passer pour une prostituée ? »

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#3

J'éclatai de rire devant sa mine déconfite et sa réaction somme toute prévisible, à cet alcool. Mon cher Victor avait succombé, comme tout nanti, à ce que le Bas-Peuple appelait affectueusement « l'Eau de Myste » en hommage à la chaleur insoutenable qui s'en dégageait presque magiquement une fois avalée. Il se pencha vers moi pour m'interroger, mais je restai silencieuse, préférant lui sourire, une pointe de défi dans mes iris noisette.

D'un geste désinvolte, je fis tourner le liquide dans mon verre avant de l'avaler d'une seule traite. Je le sentis s'écouler le long de mon œsophage, son feu se répandant dans mon corps jusqu'à terminer sa douloureuse course dans mon estomac. Seul le triomphe satisfait du vainqueur se lisait sur mon visage.

« Par commodité. »

J'avais lâché ces quelques mots sans le quitter des yeux. L'alcool altérait déjà mes sens, et surtout, éveillait mon corps à ce désir impromptu que m'inspirait Victor depuis mon retour de la forteresse. Je continuai mes propos, dissimulant ce trouble naissant.

« Il m'est plus aisé d'offrir aux gens la vérité qu'il désirent, plutôt que celle qui est réellement. Depuis le temps qu'ils jasent à ce sujet, s'horrifiant de ne pas me voir suivre l'héritage maternel… La diversion était toute trouvée. Je n'aurai alors à justifier ni ma solde, ni ta présence. Et… cela me permet aussi de faire cela en toute impunité. »

Je m'approchai plus encore de lui pour l'embrasser avec passion, l'une de mes mains s'invitant derrière son cou tandis que la seconde s'était glissée dans son dos. Je m'étais laissée aller. Laissée aller à cette envie irrésistible de l'enlacer et de sentir son corps contre le mien. Laissée aller à cette ivresse bienheureuse que le contact de ses lèvres me procurait. Pourtant, ne devrai-je pas le fuir, et m'extirper de ses doucereuses entraves au plus vite ?

« Quant au salut de cette bouteille, il n'est pas dans son goût, mais dans son coût. Un prix dérisoire pour atteindre sans attendre les délices de l'ivresse. Quelques verres suffisent, même aux plus résistants, pour que l'esprit s'évade vers une euphorie superficielle. Celle que recherchent bien des marins, qui ne resteront sur la terre ferme de ces quais pour une nuit seulement. Ne ressens-tu pas en cet instant, son éphémère pouvoir ? »

Je me dégageai un peu de son étreinte pour le détailler d'une manière que l'on jugerait fort indécente en tout autre lieu. Je lui souris, narquoise, désignant la bouteille du doigt.

« Mais peut-être souhaites-tu que je t'apprenne réellement à t'en servir ? »

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#4

Victor ne se froissa lorsque la jeune femme rit de sa réaction à cet alcool fort. A sa place, il aurait probablement fait la même chose. D'un œil extérieur, ça devait toujours être amusant. Lui était habitué aux alcools plus "tranquilles", et elle... Il l'observa, bouche bée, boire son verre comme si de rien n'était.
En tout cas, cet alcool avait le bénéfice d'agir vite. C'était ça l'intérêt ? Il se sentait déjà un peu à l'ouest, mais il se concentra sur ce que disait Selinde. D'après ses paroles, les gens du quartier n'avaient pas l'air bien finaud et mettaient des étiquettes à tout le monde. A la réflexion, c'était le cas pour quasiment tout le monde, lui compris.

Il aurait bien poursuivi ces considérations quelque peu décousues par l'alcool, mais le baiser qu'il reçut le ramena à l'instant présent. Une autre chaleur que celle de la boisson se propagea dans son corps, et il répondit à ce baiser, sans cependant poser ses mains sur la jeune femme. Il était encore assez conscient pour savoir que ça n'était pas particulièrement une bonne idée. S'il avait voulu faire ça, il ne serait pas ici.

C'était bien ça, l'alcool était juste pour atteindre l'ivresse. Aucun intérêt selon lui donc. Enfin, ça aurait pu marcher à la place des potions du dispensaire, probablement. L'ébriété marchait aussi pour faire disparaître la douleur, mais le corps n'était pas vraiment heureux ensuite, surtout la tête. Et comme il buvait des potions pour ne plus avoir mal à la tête...

Il observa Selinde quelques instants, clignant un peu des yeux. Elle venait de lui parler, mais il n'avait pas vraiment écouté comme il était encore parti dans ses pensées. Elle lui indiquait la bouteille du doigt. Elle lui avait peut-être demandé s'il voulait un autre verre ?

Il lui sourit malicieusement pour lui répondre, faisant attention de parler tout bas.

« Je n'ai pas besoin d'alcool pour être enivré... Ta seule présence suffit à ça. »

Il ne savait pas vraiment s'il avait retranscris sa pensée comme il le voulait, mais c'était un peu tard. Il observa un peu autour d'eux, notamment les gens qui leur jetaient des coups d'œil, puis reposa ses yeux sur Selinde.

« Mais après tout, je suis là pour découvrir, alors... »

Il haussa les épaules en souriant.

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#5

Je ne le quittai pas du regard, particulièrement amusée par les effets éthyliques que je devinai à ses yeux bleus perdus dans le vague, presque incapables de se poser durablement. Même avec cet air absent, Victor me paraissait si beau. Et moi, bien sotte de lui livrer ainsi ma vie. Nos vies. Je ne pouvais même pas en blâmer l'Eau de Myste pour ma négligence.

« Il ne faut pas abuser des bonnes choses, voyons… »


Difficile de déterminer si cette réplique lui était véritablement adressée tant elle faisait écho à mes propres envies de quitter ces lieux répugnants au plus vite, pour finir la nuit ensemble. Comme la dernière. Et les précédentes à dire vrai.

Je me retournai sans gêne, ni discrétion pour étudier la salle bruyante considérant chaque table par une appréciation implicite. Badauds éméchés, négociants peu scrupuleux, joueurs endurcis, jouvencelles peu farouches, marins avinés… Des visages connus. D'autres non. Mais nul n'attira mon attention par une excentricité quelconque. Soit.

« Regarde autour de toi. Ces gens bruyants, qui hurlent plus qu'ils ne conversent… Tend l'oreille et écoute-les. Fixe-toi sur une voix bien particulière et tâche d'en extraire des bribes, des mots qui retiennent ton intérêt ou aiguisent ta curiosité. »

Je savais l'exercice peu évident dans cette cacophonie populaire où les coups de sang étaient aussi coutumiers que les éclats de rire. Par le passé, je n'avais pas fréquenté cet établissement, comme tant d'autres, avec assiduité pour m'enivrer du crépuscule au petit matin, mais pour écouter les voix et toutes les rumeurs qui les faisaient vibrer. Je me contenais bien souvent de rester accoudée sur un comptoir ou sur la balustrade d'un étage, à écouter jusqu'à ce qu'un manant quelconque ne vienne troubler mon office et qu'il ne soit cruellement éconduit.

Dione, lui, était passé maitre en la matière. Entre perspicacité et manipulation, il naviguait entre les vérités et les mensonges avec une aisance folle, les arrachant d'un sourire charmeur ou d'une plaisanterie débonnaire.

« Mon frère use de cette bouteille comme d'un artifice. En la vidant dans d'autres verres, il s'offre un passe-droit pour s'inviter à la table d'autrui. C'est en trinquant qu'il délie les langues et s'attire les bonnes grâces de ses interlocuteurs. Je n'en ai jamais été capable… Enfin, pas besoin d'épiloguer, tu as déjà fait les frais de mon amabilité.

Dione entrerait dans une déraisonnable fureur s'il venait à apprendre que je t'ai confié tout ceci.»


Je marquai une pause après avoir vu une ombre encapuchonnée franchir la porte de cette guinguette. Cette démarche chancelante et ce dos légèrement voutée… Cela ne pouvait être que lui qui s'installait dans un coin isolé. Parfait. A présent, il ne me restait plus qu'à fausser subtilement compagnie à Victor le temps de la transaction.

«… Arnaqueurs … »

L'expression m'était parvenue au milieu des multiples bruits, venant d'une table à quelques mètres plus loin où deux habitués que je reconnaissais vaguement discutaient vivement. D'inoffensifs habitants du quartier à qui je pouvais envoyer mon galant sans angoisse. Je me tournai à nouveau vers Victor, malicieuse et m'approchai à nouveau de lui. Je lui désignai d'un geste de tête discret la dite-table et lui mit la bouteille dans les mains.

« D'après ces deux-là, la Guilde des Armateurs aurait des nouvelles ambitions lucratives. Voyons… Que la récompense à ce défi vaille ta peine... Si tu parviens à en savoir d'avantage, je t'accorderai la faveur de ton choix. Est-ce que ces termes te conviendraient ? »

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#6

« Il ne faut pas abuser des bonnes choses, voyons… »

Il ne savait plus si elle parlait de passer un moment dans un lit ensemble, ou bien de l'eau de Myste... Dans ce dernier cas, il n'aurait pas appelé ça une bonne chose. Il sourit et observa la salle quand elle se retourna pour le faire.

Il se concentra pour essayer d'accrocher une conversation, comme Selinde le lui proposait. Il cherchait des paroles intéressantes, mais il n'entendait que le brouhaha, parfois quelques mots. Ses yeux se posèrent sur les cartes d'un joueur d'une table toute proche. Il observa les cartes sur la table et commença à compter. Mais même pour ça, il n'était plus vraiment en état. Cet alcool était bien trop fort pour un non-habitué...

Le jeune homme écouta distraitement ce que disait son amante, essayant tout de même de rester concentrer sur les cartes. Finalement, il n'essayait même plus de tendre l'oreille pour entendre quelques choses d'intéressant. C'était plus facile lorsqu'il y avait moins de bruit. Et qu'il n'avait pas bu, aussi.

Il se tourna un peu vers la jeune femme quand elle lui parla à nouveau. Elle lui disait que des gens parlaient des affaires de la guilde des Armateurs. Il la regarda d'un air presque blasé. Qu'est-ce qu'il en avait à faire, à cet instant ? Il jeta un coup d'œil à la bouteille qui s'était téléportée dans sa main. A moins que Selinde ne l'y eut mis. Ah, c'était par rapport à ce qu'elle disait tout à l'heure ? Qu'est-ce qu'elle disait déjà ? Alcool, gens qui parlent plus facilement.
Puisqu'elle le défiait, il allait jouer, même dans cet état.
... Plus jamais il ne boirait de cet alcool, bordel.

« D'accord. »

Il ne la regarda pas plus et se leva en s'assurant d'être stable, puis se dirigea vers la table qu'il croyait avoir retenu comme celle étant désignée. Mais comme ils étaient cinq autour de la table, et qu'elle avait dit deux, ça ne devait pas être ça. Il chercha autour de lui et vit deux hommes seuls à une table tout près.
Il "emprunta" discrètement un tabouret à quelqu'un qui venait de partir, et alla se poser directement à la table.

« Salut. »

Il offrit un sourire aux deux marins qui le regardaient bizarrement. Il posa la bouteille sur la table, gardant une main sur l'épaule de la bouteille, posant par la même occasion son verre, qu'il avait pris d'un doigt avant de se lever du bar. Il avisa ceux presque vides des hommes.

« Scusez-moi, y'a pas trop d'place ici, et faut bien qu'j'me pose quelqu'part. »

Il cherchait à se remémorer l'accent des paysans environnant Malefosse et Malmont, et leur emprunter leurs phrasés. Il leur proposa un verre en soulevant légèrement la bouteille et en prenant un air interrogatif, puis les observa vider ce qu'il restait dans leurs verres pour les lui tendre. Effectivement, l'alcool avait l'air de marcher facilement. Il se servit également un fond de verre avant de reposer la bouteille.

« En passant, j'vous ai entendu parler des Armateurs... Qu'est-ce qu'y vont faire ceux-là [prononcé "loh"] encore pour s'faire du blé ? »

Après tout, il n'avait pas entendu leur conversation, et ne se basait que sur ce qu'avait dit Selinde... Autrement dit, pas grand chose. Il releva justement les yeux vers le bar pour voir si la jeune femme le regardait.

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#7
– Ha ! T'es pas d'ici toi, pas vrai ? s'exclama l'un des deux marins en ramenant vers lui le verre que Victor venait de remplir. Il avait des cheveux roux en bataille et une barbe qui semblait suivre le même schéma. Sa peau était tannée par le soleil et il semblait avoir une trentaine d'années. Tu causes comme un bouseux, sans vouloir t'vexer !
– Bah, on cause bien comme des marins nous, répondit son acolyte, un grand gaillard chauve et glabre qui ressemblait à un bébé… de deux mètres de haut. Chais pas si ça vaut mieux !
– T'as bien raison. Installe-toi mon gars, reprit le premier en s'adressant à Victor. J'm'en vais t'dire c'qu'ils vont faire les Arnaqueurs. Y'a des marins à nous qu'ont découvert un archipel à un bon millier de milles nautiques au sud. Un p'tit coin d'paradis à c'qu'il paraît. Il y fait chaud, il y fait beau… par les couilles d'Edar, il y manque plus que des jolies filles pour que le tableau soit complet !
– Les Armateurs ont tout d'suite reniflé le bon plan, ajouta le chauve tandis que son comparse s'interrompait pour descendre une grande gorgée d'alcool. Avec le climat qu'y'a là-bas, i'pourraient faire pousser des trucs qui poussent pas ici. Des épices, des fruits, des conneries comme ça.
– Ouais. Et ça ferait les pieds aux sombres-gueules*. Tous leurs négociants en huiles ou en épices qui nous imposent leurs foutus tarifs parce que de toute façon y'a qu'à eux qu'on peut les acheter.
– Du coup, les Arnaqueurs sont excités comme des marins qui rentrent dans un bordel après trois mois en mer ! Paraît qu'ça fourmille dans leurs baraques. Ça va, ça vient. Silk m'a dit qu'ça s'agitait comme jamais dans leur quartier.
– Ouais, Barak m'a dit pareil.
– S'ils arrivent à avoir leurs propres sources de produits exotiques là-bas, ils s'ouvrent de nouvelles sources de revenus en satisfaisant eux-mêmes les goûts de luxe de nos têtes-ceintes, et s'émancipent des Hélions. Ils gagnent plus d'or, en dépensent moins, et ils tiennent ces gros sacs de marchands babyliens par les couilles. Par les dieux, évidemment qu'ils sont excités !
– Tout c'qui leur faut c'est des gars pour aller s'installer là-bas. Parce que les produits exotiques, c'est bien mais ça s'ramasse pas tout seul. Et les Arnaqueurs, c'pas l'genre à s'bouger les miches eux-mêmes. ‘Fin bon, si j'avais un manoir géant sur les Quais d'Ivoire, j'aurais pas envie d'me bouger non plus.






* Surnom méprisant désignant en argot les Hélions, sur la base de leur teint hâlé.
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#8
Infiltration réussie. Victor semblait bien imiter les paysans de sa province. Il eut un petit sourire et ajouta juste après le roux :

« Ouais, j'viens du coin d'Malmont pour voir c'qui s'passe là. J'étais encore jamais v'nu. »

Il écouta, avec tout l'attention que l'alcool dans son sang lui permettait d'avoir, les paroles des deux marins. Ceux-ci causaient plus qu'il ne l'aurait cru. Mais après tout, il était dans une taverne et l'alcool aidait. L'atmosphère globale aussi, probablement.
De ce qu'il en retenait, les Armateurs avaient effectivement trouvé un filon intéressant. Si les Taliens possédaient des terres sur des lieux exotiques, ils n'auraient plus besoin d'acheter les produits à d'autres. Un lieu où il fait beau et chaud le plus souvent... Ça serait sympathique.

« Ça s'rait pas mal de vivre là-bas j'pense. »

Il sourit et but une [toute petite] gorgée de feu de Myste. Il ne pouvait pas partir lui. Mais peut-être qu'un jour il irait voir cet archipel. Ou peut-être qu'il devrait y aller tant qu'il pouvait encore vraiment voyager ? Il verrait.

Il engagea la conversation sur ce que faisaient ces deux marins là, se voyant mal partir juste après avoir eu l'information qu'il désirait. Et puis... Selinde avait disparu du comptoir, et il ne savait pas où elle était, et il ne pouvait pas partir sans elle.
Mettant de côté les ponctuations injurieuses des hommes, il continua de parler de choses inutiles, se plaisant à jouer une comédie alcoolisée.
Il jetait des coups d'œil de temps à autre pour savoir si son amante n'était pas revenue.
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