Vjolden, naissance d'un Ranger
#1
Chapitre 1 : Les leçons de vie

Pour un être humain normal la forêt était calme : le vent qui chante entre les arbres, les oiseaux qui gazouillent, etc.
De plus, le ciel était dégagé laissant le soleil bercé doucement l'endroit des ses rayons.
C'était un endroit idéal pour une promenade, voire un pique-nique.
Pour Vjolden, jeune enfant de 8 ans, c'était un terrain de chasse dont il était la proie.

Accroupi dans les fourrés, immobile, il était aux aguets.
Il contrôlait sa respiration pour faire le moins de bruits ou de mouvements qui pourraient trahir sa position, mais ses muscles commençaient à fatiguer et il redoutait qu'une crampe ne surgisse s'il était amené à fuir.
Il ne savait plus depuis combien de temps il était là : la chaleur, la peur, la tension, tout cela lui faisait perdre la notion du temps pour échapper à ses poursuivants.

"Ses poursuivants" : un homme et un chien, énorme, tout en muscles, qui devait certainement peser le double de son poids.
Il n'y avait pas à calculer les chances de s'en sortir s'il se retrouvait nez à nez avec ce monstre : ce dernier lui attraperait la tête et le secouerait dans tous les sens pour lui briser la nuque.
Il avait déjà vu des loups faire ça, alors pourquoi pas un chien ?

Il se concentra sur les bruits des alentours, et pour le moment, il entendait encore le chant des oiseaux.
Il ne pouvait rester éternellement ici : la chaleur l'étouffait et sa propre transpiration allait augmenter l'intensité de son odeur. Il n'était pas sûr que l'odeur de déjection des renards, dont il avait imprégné ses vêtements plus tôt, camoufle tout cela…

Il décida de détacher sa cape de voyage, doucement.
Cela lui demanda un effort surhumain pour faire le moins de bruits possible et éviter d'accrocher son vêtement aux branches, ou de s'érafler.
Une éraflure et c'était la mort : le chien sentirait le sang et ne le lâcherait plus.
En plein dans son geste, il s'immobilisa.
Il venait d'entendre un bruit distinct aux alentours : des griffes râpant le sol, un soufflement proche du sol : le chien était là, et nul doute que son maître était sur ses pas.

Vjolden décida de changer de stratégie : il continue de détacher sa cape de voyage, puis il s'arma de sa fronde et y plaça un caillou. Il regarda à travers le feuillage de son repère, et aperçu le chien à quelques mètres du fourreau, ainsi que son maître une dizaine de pas plus loin.
Il se concentra sur sa respiration, mémorisant approximativement la localisation des deux chasseurs, attendant le moment opportun. Le maître et le chien se rapprochèrent, dangereusement, ce dernier n'étant qu'à 2 mètres du fourré.
Tout allait se jouer dans quelques instants.

Vjolden prit appuie sur ses jambes et se propulsa hors du fourré en poussant un cri.
Surpris, le chien redressa la tête un court instant, Vjolden lui lança son manteau au visage.
Dans un même temps, il fit tourner sa fronde et lança le projectile en direction du chasseur qui armait son arc.
Puis il fit demi-tour et se mit à courir…
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#2
Une seule chose en tête : la fuite.
La manœuvre précédente n'allait pas lui laisser grand répit, quelques maigres secondes, tout au plus.
La puissance musculaire du chien, ainsi que l'habilité du chasseur, rattraperaient vite ce retard.
Vjolden ne voyait qu'un moyen de s'en sortir : escalader un arbre pour être hors de portée des crocs du chien, puis utiliser sa fronde pour immobiliser le maître.
Derrière lui, il entendit le chien se débarrasser de sa veste et le prendre en chasse : il accéléra l'allure en se concentrant sur sa respiration.
Le chasseur se mit lui aussi à courir.

Vjolden courrait aussi vite qu'il le pouvait, regardant à de multiples reprises si un arbre ne correspondait pas à ce qu'il cherchait.
Il en trouva un, à une vingtaine de mètres sur la gauche, il bifurqua sans attendre.

Le chien se rapprochait de plus en plus : rejoindre l'arbre avant que le cabot ne lui tombe dessus allait être difficile, et il sentait le regard du chasseur sur lui.

Il entama une dernière manœuvre pour atteindre l'arbre : zigzaguer. Ainsi, le chasseur ne pouvait le viser de son arc, le chien ne pouvait déployer toute sa force, sa vitesse et sa puissance pour le rattraper.

L'idée était bonne, mais pas dans ces conditions.
Son souffle commençait gravement à manquer et il en était rouge.
Ses poumons le brûlaient, ses muscles semblaient se déchirer, se disloquer.
Ses yeux se remplissaient de larmes sous l'intensité de la douleur, une douleur qui lui retournait l'estomac, lui donnant envie que d'une seule chose : vomir toute la bile possible.
Mais il n'avait pas d'autres échappatoire que cet arbre, alors il serra les poings, il serra les dents et se concentra uniquement sur l'objectif.

Il contourna un dernier arbre par la droite, et un sifflement se fit entendre, puis un grognement sur sa gauche.
En tournant la tête, Vjolden vit le chien en plein saut, prêt à fondre sur lui : l'animal avait compris la manœuvre et avait changé d'approche pour lui tomber dessus.
Sans réfléchir, il se jeta en avant pour l'esquiver de justesse, effectua une roulade et se redressa.
Cependant, lors de l'opération, sa tête heurta une pierre, et il se redressa un peu sonné, mais il arriva tout de même au pied de l'arbre.

Il entama l'escalade, sans se préoccuper du chien ni du maître, allant le plus vite possible.
Le chien arriva à son tour aux pieds de l'arbre et essaya d'attraper la jambe de Vjolden entre ses mâchoires.
Mâchoires qui se refermèrent de justesse dans le vide.

Vjolden escaladait vite et bien, économisant le peu de force qu'il lui restait pour atteindre rapidement le haut de l'arbre.
Continuant son ascension, il allait pour attraper une branche quand un bruit de corde se fit entendre, et une flèche vint se planter là où allait se poser sa main.
Surpris, Vjolden perdit totalement l'équilibre et chuta, sa tête heurtant une autre branche au passage : il sombra dans l'inconscience avant de s'écraser lourdement sur le sol.
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#3
Vjolden émergea doucement de l'inconscience.
Et tandis qu'il se réveillait de sa mésaventure, la douleur se réveillait aussi, une douleur qui parcourait chaque centimètre de son corps: c'était totalement insoutenable,
Vjolden pris peur.
Peur de s'être cassé un ou plusieurs membres, voire de ne plus jamais pouvoir bouger.
Cette idée lui glaça le sang.

A 8 ans, ne plus pouvoir bouger toute sa vie, être dépendant de quelqu'un…
Des notions qui pouvaient être flous pour un enfant, mais il ressentait la chose comme une chute sans fin, comme si, lorsqu'il était tombé de l'arbre, la terre s'était ouverte sous ses pieds et l'avait avalé.
Et ses cris, engloutis dans la terre, personne ne pourrait les entendre.

« Quitte à être bon à rien, autant être un bon à rien mort... »

Des larmes lui montèrent aux yeux.

« Pourquoi pleures-tu, bonhomme ? »

Vjolden réprima un sanglot et tenta d'ouvrir les yeux.

Il y arriva, difficilement : la première chose qu'il aperçut était une silhouette se détachant d'une lueur jaune-orangée.
Il aperçu aussi un ciel étoilé : il était donc allongé, près d'un feu de camps.

« Grand-Père, je pleure parce que j'ai eu peur de plus pouvoir bouger de toute ma vie, et je me suis sentis mal, comme si on broyait mon coeur… Avec la douleur de la chute, j'ai pleuré.


- La mousse au pied de l'arbre a amorti ta chute, et puis tu n'étais pas bien haut. Tu as bien quelques blessures, et il va falloir te reposer un peu mais d'ici peu de temps, tu bougeras va !
Pour le moment, bois-ça, et dors. »


L'homme porta un bol aux lèvres de Vjolden, lui faisant boire plusieurs gorgées.

Ceci fait, il siffla et un énorme chien vint s'allonger aux côtés de Vjolden.


« Quand tu seras reposé, nous ferons le point sur la leçon d'aujourd'hui.
En attendant, fais de beaux-rêves »


Vjolden sombra dans le sommeil.
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#4
Sous le ciel étoilé, Vjolden et son Grand-Père mangeait autour d'un feu de camps, avec pour compagnie le chien Dem.
Vjolden n'était pas totalement rétabli, et son corps lui faisait encore mal, mais il mangeait avec bon appétit.
Quand ils finirent le repas, Grand-Père sortit une gourde et bu quelques gorgées, poussant un râle de satisfaction.


« Aaaah ! Ca réchauffe bien le corps !
T'en veux gamin ? »

- Non, c'est pas bon !

- T'es encore un p'tit oiseau, c'est pour ça !"

Vjolden tira la langue, tandis que son mentor rangea la gourde.

« Bon, parlons sérieusement.
si on fait le point, t'as plutôt bien appris les leçons : pièges, ne pas laisser de traces… L'usage des faux-pas étaient pas mal aussi.
Ton erreur a été de ne pas te prévoir un dernier échappatoire au moment où on te pourchassait.

-J'pouvais pas mettre des pièges tout le temps, papy !
-C'est vrai.
Cependant, as-tu bien réfléchi à l'exercice d'aujourd'hui ? »


Vjolden regarda fixement son grand-père
"Bah… Je devais me cacher le plus longtemps ?
-Oui, mais pourquoi ?
- Heu… Parce que tu devais me trouver ?
-Non mon garçon, je ne devais pas te trouver.

Son grand-père se tourna vers Vjolden, puis il posa ses mains sur ses épaules.

"Je te chassais.
Tu étais une proie, ma proie.
Le but de l'exercice était bien sûr que tu me montres tes acquis, qui sont très bien assimilés.
Mais au fond, j'attendais que tu me tendes un piège et que tu m'attaques."

- Quoi ?! Mais tu triches papy !"

Ce dernier ria de bon coeur

"Non mon garçon, je ne trichais pas.
Je voulais t'obliger à réfléchir.
Cet exercice n'avait pas d'issues, tu ne pouvais pas te cacher éternellement.
Je voulais que tu deviennes le prédateur dans cette histoire !
Ecoute-moi bien, Vjolden.
Ne sois jamais la proie.
Je m'évertue à tout t'enseigner en ce qui concerne la chasse, le pistage, la survie, le tir à l'arc, le maniement des armes.
Je ne sais pas ce que tu veux faire de ta vie, ni ce que tu vas en faire, donc je peux que t'enseigner ce que je sais, comme ta grand-mère t'enseigne ce qu'elle sait…
Mais oui, ne sois jamais la proie.
Reste toujours le chasseur, le prédateur.
Et si tu deviens la proie à un moment donné, fais en sorte que ça change.
Utilises tout ce que tu as appris, et tout ce que tu apprendras pour ça.

« Je suis un prédateur » doit devenir ton credo, compris ?"


Vjolden acquiesça.

"Oui, j'ai compris papy.
Mais… C'est quoi un credo ?"


Grand-Père éclata de rires.
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#5
Chapitre Deux : L'Esprit


« Je suis un prédateur »

Accroupis, Vjolden suivait précautionneusement de multiples traces de pas.
La chasse était facile : il avait plu à torrent la veille et les traces de coussinets et de griffes laissaient de profondes marques dans le sol.
Suite à une analyse du temps, du sol, des empreintes, il détermina que le passage de ses proies remontait à une trentaine de minutes, et le soleil se couchant, ils n'allaient certainement pas tarder à faire une pause.
Vjolden se mit de nouveau en marche, à la poursuite de la meute.

[---]

« Une meute…de loups ?
Tu veux que je pourchasse une meute de loups affamés ? »


Vjolden, assis sur une chaise, tamponnait le front de son grand-père avec un linge mouillé afin de faire baisser la fièvre.

« Oui. L'hiver approche, et il serait dangereux pour notre village qu'une meute de loups reste dans le coin et chasse le gibier. Faudrait pas non plus qu'ils s'attaquent aux humains s'ils sont trop affamés.
- Mais… Tu veux que je les tue ?
- Non, il n'y a pas besoin de les tuer… Juste de les faire fuir.
- Et ils reviendront pas… ?"

Avec quelques difficultés, le Grand-Père attrapa doucement la main de son petit-fils.

« Je sais que tu as l'impression de ne pas être à la hauteur, mais quel âge as-tu mon garçon ?
- Hum… 12 ans, je crois.
- Je vais sur mes 60 ans. Je suis vieux et fatigué, ta grand-mère a succombé l'année dernière et je sens que je ne vais pas tarder à la rejoindre.
Depuis que nous t'avons pris sous notre aile, nous avons tout fait pour t'enseigner ce que nous savions, ta grand-mère dans le savoir et tout le tintouin, et moi en tant que garde-forestier.
Et aujourd'hui, tu es prêt.
Je ne sais pas si ce que tu es te plaît, mais je suis fier de ce que tu es.
Aimes-tu cette vie, mon garçon ?

- Oui Grand-Père, j'adore ça.
Pister, chasser, être indépendant tout en étant dépendant de la nature et uniquement de la nature.

- Je suis heureux de l'entendre.
Cette mission concernant la meute de loups est la suite de ton enseignement.
Et pour répondre à ta question : il se peut que les loups reviennent, oui. Ce sera à toi de prévenir cette menace, voire de sévir si besoin est.
Un garde-forestier ne tue pas inutilement: il préserve les humains des dangers de la nature, mais il préserve aussi la nature des dangers humains.

- D'accord Grand-Père. Je vais donc m'acquitter de cette mission et partir sur le champs.
- Fais attention à toi.
- Promis !"
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#6
Vjoden était toujours sur les traces de la meute.
Le soleil était haut dans le ciel, et il y avait très peu de vent : celui lui permettrait d'approcher les loups par n'importe quel côté, ce qui était avantageux.
Néanmoins, quelque chose le taraudait en suivait ces traces, sans savoir quoi exactement, mais quelque chose ne collait pas.

Selon les traces, la meute de loups tournait autour du village, sans jamais s'en approcher.
Ce n'était pas inhabituel, car les loups évitaient de croiser des humains, sauf s'ils étaient affamés.
Mais les traces laissaient suggérer que les loups étaient dans le coin depuis plusieurs jours, et il n'y avait nul trace de carcasses, pourtant le gibier était présent.
Autre chose : à un endroit, les traces de pas s'éloignaient pour en revenir, et ce manège eu lieu plusieurs fois.
S'il continuait à suivre les traces, il ne ferait que tourner en rond, aussi bien géographiquement que mentalement, il décida donc de suivre les traces qui s'éloignaient de ce chemin de « ronde »…

Il longea les traces sur le côté, mettant une marge d'une cinquantaine de mètres, se déplaçant de fourrés en fourrés.
Il était aux aguets, se déplaçant le plus discrètement possible.
Un long filet de transpiration coulait le long de son dos, et toujours cette sensation que quelque chose clochait : son instinct lui hurlait de faire attention, voire demi-tour.
Il se sentait oppressé et avait du mal à respirer, ses mains étaient moites, ses pas moins sûrs.

Il s'arrêta quelques instants, et décida de se réfugier dans un arbre, le temps de se calmer et de reprendre le contrôle sur lui-même.

Une fois en hauteur, il fit quelques exercices de respirations.
Lentement, il reprit le contrôle de lui-même, puis il regarda dans la direction des pas.
En un instant, son être se figea : au loin, il apercevait un camp d'hommes.
Il y avait de la fumée, ainsi que des éclats de rire, et quelques aboiements.

Il décida de s'en approcher, en passant d'arbres en arbres.
Il s'arrêta quand il était assez proche pour observer le camp.
Et il sut pourquoi quelque chose le taraudait.
Il sut pourquoi son instinct lui ordonnait de s'enfuir et de ne pas s'approcher.

Les loups n'étaient pas sauvages, mais dressés, et leurs maîtres étaient une troupe de brigands...
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