Mais ça, c'était avant
#1
Le doux son du clairon l'éveillait. Elle grogna un peu et mit le drap sur sa tête en se bouchant les oreilles. Stratagème que nous qualifierons de relativement efficace, jusqu'à ce qu'une jeune fille la pousse hors de son lit. Elle chuta lourdement sur le sol avant de se redresser vivement face à l'autre qui riait bêtement, l'air sombre.

« Je suis tordue de rire, vraiment. »

L'autre leva les yeux au ciel en soupirant.

« Tu devrais plutôt me remercier, ça t'évitera d'être à la traîne.
- Je ne l'aurais pas été. Il y a des manières moins brusques de réveiller un individu. Déjà que le clairon, ça va bien cinq minutes…
- Oh, la pauvre fifille.
»

Elle n'eut pour réponse qu'un regard glacial. N'essayant même plus de faire la conversation, elle sortit du petit dortoir avec ses affaires. Toutes les autres filles qui semblaient loger là n'étaient plus présentes.
La jeune fille, restée seule, noua rapidement ses longs cheveux de jais derrière sa tête et soupira. Ce qu'elle pouvait en avoir marre d'être ici. La vulgarité de la plupart de ses camarades était à déplorer selon elle. Alors oui, peut-être qu'elle était une « gosse de riche » comme l'on dirait aujourd'hui, mais pourtant elle n'était que la fille d'un modeste marchand de dromadaires… Qui avait su tirer parti de ses connaissances en commerce, certes.
Elle s'habilla prestement. Pourquoi devait-elle rester ici ? Elle n'était là que pour apprendre à se battre… Ce n'est pas comme si le camp n'était pas en ville ! Elle pourrait dormir chez elle et ne venir que pour son entraînement. Mais visiblement, elle serait trop avantagée par rapport aux autres. Pour ce qu'elle en avait à faire.

Elle sortit finalement et s'en alla vers le réfectoire. Une vaste pièce où il n'y avait déjà plus grand monde. Comme de toute façon elle n'avait pas vraiment faim, elle ne prit qu'un fruit qu'elle mangea en se dirigeant vers l'extérieur, pour ce qu'ils appelaient des « cours ».
Il aurait déjà fallu que les professeurs savent quelque peu réfléchir pour pouvoir en donner, selon elle, mais elle n'allait pas trop se plaindre, l'instructeur des archers semblaient avoir deux sous d'intelligence. Par contre, l'instructeur de combat au corps à corps… Sa stupidité était presque consternante, et elle se demandait comment se faisait-ce qu'il soit encore là. Quoique, mieux valait-il l'avoir ici que sur le champ de bataille, c'est sûr… Mais ce n'était pas non plus une bonne idée qu'il forme les futures recrues.

Elle détourna ses yeux du grand imbécile qu'était cet instructeur pour les poser sur son instructeur et rejoindre par la même occasion son « groupe ». Celui-ci était constitué d'une quinzaine de personnes, toutes hétéroclites. C'était à se demander ce que certains faisaient là par moment. Le pire, c'est que filles et garçons étaient mélangés de façon égale. Qui avait eu cette idée stupide ? Il n'y avait pas une journée où elle n'avait pas envie de massacrer l'un de ses lourdauds – vous savez, à cet âge… Avec les filles, ça allait déjà un peu mieux. Et, cela pourrait vous surprendre, mais elle s'entendait bien avec la plupart d'entre elles, sauf celle qui l'avait réveillé par exemple. Enfin… Il y avait également un garçon qui n'était pas comme les autres. Il en faut bien un me direz-vous. Il était plus calme, et ne cherchait pas à attirer l'attention sur lui. Cela changeait. Mais elle ne lui parlait pour ainsi dire pas. Elle n'en avait pas grand chose à faire des autres.
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#2
Blablabla. Le prof et son baratin. Elle se demandait comment pouvait-on être aussi ennuyeux et surtout pourquoi parlait-il autant, alors que savoir tirer correctement à l'arc ne s'apprenait qu'avec la pratique. Elle n'écoutait qu'à moitié, préférant observer les autres, qui d'ailleurs n'écoutaient pas bien plus. Quelques un(e)s parlaient dans leur coin, d'autres semblaient juste totalement ailleurs et enfin, certain(e)s suivaient. Mais de toute façon, le professeur n'en avait rien à faire. Il continuait à parler dans le vent, l'air blasé. Il devait en avoir vu des élèves tout autant inattentifs. Et il devait aussi savoir que ce « cours » ne servait à rien.

La jeune fille jouait avec la corde de son arc d'un air distrait, écoutant le groupe qui se trouvait derrière elle parler. C'était les filles à qui elle ne parlait pour ainsi dire jamais. Et vu leur conversation – mon dieu, que c'était gnangnan - elle en venait à se demander si elles étaient là pour apprendre à se battre… Ou pour se trouver des maris. Elle n'aurait vraiment su le dire, mais elle penchait pour la deuxième option. Elle soupira.

Elle tourna la tête vers la droite, sentant un regard posé sur elle. Et effectivement, un des garçons la fixait et lui sourit lorsqu'il s'aperçut qu'elle l'avait remarqué. Qu'est-ce qu'il lui voulait encore celui-là ? Elle reposa ses yeux sur l'instructeur. Ce jouvenceau était bizarre avec elle, il était tout gentil. Trop gentil. Elle fronça les sourcils. Il fallait qu'elle se méfie de lui.

Et puis, le groupe de jeunes hommes tout à droite qui ricanait bêtement… Ça lui donnait envie de se lever et d'aller leur dire de se la f… de se taire d'une façon peu polie. Oui, elle était un peu misandre, puisqu'elle ne voulait pas entendre les garçons alors que les filles derrière elle parlaient aussi pas mal. Mais elles au moins ne ricanaient pas.

Une main se posa sur son bras gauche et elle posa son regard sur la personne à qui elle appartenait en souriant. Oui, elle savait sourire. Heureusement qu'Alia était là. Elle, elle la comprenait. Elle savait par exemple qu'il valait mieux la laisser dormir. Et elle était d'accord avec elle sur pleins de choses. Julanr pouvait considérer s'être fait une amie.


Heureusement qu'il n'avait pas que des cours théoriques ! Et qu'il n'avait pas que des cours d'archerie. On leur apprenait également les bases du combat au corps à corps. Encore heureux. Ce n'était pas tout de savoir tirer, il fallait aussi savoir s'ébattre. Pardon. Se battre.

L'instructeur lui avait dit lors d'un cours que non, les coups dans les parties génitales des hommes ne comptaient pas. Dommage. Mais ce n'est pas ce qu'aurait dit l'idiot qu'elle avait mis à terre à ce moment-là. Cela restait très efficace. Et amusant.

Alors, vous êtes peut-être en train de vous dire « Mais quelle connasse ! », ou ce genre de choses. Et vous avez sans doute raison. Mais de son point de vue, elle n'accordait simplement pas d'importance à des gens qui n'en valaient pas. Hautaine et sadique sur les bords, c'était tout. Ou peut-être que c'est ce qu'elle cherchait à faire croire ?
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#3
On l'avait envoyé chercher des armes. Seule. Bon, Alia avait proposé de l'aider mais elle préférait ne pas se faire aider. Franchement, il n'aurait pas pu envoyer quelqu'un d'autre ? Elle avait peut-être été trop sèche avec l'instructeur de combat, cela devait être pour ça… Si l'on ne pouvait même plus dire la vérité ! Enfin, il valait sans doute mieux ça qu'un renvoi…

Apparemment, il n'y avait « qu' » une dizaine d'épées à rapporter. Elle avait de la force, mais elle ne savait pas de quelles types d'épées il s'agissait, et elle doutait de pouvoir toutes les porter… Peut-être dans un sac ? Elle demanderait.

Elle se rendit donc chez le forgeron. Heureusement qu'il était tout prêt ! Elle entra dans la petite cour de la forge et se dirigea vers le seul humain présent, qui travaillait le métal, de dos. Il avait l'air grand, et musclé. A force de forger des armes, forcément… Elle n'allait pas rester plantée là soixante ans à attendre qu'il se stoppe, puisqu'il n'avait pas dû l'entendre approcher. Aussi ne s'embêta-t-elle pas à palabrer, parlant d'une voix suffisamment forte pour couvrir le bruit du marteau sur le fer forgé.

« Bonjour, je viens chercher des armes pour le camp d'entraînement. »

Le jeune homme se retourna alors, et Julanr resta la bouche entrouverte un instant. C'était quoi cette petite barbiche ? Elle se retint de pouffer de rire, mais ne put empêcher un sourire de naître sur son visage. Il avait le teint hâlé des cheveux bruns et les yeux marron, comme tout Hélion ordinaire. Il avait l'air naïf. Et ahuri sur les bords. Il semblait un peu plus vieux qu'elle, et cette impression n'était pas arrangée par ce début de bouc qui ne lui allait pas du tout… Mais cela ne la regardait pas après tout.

Elle discuta un peu avec lui, le temps qu'il lui donne les armes qu'elle était venue chercher. Il s'appelait Anwaar. Il semblait gentil comme tout et doux comme un agneau. Cela la changeait de la plupart des hommes - ou plutôt des garçons - du camp. Pourtant il devait savoir se battre. Il aimait la forge, et cela se voyait : il avait forgé une partie des lames qu'elle devait transporter, et en était très fier. Il lui dit aussi qu'il adorait les loukhoums, d'un seul coup. Parce que quoi ? Elle avait une tête à faire des loukhoums et lui en apporter peut-être ? Il était tout de même quelque peu ailleurs…

Enfin, elle venait tout de même de passer un court mais agréable moment. En repartant, elle se retourna.

« Désolée, mais… C'est vraiment ridicule. » dit-elle en souriant et se touchant le menton, comme pour lui indiquer que sa barbiche ne lui allait pas.
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