Légendes
#1
Les Dieux sont imprévisibles.
Ils vous imposent une destinée à laquelle vous ne prétendiez pas... puis ils changent d'avis.
Alors ils vous tracent un autre sillon dans les champs de la destinée.
Et où donc mène ce nouveau chemin ?

Hanish avait découvert sa destinée en rouvrant les portes du Conclave des Ombres, par pur hasard ou par le résultat de l'amusement des Dieux, peu importait après tout.

Le Conclave des Ombres se voulait une compagnie secrète.
Il défendait la Liberté avant tout, ne pliant le genou devant aucune loi qu'il ne reconnaissait pas, autant dire presque toutes.
Il rôdait la plupart des temps aux marches du royaume, pratiquant le renseignement, le complot, l'embuscade, exceptionnellement le raid... et bien entendu l'assassinat.
Ces grands voyageurs ont dessiné des cartes, les plus précises connues à ce jour, leurs aventures les amenaient à récolter et échanger pour leur subsistance de nombreuses ressources, parfois rares, et croiser de nombreux êtres vivants, parfois très rares.

Contrairement aux idées reçues, la guilde n'opérait pas obligatoirement la nuit, ni par la magie, ni ne complotait avec les démons ou aucune autre créature malfaisante.
Elle était les Ombres car elle opérait discrètement, le plus souvent par des adeptes agissant seuls.
Les "Ombres" se voulaient patientes, discrètes, disciplinées et efficaces... insaisissables.

Elle jouissaient pour cela d'un entrainement adéquat laissé dans ses livres par les plus grands Maîtres, que même la Main Noire des Hélions leur enviait, et que Hanish avait redécouverts dans les décombres de leur repaire.

Chaque Ombre possède un bien qui marque son appartenance à la compagnie : une dague noire à lame couleur ivoire, faite d'un métal rare dont les origines sont perdues dans la nuit des temps.
La légende dit ces dagues indestructibles et aussi légères que des plumes, ne ratant jamais leur cible et traversant aisément n'importe quelle armure ou n'importe quel cuir en provoquant une peur incontrôlable.

Et le messager disposerait en plus d'une arme unique faite du même métal, enchantée de surcroît, et que même la magie ne peut arrêter, une épée aussi légère qu'une dague et qui se manierait comme elle, nécessitant un long entraînement spécifique.
Les légendes...

Aucun gisement de ce métal n'est plus connu.
Il se dit que certains livres, perdus eux aussi dans les bibliothèques secrètes des Hélions, des Nains ou des Hauts-Elfes, retracent la découverte de ce métal, apparu sur Ecridel il y a des milliers d'année lorsqu'une météorite gigantesque manqua de détruire le monde.
Il se dit même qu'il faut combiner dans le bon ordre les cartes des livres de chaque race et dire les mots secrets pour permettre de localiser le seul gisement n'ayant jamais été trouvé sur Ecridel.
Les légendes...

La guilde recherche aussi bien livres que métal, c'est une de ses missions discrète.

Les dagues ouvrent aussi les portes du "repaire" partout sur les terres d'Andoras, et rien d'autre ne permet d'y pénétrer.
Elles sont d'une très grande valeur et moins de dix exemplaires sont aujourd'hui comptés de par le monde.

Aujourd'hui donc les temps changent, ainsi en ont décidé les Dieux.
Il semblerait finalement que le Conclave des Ombres tel que l'avait entendu Hanish n'a pas sa place sur Ecridel.

Hanish ne pouvait pas se résoudre à quitter la guilde, il en connaissait le prix et n'avait ni raison ni envie de mourir des mains de ses compagnons, prostré dans la peur, une dague dans la nuque ou dans la gorge.

Avant de retourner aux sables du désert qui l'avaient vu naître, l'ancien adepte de la Main Noire a nommé Farouk Al Mahjoub comme nouveau messager.
C'est un disciple de grande valeur, un combattant aguerri, un négociant hors pair, rencontré la aussi par hasard dans le désert à l'Est de Babylios il y a de nombreuses années.
Il a accepté la charge.
Il doit maintenant passer l'épreuve, exceptionnelle, prévue dans les livres : retrouver avant tous les autres l'épée noire, disparue après une mission ultime confiée (par qui ?) au rôdeur assassin.

Il devra faire plus vite et mieux que les autres, car l'histoire transcrite dans les livres rappelle comment tous ont été avides par le passée de posséder la Lame, et le seront à sans doute de l'avoir pour les temps à venir.

Mais il ne pourra pas réussir en solitaire, et seule une compagnie complète pourra venir à bout des épreuves permettant de recouvrer l'arme, car le chemin sera pénible et harassant, semé d'embuches et d'illusions, de découragement.

Et nombreux seront ceux qui voudront brandir l'arme, pour s'approprier les Ombres ... ou pour venger leurs frères !

Que les Ombres guident leurs pas.
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#2
Ainsi donc naissent les Légendes, à n'en pas douter, mais elles ne racontent pas toujours l'histoire à laquelle on s'attend...


Personne n'aurait pu croire en cela.
Jamais.
Il y aura bien entendu toujours quelques Narcisses égocentristes pour dire "je m'en doutais, je ne l'aimais pas, son attitude permettait de laisser penser que..." mais peu importe après tout.


Hanish aimait avant tout la Liberté, et refusait catégoriquement que certains se croient supérieurs aux autres, quels qu'ils soient, Dieux, Hommes, Bêtes, ou quelque mélange qu'il soit de tout ça.
Il avait été toute sa vie en marge de la société qui l'avait vu naitre, fuyant la lumière de son propre Dieu, fuyant les siens et leurs tueurs, fuyant ses ennemis et leurs propres ennemis.

Il avait cru que le destin avait mis l'Histoire sur sa route, mais elle n'était pas celle qu'il croyait.
Les Dieux sont cruels en plus d'être imprévisibles.

Cela avait bien commencé, le Conclave des Ombre reprenait vie et prospérait doucement, discrètement.
Il menait ses mission, mal connues et mal comprises, aux marches du Royaume, essentiellement du repérage, de la cartographie, de la recherche de ressources... rares.
Bien entendu, il fallait assurer le quotidien et entretenir le doute sur le but réel de la guilde.
Alors, complots, guet-apens, assassinats faisaient son renom et contribuaient à mener ses disciples à l'opprobre.

Et puis progressivement la guilde s'éteint, aussi discrètement qu'elle menait ses affaires, sans éclat, dans l'ombre.
La plupart disparaissait sans faire de bruit dans l'accomplissement de sa mission : Masklinn, Syriah, Ivar, Jaqen H'ghar, Hellrynn, Saëvitia...
Certains n'ont pas officiellement leur place parmi les ombres, probablement des noms auxquels on ne s'attendrait pas, mais ils resteront un mystère si ils ne se livrent pas d'eux-même.
Certains encore ont trahi et ne connaîtront jamais de répit, et il est nommé parmi eux un certain Dylan.

Et enfin, il en restait deux qui cheminaient côte à côte, et ce, depuis le début.

Le premier guidait la guilde dans le tourment.
Il était le plus juste, le plus habile et peut-être le seul honorable parmi les Ombres : Farouk Al Mahjoub
Hanish lui avait confié le destin de la compagnie avant de sombrer, dit-on, dans la solitude et la folie.
Il lui avait délégué le lourd fardeau laissé par les anciens disciples du Conclave, une mission pour prouver son allégeance aux ombres.
Il devrait retrouver l'artéfact le plus puissant possédé par la guide et porté par Hanish, fait du métal le plus rare et le plus précieux d'Ecridel, que même les Hauts Elfes et les Nains ne savaient plus forger.
Il devrait se mettre en route dès que possible, dès que Hanish aurait caché l'arme.
Il devrait prouver à tous qu'il était le seul à même de guider le Conclave des Ombres selon ses préceptes séculaires.
Lui seul possédait la clé qui ouvrirait les portes de la cache, une arme que seules les Ombres possédaient... et il ne resterait que lui.

Et le dernier était donc Hanish.
Avant de sombrer dans une folie incommensurable, il avait ourdi un complot, avec d'autres, pour venger les siens et ses alliés, avec ses moyens, ses méthodes : la discrétion et l'efficacité.
Il avait ses compétences pour cela, le camouflage, l'habileté, son art de l'assassinat, et puis surtout son arme, unique.
Pas celle que possédaient touts les Ombres, cette dague noire à manche ivoire, mais sa grande lame noire à deux mains, faite du même métal, mais qui plus est, enchantée, bien au-delà des compétences des meilleurs mages d'aujourd'hui...
Les légendes disaient qu'elle pouvait tuer par la seule peur qu'elle provoquait chez ceux qui la découvraient avant de rejoindre leur Dieu.
Mais sa folie prenant rapidement le dessus sur sa patience, et devant l'esprit festif qui gagnait tous ses alliés alors même que leurs ennemis se renforçaient, il décida de ne pas les attendre et de s'avancer dans la mission.
Il ferait un détour pour cacher l'arme et partirait en repérage pour guider ses compagnons vers leur mission, qui serait probablement sa dernière.
Il aurait mené sa mission à terme.

Cheminant de nuit le long de la Sorlin après avoir quitté Eltiri et ses festivités, Hanish le rôdeur rallia en réalité les marches du Nord à pas forcés.
Un scénario imprévu prenait naissance dans sa tête, sans qu'il en connaisse parfaitement les contours, faisant confiance à son intuition tandis que sa lucidité le quittait progressivement.
Il dût combattre à de nombreuses reprises, manquant de solder pour toujours sa destinée.
Bandits, orcs, trolls, araignées géantes... tous se liguaient contre lui.

Il survit.

Arrivé à destination, il reçut un message d'un elfe perdu dans sa douleur, et ne pût à son tour que lui accorder sa demande : lui offrir une mort honorable les armes à la main au milieu de ses ennemis en fête.
Cela acheva de le convaincre des idées qui prenaient forme de plus en plus précisément.
Que méritaient-ils, tous autant les uns que les autres ?
Il reprit son chemin sans attendre l'issue des duels, et pas même si ses anciens alliés avaient accordé sa mort à leur ennemi, malgré leur arrogance...

Parvenu au Nord de la grande cité des Naël'Kaldora, Hanish l'assassin se dissimula parmi les arbres, furetant de droite et de gauche, frôlant les sentinelles et quelques Centaures imprudents sans même qu'ils ne s'en aperçoivent.
Il aurait pu accomplir une partie de sa mission déjà, tuer l'Ennemi puis se replier en silence.
Il n'en fit rien, son objectif était tout autre.
Il continua son chemin jusqu'au lieu le plus sacré des Centaures : les Collines de la Lune.
Jamais, de mémoire d'humain ou d'homme-bête, un Hélion n'avait vu les arbres de cette colline, ni même approché la cité des Centaures d'aussi près par le Nord.
Jamais, pensa-t-il, aucun autre être vivant qui ne soit Centaure ou Elfe ne poserait les yeux sur ces collines et leurs ouvrages si sacrés.
Plus affûté que jamais, l'assassin se fraya un passage parmi les gardes et les jeunes Centaures venus prouver leur foi.
Pendant la nuit, il passa devant les prêtresses sans qu'elles ne voient en tournant leur regard vers lui rien d'autre qu'une nuit un peu plus noire qu'alentours, un instant fugace.

Il était invisible.

Alors, Hanish fût ébahi par les stèles des centaures et les piliers de lumière lunaire, si brillants dans la nuit.
Et puis ce fût le choc en apercevant l'autel d'Aletheria, d'un marbre si blanc, immaculé, une lumière si pure et si froide...
Il ne pût que poser un genou à terre, respectueux, la lumière de la déesse ennemie produisant sur lui le même effet que son propre Dieu : des Ombres !
L'assassin bascula définitivement dans la folie, un instant ultra-lucide puis les brumes éternelles.

Confondu, il se crût en charge d'une nouvelle mission, très différente de celle pour laquelle il avait fait tout ce chemin.

Discrètement, derrière l'autel de la Déesse, il se débarrassa de toutes ses possessions, restant nu comme au premier jour, aucun habit n'entravant ses mouvements.
Il enterra sa dague au pied de l'autel, personne ne la chercherait jamais ici.
Il mit tout le reste du matériel derrière une stèle qui semblait faite uniquement pour ça, dans l'autel même de ses ennemis.
Il déposa finalement devant la stèle l'extrait d'orbe sacré qu'il avait toujours sur lui et marqua l'autel d'une dague griffée à la hâte, marquant sa pointe d'une larme de son propre sang.

Alors il revint dans la nuit vers la prêtresse, en transe devant l'autel.

Il la tuerait proprement, sans la faire souffrir, sans qu'elle ne pose son regard pur sur la lame terrifiante.
Puis il irait attendre la mort aux portes du sanctuaire.
Cela irait vite, il ne se défendrait pas.

Jamais un Hélion n'avait tué une prêtresse, jamais un Hélion n'avait souillé l'autel sacré.
La haine serait immense.

Un Centaure ou un Elfe Sylvain, toutefois, aurait son heure de gloire tandis que Hanish rejoindrait les limbes, loin de son propre Dieu.
A dire vrai, il n'aimait pas les Dieux.
Ils l'avaient trahi.


L'arme destinée à Farouk serait aux mains de ses ennemis, des ennemis de tous les Hélions et de tous les Hommes-bêtes.
Ils crieraient vengeance, tandis que les autres crieraient à la traîtrise.
Il y aurait une bataille, pour tout ce qui s'est passé.
De toute façon ils n'aspirent tous qu'à ça, ça ne serait qu'un bon motif...

Et puis chaque camp avait maintenant un artéfact de l'autre.
Sauraient-ils en tirer profit pour la paix ou motif pour la guerre ?


Quoi qu'il en soit, la mission serait encore plus difficile que jamais elle ne le fût pour un maître de la guilde.

Mais les Légendes n'ont pas de prix.
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