Vergetures
#1
Vergetures.

Pourquoi pensait il à ce mot ? Aucune idée. Il n'en avait pas lui même, du moins à ce qu'il lui semblait. Rien de marqué, en tout cas.

Vergetures.

C'est sa mère qui avait dû en avoir. La grossesse, ça épargne peu de monde, il faut dire.

Vergetures.

Mais bon, il serait bien en peine de l'affirmer. Dans son souvenir, elle était une forme floue et vague, ou même plutôt un concept à peine concevable comme ayant un jour eu lieu. Son oncle Léonide lui en avait souvent parlé de sa mère – sa sœur. Enfin, la sœur de son oncle, et sa mère à lui, Evrard.

Il l'aimait beaucoup – oncle Léonide l'aimait beaucoup, sa mère – celle d'Evrard. Recommençons. Elle s'appelait Annabelle. Elle avait les cheveux châtains, bouclés, et un visage arrondi. Les oreilles un peu en pointe, mais à peine – très peu de chance qu'il y ait du sang elfe, dans la famille. Les yeux bruns. Ceux la, il croyait parfois s'en souvenir vraiment. Mais il n'était pas sûr. Elle était plutôt grande, lui avait dit son oncle. Et elle avait tendance à se frotter le nez très souvent, plus par habitude que parce que ça la démangeait. Mais quand il en arrivait à ce détail là, le regard de l'oncle Léonide avait tendance à se perdre dans le vague, et l'oncle lui même à pousser un long soupir, avant de se taire, plongé dans ses pensées.

Son oncle aimait beaucoup sa mère – il aimait toutes ses sœurs, à vrai dire, mais il parlait moins des autres à Evrard ; en même temps, aucune autre n'était sa mère, et elles étaient toutes encore en vie, elles. Evrard s'était parfois demandé s'il aurait du leur en vouloir, d'être en vie quand sa mère était morte. Mais il ne s'y était jamais résolu. Ce n'était pas leur faute, après tout. Et elles étaient toutes gentilles avec lui. Chacune à leur façon, certes. Lisbeth lui racontait des histoires de toutes sortes. Héloïse lui faisait des tartes aux prunes, quand ils allaient la voir, son oncle et lui, chaque semaine. Et Lénora faisait sa sévère, mais c'était elle qui avait appris à lire au petit Evrard ; l'oncle Léonide n'avait pas la patience.

Bref, elles étaient toutes … elles étaient, tout simplement. Encore une fois, chacune à sa manière. Mais il ne connaissait pas la manière de sa mère. A part qu'elle se frottait le nez.

Il aurait bien aimé en savoir plus sur son père, aussi. Mais l'oncle Léonide le connaissait moins bien. Il lui avait parlé un peu de sa stature robuste et de ses larges épaules, de sa mâchoire marquée et un peu pointue, de ses cheveux bruns et de sa barbe taillée, mais il n'avait pas pu aller beaucoup plus loin. Ce n'était que le mari de sa sœur, à l'époque. Et depuis peu le père d'Evrard, aussi, mais pas depuis longtemps quand c'était arrivé. L'oncle lui avait dit qu'il avait à peine deux ans, à l'époque.

C'est ironique, non ? Triste aussi, mais tout de même. Un couple dans la force de l'âge fauché par une maladie à laquelle leur enfant en bas âge survit. Et pour couronner le tout, un oncle militaire qui se voit promettre à sa sœur mourante qu'il s'occuperait de l'enfant.
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