10-06-2014, 20:24:12
Avec un frémissement de terreur, Selim se raidit en équilibre précaire au bord de la falaise. Quelques cailloux, chassés par ses bottes, disparurent dans le vide dans un silence vertigineux. Déglutissant péniblement, il se retourna en direction des pics infranchissables qui constituaient la frontière du royaume d'Andoras, et plissa des paupières pour tenter de distinguer avec davantage de netteté les alentours chimériques.
-Il s'en est fallu de peu, gamin, que tu n'expérimentes le principe de gravité de la plus empirique – et fatale – des façons.
Fronçant des sourcils avec suspicion, Selim darda son regard en direction de son maître, Waheed Mahzab, qui se trouvait face à lui, confortablement adossé contre la paroi tellurique. Et garda le silence, puisque la présence du vieil érudit aussi loin de Babylios n'avait qu'une seul explication rationelle : il s'agissait d'une nouvelle illusion de la trompeuse magie Holdar, dont il avait été victime quelques heures auparavant. Et comme s'il lisait les pensées de son ancien apprenti, le vieillard reprit, sans se formaliser d'aucune façon du mutisme de son ancien élève :
-Le fait que tu t'abstiennes de converser avec l'hallucination que je suis me rassure quant à ta lucidité, gamin. J'ai toujours apprécié ta clarté d'esprit si particulière, qui te permet d'appréhender le monde tel qu'il est, par-delà le voile des interprétations fallacieuses. Hélas, tu es encore loin de savoir mettre cette clarté en oeuvre pour en tirer des conclusions logiques et des décisions pertinentes.
Une flèche, surgie de nulle part, se ficha dans les mailles recouvrant le torse de Selim, les perforant jusqu'à sa chair. Serrant des dents, le jeune Hélion referma son poing autour du bois du projectile, et, après une inspiration résolue, l'arracha telle une dent cariée, avec un grognement étouffé de douleur. Waheed Mahzab, pour sa part, secoua la tête d'un air de reproche.
-Je vois que tu as enfin compris. En tant qu'illusion, mon but est d'être une distraction pour toi. Donc, avant de recevoir le trait fatal, cesse de regarder dans ma direction, équipe-toi de ton bouclier, et concentre-toi pour rationaliser la douleur que tu ressens afin qu'elle cesse d'être un handicap. Il ne s'agit que d'une information corporelle après tout, rien d'autre.
Selim n'hésita pas longtemps avant d'obtempérer à ces injonctions pleines de bon sens. Il en avait la certitude désormais : la présence de son ancien maître avait beau n'être qu'une illusion, elle demeurait une manifestation de son propre esprit. A n'en pas douter, pour en affiner le réalisme, la magie Holdar puisait dans ses propres souvenirs pour créer l'image de Waheed Mahzab. Ce qui signifiait que ses propos étaient nécessairement imprégnés de sa sagesse.
Un mouvement subtil à la périphérie de son champ de vision lui fit lever le bras par réflexe, et la flèche suivante fut déviée par son bouclier, avant de se perdre dans le lointain. Détournant la tête en direction de l'origine de l'attaque, il tenta de distinguer son assaillant. En vain.
-Ne soit pas aussi prompt à réfuter une hypothèse sous prétexte qu'elle soit trop éloignée du champ du plausible. Tu as bel et bien vu ce qu'il y avait à voir, c'est à dire rien. Après tout, puisque la magie Holdar est en mesure de rendre visible ce qui n'existe pas, n'est-il pas concevable qu'elle puisse également dissimuler aux sens ce qui existe ?
Se baissant lestement, Selim évita une nouvelle flèche surgie du néant. Il n'y avait plus de doutes à avoir. Il avait déjà été témoin de la discrétion quasi surnaturelle de certains de ses compatriotes, qui confinait à l'invisibilité. Mais l'ennemi qui lui faisait face était pour sa part vraiment invisible, ce dont il avait à présent la certitude. Et il n'était probablement pas seul. D'un large mouvement de la tête, il examina rapidement les environs en quête de solutions, jusqu'à distinguer des silhouettes lointaines, au pied de la falaise, se dirigeant aussi vite que possible dans sa direction. Il reconnut ses compagnons, qui venaient sans nul doute le tirer de cette situation épineuse, mais ils étaient encore si loin ...
-Une stratégie défensive a pour finalité d'éviter la défaite, non d'emporter la victoire. Tu sais donc ce qu'il te reste à faire, gamin : tenir bon, autant de temps qu'il le faudra. Et au vu de ta situation, je ne puis que te souhaiter bonne chance. Tu vas en avoir besoin.
-Il s'en est fallu de peu, gamin, que tu n'expérimentes le principe de gravité de la plus empirique – et fatale – des façons.
Fronçant des sourcils avec suspicion, Selim darda son regard en direction de son maître, Waheed Mahzab, qui se trouvait face à lui, confortablement adossé contre la paroi tellurique. Et garda le silence, puisque la présence du vieil érudit aussi loin de Babylios n'avait qu'une seul explication rationelle : il s'agissait d'une nouvelle illusion de la trompeuse magie Holdar, dont il avait été victime quelques heures auparavant. Et comme s'il lisait les pensées de son ancien apprenti, le vieillard reprit, sans se formaliser d'aucune façon du mutisme de son ancien élève :
-Le fait que tu t'abstiennes de converser avec l'hallucination que je suis me rassure quant à ta lucidité, gamin. J'ai toujours apprécié ta clarté d'esprit si particulière, qui te permet d'appréhender le monde tel qu'il est, par-delà le voile des interprétations fallacieuses. Hélas, tu es encore loin de savoir mettre cette clarté en oeuvre pour en tirer des conclusions logiques et des décisions pertinentes.
Une flèche, surgie de nulle part, se ficha dans les mailles recouvrant le torse de Selim, les perforant jusqu'à sa chair. Serrant des dents, le jeune Hélion referma son poing autour du bois du projectile, et, après une inspiration résolue, l'arracha telle une dent cariée, avec un grognement étouffé de douleur. Waheed Mahzab, pour sa part, secoua la tête d'un air de reproche.
-Je vois que tu as enfin compris. En tant qu'illusion, mon but est d'être une distraction pour toi. Donc, avant de recevoir le trait fatal, cesse de regarder dans ma direction, équipe-toi de ton bouclier, et concentre-toi pour rationaliser la douleur que tu ressens afin qu'elle cesse d'être un handicap. Il ne s'agit que d'une information corporelle après tout, rien d'autre.
Selim n'hésita pas longtemps avant d'obtempérer à ces injonctions pleines de bon sens. Il en avait la certitude désormais : la présence de son ancien maître avait beau n'être qu'une illusion, elle demeurait une manifestation de son propre esprit. A n'en pas douter, pour en affiner le réalisme, la magie Holdar puisait dans ses propres souvenirs pour créer l'image de Waheed Mahzab. Ce qui signifiait que ses propos étaient nécessairement imprégnés de sa sagesse.
Un mouvement subtil à la périphérie de son champ de vision lui fit lever le bras par réflexe, et la flèche suivante fut déviée par son bouclier, avant de se perdre dans le lointain. Détournant la tête en direction de l'origine de l'attaque, il tenta de distinguer son assaillant. En vain.
-Ne soit pas aussi prompt à réfuter une hypothèse sous prétexte qu'elle soit trop éloignée du champ du plausible. Tu as bel et bien vu ce qu'il y avait à voir, c'est à dire rien. Après tout, puisque la magie Holdar est en mesure de rendre visible ce qui n'existe pas, n'est-il pas concevable qu'elle puisse également dissimuler aux sens ce qui existe ?
Se baissant lestement, Selim évita une nouvelle flèche surgie du néant. Il n'y avait plus de doutes à avoir. Il avait déjà été témoin de la discrétion quasi surnaturelle de certains de ses compatriotes, qui confinait à l'invisibilité. Mais l'ennemi qui lui faisait face était pour sa part vraiment invisible, ce dont il avait à présent la certitude. Et il n'était probablement pas seul. D'un large mouvement de la tête, il examina rapidement les environs en quête de solutions, jusqu'à distinguer des silhouettes lointaines, au pied de la falaise, se dirigeant aussi vite que possible dans sa direction. Il reconnut ses compagnons, qui venaient sans nul doute le tirer de cette situation épineuse, mais ils étaient encore si loin ...
-Une stratégie défensive a pour finalité d'éviter la défaite, non d'emporter la victoire. Tu sais donc ce qu'il te reste à faire, gamin : tenir bon, autant de temps qu'il le faudra. Et au vu de ta situation, je ne puis que te souhaiter bonne chance. Tu vas en avoir besoin.