The dawn will never rise again.
#1
Musique proposée pour la lecture.



The dawn will never rise again.

Au cœur de la forêt où naquirent jadis les centaures des larmes de la déesse bafouée, il y avait une petite clairière habitée par quelques loups et un ours nonchalant. A l'heure où la chouette se réveille, il n'y avait pas âme qui vive pour fouler la terre de Kaldora, pas âme qui vive pour prononcer un seul mot dans le silence pesant d'un soir à la lune ronde.

Pour tout bruissement, le pas lourd et lent de quelques sabots retentait encore, ici et là, marchant sans audace, dans un pas mesuré. Quatre lourds sabots sombres donnaient des appuis solides à un corps robuste et blanc comme l'argent.
Le crin de la bête était rouge pourtant ; rouge sang. Un étrange mélange de douceur et de violence donnait à la silhouette un air inquiétant. Où bien était ce ces yeux d'or ?

Elle était calme, l'étrange créature, l'air serein et le regard paisible.
Ses flancs étaient amochés de quelques flèches. Le cuir de sa croupe était abîmé, des plaies traçaient par la magie du soleil à même la peau des fils de la Lune. Elle ne semblait pour autant pas en souffrir. Son air était indifférent. Tout ce qui se passait autour d'elle ne l'intéressait guère, ne l'inquiétait guère. Il n'y avait plus rien, si ce n'est elle, et la Lune.

Dans son crâne, elle revoyait seulement des brides d'affrontement, de poursuite. Une embuscade aux abords de la Tour des mages, de quelques hélions, des brigands et des sorciers, des assassins aussi. Elle avait pris des coups de part et d'autres avant de tomber à genoux, douloureusement mais elle avait tenu.
Par la grâce des Dieux seulement, elle avait également survécu.

Elle aurait du mourir là bas. Elle aurait du périr tant de fois... et pourtant, elle était encore là.

« Et cela, je ne te le dois qu'à toi... Mère... »

Ses yeux se levèrent doucement vers le ciel, croisant de ses prunelles d'or l'astre lunaire. Il était beau là haut, accroché comme une reine, entouré de lumières et d'étoiles scintillantes. Et la centaurine ne se sentait que davantage inspiré au cœur de la forêt noire, sous les rares rayons pâles de la déesse immaculée malgré la souillure.

Eurybie, car tel était son nom, et son nom signifiait « cœur de pierre », détacha de son flanc l'arme qu'elle avait reçu par son père, un immense estramaçon, et la planta dans le sol sans y porter un seul regard. Elle ravala douloureusement sa salive, et se rappela des tonnes de souvenir.
Son cœur accéléra, et elle sentit sur ses épaules une pression immense, sans arriver à définir véritablement si elle était douloureuse ou agréable à ressentir.

Elle se souvenait alors de son enfance, de ses deux sœurs joueuses et bavardes, de son petit frère également, un petit gaillard un peu trouillard. Sa mère, Améthelia, avait été la plus adorable des créatures de Kaldora. Son père, Theris, le plus fort trublion et un solide champion au sein de l'armée.
Ils vivaient tous une vie agréable au nord de Kaldora. En sécurité.

Elle se souvenait aussi d'être partie un soir, et de n'être jamais revenue...

Elle fit alors quelques pas de nouveau, secouant la tête pour chasser de sa pensée les souvenirs, tantôt douloureux, tantôt doux. Elle détacha cette fois ci de son autre flanc une autre lame, plus fine et plus légère mais bien plus belle. La lame était faite d'argent, et elle brillait davantage dans la nuit. D'excellente facture, elle semblait ciselée par le plus grand des artisans, ou à défaut, le plus amoureux du minerai de la déesse.
Sur le plat de la lame, on pouvait distinguer des gravures abîmées, quoi que pas si anciennes : « Fostral Stihld », par la Grâce des étoiles. Tel était le nom de la lame d'argent qui, au jour de l'entrée d'Eurybie dans le corps militaire centaure, avait été donné à sa plus fidèle amie.
Jamais la lame n'avait quitté la main de sa maîtresse, et jamais elle ne l'avait déçu.



Devant les sabots noirs de la centaurine, le lac se dessinait enfin. Elle pencha la tête, observant le reflet de la lune à la surface de l'eau. Il n'y avait pas un seul petit remous, aussi le reflet était lisse, et il semblait à la centaure que la lune n'avait jamais été si proche d'elle.
Si elle se penchait, elle aurait pu déposer sa main à même l'eau, et peut être aurait elle pu sentir le froid de la Lune, sa rigueur et sa douceur maternelle.

Inspirant profondément, elle souleva Fostral Stihld et la planta profondément dans le sol. La lame trancha le berceau d'Halista sans soucis. Droite devant le lac, son reflet à présent accompagnait à la surface du lac la lune : toutes deux s'affichaient, sereines, côte à côte, imperturbables.

Les yeux d'or d'Eurybie cherchèrent quelques secondes les mots, les raisons et les choses qui faisaient qu'elle en était arrivée là, elle qui avait pourtant un destin tout tracé. Devenir forgeronne avait été un rêve d'enfant. Elle serait tombée amoureuse d'un autre centaure, et ensemble, ils auraient donner du sang neuf à la lignée de Theris Brevaarihl...
Cela aurait pu être.

Mais à la vérité, elle n'en avait jamais vraiment eu envie non plus.

Ses cuisses blessées se plièrent et lentement, dans un mouvement calculé, Eurybie se mit à genoux, se couchant devant la lame, tenant toujours dans sa main gauche la large targe qui lui avait servi de nombreuses fois à sauver les siens. Erihl et Adihl s'inscrivaient à l'intérieur de la targe en grandes lettres salement gravées un soir autour du feu.
Ces lettres lui rappelaient qu'elle avait une nouvelle famille. Cela lui réchauffait le cœur et apaisait ses plaies.

Elle n'avait pas abandonné sa famille ; elle l'avait agrandie au peuple centaure.
Elle n'avait pas fuit sa maison ; elle avait fait de tout Kaldor son nid.
Elle n'avait pas privé son cœur d'amour ; elle s'y était dévouée.


A cette idée, une lueur brilla dans le fond de son regard d'or. Une forme de satisfaction, de contentement ; elle, Eurybie Brevaarihl, venait de définir sa vie en quelques mots, et pour une rare fois dans son existence, elle se trouvait étonnamment utile.

La centaurine leva doucement les mains, posant ses doigts sur la garde de Fostral et déclama à haute voix, avec la force de ceux qui sont convaincu :

« Moi, Eurybie, fille d'Aletheria, je promet d'abandonner les plaisirs de la chair et du luxe pour me dévouer à aimer tous les centaures comme j'aime ma Mère ; j'abandonne ma famille car les centaures sont tous mes frères et mes sœurs et qu'entre eux je ne ferais aucune distinction ; je promet d'être le bouclier en temps de guerre pour protéger tout ceux qui ont besoin d'un rempart, mais je serais l'épée vengeresse pour tous ceux qui s'acharneront sur les plus faibles.
Moi, Eurybie, fille d'Aletheria, je renie mon nom, ma famille, mon amour et ma maison, pour ne plus t'aimer et te servir, toi, ma Mère, et mon unique juge... »


Les yeux d'or de la centaurine brillèrent par l'émotion. Elle n'allait pas versé de larmes car elle ne souffrait d'aucune sorte après un tel discours, mais elle se sentait d'humeur à passer par toutes les épreuves, prise de l'illusion d'être protégée contre tout à présent.

Elle se redressa rapidement et retira de la terre Fostral, l'épée d'argent bénie, avec l'intime conviction que ce jour marquerait un tournant dans sa vie de nouvelle paladin...
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