Au bas de la montagne...
#1
Le feu crépite dans l'air froid, il tente de réchauffer l'endroit tandis que ses faibles flammes dansent et projettent leurs ombres sur les parois de la caverne. Assis en tailleur face à elle, l'homme a les yeux fermés; il parait presque dormir, mais ses doigts esquissant de temps à autres des mouvements imperceptibles prouvent qu'il est éveillé. Ses longs cheveux d'un blond foncé balayent son dos nu, voletant parfois lorsque le vent glacial pénètre la montagne.

"Ta retraite est finie, Asgeïr l'Entendant.
Écoute les esprits, quitte ces lieux séant."

L'homme ouvre les yeux, ses prunelles sont totalement bleues et un mince halo nimbe à présent ses mains. Le décor de la grotte a disparu, si ce n'est de vagues silhouettes qui s'esquissent, remplacé par un monde éthéré où semble flotter une brume bleutée. L"homme regarde les trois Esprits qui se dressent devant lui, celui dont la voix s'est élevée se tenant légèrement en avant, et s'incline bien bas, si bas que ses cheveux viennent caresser le sol.

"Et où irais-je ?"

"Au bas de la montagne, il y a une ville.
Une cité Agar, vas y chercher l'exil.
Porte leur notre voix, amène notre chant,
Qu'Asagemir te garde, Asgeïr l'Entendant."

Sans rien ajouter, les Esprits s'évaporent. L'homme se redresse, et autour de lui le monde reprend peu à peu ses contours habituels. Il grimace, grogne presque. Cet ordre ne le ravit pas. Depuis des années qu'il se terre à l'abri des regards, laissant l'Histoire se jouer sans lui, il a appris à aimer sa solitude. Il apprécie ses incursions dans la civilisation, parce qu'elles sont brèves et ponctuelles. Mais sa vie, il la mène sans les autres.

Pourtant, il se doit d'obéir. Les directives des Esprits, aussi floues soient-elles, ne peuvent être ignorées. Pensivement, il attache ses longs cheveux, puis se lève. Un œil extérieur constaterait alors qu'il est complètement nu, mais comme toujours, il n'y a personne dans sa caverne. Et il aime ça, il aime ce silence seulement troublé par les bruits de la montagne, il aime sa solitude tranquille.

Il attrape un pagne, une lourde cape et termine par enfiler des bottes en fourrure. Dans sa tête, les questions se bousculent. Pourquoi l'envoyer à Björnhill ? Que doit-il y chercher ? Et quel accueil vont lui faire les siens ? Les siens... Tellement de temps éloigné de son propre peuple qu'il en oublie ce que c'est que d'en faire partie. Mais peu importe. Si les Esprits estiment que sa place est là bas, il n'y a rien à redire.

Il saisit son bâton et après un dernier regard au feu qui crépite dans l'air froid, il se met en route.

Au bas de la montagne...
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