Les liens du sang
#1

Une ombre. Elle glissait lentement sur les pavés de la ruelle. Aucun bruit ne l'accompagnait. Aucun son ne provenait des alentours déserts. Le silence complet, total. L'ombre continuait de se rapprocher, petit à petit. Cela paraissait interminable. Au fur et à mesure, on pouvait percevoir un bruit… Quelque chose d'étrange, de désagréable. Un crissement continu. Comme si… Comme si on raclait le sol avec de la ferraille ? Pourtant, il ne semblait n'y avoir que l'ombre informe qui glissait sur les rectangles agencés de l'allée. Le son devenait de plus en plus en forme à mesure qu'elle s'approchait.
Sortant enfin de sa sidération, le jeune homme tourna les talons et détala sans attendre de savoir ce qui pouvait bien faire cette vibration détestable. Il commença à courir dans les rues désertes de Malefosse, puisant dans ses forces pour mettre le plus d'écart possible entre cette ruelle et lui. Personne n'était là pour voir fuir un Di Velija bien nerveux. Aucune âme qui vive aux alentours.

L'ombre le suivait. Elle avait délaissé sa lenteur pour se déplacer bien plus vite. Bien trop vite. Il sentait peu à peu naître en lui la sensation qu'il étouffait. Pourtant, il savait comment contrôler son souffle pour courir sur de longues distances. Il poursuivit cependant sa course. Bien inutilement, puisque l'ombre le rejoignit après quelques instants. Il suffoqua et s'évanouit.


Victor s'éveilla et se redressa brusquement, scrutant les alentours. Sa chambre. Un simple cauchemar. Il soupira et se mit sur le bord de son lit, posant ses pieds sur le parquet frais. Il glissa ses mains sur ses côtes et commença à défaire le bandage qui entourait sa cage thoracique, et qui avait sans doute participé à sa gêne respiratoire. Rares étaient les nuits où il faisait ce genre de rêves. En vérité, rares étaient les nuits où il rêvait. Ou bien il ne s'en souvenait jamais au réveil.

Il essuya la moiteur de ses mains sur le bandage, tout comme les gouttes de sueur qui avaient perlé sur son front. Il jeta le bandage sur une chaise un peu plus loin et prit le broc d'eau posé sur le sol ainsi que le verre sur la table de chevet. Il se servit puis but d'une traite le verre, reposant la carafe du même coup. Il aurait espéré que l'eau serait restée plus fraiche, mais cela convenait tout de même. Gardant son verre en main, il laissa son esprit vagabonder en observant le petit récipient.
Depuis que Cendre était partie à Asteras, la vie ici était un peu plus terne ici. Au sens propre comme au figuré d'ailleurs. Ni sa chevelure rousse ni son tempérament de feu n'étaient là pour donner leur couleur à son quotidien. Bien sûr, leur père était heureux qu'elle soit partie faire ses études à la capitale Elfe. Mais le jeune homme savait que c'était aussi parce qu'elle ne supportait plus de le voir avec sa mère et non la sienne. Compréhensible. Cependant, il avait à présent plus souvent son père derrière son dos, et le poids de la réussite sur les épaules. Le paternel étant un grand guerrier, il devait en être de même pour lui, n'est-ce pas ?

Il passa une main dans ses cheveux histoire d'enlever une mèche de devant ses yeux, et reposa le verre sur le petit meuble. Sur celui-ci se tenait également la statuette d'argile le représentant. Cela faisait peu de temps qu'il s'était vu remplacer la statuette d'enfant par celle d'un homme adulte, mais il était un peu déçu qu'elle ne lui ressemble pas vraiment. Adulte, l'était-il vraiment ? Au regard de la société, à présent, oui. Mais il sentait toujours en lui une part infantile.

Il resta encore quelques instants à l'observer, puis se réinstalla confortablement dans son lit, fermant les yeux. Ses pensées vagabondèrent sur de nombreux sujets. Tout ceux auxquels on peut penser quand on arrive pas à dormir, ou se rendormir. La vie, cette action qui un jour nous a rendu honteux, et dont on croit que tout le monde s'en souvient et s'en moque, ce qu'on pourrait faire de sa vie, ...
Finalement, il sombra dans un sommeil profond, calme et sans rêves.

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#2

« Mère, je vais partir pour Asteras. »

Hemina releva ses yeux azurés du livre qu'elle lisait, confortablement installée dans un fauteuil du salon de la maison familiale. Elle esquissa un sourire à l'adresse de son fils. Il le connaissait bien ce sourire… C'était le même qu'il utilisait lorsqu'il était d'usage de le faire, poliment. Il ne s'en formalisait pas.

« Pour rendre visite à Cendre ? »

Il hocha la tête. Elle avait posé la question en connaissant la réponse. Il savait, ou du moins pensait savoir, les sentiments de sa mère à l'égard de sa demi-sœur. Elle ne l'appréciait pas vraiment, mais ne la détestait pas non plus. Elle la traitait comme une personne de leur entourage, sans plus ni moins d'égard. De toute façon, pour le peu qu'elles se parlaient… Victor sortit de ses pensées divagantes pour compléter la raison de son voyage.

« J'en profiterai également pour découvrir un peu plus la ville. »

Il avait déjà été à Asteras plus jeune, mais il n'avait pas visité. Et puis, pendant que Cendre serait en cours, il fallait bien qu'il s'occupe. Il vit un éclair d'amusement passer dans les yeux de son interlocutrice, qui lui demanda avec un sourire du même acabit que son regard :

« Très bien. Ton père t'a donné son autorisation ? »

Le jeune homme se renfrogna un peu. Il n'avait plus besoin d'une quelconque autorisation paternelle. Lazzare lui-même disait qu'en tant qu'adulte, il fallait savoir prendre voire imposer des décisions, alors c'est ce qu'il allait faire.

« Je vais lui en parler, mais je suis adulte à présent. »

De toute façon, il savait qu'il ne l'en empêcherait pas.

Cependant, avant de le dire à son père, peut-être Victor devait-il tout simplement prévenir Cendre et lui demander quand préférait-elle qu'il vienne. Il n'allait pas s'imposer alors qu'elle était très occupée par des cours ou des examens tout de même. Il croyait savoir quand elle était plus tranquille mais préférait s'en assurer.

« Tu as autre chose à me dire ? »

Victor perdit l'air songeur qu'il avait pris quelques instants pour sourire et répondre à sa mère, l'air fier.

« Non, mis à part que j'ai donné du fil à retordre au maître d'armes aujourd'hui ! »

Elle lui sourit gentiment, observant sur son visage les quelques traits enfantins qui lui restaient. Elle posa son livre sur une petite table située à côté du fauteuil et se releva. Elle était plutôt grande pour une femme, mais le jeune homme l'avait déjà presque rattrapé.

« Tu devrais commencer à te préparer. »

Il hocha la tête. Il y avait une soirée mondaine ce soir, et ils y participaient. Il devait donc se montrer digne de son père. Comme toujours…

Il observa sa mère sortir du salon et appeler calmement une servante. Qui aurait pu croire qu'elle n'était ici que l'amante et non l'épouse, elle qui était toujours là après tant d'années, et qui se comportait en véritable maîtresse… des lieux.

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#3
Assise au petit bureau de sa chambre, ses doigts jouaient nerveusement avec le papier. Il y avait un devoir important à rendre le lendemain, un devoir sur lequel elle avait travaillé d'arrache-pied, mais qui aujourd'hui ne semblait plus rien lui inspirer.
Un autre bout de papier, posé dans un coin de son bureau, avait réussi en effet à lui voler toute motivation. Elle était hésitante, le visage un peu renfrogné, comme si elle réfléchissait à quelque chose de déplaisant.
Aller chez son père, répondre à son père, tout ça c'était déplaisant au possible.

Ses yeux se reposèrent sur la lettre de Victor avec une certaine lassitude. Elle n'y couperait pas, pas vrai ?

Citation :« Bonjour Cendre.

J'espère que tu vas bien depuis la dernière fois qu'on s'est parlé, et que tu n'as pas brûlé un bâtiment ou une personne. Mais j'imagine que nous le saurions si c'était le cas.
Tu peux répondre à la lettre que père t'a envoyé ? Il commence à s'enflammer sur le fait que que tu ne donnes pas de réponse. Enfin, je ne vais pas t'apprendre comment il est lorsque quelque chose ne lui plaît pas.

Cependant, ma lettre ne porte pas sur l'attitude qu'il peut avoir, aussi vais-je m'arrêter là sur les nouvelles d'ici.
Je souhaitais t'annoncer ma venue à Asteras sans doute dans le mois qui vient. Je te demande par la même occasion à quel moment tu préférerais que je vienne. Parce que si c'est pour arriver pendant une mauvaise période, je peux bien patienter un peu. Mais pas jusqu'à la prochaine fois que tu reviens, sinon c'est stupide.

Je présume que tu es occupée ces temps-ci, mais réponds-moi vite s'il te plaît.

Prends soin de toi,
Victor »
Elle tapota le petit bureau blanc du bout de ses ongles.
Une idée ? Une inspiration ? Quelque chose ? Elle inspira profondément pour mieux soupirer bruyamment.

Citation :« Bonjour Victor,

Je vais bien, et je n'ai encore rien brûlé. Je ne sais même pas pourquoi tu poses la question, quand tu sais qu'elle me blesse. Je fais des efforts surhumains pour contrôler la rage en moi.
Mais soit, je ne t'en veux pas. Tu ne réfléchis jamais beaucoup quand tu parles, alors quand tu écris – je ne devrais pas espérer davantage de diligence.

Pour la lettre pour Père, je n'ai pas envie de lui répondre pour le moment. Je préfère lui parler de vive-voix. Je ne trouve pas les mots sur lettre, or tu sais combien mon verbiage fleuri quand je vois son ignoble gueule. Alors qu'il ne s'impatiente pas : il aura tous mes maux en temps et en heure.

Pour ton arrivée, tu pourras venir quand tu le veux. Je finis la plus part de mes devoirs ce mois-ci, et je n'ai rien prévu. Je dois bien voir des amis au début du mois, mais à des fêtes – tu pourras y aller avec moi si tu le désires.

Tu sais où me trouver, et tu sais que ma porte t'aie toujours ouverte.
Tu me déranges toujours, mais tu peux venir.

Prend soin de toi aussi,
Cendre »
La jeune hybride attendit quelques secondes que l'encre ne sèche et finalement referma le petit parchemin en quatre, le glissant dans une lettre qu'elle scella de cire verte.
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#4

Le jeune homme esquissa un sourire en ouvrant la lettre de sa chère demi-sœur. Sourire qui se perdit un peu en lisant les premiers mots. Oups ? Il ne pensait pas qu'elle prendrait ça si sérieusement. Il savait bien qu'elle avait du mal à contrôler sa magie parfois, mais il était sûr qu'elle y parviendrait. Il replia le parchemin après une lecture rapide. S'il l'ennuyait peut-être vraiment, il préférait penser qu'elle était tout de même heureuse de le voir. De toute façon, si ça n'avait pas été le cas, elle ne se serait pas épargnée de lui de dire, tout comme elle le faisait si bien et de façon si diplomatique avec leur père… N'est-ce pas ?

Leur père. Il ne l'avait toujours pas prévenu de son voyage. Il faudrait bien qu'il le fasse avant de partir… Alors autant le faire maintenant. Il ne pouvait pas le lui dire une heure avant son départ. Quoique ça aurait été une option valide. Mais plutôt dangereuse. Il se doutait que sa mère n'avait rien dit, laissant à Victor l'immense plaisir de le faire.

Il bondit sur ses pieds, un air déterminé sur le visage. Il était plus que temps d'aller lui annoncer, il avait déjà trop repoussé. Oui, il se faisait peut-être une montagne de pas grand-chose. Ou peut-être qu'il avait raison de douter.
L'austérité de son père l'intimidait souvent. Son caractère en général à vrai dire. Les rares moments où il le voyait sourire était généralement ceux en présence de sa mère. Dommage qu'il ne fût pas marié à elle…

Il tenta d'effacer de son esprit ce qu'il venait de penser et se reconcentra sur son objectif. Il savait déjà ce qu'il allait lui dire. Il avait réfléchi aux mots qu'il devait dire, à la façon de le faire… Il s'était bien pris la tête comparé à lorsqu'il l'avait annoncé à sa mère, et à comment les gens agiraient généralement. Mais là, c'était son père, le graaaand Lazzare Di Scudira. Tout ça pour un voyage de rien du tout à Asteras. Il s'agaçait lui-même à réfléchir et réagir de cette façon.


Victor poussa un petit soupir et prit dans sa main la pauvre pomme entamée qu'il avait laissé s'oxyder depuis tout à l'heure, et la termina en vitesse. Il rangea la lettre et se dirigea vers le bureau de son aimable paternel.
Arrivé devant, il toqua et entra sans attendre de réponse – quel rebelle. Il se stoppa après trois pas. Evidemment. Il fallait qu'il ne soit pas là. Quand il allait lui dire.

A peine s'était-il retourné pour repartir en grommelant mentalement qu'il put constater que son père était en vérité bel et bien là, puisqu'il venait de traverser le couloir et se tenait face à lui. Bien que Victor fût grand pour son âge, il leva les yeux pour rencontrer ceux de son père.

« Que fais-tu là ? »

Il aurait bien rétorqué une quelconque réponse piquante comme Cendre l'aurait si bien fait… Mais il n'était pas elle. Loin de là. Et face au regard inquisiteur de son père, il se contenta de le soutenir – ce qui n'était pas rien – et lui répondit sans préambule :

« Je suis venu vous annoncer que je compte voyager jusqu'à Asteras. »

Il l'avait dit dans un souffle, rapidement. Il observa son père passer à côté de lui pour rentrer dans la pièce, et se retourner vers lui.

« Enfin. »

Enfin ? Enfin quoi ? Derrière l'air stoïque, il ne pouvait pas comprendre vraiment le sens de ce simple mot. Il attendit donc qu'il poursuive, soutenant toujours son regard.

« Tu prends une décision par toi-même. »

Pardon ?! Le jeune homme entrouvrit la bouche, mais la referma instantanément. Il lui aurait bien fait constater que quand il avait par le passé voulu prendre des décisions, il l'avait toujours cassé, rabroué. Cependant, il ne dit rien une fois de plus. Ce n'est pas comme si son cher père n'entendait raison que lorsqu'il en avait envie… C'est-à-dire [très] rarement. Tiens, au moins une chose que Cendre avait hérité de lui. Mais si jamais il le lui disait, sûr qu'elle l'incendierait. Littéralement ou non.

Il ne broncha finalement pas à la remarque paternelle et attendit en se tenant bien droit qu'il poursuive.

« Quand partiras-tu ? As-tu prévenu Cendre que tu irais à Asteras ?
- Je partirai dans le courant de la semaine prochaine, et oui, je l'ai prévenu.
»

Il n'allait pas lui dire qu'elle lui avait même répondu alors que sa lettre attendait encore, aussi avait-il repris les mots prononcés. Cependant, il remarqua qu'il ne lui demandait pas de dire à sa demi-sœur de lui répondre, comme il aurait pu le faire avant. Sans doute avait-il finalement compris que ça ne servait à rien.

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#5
Évidemment. Il n'avait pas eu le droit de prendre un cheval. On lui disait qu'il prenait des décisions par soi-même et que c'était bien, ça oui. Mais l'autoriser à prendre un cheval, ça, il pouvait manifestement en rêver. Ce n'est pas parce que lui il n'avait pas pu le faire à l'époque qu'il devait l'interdire à son fils ! C'est vrai, ce n'était pas juste. Comme s'il n'était pas assez grand pour se débrouiller tout seul ! Il était adulte maintenant !
Adulte au regard de la société, oui. La maturité elle, se laissant parfois attendre. Il le savait, mais cela ne l'empêchait pas d'être énervé par le manque de confiance de son père. Il lui avait appris comment se battre et comment s'occuper d'un cheval, il n'y aurait eu aucun problème !

C'est en ruminant ces mauvaises pensées que le jeune Talien était cahoté dans le chariot de l'un des convois marchands auquel il s'était ajouté, ou plutôt auquel Lazzare l'avait confié. Comment pouvait-il lui montrer le fait qu'il n'avait besoin de personne pour faire un voyage si on ne lui en laissait pas l'occasion ! Bon, il était vrai que ça l'arrangeait tout de même, puisqu'il n'avait pas de cheval. Il n'avait pas à marcher pendant des jours et des jours jusqu'à Asteras. Mais il aurait très bien pu le faire !

Il les avait entendus. Il avait l'ouïe fine, et l'habitude. « Le bâtard de » Lazzare Di Scudira, du nurmeth de Malmont, … De façon bien moins poli parfois. Toutes les variantes possibles. Bien des attaques sur sa mère, aussi. Des mots qu'il devait garder pour lui, bien qu'il aurait aimé leur faire ravaler tout le poison qu'ils pouvaient déverser. Il devait garder le sourire alors qu'on l'insultait, garder la tête haute, garder ses maux pour lui. Rester fort comme son père le voulait, ne pas prêter attention aux méchancetés comme sa mère le faisait si bien et lui avait demandé de faire. Vivre en étant « le bâtard de », et c'était tout.
Mais non, il ne serait pas que ça. Dès qu'il le pourrait, il se démarquerait, si tant est qu'il le puisse réellement.

Il soupira faiblement et posa un instant ses yeux sur les deux marchands qui avaient parlé de lui, ceux qui conduisaient le chariot suivant. Puis il détourna le regard vers la jeune femme qui se trouvait sur le petit banc en face de lui. Elle semblait préoccupée par les cordes de son luth, mais releva la tête vers lui alors qu'il la détaillait. La vingtaine, longs cheveux blonds détachés, yeux verts guillerets et béret un peu trop grand selon lui. Une barde connue sous le nom de Callonetta, et qui avait chanté lors d'une soirée à laquelle il avait participé dernière. Sa voix était aussi jolie qu'elle-même, mais il se garda bien de lui dire. Il esquissa un sourire qu'elle sembla lui rendre plus poliment qu'autre chose, puis détourna le regard vers le fond de la carriole.

Il devait se réjouir de faire ce voyage. Cesser de trouver des raisons de faire la tête et d'être triste. Ne pas se préoccuper de ce que pouvait dire les marchands de derrière.
C'est ce qu'il fit. Il passa un certain temps à faire la connaissance de la barde et à discuter musique avec elle. Il put même lui emprunter son instrument pour jouer les rares morceaux qu'il connaissait, comme il avait eu une éducation musicale.

Finalement, ils arrivèrent à Asteras. Il remercia les marchands quelque peu âprement et la ménestrelle pour avoir rendu son voyage bien plus intéressant. Et chacun se sépara avec son baluchon sous le bras.
Victor connaissait l'endroit où résidait Cendre, mais dû plusieurs fois demander son chemin. La capitale Elfe était bien différente de celle Talienne, et il ne pouvait qu'être admiratif face à l'architecture des lieux. Il avait l'impression que la plupart des bâtiments étaient blanc. De nombreuses tours d'ivoire s'élevaient, alors même que cela ne semblait pas être des bâtiments particuliers. C'était simplement la beauté des constructions elfiques. Tout semblait tellement fin. Ils avaient dû en passer du temps à tout construire... Mais la perception du temps était différente entre Taliens et Elfes...

Il aurait bien visité maintenant, mais il voulait d'abord voir sa sœur, aussi finit-il par trouver le quartier puis la maison et toqua avec hâte à la porte.
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#6
Lazzare avait décidé de lui envoyer une petite lettre. Il voulait s'assurer que Victor était bien arrivé chez elle, et qu'elle le traitait avec tout le respect dont elle était capable. Elle lui aurait bien répondu, par courrier, qu'elle ne pouvait pas faire pire en terme de respect que ce que lui-même avait fait, mais elle se garda de le poignarder une nouvelle fois. Il devait déjà assez s'en faire comme ça. Elle se fichait bien de lui, mais Victor n'avait pas à pâtir de la relation catastrophique qu'elle entretenait avec son infidèle de père.
Refermant la lettre avec un petit grognement, le regard de Cendre fut attiré par Balios. Le petit chat était allongé sur le tapis qui trônait au milieu du petit salon. Il s'étirait, dévoilant des crocs et des griffes blanches. Sa petite truffe rose remuait comme il humait l'air avant de finalement se recroqueviller.
La porte laissait passer un seul rayon de lumière qui réchauffait cet endroit précis du tapis. Balios était comme ça. À toujours rechercher le soleil.

Le rayon de lumière disparut pourtant comme quelqu'un venait de se planter devant la porte. Le chat ouvrit un œil, agacé, alors qu'on toquait. Cendre se leva, rangea rapidement la lettre dans un des tiroirs du vaisselier qui reposait contre le mur et l'occupait d'ailleurs de toute sa largeur, et alla ouvrir la porte.
Il n'y avait que trois personnes pouvant venir la voir chez elle : Lenwë, Israfel et Victor.
Sans surprise, ce fut Victor. Lenwë était occupé le jour même avec son professeur, et Israfel avait un rendez-vous chez son père pour régler quelques affaires. Ça ne pouvait donc être que Victor aujourd'hui.

Il avait changé, un peu. Il avait grandi depuis la dernière fois, maintenant il la dépassait d'une bonne tête. Ses traits s'étaient davantage affirmés, de même que ses épaules.
Ce qui était le plus frappant était le fait qu'il ressemblait vraiment à Lazzare, à la couleur de ses cheveux près. Il avait alors un petit air d'Evrard aussi. C'était troublant et rassurant à la fois. Ça ne lui faisait pourtant pas oublier qu'il avait les yeux de sa mère, et son sang.

Elle recula et fit un léger mouvement de main pour l'inviter à l'intérieur.

« Je t'attendais, justement. » Elle referma la porte derrière lui. Balios se leva pour venir renifler cet inconnu, tout en restant à distance. Il n'aimait pas beaucoup les étrangers ce petit chat blanc au masque noir. « Tu as fait bon voyage ? Père m'a demandé si tu ne t'étais pas perdu entre temps. Il se demandait s'il aurait du te laisser un cheval finalement, ou une boussole... »

Un petit sourire moqueur, pour ne pas changer des habitudes.
Elle ne le dirait pas, mais ça lui faisait plaisir de voir Victor.
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#7

Victor fit un grand sourire à sa grande sœur lorsqu'elle lui ouvrit la porte. Enfin, grande. Non, elle était plus petite que lui maintenant, largement. Mais il n'allait pas s'en moquer, en tout cas pas tout de suite. De toute façon, elle avait l'air d'avoir son âge...

« Bonjour ! »

Il entra dans la maison et observa la pièce, avant de poser les yeux les yeux sur le petit chat qui trainait là.

« Et bonjour Balios. »

Il se pencha vers lui et tendit la main, tentant de le caresser, alors que Cendre lui parlait de leur père. Il soupira faiblement et se retourna vers elle.

« J'aurais bien aimé un cheval, oui. Mais je ne vois pas comment je pourrais me perdre alors qu'il suffit de suivre une route. Surtout quand je suis dans une charrette et que ce n'est même pas moi qui nous guide ! »

Des fois, il ne comprenait pas son père.

Il se retourna finalement vers sa sœur et la prit dans ses bras pour lui faire un câlin. Il était content d'être arrivé, et content de la revoir.

« Ça me fait plaisir de te voir. »

Il sourit et commença à fouiller dans son sac.

« Je t'ai ramené un petit cadeau. »

Il s'abaissa pour poser son sac et en sortit un petit livre qu'il lâcha près de son pied, continuant de rechercher le dit cadeau. Il finit par sortir une petite boîte de bois, après quelques vêtements qu'il avait emporté. Il la tendit à Cendre.

« Ce sont des chocolats de Malefosse. J'imagine que ça fait longtemps que tu n'en as pas mangé, alors j'ai pensé que ça te ferait plaisir. »

Il attendit avec une lueur d'espoir dans les yeux qu'elle prenne la boîte puis entreprit de ranger ses affaires dans son sac.
Il était soulagé d'être enfin arrivé et de pouvoir passer du temps avec elle.

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#8
Un petit air amusé se peignit sur le visage de la rousse.
Bien sûr qu'il était difficile de se perdre, mais elle imaginait très bien quel sang d'encre se faisait Hemina à chaque fois qu'elle voyait son chérubin partir loin de Malmont, et plus encore quand elle apprenait qu'il avait franchi les frontières de Malefosse. En dehors de ses terres, la femme semblait perdue.
Le seul endroit où encore elle possédait un pied c'était Yris. Cendre l'avait croisé une fois. En fait, elle l'avait croisé tout simplement. C'était comme ça que Lìrulìn avait appris pour elle, son existence. Plus tard, celle de Victor.
Qui aurait cru ?


« Heureusement que tu ne conduisais pas la charrette. Père aurait eu honte. »

De nouveau Cendre affichait un air goguenard. Il était vrai que Lazzare, depuis son accession au rang de Nurmeth, avait pris quelques manières de nobliau. Il était un parvenu, Cendre elle-même le reconnaissait, mais il aimait bien s'afficher tout de carmin vêtu, comme si ça pouvait laver la noirceur de ses péchés.
Qu'Edar ait pitié de lui au jour de sa mort, pensa brièvement sa fille, avant de finalement rejeter toute idée de pitié pour son père. Il n'en méritait pas la moitié.

« Un cadeau ? Il ne fallait pas... » murmura la jeune femme, son regard doré avisant le petit livret qui attendait au pied de Victor. Un carnet secret ? Des notes de comment bien se tenir à table ?

Elle leva la main et se mordit un doigt, exorcisant cette soudaine envie de s'emparer du livre et de le dévorer.
S'il faut, ce n'était rien de bien intéressant.

« Du chocolat ? C'est vrai que ça fait longtemps. »

D'un air un peu amusé, elle ouvrit la boîte et en prit un qu'elle mangea tout rond. Elle avait appris à servir ses amis et ses invités avant elle, mais là, ils n'étaient que tous les deux, et ses penchants égoïstes revenaient alors au galop.
Elle en mangea un second avec une lueur de gourmandise avant de mollement s'en détacher, son bras se tendant pour en proposer un à son frère.

« Il est moins bon que celui que m'offre Lenwë » fit-elle remarquer, sur le ton le plus innocent du monde. Ils étaient souvent ensemble, à étudier, à observer le monde. C'était un elfe des neiges, elle s'y rattachait un peu. « Ma mère n'est pas là cette semaine. On pourra aller au théâtre ou à l'opéra en soirée, ou ne rien faire. Ne rien faire, c'est bien aussi. »

Elle mangea un nouveau chocolat, mais ne croqua qu'à moitié à l'intérieure.
Ils étaient vraiment moins bons que ceux de Lenwë...

« Oh, si. Il y a une fête chez Dyanese. Je t'avais déjà parlé d'elle, tu sais, c'est une noble. Son père est un Nurmeth d'ailleurs. Sa mère, tu ne la connais pas, mais c'est du sang racé d'Asteras. Je crois que son père reçoit. Père a dit qu'il ne pourrait pas y aller, mais il me semble qu'Israfel y sera, et que je lui ai dis que nous nous y retrouverons avec Lenwë. Si jamais tu veux en être. Je ferais les présentations. Tu n'as jamais rencontré Israfel et Lenwë, n'est-ce pas ? »

Cendre se tapota le menton d'un air perplexe. Elle parlait rarement de Victor. Elle n'était même pas sûre d'avoir mentionné une seule fois qu'elle avait un frère... Sa famille ne se résumait qu'à sa mère. La douleur d'avoir cette "autre" famille était trop grande.
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#9
« Heureusement que tu ne conduisais pas la charrette. Père aurait eu honte. »

Victor sembla un instant agacé par le comportement de sa sœur et son perpétuel sourire moqueur. Il soupira et répondit d'un ton assez sec, contrastant avec son attitude d'il y a quelques secondes. Un ton qu'il réservait d'habitude plutôt à leur père.

« C'est lui qui m'a obligé à prendre cette charrette, alors je ne vois pas comment il aurait honte. »

Il avait presque envie de retirer la boîte de chocolats de ses mains alors qu'elle venait de l'ouvrir. Mais bon, au moins elle avait perdu son sourire énervant. Même si elle ne l'avait pas remercié. Mais il devait pas s'attendre à tant de sa part, sans doute.

Il se demanda brusquement s'il avait eu raison de venir. Peut-être était-ce la fatigue du voyage qui le faisait réagir ainsi, mais si c'était pour se faire traiter comme ça tout le long de son séjour, autant qu'il reparte sur le champ.

« Il est moins bon que celui que m'offre Lenwë. »

Il poussa un petit soupir. Il avait très envie de l'imiter dire ça et lâcher un "Gnagnagna" puéril, mais se retint. Il composa plutôt un air neutre, et ramassa son sac.

Après sa proposition de rencontrer des personnes qui étaient finalement bien plus proches d'elle que lui, il fit un petit hochement de tête et compléta son geste par des dires, l'air détaché de tout.

« Pourquoi pas. Mais je ne vois pas comment j'aurais pu rencontrer tes amis... »

Il fit une petite pause avant de reprendre la parole, changeant complétement de sujet.

« A présent, pourrais-je prendre un bain ? Le voyage m'a fatigué, et cela me ferait du bien. »

Il ne savait pas quand était la fête puisqu'elle ne l'avait pas précisé, mais si c'était ce soir, il fallait qu'il se repose avant.
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#10
« Il vieillit et devient gâteux. »

Elle eut un petit sourire moqueur mais satisfait en y pensant. Imaginer quelques secondes ce bon Lazzare fou et dément lui faisait presque oublier sa peine permanente. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, pas vrai ?

Cendre sortit de ses pensées sinistres au moment où Victor lui fit remarquer qu'il n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer ses amis. C'était vrai que la dernière fois qu'il était venu, ils avaient passé le plus clair de leur temps avec Lìrulìn à découvrir un peu les alentours d'Asteras, les beautés des lacs le soir ou encore les fontaines merveilleuses d'où s'écoulent, dit-on, des larmes d'ange.

« C'est vrai » avoua-t-elle.

Elle attrapa un autre petit chocolat et eut un petit sourire moqueur.

« Je ne suis pas ta mère, Victor. Tu peux faire ce que tu veux ici. Tu es libre et t'es un adulte maintenant. »

Un petit clin d'œil, la grande sœur rebelle ne s'attendait pas à ce que Victor prenne autant ses aises qu'elle aurait pu le faire. Il était plus réservé, plus timide, mais le lendemain, à la soirée du père de Dyanese, il n'aurait pas l'occasion d'être timide, pas avec "ses amis".
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