Gang de blafards
#1

[Ouvert en priorité au gang des blafards, mais si vous vous sentez de faire un commentaire rp après les avoir croisés, allez-y ! De même, hésitez jamais à venir demander un rp en mp ou sur le forum, le rp c'est cool, le rp c'est bien!]

Le rat n'a le temps que de lâcher un couinement sec et, une petite éclaboussure de sang plus tard, il est sur le dos, l'échine agitée de spasmes. Elle rit et s'extirpe de son couvert, d'abord à quatre pattes et le bois de son lance-pierre entre les dents, puis à deux. Ramassant sa proie, elle la remue, l'inspecte, étirant en arrière une jambe endolorie par son guet prolongé. Elle renifle, torchant son petit nez, tout sourire. Son Yan va être tellement fier ! Depuis le temps qu'il lui dit que les rats, c'est difficile, elle va lui ramener et...

« Dégage, le mouflet ! »

La gamine dodeline sous la bourrade du docker. L'homme robuste, bras chargés, l'a écartée sans ménagement de la place, lui dardant un vague regard agacé, de ceux qu'on réserve aux chats sauvages qui peuplent les ports, volent des poissons ; l'enfant aux cheveux hirsutes et courts sourit. Et arme son lance-pierre de sa seule munition.

« Ah, fils de pute ! »

Fuyant la chute de la caisse et la course de l'adulte, la gosse se faufile entre les sacs et des débarras entre les bateaux. Elle n'a plus de rat, tant pis. Mais ça a fait un bel impact.

Cette fois, ça sera Selinde qui sera fière.


***

Elle bâille. Frottant son œil au dessus de sa couture, elle continue de repriser son unique tenue encore un peu sortable, retrouvant son sourire léger. Les cheveux coupés à la garçonne sont devenus longs, sont restés neigeux. Les doigts d'enfant sont devenus des mains de femme, avec des cales d'archers, des ongles courts et cassés de travailleuse. Au grand désarroi de sa mère, laquelle espère bien que sa patience – et sa retenue du fouet – envers sa cadette fera sa retraite. Si cette dernière voulait bien lâcher la chasse aux bêtes pour jeter son dévolu sur un homme.

Pas aujourd'hui, ni hier. Épaule à épaule avec Yan, elle répare les dégâts de leur escapade. Un relent de vase reste sur le pli de ses coutures, la couleur du plastron ne sera plus la même qu'avant la tourbe. Elle chantonne, ses bottes sèchent, son aîné somnole. Et elle a envie d'une omelette.

Les chatons des quais sont devenus des félins fiers. L'ambition haute et la bourse vide. Pas aimés, pour le peu qu'on les connait. Ceux qui ont frayé avec les petits minois surmontés de leur si caractéristique cîme blanche n'en ont pas gardé bon souvenir. L'odieuse réputation d'ensorceleuse néfaste de leur mère n'y est pas non plus pour rien.

Une caresse à la joue lui fait relever la tête. Selinde, c'est leur aînée, une lionne enflammée qui n'a de sourires que pour les siens. Aux autres, elle découvre les dents, et s'ils confondent ces menaces couvées avec des risettes, grand bien leur face. Derrière elle, Dione, le tigre, parade en œillant ces dames, veillant à l'aspect de ses griffes. Yan, qui est à côté d'elle, c'est un lynx. Sauvage et silencieux, plus féroce que les deux précédents réunis parfois, et bien plus placide au quotidien. Et elle, Lev, avec son prénom qui n'est qu'une syllabe, trouvée par une mère qui n'avait comme hâte que de la débarrasser de sa couche, elle est leur angora. Patte de velours et petites dents. Regard rêveur et déambulations. Gâtée de sa fratrie, petite dernière couvée. Espiègle. Inoffensive, aussi, bien sûr. Complètement.

Elle soupire en regardant une belle personne passer non loin, avec une robe magnifique, un air négligé et pressé, considérant le monde avec le manque d'attention que donne la certitude d'être bien né, de mériter, d'avoir un repas, un toit assuré. Sa poitrine se gonfle d'envie, ses lèvres étirent un soupir et, piquant l'aiguille, elle chuchote à son frère taciturne.

« Si on coupe les oreilles à un elfe, ça vieillit comme nous ensuite ou ça fait comme un lézard ? »

Lev a toujours été curieuse, très. Parfois un peu trop. Ca n'a jamais posé de problèmes aux siens, à l'exception de sa mère qui l'a parfois punie. Ne monte pas sur les toits, Lev. Ne va pas dans le lit de tes frères, Lev. N'insulte pas les nobles, Lev. Arrête de jouer avec les rats, Lev. Au moins, la fleur de la féminité donnée par l'âge semble l'avoir assagie.

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#2
La flamme vacilla.

Hélas, ce n'était que le fait du souffle du vent et non celui de ma volonté. Je soupirai. Un échec encore. Peut-être était-ce le dixième depuis que Lev, insouciante, s'était assoupie la tête sur mes genoux ?

Ma douce sœur dormait à poing fermé, étrangère aux bruits parfois terrifiants que réserve la nuit aux voyageurs de la belle étoile. Je déposai un léger baiser sur son front, dégageant quelques mèches de sa chevelure laiteuse qui cachaient son visage à ma vue. Comme Mère l'était avant que le temps ne désagrège son éclat, Lev est belle. Si belle que tous détournent les yeux pour admirer sa divine silhouette et contempler son visage délicat. Si belle que Mère en était fière et disait que sa fille éclipsait même la clarté de la lune. Elle, elle n'aurait aucun mal à se faire une place enviée en tant que favorite d'un noble en villégiature à la capitale.

Par contre, pour moi, aucune issue avantageuse n'était possible, me répétait-elle. Pas avec ce regard suffisant défiant quiconque osait le fixer avec insistance. Les hommes aiment les femmes dociles et fragiles, pas celles qui les bravent, me disait-elle. Pas avec ces nombreux hématomes qui altéraient mon corps et révélaient les bagarres de rue dont j'étais l'une des ferventes amatrices. Que pouvait-elle ajouter de ces joues constamment tuméfiées si ce n'est un haussement d'épaule dédaigneux ? Sa fille, son ainée, n'était qu'un voyou sans avenir après tout.

Je posai ma main contre ma propre joue, encore chaude et rougie par l'impact. La main de Mère. Toujours plus insatisfaite. Toujours plus violente. Au moins, cette fois, elle n'avait pas usé du martinet pour me châtier. Qu'importe, Mère ne taperait jamais aussi fort qu'une Matrone saurotarque. A cette pensée, j'eus un petit rire, étouffé pour ne pas les réveiller.

Cette nuit, c'était à moi de veiller.
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#3
Je jetai un dernier regard derrière moi. Yris se dressait majestueuse, illuminée par les doux rayons d'un soleil matinal. Je distinguai encore très nettement les portes de la ville basse que nous venions de franchir quelques heures plus tôt.

Avec paresse, j'étirai les bras, le regard toujours posé sur notre capitale. Ce n'était guère ses impressionnantes murailles, ou même son fastueux palais royal, qui retenaient en otage mon attention. Je ne m'intéressai qu'à la plus haute tour, celle qui les surplombait toutes par sa hauteur insolente.

La Tour de l'Orbe Flamboyante.

Je plissai légèrement les yeux pour mieux la voir, pour y distinguer la flamme qui se consumait sans fin à son sommet. Quelle merveille ! Je voulais tant l'atteindre. Pour cela, il me fallait en gravir chaque étage, marche après marche. Mais elle est si élevée… et je n'en ai même pas franchi le perron.

Un rictus déforma mon visage. Il en était toujours ainsi avec elle. Tantôt phare resplendissant de mes ambitions, tantôt emblème d'une réalité accablante et avilissante, je la désirai autant que je l'exécrai.

Sans y faire attention, je triturai le pendentif de coquillage qui ornait mon cou. Son contact sur mes doigts avait sur moi un effet apaisant et réconfortant. Peut-être pas autant que ces instants intimes où Dione séchait mes larmes d'un revers de main affectueux, mais son aura de magie, à la fois primitive et sauvage, savait gonfler mon cœur d'audace et de courage.

Subtilisée durant l'expédition dans cet infect marais, j'avais précieusement dissimulé cette amulette aux yeux de ces inconnus, compagnons d'armes non choisis, de peur qu'ils me la ravissent sous prétexte d'équité.L'équité ? Encore une mauvaise plaisanterie brandie avec hypocrisie par ceux nés dans les plus beaux draps de soie. La vie elle-même n'en avait que faire, alors pourquoi m'en soucierai-je à mon tour ?

C'est la voix de Yan qui me sortit de mon amertume intérieure.

« Quelqu'un s'approche de nous, dissimulé par les buissons. »
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