[RP] La Belle et le Bourdon
#1
Peu après Aiguemirail, mais avant Le Lit du Fleuve...

Cendre n'avait pas prit le soin de se nettoyer comme les autres. Elle n'était pas aussi précieuse que Lenwë et Victor, et d'autres choses la préoccupaient. D'autres choses bien plus importantes que de se savoir sale ou mal habillée.

Les cheveux hirsutes et la robe toujours tâchée de sangs et de boue, la rousse traversait d'un pas bien décidé la capitale talienne. Elle était ici autant chez elle qu'à Asteras du fait de sa mixité, et aussi elle avançait sans lever la tête de son ouvrage, connaissant les rues à ce point, rattrapant avec ferveur le retard qu'elle avait prit. Elle n'était pas comme Lenwë et s'accommodait mal à lire dans des marais insalubres. Il lui fallait du silence et une belle lumière.

Il fallait aussi qu'elle se concentre sur sa lecture, et aussitôt concentrée, elle ne faisait alors plus gaffe à rien. Pas même à ce bon Bombus qui avançait également. Peut-être l'avait-il vu, ou peut-être avançait-elle trop vite et était-elle trop absorbée pour le voir, quoi qu'il en était véritablement elle lui rentra dans le lard.
Bien sûr, elle était si menue et l'archer bien plus bedonnant qu'elle, aussi elle ne le fit pas même reculer d'un pas. Sa tête rousse cogna contre la cage thoracique de l'archer, dans un rebond lent et indolore. Elle bondissait alors d'un petit pas en arrière et lui jetait un regard ahuri, comme un chat surpris.

Elle le fixa. Elle le reconnut sans mal, c'était l'archer des marais, et avant encore, l'archer des égouts. Il avait le chic pour toujours se nicher dans des endroits exigus et sentant la mort.
Cendre plissa le nez, avant de fermer son livre dans un petit « clac » sec.

« Excuse-moi, j'étais… en pleine lecture, je ne t'ai pas vu. »

Elle le fixa, quelques longues secondes encore, avant de finalement tendre sa main vers lui, pour serrer la sienne - le baise-main c'était bon pour les Dames mariées et les vieilles comme Elena.
Ses ongles étaient longs, mais plusieurs étaient cassés, signe qu'elle était une jeune dame qui visiblement aimait à mettre les mains à la patte.
De là à dire qu'elle était douée… c'était autre chose.

« Cendre Meneldä, de la Guilde des Sentinelles. Et toi tu es… l'instructeur de tir, c'est ça ? »

Elle le fixait encore, hésitante.
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#2
Entre les quidams qui venaient voir ce qui se passait, ceux qui voulaient admirer les héros de retour du marais, ceux qui voulaient tenter de recevoir une petite aumône vu que de l'argent semblait circulait, les gardes de la ville qui tentaient de surveiller et les aventuriers restants de l'expédition qui faisaient des comptes et des échanges à n'en plus finir, il y avait un monde fou sur la place, et plusieurs fois Bombus sentit qu'on le bousculait.

Habituellement plutôt attentif à ces contacts, car c'était généralement le signe d'un pickpocket qui tentait une approche discrète en faisant mine d'avoir été porté par le flot de la foule pour le délester de quelques pièces, l'archer avait cette fois la tête perdue dans les calculs – pourquoi le bellâtre lui donnait-il dix pièces d'or alors que Bombus en devait quinze ? – et dans une réflexion intense au sujet de son anneau de force d'occasion tout neuf, se demandant au final s'il avait fait une bonne affaire. Aussi ne remarqua t-il pas l'impulsion donnée sur son bedon par une jeune femme, avant que celle ci-ne lui adresse la parole pour s'excuser.

Allons bon.

Elle avait la voix fluette d'une elfe mais la crinière ardente typique des Taliens. Mélange détonant. Cela lui rappelait une elfe qui avait rencontré un orc et qui… hum, bref, c'était une autre histoire, et un autre type de mélange.

Son premier réflexe fut d'être sur ses gardes, qu'est ce qu'elle voulait lui soutirer ? Mais l'instant d'après il reconnut celle qui avait pris place parmi les aventuriers du marais, refrénant ce qui aurait pu devenir un "grumph" pour lancer un "'jour" poli, et prenant la main tendue.

La poigne aux doigts dodus semblait pouvoir briser les petites allumettes blanches et souples, s'il serrait trop.

- Non, pas instructeur. Mais on me confond souvent avec le vendeur d'arcs. Bombus Coriolis, élève archer à la Confrérie du Griffon p'vot service.

Pourquoi avait il dit cela ? Il aurait pu dire "Nan" ! Mis à part les "monsieur grumph" que plusieurs acolytes mercenaires, on se demande bien pourquoi, lui avaient servis, personne ne lui avait demandé son nom ou n'avait tenté de le connaître. Il faut dire que la sociabilité n'était pas son don le plus flagrant et qu'en retour il ne s'était pas spécialement intéressé à ses "compagnons". Ils étaient partis sur de mauvaises bases peut-être.

Un sourire involontaire se dessina sur son visage.

- Ah ouii, 'me souviens, c'est vous qu'avez roussi le bella... le chef d'expédition dans l'marais.
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#3
« Oh » répondit-elle seulement.

Elle ne savait pas vraiment d'où elle sortait cette affaire, et du pourquoi il aurait été instructeur de tir, mais elle y avait cru pourtant. Elle leva les yeux au ciel, se réprimandant mentalement. Dernièrement, elle n'en faisait qu'à sa tête et ne faisait plus attention à rien de ce qui l'entourait, trop occupé à décortiquer le moindre indice sur l'affaire qui l'intéressait et à dévorer ses livres de magie, pressée d'en avoir fini avec cette corvée qu'était l'apprentissage.

Cendre eut un petit sourire amusé et fier quand Bombus lui fit remarquer qu'elle avait été présente dans les marais. C'était peu de chose, mais elle avait hérité d'une certaine part d'arrogance de la part de son père. Lazzare était peut-être un paladin mais il n'avait jamais eu le sens de l'humilité, trop intéressé à fanfaronner, déballer sa longue cape et sa belle armure.
Victor avait hérité de ce trait de caractère, en moins prononcé, mais lui aussi il aimait bien faire briller son armure de plaque.
Sur le minois blanc de la rousse, le sourire s'étira, fin et sournois.

« Le bellâtre, c'est mon frère. Et il ne m'en veut pas longtemps en général. » Elle haussa les épaules, désinvolte, prête à cracher son venin sur l'existence de ce petit garçon qu'elle appelait depuis toujours le bâtard. « Faut l'excuser pour son attitude et ses grands airs, Victor est trop habitué aux gratins de la haute société, il essaye de faire comme notre père, de diriger la populace, la peuplade, mais bon, il a déjà du mal à se faire écouter au sein de la Guilde, alors du reste... »

Un petit rire, la jeune femme pouffait à l'idée d'avoir un jour un Victor victorieux. Avec un tel prénom, l'avenir lui souriait, mais fallait-il encore qu'il fût doué en quelque chose d'autre que d'encaisser.

« Pour un simple élève de la Confrérie, tes flèches sont plutôt précises et fatales. La Matrone n'aura pas fait long feu grâce à toi. »

Elle regarda aux alentours. Victor n'était pas loin, distribuant quelques pièces. Illaria également guettait, sans trop savoir si elle faisait de l'œil au garde ou si elle surveillait Victor.

« Tu voyages tout seul ? À moins que tu sois avec les pâles de peau ? »

Cendre et son air curieux, ses grands yeux dorés brillants et pétillants de questions, mais se retenant. Elle fixait Bombus, un sourire simple aux lèvres.
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#4
D'un petit air contrit, il s'excusa d'un

- Arf, désolé, 'savais pas qu'c'était vo't frangin. Nan mais c'est bien. D'viendra que'qu'un ! L'étoffe d'un m'neur.

Puis, retrouvant le sourire, il poursuivit

- Heumm… j'voyage pas en fait ! Puis, faisant un effort visible pour mieux articuler, c'est bien la première fois que je quitte la zone des capitales. Mais il va falloir que je m'y mette, aller taquiner le thon ou l'airelle histoire d'm'acheter des bottes correctes, parce que là… Comme il se concentrait sur ses pieds mal chaussés, son langage devint à nouveau haché. Ou peut-être parce qu'il avait cru comprendre que la demoiselle lui faisait un compliment.

Il désigna ses pseudo chausses qu'on ne pouvait même pas qualifier de galoches, et qui laissaient dépasser les poils de ses pieds en concluant :

- Là, toute la paie est passée dans c'te fichu… dans cet anneau… soi-disant prodigieux. 'fin me reste de quoi aller me payer la pause à la taverne.
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#5
« Tu peux dire ce que tu veux sur Victor, il s'en remettra, et moi, je m'en fiche un peu. Il est assez grand pour se défendre. »

Son ton était ouvertement moqueur, mais en même temps, Cendre et Victor avaient une relation compliquée et souvent conflictuelle. De fait, il payait les erreurs de Lazzare, leur père, et surtout, l'infidélité dont il était issue jetait sur lui une opprobre éternelle aux yeux de la rousse.

Un petit sourire moqueur s'étira sur le visage de l'hybride.

« Je vois, t'es un enfant du pays. » Elle remit derrière son oreille mi-longue une mèche de cheveux trop rebelle et trop hirsute pour tenir en place. « Si t'es de l'académie, tu dois connaître mon cousin, Evrard. Lui aussi il voyage un peu, maintenant, pour… je sais pas vraiment pourquoi. Avec les Sentinelles, nous comptons aller jusqu'à l'Ingemann et créer un sentier sécurisé jusqu'à Cyrijäl. »

Cendre marqua une petite pause.

« Enfin, je vais pas t'embêter avec ça, surtout si tu fais ta pause maintenant. » Un sourire mutin cette fois. « Sauf si ça t'intéresse ? »

Ses grands yeux pétillaient un peu, comme à chaque fois qu'il lui venait l'idée de parler de ses grands projets. Bombus n'avait pas la gueule de l'emploi, mais il avait deux oreilles, alors peut-être qu'au moins une se montrerait attentive.
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#6
C'était comme si Bombus avait reçu une petite décharge électrique. Certainement quelques neurones qui avaient trop bien fait leur boulot pour une fois, lui qui était assez peu habitué à réfléchir et à prendre des décisions complexes. Du moins lorsqu'elles n'impliquaient pas la nourriture. Le Nord. Encore. C'était la seconde fois qu'on lui en parlait aujourd'hui*. Hasard ? Signe des dieux ?

Il n'avait jamais consulté une carte, qui pourtant ne manquaient pas chez son père, il savait à peine que l'Ingemann était plutôt dans le nord et n'avait jamais entendu le nom de cette ville mystérieuse qui aurait besoin d'un sentier d'accès. Rien que d'entendre un nom nouveau donnait un parfum d'aventure à cette discussion, qu'il pourrait réinvestir afin d'aller épater la vendeuse. Ou la serveuse, à voir. Pour épater la demi-elfe enflammée qui se tenait devant lui, il faudrait qu'il potasse encore pas mal de bouquins dans les étagères de son père.

- Ma foi… m'intéresse… dit-il sans préciser plus avant ce qui l'intéressait précisément j'ai ouïe-dire qu'il y avait de quoi gagner quelque renom à aller dans le nord. 'Juste peur de pas 'êt trop prêt encore, comme dit m'faudrait des bòta correctes et p'têt aussi un peu d'autre équipement. J'ai peur que l'banquier veuille pas m'faire d'avance, chuis un peu en r'tard de son côté. Mais d'un aut'côté, quand'je vois comme c'est plus avantageux de voyager en groupe, j'me dis que ça peut valoir le coup de pas 'êt seul. Vous voulez faire ça quand ?







* voir Grumph http://royaume-andoras.net/forum/viewtopic.php?id=3989
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#7
Cette fois, peut-être un peu distraite à regarder que le côté de la route quelques hommes de sa guilde remontant sur le pavé, elle ne comprit pas tout ce que Bombus essayait de lui chanter. Déjà car il articulait difficilement, et de deux car elle n'avait aucune connaissance d'un patois ou d'un dialecte particulier aux taliens.
Elle avait vécu à Malefosse et Asteras, aussi le soucis des petites gens n'avait jamais vraiment été sa préoccupation.
En tant que trésorière de la Guilde, par contre, savoir où s'en allait la bourse pleine et dodue de Victor Di Velija était davantage dans ses missions.

Elle reporta son attention sur Bombus finalement, avec un sourire.

« On ne compte pas y aller aussitôt. L'Ingemann est une terre de désolation, et la Corne de Melfred, plus encore, pullule de démons en tout genre. Moi-même » un geste de la main montrait sa belle robe déchirée et salie « je ne suis pas encore assez bien flanquée pour y mettre un pieds. Mais justement ! On y travaille. On aurait jamais accepté les excursions dans les égouts et dans les marais si la Guilde n'avait pas besoin de fonds pour équiper ses hommes et ses femmes. »

L'Armure d'Asteras et la Plaque du Griffon avaient été des achats somme toute déraisonnables, mais cela permettait au moins à la guilde d'avoir deux bons guerriers capables de tenir plusieurs heures plusieurs hommes sans faillir.

« C'est toujours mieux de pas être seuls. Ça permet de pas se faire dévorer par les rats en meute, ni par les saurotarques. »

Elle releva le nez. La grande horloge sonnait l'heure fatidique, à savoir celle de rejoindre le groupe pour faire le compte – c'était elle qui était en charge de ce genre de chose.

« … mh, ça me fait penser, il y a une petite ferme que les gardes disent prises d'assaut par des bêtes affamées et de bandits. Si jamais ça te dit, on pourrait s'y retrouver, après nos pauses respectives, demain à l'aube par exemple. Tu as déjà eu à faire aux autres Sentinelles. Si tu veux officialiser ton envie de nous rejoindre, c'est avec Israfel que tu devras parler – l'elfe avec les cheveux toujours comme ça » Elle mima un homme qui aurait eu, à peu de chose près, des cheveux laissés dans un misérable état après avoir reçu quelques bombes alchimiques « il a l'air un peu pompeux, mais en vérité, c'était toujours le premier à faire l'école buissonnière à Asteras*. »

Une petite révérence pour appuyer son propos et déjà la petite rousse détalait, tenant fort contre elle un livre épais où tout était écrit petit pour ne pas prendre trop de place : les comptes de la Guilde.




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* voir Premières années
Suite pour Cendre et sa guile dans une taverne : Le Lit du Fleuve
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